CA DOUAI (3e ch.), 6 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9866
CA DOUAI (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/05483 ; arrêt n° 22/358
Publication : Judilibre
Extrait : « En l'espèce, il est constant que les échéances du prêt immobilier sont restées impayées en totalité à compter du mois de mars 2017, ce que les co-emprunteurs ne pouvaient sérieusement ignorer.
La Société générale soutient avoir envoyé aux époux X. deux lettres de mise en demeure le 29 mai puis le 29 juin 2018. Si elle n'est pas en mesure de produire la première, elle verse néanmoins au débat l'accusé de réception signé le 30 mai 2018 au nom de « X. » ; celle-ci dénie sa signature soutenant qu'il s'agit de celle de son beau-père, mais la cour observe que Mme X. est à cette période domiciliée à [Adresse 8] (62) à l'adresse indiquée sur le document, les relevés de compte du couple étant de décembre 2016 à mai 2018 tous libellés à cette adresse.
La seconde lettre de mise en demeure du 29 juin 2018 produite par M. X., qui ne conteste pas l'avoir reçue, fait expressément référence au précédent courrier du 29 mai 2018, et annonce un sursis de huit jours à l'exigibilité anticipée du prêt.
Par lettre du 25 juillet 2018 adressée à M. et Mme X., le prêt a été rendu immédiatement exigible pour une somme de 168.459,53 euros, en ce compris l'indemnité forfaitaire de remboursement anticipé de 9.904,22 euros.
Contrairement à ce prétend Mme X., ce courrier de résiliation a été réceptionné tant par son mari que par elle-même, ainsi qu'en attestent les signatures portées le 26 juillet 2018 sur les deux accusés de réception.
Si Mme X. conteste avoir signé les deux accusés de réception le 30 mai et 26 juillet 2018, il reste pour autant que son époux a bien reçu la mise en demeure du 29 juin 2018 et qu'ils ont souscrit ensemble un engagement solidaire et indivisible en vertu duquel chaque codébiteur solidaire doit être considéré comme le représentant nécessaire de son co-obligé en application des articles 1203 et 1204 anciens du code civil.
Dans un courriel du 27 juillet 2018 dans lequel il se présente comme courtier « spécialiste en prêts immobiliers », M. X. s'adresse au conseiller de la Société générale l'invitant à plaider sa cause auprès de sa hiérarchie en ces termes : «'ayant eu d'énormes problèmes personnels, je n'ai pas géré mon crédit immobilier de façon correcte. Je m'en excuse sincèrement. […] J'ai appelé M.'[J] pour lui indiquer que j'avais les fonds nécessaires pour régulariser la situation, les arriérés, etc... Or le lendemain, je reçois un AR m'informant de l'exigibilité du prêt. […] En effet, je peux rembourser les pénalités, honorer les futurs prélèvements, avoir un garant, rembourser une partie par anticipation si besoin. Cela permettra de lever le fichage [..]. Je compte sur vous pour […] me communiquer les coordonnées bancaires sur lesquelles je peux faire le virement rapidement. »
Ce document établit à l'évidence que M. et Mme X. avaient compris le motif de la résiliation anticipée du prêt, et avaient même cherché à procéder rapidement au paiement du solde.
M. X. ne justifie pas des pourparlers qu'il prétend avoir engagés dès 29 juin 2018 avec le service recouvrement de la banque pour apurer ses mensualités de retard ; en effet, son premier courriel de protestation est rédigé le 27 juillet 2018 après réception de la lettre prononçant la déchéance du terme du prêt immobilier de sorte que, conformément aux dispositions prévues à l'article 11 des conditions générales, la banque était légitime à maintenir sa position.
En l'espèce, l'analyse des pièces produites montre que le prêteur, avant de prononcer de façon irrévocable la déchéance du terme du prêt par suite de la défaillance des co-emprunteurs, leur avait bien adressé deux mises en demeure préalables lesquelles précisaient le délai de huit jours dont ils disposaient pour y faire obstacle en réglant les sommes échues impayées, et sont néanmoins restées totalement infructueuses.
