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CA DOUAI (ch. 8 sect.3), 6 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 8 sect.3), 6 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 3
Demande : 22/00497
Décision : 22/830
Date : 6/10/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/01/2022
Numéro de la décision : 830
Référence bibliographique : 5985 (logique des sanctions)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9864

CA DOUAI (ch. 8 sect.3), 6 octobre 2022 : RG n° 22/00497 ; arrêt n° 22/830 

Publication : Judilibre

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00497. Arrêt n° 22/830. N° Portalis DBVT-V-B7G-UCUQ. Jugement (R.G. n° 21/00604) rendu le 6 janvier 2022 par le juge de l'exécution de Béthune.

 

APPELANTE :

Sarl Althea Gestion

[Adresse 1], [Localité 8], Représentée par Maître Didier Darras, avocat au barreau de Béthune

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [Date naissance 3] à [Localité 13] - de nationalité française, [Adresse 5], [Localité 6], Représentée par Me Mélanie Pas, avocat au barreau de Béthune (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

 

DÉBATS à l'audience publique du 8 septembre 2022 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Catherine Convain, conseiller, Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 6 septembre 2022

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte notarié du 3 avril 2008, le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a consenti à M. Y. et à Mme X., son épouse, mariés sous le régime de la séparation des biens et dont le divorce a par la suite été prononcé par jugement en date du 16 février 2018, un prêt d'un montant de 193.512 euros remboursable sur une durée maximum de 300 mois au taux d'intérêt de 5,15 % l'an, révisable, en vue de l'acquisition d'une maison d'habitation située à [Adresse 10], les époux Y. étant tenus solidairement.

L'immeuble objet du financement a été vendu par adjudication dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière.

Par acte du 21 décembre 2016 à effet au 31 décembre 2016, le Crédit immobilier de France développement a cédé un ensemble de créances à la société Althéa gestion.

Le 19 septembre 2018, la société Althéa gestion a fait signifier à Mme X. une attestation de cession de sa créance ainsi, en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié du 3 avril 2008, qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 52.996,49 euros.

Le 28 septembre 2020, la société Althéa gestion a fait délivrer à Mme X., en vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié du 3 avril 2008, un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur une somme en principal de 53.320,78 euros.

Le 6 octobre 2020, la société Althéa gestion a fait inscrire au service de la publicité foncière de [Localité 14], en vertu du même acte, une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits indivis de Mme X. sur un immeuble situé à [Adresse 12], cadastré section AM numéro de plan [Cadastre 7] ainsi que sur un immeuble situé à [Localité 9], « La Plage », cadastré section BK numéro de plan 29 Lots [Cadastre 2] et [Cadastre 4], inscription dénoncée à Mme X. le 13 octobre 2020.

Le 15 octobre 2020, la société Althéa gestion a déposé, en vertu du même acte, une requête au greffe du tribunal de proximité de Lens aux fins de saisies des rémunérations de Mme X., pour un montant de 53.391,35 euros.

Par actes en date des 16 février 2021 et 4 mai 2021, Mme X. a fait assigner la société Althéa gestion devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Béthune aux fins de contester ces mesures.

Par jugement contradictoire en date du 6 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Béthune a :

- joint les trois affaires enregistrées sous les numéros de RG 21/00604, RG 21/00605, 21/01504 ;

- écarté les fins de non-recevoir opposée par Mme X. à l'encontre de la société Althéa gestion quant aux trois actions aux fins de voies d'exécutions diligentées à son encontre ;

- annulé le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 découlant d'une créance alléguée par la société Althéa gestion pour un montant de 52.655,39 euros en principal et de 53.320,78 euros, frais de procédure compris, qui figure sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 ;

- dit que cette créance principale n'est pas certaine, liquide et exigible ;

- annulé les deux autre actes d'exécution litigieux, à savoir la demande d'autorisation de saisie des rémunérations contestée par la débitrice lors de l'audience du 7 janvier 2021 ainsi que la demande de validation d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée le 6 octobre 2020 puis dénoncée à Mme X. le 13 octobre 2020, pour un montant total de 53.058,19 euros, portant sur les droits indivis qu'elle détient sur les immeubles d'[Localité 11], C. de P., cadastré section AM numéro de plan [Cadastre 7], ainsi que sur la Commune d'[Localité 9] « La Plage », cadastré section BK numéro de plan 29 lots [Cadastre 2] et [Cadastre 4] ;

- mis les entiers dépens de procédure recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, à la charge de la société Althéa gestion ;

- laissé les parties supporter leurs frais irrépétibles.

