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CASS. CIV. 2e, 15 septembre 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 2e, 15 septembre 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 2
Demande : 21-13670
Décision : 22-1001
Date : 15/09/2022
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:C201001
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 1001
Référence bibliographique : 5751 (crédit, information sur l’assurance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9886

CASS. CIV. 2e, 15 septembre 2022 : pourvoi n° 21-13670 ; arrêt n° 1001 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu l'article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime : 11. Il résulte de ce texte que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. 12. Le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé. […] 14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a exigé de l'emprunteuse la preuve d'une perte de chance raisonnable, a violé le texte et le principe susvisés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : T 21-13.670. Arrêt n° 1001 F-B.

DEMANDEUR à la cassation :

DÉFENDEUR à la cassation :

Président : M. Pireyre. Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Thouin-Palat et Boucard.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Mme X., domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 21-13.670 contre l'arrêt rendu le 9 février 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Banque populaire des Alpes, 2°/ à la société Allianz vie, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart, défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de Mme X., de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz vie, venant aux droits des sociétés AGF vie et AGF Iart, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, venant aux droits de la société Banque populaire des Alpes, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 février 2021), le 16 novembre 2006, la société Banque populaire des Alpes devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes (la banque), a consenti à Mme X. deux prêts immobiliers.

2. Afin de garantir le remboursement de ces prêts en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'incapacité de travail, Mme X. a adhéré à une assurance de groupe auprès de la société AGF, aux droits de laquelle est venue la société Allianz vie (l'assureur), et a déclaré dans le questionnaire de santé qu'elle suivait un traitement médical depuis 15 ans.

3. Le 31 août 2015, elle a été placée en arrêt de travail en raison de l'évolution défavorable de sa maladie et a sollicité le bénéfice de la garantie incapacité de travail.

4. Le 8 juin 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, l'assureur a informé Mme X. de son refus de prise en charge du sinistre, en raison d'une clause contractuelle excluant « les suites médicales ou conséquences d'antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d'adhésion ».

5. Le 12 juillet 2017, Mme X. a assigné notamment l'assureur et la banque, aux fins de condamnation, à titre principal, de l'assureur au paiement de l'indemnité contractuelle en raison de l'inopposabilité à l'assurée de la clause d'exclusion, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement d'une somme équivalente pour manquement à son obligation d'information et de conseil.

 

Examen des moyens :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

 

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Recevabilité du moyen, contestée par la défense :

7. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que celui-ci est contraire à l'argumentation développée par Mme X. devant les juges du fond, dès lors qu'elle sollicitait l'allocation d'une somme correspondant à l'intégralité de l'indemnité d'assurance qu'elle aurait perçue si la garantie de l'assureur avait été applicable, ce qui correspondait à un gain manqué et non à une perte de chance.

8. Cependant, dans ses conclusions d'appel, Mme X. ne remettait pas en cause le principe de l'indemnisation d'une perte de chance mais en discutait seulement le mode de calcul.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

 

Bien-fondé du moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

10. Mme X. fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir d'information et de conseil, alors « que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'où il résulte que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ; que la cour d'appel qui a constaté que la banque avait manqué à son devoir d'information et de conseil envers l'assurée et ne l'avait pas éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, l'a néanmoins déboutée de toute demande de réparation, aux motifs que Mme X. ne démontre pas que mieux informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre assureur la garantie exclue par le contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu l'article 1217 du code civil. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article 1147, devenu 1217, du code civil et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

11. Il résulte de ce texte que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.

12. Le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

13. Pour débouter Mme X. de ses prétentions contre la banque, l'arrêt, après avoir retenu la faute de la banque, énonce que le préjudice pouvant résulter de cette faute est une perte de chance dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut, que Mme X. se contente d'invoquer l'existence de la convention Areas sans fournir d'éléments sur l'application éventuelle de cette convention à sa situation personnelle et ne démontre pas que, plus complètement informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre la garantie exclue par le contrat.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a exigé de l'emprunteuse la preuve d'une perte de chance raisonnable, a violé le texte et le principe susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute Mme X. de ses prétentions contre la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, l'arrêt rendu le 9 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, par la société Allianz vie et celle formée par Mme X. en ce qu'elle est dirigée contre la société Allianz vie, et condamne la société Banque populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef attaqué de l'AVOIR déboutée de toutes ses demandes contre la société Allianz Vie ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; que le contrat d'assurance en garantie de prêt excluait des garanties perte totale et irréversible d'autonomie et arrêt de travail, de façon générale, indéfinie et imprécise « les suites et conséquences des antécédents de santé déclarés sur le questionnaire de santé » parmi de multiples autres clauses d'exclusion de garantie pour ces risques ; qu'en estimant néanmoins que cette clause d'exclusion de garantie noyée dans de multiples autres clauses d'exclusion, imprécise, générale et abstraite, de nature avec les autres clauses d'exclusion à vider la garantie de sa substance, était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef attaqué de l'AVOIR déboutée de son action en responsabilité contre la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes pour manquement à son devoir d'information et de conseil ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, d'où il résulte que toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ; que la cour d'appel qui a constaté que la banque avait manqué à son devoir d'information et de conseil envers l'assurée et ne l'avait pas éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, l'a néanmoins déboutée de toute demande de réparation, aux motifs que Mme X. ne démontre pas que mieux informée par la Banque Populaire, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre assureur la garantie exclue par le contrat ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1147 devenu l'article 1217 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 20), Mme X. faisait valoir, pièces à l'appui (prod. n° 22 du bordereau annexé à ses conclusions), qu'il résultait de la consultation du site internet « Bourse des crédits » qu'elle pouvait être assurée pour une éventuelle évolution défavorable d'une affection préexistante à son adhésion à l'assurance moyennant une surprime de 300 % qu'elle aurait pu régler sans difficulté compte tenu de ses revenus de l'époque ; qu'en énonçant que Mme X. se contente d'invoquer l'existence de la convention AERAS sans fournir d'autres éléments, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel et le bordereau de production y annexé, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge doit viser et analyser au moins succinctement les pièces versées aux débats ; qu'en s'abstenant totalement de viser et analyser la pièce n° 22 annexée aux conclusions de Mme X. et invoquées dans celles-ci de nature à établir qu'elle aurait pu être assurée pour une éventuelle évolution défavorable de son affection préexistante à son adhésion à l'assurance moyennant une surprime de 300 % qu'elle avait largement les moyens de payer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.