Dès lors, M. et Mme X. échouent à démontrer que la banque aurait commis une faute à leur égard lors du prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier étant ici rappelé, d'une part, qu'ils ne réglaient plus les mensualités du prêt depuis seize mois et, d'autre part, qu'ils en étaient co-débiteurs solidaires, de sorte que l'argument selon lequel Mme X. ne gérait pas les comptes au sein du couple et disposait de fonds personnels lui permettant d'apurer l'arriéré, est indifférent. ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2026
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/05483. Arrêt n° 22/358. N° Portalis DBVT-V-B7F-T5QS. Jugement (R.G. n° 20/03201) rendu le 18 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 7], de nationalité française, [Adresse 3], [Localité 5]
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 1] à [Localité 7], de nationalité française, [Adresse 3], [Localité 5]
Représentés par Maître Hélène Cappelaere, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE :
SA Société Générale
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité à ladite adresse, [Adresse 4], [Localité 6], Représentée par Maître Régis Debavelaere, avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Guillaume Salomon, président de chambre, Claire Bertin, conseiller, Danielle Thébaud, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
DÉBATS à l'audience publique du 2 juin 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. Les faits et la procédure antérieure :
Suivant offre de prêt émise le 25 juillet 2007 et acceptée le 9 août 2007, la Société générale a consenti à M. X. et à son épouse Mme Y. (M. et Mme X.) un prêt immobilier d'un montant de 198.535,03 euros remboursable en 324 mensualités au taux d'intérêt de 4,06 % l'an, hors assurance groupe, pour financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'un immeuble à usage d'habitation principale.
A compter de mars 2017, des échéances du prêt immobilier sont demeurées impayées, les mensualités de retard s'élevant à la fin du mois de juin 2018 à la somme de 15.940,41 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2018, la Société générale a notifié à M. et Mme X. la résiliation anticipée du prêt, les mettant en demeure de payer le solde à hauteur de 168.459,73 euros, en ce compris l'indemnité forfaitaire de remboursement anticipé d'un montant de 9.904,22 euros.
Les emprunteurs se sont acquittés des sommes restant dues.
Par acte du 3 juin 2020, M. et Mme X. ont fait assigner la Société générale devant le tribunal judiciaire de Lille lui reprochant d'avoir provoqué de façon irrégulière et fautive la déchéance du terme de leur prêt, et lui réclamant en conséquence le paiement de l'indemnité de remboursement anticipé, outre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel et moral.
2. Le jugement dont appel :
Par jugement rendu le 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
1. débouté M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes ;
2. condamné in solidum M. et Mme X. aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile ;
3. condamné in solidum M. et Mme X. à payer à la Société générale la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
3. La déclaration d'appel :
Par déclaration du 26 octobre 2021, M. et Mme X. ont formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions dans des conditions de forme et de délai non contestées.
4. Les prétentions et moyens des parties :
4.1. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 14 janvier 2022, M. et
Mme X. demandent à la cour, au visa des articles 1184, 1134, 1147 anciens, 1225, 1226 et suivants du code civil, L. 312-93 et L. 212-1 du code de la consommation, d'infirmer l'intégralité du jugement critiqué et, statuant à nouveau, de :
- condamner la Société générale à leur payer les sommes suivantes :
* 9.904,22 euros au titre de l'indemnité de remboursement anticipée ;
* 10.187,76 euros et 1.200 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
* 20.000 euros chacun en réparation du préjudice moral subi ;
- ordonner la mainlevée du fichage bancaire au titre du compte à vue et du prêt immobilier, et condamner la Société générale à y procéder sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- ordonner la déchéance des frais, commissions bancaires, intérêts débiteurs, et condamner la Société générale à produire un décompte expurgé des intérêts débiteurs, frais de rejet et commissions bancaires ;
- condamner la Société générale à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de l'instance ;
- en toute hypothèse, juger abusive la clause de déchéance du terme dispensant le prêteur de mettre préalablement en demeure l'emprunteur.