[*]

Par déclaration adressée par la voie électronique le 31 janvier 2022, la société Althéa gestion a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- annulé le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 découlant d'une créance alléguée par la société Althéa gestion pour un montant de 52.655,39 euros en principal et de 53.320,78 euros, frais de procédure compris, qui figure sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 ;

- dit que cette créance principale n'est pas certaine, liquide et exigible ;

- annulé les deux autres actes d'exécution litigieux, à savoir la demande d'autorisation de saisie des rémunérations contestée par la débitrice lors de l'audience du 7 janvier 2021 ainsi que la demande de validation d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée le 6 octobre 2020 puis dénoncée à Mme X. le 13 octobre 2020 ;

- mis les entiers dépens de procédure recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, à la charge de la société Althéa gestion ;

- laissé les parties supporter leurs frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 août 2022, elle demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement déféré ;

- juger que le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 découlant d'une créance d'un montant de 52.655,39 euros en principal et de 53.320,78 euros frais de procédure compris, a été valablement délivré et emporte déchéance du terme ;

- juger que sa créance est certaine, liquide et exigible avec toutes les conséquences de droits sur les procédures d'exécution engagées lesquelles seront validées ;

- condamner Mme X. à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame X. aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de la SELARL d'avocats Coquempot-Darras sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose que sa créance est certaine, liquide et exigible car :

- lorsque le débiteur a été mis en demeure d'exécuter et qu'il a été informé qu'à défaut d'exécution la déchéance du terme interviendrait, il n'est pas nécessaire de procéder à une seconde notification de la déchéance du terme elle-même ; or, en l'espèce, une mise en demeure restée sans effet a bien été envoyée à Mme X. par lettre recommandée adressée le 19 septembre 2012 ;

- si la mise en demeure contient une erreur matérielle sur le prénom de la destinataire (L. au lieu de R.) et mentionne le nom d'usage « Y. », le facteur a pu néanmoins identifier Mme X. comme destinataire, à telle enseigne que la lettre a été retournée avec la mention 'non réclamé - retour à l'envoyeur' et non 'inconnu à l'adresse - retour à l'envoyeur ;

- d'autres courriers recommandés de mise en demeure ont été adressés les 7 novembre 2010, 8 août 2011 et 23 février 2012 sur lesquelles le prénom exact de Mme Y. était repris.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 août 2022, Mme X. demande à la cour sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, L. 111-2, R. 512-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, 1244-1 ancien du code civil, subsidiairement l'article 1343-5 nouveau du code civil, L. 3252-13 du code du travail, L. 218-2 du code de la consommation de :

- la déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* annulé le commandement de payer aux fins de saisie vente en date du 28 septembre 2020 découlant d'une créance alléguée par la société Althéa Gestion pour un montant de 52.655,39 euros en principal et de 53.320,78 euros, frais de procédure compris, qui figure sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 28 septembre 2020 ;

* dit que cette créance principale n'était pas certaine, liquide et exigible ;

* annulé les deux autres actes d'exécution litigieux, à savoir la demande d'autorisation de saisie des rémunérations contestée par la débitrice lors de l'audience du 7 janvier 2021 ainsi que la demande de validation d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée le 6 octobre 2020 puis dénoncée le 13 octobre 2020, pour un montant total de 53.058,19 euros portant sur les biens indivis qu'elle détient sur les immeubles d'[Localité 11], C. de P., cadastré section AM numéro de plan [Cadastre 7], ainsi que sur la Commune d'[Localité 9] « la Plage » cadastré section BK numéro de plan 29, Lots [Cadastre 2] et [Cadastre 4] ;

* mis les dépens de la procédure, recouvrés comme en matière d'Aide Juridictionnelle, à la charge de la société Althéa Gestion ;

- le réformer pour le surplus et notamment en ce qu'il a écarté les fins de non-recevoir qu'elle opposait quant aux droits, actions aux fins de voies d'exécution diligentées à son encontre et statuant à nouveau de :