A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme X. font valoir que :
- avant la déchéance du terme, seul M. X. a été rendu destinataire d'une lettre de mise en demeure à l'exclusion de son épouse, qui n'a pas été informée de la situation financière et a perdu une chance de pouvoir apurer le montant du solde débiteur ;
- le prêt n'a pas été rendu totalement et immédiatement exigible ;
- par courrier du 25 juillet 2018 réceptionné le 27 juillet 2018 par M. X., la Société générale a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt, réclamant le paiement de 168.459,73 euros comprenant l'indemnité forfaitaire de 9'904,22 euros ;
- M. X. a contacté la banque dès le 27 juillet 2018 pour tenter de solder les arriérés, éviter la déchéance du terme du prêt, et reprendre le paiement des échéances mensuelles ;
- le 27 août 2018, le conseiller bancaire a refusé toute solution amiable, notamment l'exonération du paiement de l'indemnité d'exigibilité anticipée ;
- la clause d'un contrat de prêt prévoyant la déchéance du terme en cas de défaillance de l'emprunteur non commerçant ne peut produire effet qu'après une mise en demeure préalable précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, et restée infructueuse ;
- la Société générale doit justifier avoir prononcé régulièrement la déchéance du terme après leur avoir adressé une mise en demeure préalable, ainsi que la lettre visant la clause résolutoire ; elle ne peut se dispenser de notifier aux emprunteurs une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception et visant la clause résolutoire ;
- Mme X. conteste avoir signé les accusés de réception du 30 mai et 26 juillet 2018, lesquels ont été envoyés par erreur à Chocques à l'adresse de son beau-père ;
- la banque ne verse pas au débat la lettre de mise en demeure du 29 mai 2018 qu'elle prétend leur avoir envoyé ;
- la Société générale s'est montrée déloyale envers eux en leur laissant croire à une possible solution amiable, en tardant à communiquer le relevé d'identité bancaire, et en laissant s'accroître les intérêts et frais qu'elle leur réclame désormais ;
- si Mme X. avait reçu les lettres de mise en demeure du 29 mai et 29 juin 2018, elle aurait sans nul doute régularisé les échéances échues impayées et repris le paiement des mensualités ;
- si le conseiller bancaire avait sérieusement pris en compte leur offre de régulariser les arriérés et transmis le relevé d'identité bancaire de son établissement, les échéances échues auraient été payées et la déchéance du terme du prêt n'aurait pas été prononcée ;
- dès lors que la Société générale les menaçait d'exécution forcée sur leurs biens et leurs personnes, ils contestent avoir renoncé tacitement à leur droit de dénoncer les agissements de celle-ci en payant les sommes dues en remboursement du prêt, d'autant qu'elle avait accepté, par courrier du 5 août 2019, de leur rétrocéder partiellement l'indemnité de remboursement anticipé à hauteur de 7.035,50 euros ;
- ils contestent le montant du solde débiteur du compte à vue, lequel est constitué de frais de rejet, commissions bancaires et intérêts débiteurs facturés indûment par la banque, et dont la déchéance doit être prononcée en application de l'article L. 312-93 du code de la consommation ;
- le maintien de leur fichage auprès de la Banque de France depuis le 29 juin 2018 est abusif dès lors que le prêt immobilier est désormais soldé, et que le solde débiteur du compte à vue provient de frais indus abusivement réclamés par la banque.
4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 février 2022, la Société générale, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de :
- condamner M. et Mme X. au paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Régis Debavelaere.
A l'appui de ses prétentions, la Société générale fait valoir que :
- par lettre du 25 juillet 2018 adressée aux deux époux, le prêt, qui leur avait été accordé solidairement, a été rendu immédiatement exigible pour un montant de 168.459,53 euros ;
- Mme X. a bien reçu la lettre visant la résiliation anticipée du prêt suivant l'accusé de réception du 26 juillet 2018 ;
- auparavant, elle avait adressé aux emprunteurs deux lettres du 29 mai et 29 juin 2018 lesquelles annonçaient un sursis à l'exigibilité anticipée, Mme X. ayant signé le 30 mai 2018 l'accusé de réception du premier courrier ;
- chaque co-débiteur solidaire est considéré comme le représentant nécessaire de ses co-obligés ;
- en vertu de l'article 14 des conditions générales, l'exécution des obligations, stipulées indivisibles et solidaires, peut être réclamée pour le tout à l'un quelconque des co-emprunteurs ;
- M. X. est un courtier spécialisé en matière de crédit immobilier ;
- le paiement du solde restant dû par les co-emprunteurs vaut acceptation de la résiliation anticipée ;
- elle a pris soin d'adresser plusieurs mises en demeure aux co-emprunteurs avant de prononcer la déchéance du terme du prêt ;
- la clause de résiliation anticipée du prêt est prévue au contrat de façon expresse, claire et non équivoque, de sorte que les emprunteurs sont parfaitement informés de leurs obligations, et que la clause ne peut être qualifiée d'abusive ;
- par suite de l'exécution volontaire de la prestation due, les appelants ont renoncé de façon implicite mais certaine, en application de l'article 1342 du code civil, à engager toute action en responsabilité contre la banque ;
- la facturation des frais de clôture de compte est contractuelle ;
- le fichage des co-emprunteurs défaillants auprès de la Banque de France a été effectué à bon droit, et le défichage ne peut avoir lieu qu'après règlement intégral des sommes dues au titre du compte à vue, en ce compris les frais et intérêts.
[*]
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes de l'article 1200 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le payement fait par un seul libère les autres envers le créancier.
Des pièces versées aux débats, il apparaît que le 25 juillet 2007, M. et Mme X. ont souscrit auprès de la Société générale une offre de prêt immobilier d'un montant en capital de 198.535,03 euros remboursable en 324 mensualités au taux d'intérêt de 4,06 % l'an, hors assurance groupe, pour financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'un immeuble d'habitation.
L'offre prévoyait en sa première page que « les emprunteurs agissent solidairement entre eux et sont considérés comme seul débiteur conformément à l'article 1200 du code civil ».
Les conditions générales de l'offre de prêt prévoyaient en leur article 11 intitulé « exigibilité anticipée - défaillance de l'emprunteur » :
« A - la Société générale pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, primes et surprimes d'assurance, échus mais non payés dans l'un des cas suivants :
- non-paiement à son échéance d'une mensualité ou de toute somme dues à la société générale, à un titre quelconque en vertu des présentes ; […]
Dans l'un des cas ci-dessus, la société générale notifiera à l'emprunteur […] par lettre recommandée avec AR qu'elle se prévaut de la présente clause et prononce l'exigibilité anticipée du prêt.
La Société générale n'aurait pas à faire prononcer en justice la déchéance du terme qui lui demeurerait acquise nonobstant tous paiements ou régularisations postérieurs à l'exigibilité prononcée. »
En l'espèce, il est constant que les échéances du prêt immobilier sont restées impayées en totalité à compter du mois de mars 2017, ce que les co-emprunteurs ne pouvaient sérieusement ignorer.
La Société générale soutient avoir envoyé aux époux X. deux lettres de mise en demeure le 29 mai puis le 29 juin 2018. Si elle n'est pas en mesure de produire la première, elle verse néanmoins au débat l'accusé de réception signé le 30 mai 2018 au nom de « X. » ; celle-ci dénie sa signature soutenant qu'il s'agit de celle de son beau-père, mais la cour observe que Mme X. est à cette période domiciliée à [Adresse 8] (62) à l'adresse indiquée sur le document, les relevés de compte du couple étant de décembre 2016 à mai 2018 tous libellés à cette adresse.
La seconde lettre de mise en demeure du 29 juin 2018 produite par M. X., qui ne conteste pas l'avoir reçue, fait expressément référence au précédent courrier du 29 mai 2018, et annonce un sursis de huit jours à l'exigibilité anticipée du prêt.
Par lettre du 25 juillet 2018 adressée à M. et Mme X., le prêt a été rendu immédiatement exigible pour une somme de 168.459,53 euros, en ce compris l'indemnité forfaitaire de remboursement anticipé de 9.904,22 euros.
Contrairement à ce prétend Mme X., ce courrier de résiliation a été réceptionné tant par son mari que par elle-même, ainsi qu'en attestent les signatures portées le 26 juillet 2018 sur les deux accusés de réception.
Si Mme X. conteste avoir signé les deux accusés de réception le 30 mai et 26 juillet 2018, il reste pour autant que son époux a bien reçu la mise en demeure du 29 juin 2018 et qu'ils ont souscrit ensemble un engagement solidaire et indivisible en vertu duquel chaque codébiteur solidaire doit être considéré comme le représentant nécessaire de son co-obligé en application des articles 1203 et 1204 anciens du code civil.