* déclarer la SARL Althéa gestion irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes notamment pour cause de prescription et défaut de qualité à agir ;

* déclarer abusive la clause du contrat de prêt en date du 3 avril 2003 XI exigibilité anticipée défaillance de l'emprunteur clause pénale prévoyant notamment que « le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prélevées deviendront intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés » ;

* prononcer la nullité de cette clause et dire et juger qu'elle est nulle et non avenue ;

* dans tous les cas, déclarer la société Althéa gestion dépourvue d'une créance certaine, liquide et exigible ;

* déclarer par conséquent la SARL Althéa gestion irrecevable et mal fondée dans sa demande d'autorisation de saisie des rémunérations à son détriment et l'en débouter ;

* déclarer par conséquent nul et de nul effet le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 28 septembre 2020, par la SARL Althéa gestion, par le ministère de la SCP Glorieux & Manchez, Huissiers de justice associés à Lille ;

* déclarer par conséquent nulle et de nul effet l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire à l'initiative de la SARL Althéa gestion, portant sur ses droits indivis sur les immeubles suivants d'[Localité 11], C. de P., cadastré section AM numéro de plan [Cadastre 7] et sur la commune d'[Localité 9], « La plage », cadastré section BK numéro de plan 29, Lots [Cadastre 2] et [Cadastre 4], inscription effectuée le 6 octobre 2020 et dénoncée le 13 octobre

2020 ;

A titre subsidiaire,

prononcer la réduction de la clause pénale à un euro (article 1152 ou 1231-5 du code civil) ; par conséquent, ordonner le cantonnement des sommes garanties par la mesure de sûreté provisoire litigieuse à la créance alléguée au titre de ladite clause pénale, à due concurrence de la somme de un euro; ordonner également le cantonnement de la mesure de saisie-vente, au titre de cette clause pénale, à due concurrence de la somme de un euro; déclarer enfin que la saisie des rémunérations ne pourra être effectuée, au titre de la clause pénale, qu'à due concurrence de la somme de un euro ;

prononcer la réduction au taux légal des intérêts portant sur le principal le cas échéant dû à la SARL Althéa gestion, au visa de l'article 1244-1 du code civil (ou à défaut, de l'article 1343-5 du code civil actuel) ; par conséquent, ordonner le cantonnement des sommes garanties par la mesure de sûreté provisoire litigieuse à la créance alléguée au titre des intérêts, à due concurrence des intérêts au taux légal ; ordonner également le cantonnement de la mesure de saisie-vente, au titre des intérêts, à due concurrence des intérêts au taux légal ; déclarer enfin que la saisie des rémunérations ne pourra être effectuée, au titre des intérêts, qu'à due concurrence des intérêts au taux légal ;

dire et juger que les paiements qu'elle effectuera au profit de la Sarl Althéa gestion s'imputeront par priorité sur le capital, au visa de l'article 1244-1 du code civil (ou à défaut, au visa de l'article 1343-5 du code civil actuel) ;

Dans tous les cas,

- débouter la SARL Althéa gestion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- faire sommation à la société Althéa gestion de justifier de la date à laquelle la distribution des fonds a eu lieu dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;

- la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la qualité à agir de la société Althéa gestion, Mme X. expose que :

- l'attestation de cession de créance jointe à l'acte de « signification d'attestation de cession de créance et commandement de payer aux fins de saisie-vente » du 19 septembre 2018 a été établie par le Crédit immobilier de France développement alors que le titre exécutoire en vertu duquel l'action est menée mentionne comme prêteur le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne qui est une société différente ;

- l'attestation de cession de créance mentionne un prêt en date du 2 avril 2008 alors que celui en vertu duquel la société Althéa gestion prétend agir date du 3 avril 2008 de sorte que cette attestation ne mentionne pas un même acte notarié que celui présenté au soutien de la mesure d'exécution forcée.