Dans un courriel du 27 juillet 2018 dans lequel il se présente comme courtier « spécialiste en prêts immobiliers », M. X. s'adresse au conseiller de la Société générale l'invitant à plaider sa cause auprès de sa hiérarchie en ces termes : «'ayant eu d'énormes problèmes personnels, je n'ai pas géré mon crédit immobilier de façon correcte. Je m'en excuse sincèrement. […] J'ai appelé M.'[J] pour lui indiquer que j'avais les fonds nécessaires pour régulariser la situation, les arriérés, etc... Or le lendemain, je reçois un AR m'informant de l'exigibilité du prêt. […] En effet, je peux rembourser les pénalités, honorer les futurs prélèvements, avoir un garant, rembourser une partie par anticipation si besoin. Cela permettra de lever le fichage [..]. Je compte sur vous pour […] me communiquer les coordonnées bancaires sur lesquelles je peux faire le virement rapidement. »
Ce document établit à l'évidence que M. et Mme X. avaient compris le motif de la résiliation anticipée du prêt, et avaient même cherché à procéder rapidement au paiement du solde.
M. X. ne justifie pas des pourparlers qu'il prétend avoir engagés dès 29 juin 2018 avec le service recouvrement de la banque pour apurer ses mensualités de retard ; en effet, son premier courriel de protestation est rédigé le 27 juillet 2018 après réception de la lettre prononçant la déchéance du terme du prêt immobilier de sorte que, conformément aux dispositions prévues à l'article 11 des conditions générales, la banque était légitime à maintenir sa position.
En l'espèce, l'analyse des pièces produites montre que le prêteur, avant de prononcer de façon irrévocable la déchéance du terme du prêt par suite de la défaillance des co-emprunteurs, leur avait bien adressé deux mises en demeure préalables lesquelles précisaient le délai de huit jours dont ils disposaient pour y faire obstacle en réglant les sommes échues impayées, et sont néanmoins restées totalement infructueuses.
Dès lors, M. et Mme X. échouent à démontrer que la banque aurait commis une faute à leur égard lors du prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier étant ici rappelé, d'une part, qu'ils ne réglaient plus les mensualités du prêt depuis seize mois et, d'autre part, qu'ils en étaient co-débiteurs solidaires, de sorte que l'argument selon lequel Mme X. ne gérait pas les comptes au sein du couple et disposait de fonds personnels lui permettant d'apurer l'arriéré, est indifférent.
La régularité du prononcé de la déchéance du terme du prêt ne pouvant sérieusement être remise en cause, M. et Mme X. sont donc mal fondés à réclamer à la banque :
- le remboursement de l'indemnité de remboursement anticipé ;
- le remboursement des sommes exposées dans le cadre de la souscription d'un prêt familial entre particuliers, à savoir les sommes de 10'187,76 euros correspondant à un surcoût d'assurance emprunteur et de 1'200 euros correspondant aux frais notariés ;
- le versement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;
- la déchéance des frais, commissions bancaires, intérêts débiteurs, lesquels sont expressément prévus au contrat.
Aux termes de l'article 18 des conditions générales de l'offre de prêt, il est prévu que « les incidents de remboursements sont susceptibles d'être inscrits dans le Fichier national des incidents de paiement centralisé par la Banque de France. La Société générale informera les emprunteurs […] avant toute déclaration au fichier. »
S'agissant du fichage auprès de la Banque de France, si M. et Mme X. ont réussi à solder le prêt immobilier en souscrivant un prêt entre particuliers, il reste que le découvert bancaire de 3'834,78 euros au titre du compte à vue, lequel correspond à des frais, commissions et intérêts bancaires contractuellement prévus, n'a pas fait l'objet d'une régularisation, ce qui constitue un préalable nécessaire à tout défichage.
M. et Mme X. seront donc déboutés de leur demande tendant à voir ordonner sous astreinte la mainlevée de leur inscription au FICP.
Le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions.
M. et Mme X. qui succombent seront condamnés aux entiers dépens d'appel.
En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Régis Debavelaere avocat à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
L'équité commande de condamner M. et Mme X. à payer en cause d'appel à la Société générale une somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille ;
Y ajoutant,
Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel ;
Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maitre Régis Debavelaere avocat recouvrera directement contre M. X. et Mme Y. épouse X. les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
Condamne en outre à M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la Société générale la somme de 2'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Fabienne Dufossé Guillaume Salomon