Sur la prescription de l'exécution forcée, Mme X. fait valoir que :

- les époux Y. agissaient en qualité de consommateurs lorsqu'ils ont souscrit le prêt de sorte qu'en application de l'article L. 218-2 du code de la consommation, c'est la prescription biennale qui est applicable ;

- le décompte produit montre que le dernier règlement est du 18 mars 2013, les règlements effectués en 2014 étant relatifs aux suites de la vente sur saisie immobilière intervenue le 23 octobre 2014 ;

- le dernier règlement qu'elle a effectué et qui est en prendre en considération date du 26 octobre 2011 ;

- l'effet interruptif de prescription tiré de la saisie-immobilière attaché au commandement se poursuit jusqu'à la date de distribution du prix et non jusqu'à la date de consignation du prix de vente, date qui est inconnue et dont la société Althéa gestion doit justifier car ce n'est que le 19 septembre 2018 qu'elle a délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente ;

- à supposer que la prescription biennale n'ait pas été acquise au 19 septembre 2018, la signification du commandement de payer a bien été effectuée à cette date conformément aux articles 655 et suivants du code de procédure civile de sorte que la prescription était acquise quand le commandement aux fins de saisie-vente du 28 septembre 2020 a été délivré, l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite et la requête aux fins de saisie des rémunérations déposée.

Sur l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible, Mme X. soutient que :

- la société Althéa gestion ne justifie pas de la lettre de déchéance du terme qui aurait dû être envoyée à l'expiration du délai mentionné dans le courrier de mise en demeure du 19 septembre 2012 ;

- en tout état de cause, la mise en demeure qui lui a été adressée le 19 septembre 2012 n'est pas valable car elle mentionne un prénom erroné ;

- de plus, la clause du contrat de prêt prévoyant le prononcé de la déchéance du terme après une simple mise en demeure de régulariser sous huit jours est abusive et doit donc être déclarée nulle en vertu de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

Mme X. fait observer en outre que l'indemnité de résiliation anticipée insérée dans le contrat de prêt est une clause pénale d'un montant excessif, la banque ayant d'ores et déjà perçu une somme de 187 785 euros et elle ne justifie d'aucune poursuite à l'égard de M. Y.

A l'appui de ses demandes subsidiaires de réduction des intérêts au taux légal, d'imputation des paiements en priorité sur le capital, elle explique qu'elle est victime des investissements immobiliers hasardeux de son ex-mari, que le régime matrimonial n'est toujours pas liquidé, que ses ressources sont faibles et que le montant de la dette est élevé.

[*]

Par ordonnance en date du 30 août 2022, la présidente de chambre a déclaré irrecevables les développements figurant à la page 7 des conclusions de la société Althéa gestion du 24 août 2022, commençant par la phrase « Les versements intervenus à la suite de l'adjudication doivent compter pour interrompre la prescription » et s'achevant par la phrase « Ainsi le commandement de payer du 28 septembre 2020 n'est pas prescrit, puisque le dernier acte interruptif est le 9 octobre 2018 et non le 19 septembre 2018 », ainsi que la pièce n°10 communiquée par cette société.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Mme X. formant appel incident des dispositions du jugement déféré qui ont rejeté ses fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et de la prescription, il convient d'examiner ces fins de non-recevoir en premier lieu.

 

Sur la qualité de créancier de la société Althéa Gestion :

Il incombe à la société Althéa gestion d'apporter la preuve de sa qualité de cessionnaire de la créance que détenait le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne à l'encontre de M. Y. et de Mme X. en vertu de l'acte notarié de prêt du 3 avril 2008.

Le prêt du 3 avril 2008 a été consenti aux époux Y. par le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne inscrit au RCS de Lyon sous le numéro 391 563 393 alors que c'est le Crédit immobilier de France Développement inscrit au RCS de Paris sous le numéro 379 502 644 qui est mentionné comme créancier cédant sur l'attestation relative à la cession de créance à la société Althéa Gestion.

Si la société Althéa gestion mentionne dans ses écritures qu'au 1er juin 2015 le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne a fait l'objet d'une fusion-absorption, l'entité juridique devenant alors le Crédit immobilier de France développement, immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 379 502 644, force est de constater qu'elle ne produit devant la cour aucune pièce démontrant cette opération de fusion-absorption.

Il n'est pas ainsi pas établi que la société Althéa gestion ait acquis la créance à l'égard de M. Y. et de Mme X. d'une société qui en était titulaire.

La société Althéa gestion ne justifie donc pas de sa qualité de créancier à l'égard de Mme X., le jugement devant être infirmé en ce qu'il a écarté cette fin de non-recevoir.

 

Sur la prescription de l'exécution forcée :

Le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a retenu que la prescription applicable était la prescription biennale de l'article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation qui dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Pour que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompe le délai de prescription, il faut que cette reconnaissance soit dépourvue d'équivoque. Une telle reconnaissance peut résulter du paiement d'un ou plusieurs acomptes par le débiteur.

Selon l'article 2245 alinéa 1er du même code, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.

Selon l'article 2244 du même code, le délai de prescription est également interrompu par un acte d'exécution forcée.

En vertu de l'article 2242 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance

Selon l'article L. 311-1 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie immobilière tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou, le cas échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix

Il en résulte que l'effet interruptif de prescription attaché au commandement de payer valant saisie immobilière puis à l'assignation à l'audience d'orientation se poursuit jusqu'au terme de la procédure de saisie immobilière marqué par la distribution.

L'attribution du prix de vente de l'immeuble est régie par les dispositions de l'article R. 332-1 du code des procédures civiles d'exécution quand il y a un créancier unique. Ainsi, ce créancier adresse au séquestre ou à la Caisse des dépôts et consignations, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les deux mois de la publication du titre de vente, une demande de paiement de sa créance accompagnée de diverses pièces. Le séquestre ou la Caisse des dépôts et consignations procède au paiement dans le mois de la demande. Dans le même délai, le débiteur est informé du montant versé au créancier.

En pareil cas, la distribution se termine donc au jour du paiement du prix au créancier unique et l'effet interruptif de prescription se poursuit jusqu'à cette date.

En l'espèce, il ressort du décompte versé aux débats par la société Althéa gestion que la prescription a été interrompue, non seulement par les versements que Mme X. a effectués mais également par les versements faits par M. Y., co-emprunteur solidaire, le dernier étant intervenu le 18 mars 2013.

En outre, la prescription avait, avant même ce dernier versement, également été interrompue par le commandement aux fins de saisie immobilière de l'immeuble acquis grâce au prêt du 3 avril 2008 qui a été délivré à M. Y. et Mme X. le 13 février 2013, puis par l'assignation à l'audience d'orientation délivrée aux débiteurs et l'effet interruptif de prescription s'est poursuivi jusqu'au 19 novembre 2014, date à laquelle le créancier poursuivant a perçu le prix d'adjudication, ainsi qu'il résulte du décompte produit mentionnant la somme de 150.000 euros en crédit à cette date avec la mention « adjudication ».

Aucun effet interruptif ne sera accordé au versement de 2.559,57 euros fait par chèque le 24 novembre 2014 à défaut d'en connaître la nature et l'auteur.

Si le décompte produit porte la mention « Solde CIF au 31.12.2016 52.655,39 € », la date du 31 décembre 2016 correspond visiblement à la date à laquelle la créance a été arrêtée en vue de la transmission de celle-ci à la société Althéa gestion en vertu de l'acte de cession de créances du 21 décembre 2016, à effet au 31 décembre suivant, sans qu'aucun effet interruptif de la prescription ne soit entraîné par cet arrêté de compte.

En conséquence, quand le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 19 septembre 2018 a été délivré à Mme X., la prescription était acquise depuis le 19 novembre 2016. Il en était d'autant plus ainsi lors de la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente le 28 septembre 2020, de l'inscription de l'hypothèque judiciaire conservatoire le 6 octobre 2020 et du dépôt de la requête en saisie des rémunérations le 15 octobre 2020.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de déclarer irrecevable l'action en recouvrement engagée par la société Althéa Gestion à l'égard de Mme X. sur le fondement de l'acte notarié du 3 avril 2008.

 

Sur les dépens :

Partie perdante, la société Althéa gestion sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de la demande qu'elle forme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il l'avait condamnée aux dépens de première instance.

Mme X., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sera déboutée de la demande qu'elle forme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Althéa gestion aux dépens ;

Infirme le jugement sur le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action en recouvrement engagée par la société Althéa Gestion à l'égard de Mme X. sur le fondement de l'acte notarié du 3 avril 2008 ;

Déboute la SARL Althéa gestion et Mme X. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Althéa gestion aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                                                       LE PRESIDENT

Ismérie CAPIEZ                                                     Sylvie COLLIERE