CASS. COM., 28 septembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9890
CASS. COM., 28 septembre 2022 : pourvoi n° 21-20731 ; arrêt n° 538
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 7. Selon l'article L. 420-3 du code de commerce, est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du même code. Il n'est pas exclu que l'application, le cas échéant, d'une telle clause, serait-elle nulle de plein droit, ait pu causer un préjudice aux cocontractants. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : T 21-20.731. Arrêt n° 538 F-B.
DEMANDEUR à la cassation : Société L'établissement Lorillard
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X. – Société T. - Société AVGR
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président). Avocat(s) : SCP Le Griel, SARL Cabinet Briard.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
La société L'établissement Lorillard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-20.731 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 chambre 4), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X., domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société T., société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société AVGR, anciennement dénommée société T. Chalons, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société L'établissement Lorillard, de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. X., de la société T. et de la société AVGR, anciennement dénommée société T. Chalons, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Michel-Amsellem, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2021), la société L'établissement Lorillard (la société Lorillard) est spécialisée dans la fabrication et l'installation de menuiseries industrielles sur mesure. Elle exploite la marque « Lorenove ».
2. Le 9 septembre 2010, la société T. a conclu avec la société Lorillard un contrat de concession exclusive sous le numéro 20100831, pour une durée de trois ans, pour l'exploitation de la marque et du concept « Lorenove » sur une partie du territoire de la Marne. Un autre contrat de concession exclusive a été signé postérieurement sous le numéro 20111102, pour une même durée, portant sur une autre partie du territoire de la Marne.
3. Ces contrats comportaient un article VIII relatif à une obligation de respect de prix conseillés.
4. Le 4 septembre 2015, la société T. et son gérant, M. X., ont assigné la société Lorillard en annulation du contrat de concession n° 20100831, notamment sur le fondement de l'article L. 420-1 du code de commerce, et en paiement de dommages-intérêts. Le 7 novembre 2016, la société T. Châlons, devenue la société AVGR, et son dirigeant, M. X., se prévalant du contrat n° 20111102, ont assigné la société Lorillard aux mêmes fins. Les instances ont été jointes.
5. Par arrêt du 31 juillet 2019, la cour d'appel de Paris a dit que l'article VIII des contrats constituait une stipulation prohibée par l'article L. 420-1 du code de commerce, qu'elle était nulle sans que cette nullité affectât la validité de l'ensemble des contrats de distribution, et, rouvrant les débats, a invité les parties à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice subi à raison de l'annulation de cette clause.
Examen du moyen :
Sur le moyen, pris en sa première branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
6. La société Lorillard fait grief à l'arrêt de la condamner, au visa de l'arrêt du 31 juillet 2019, à verser à la société T. la somme de 64 021,58 euros et à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation du préjudice qu'elles ont subi à raison de l'annulation de la clause de prix, et de la débouter de ses propres demandes, alors « que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, a jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'un du 9 septembre 2010, l'autre non daté, en ce qu'il obligeait le concessionnaire, d'une part, à respecter des tarifs applicables à certains comptes et clients négociés et, d'autre part, à respecter le tarif de vente conseillé par Lorenove, ce qui justifiait son annulation ; que la cour, avant dire droit, a alors, sur le préjudice dont la réparation était demandée de ce chef par les sociétés T. et M. X., invité les parties « à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice qu'ils ont subis à raison de l'annulation de ladite clause » ; qu'en faisant droit aux demandes des sociétés T. et AVGR de ce chef, quand aucun préjudice ne pouvait résulter de l'annulation d'une clause jugée illégale, cette annulation supprimant cette illégalité et le préjudice susceptible d'en résulter, la cour a violé l'article L. 420-1 du code de commerce. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
7. Selon l'article L. 420-3 du code de commerce, est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du même code. Il n'est pas exclu que l'application, le cas échéant, d'une telle clause, serait-elle nulle de plein droit, ait pu causer un préjudice aux cocontractants.
8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
9. La société Lorillard fait le même grief à l'arrêt, alors « que, pour annuler l'article VIII des contrats d'exclusivité litigieux, jugé illégal, la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, avait constaté, d'une part, qu'il imposait le respect de tarifs applicables à certains clients négociés par Lorenove, d'autre part, qu'il avait imposé le tarif de vente conseillé par Lorenove ; qu'il ne s'ensuivait cependant pas qu'un préjudice fût établi ; que, dans son arrêt du 9 juin 2021, la cour s'est fondée exclusivement sur la seconde illégalité relevée ; que, cependant, dans son arrêt du 31 juillet 2019, elle avait constaté que si un tarif de vente conseillé était imposé, le concessionnaire « conserv[ait] la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale », sous la seule réserve d'en informer la société Lorenove ; que si, comme l'a retenu la cour dans cet arrêt, cette liberté subsistante n'ôtait pas à la clause son illégalité de principe, en revanche elle établissait que la liberté du concessionnaire de fixer ses prix à sa convenance, en fonction de nécessités de concurrence locale dont il demeurait seul juge, n'avait jamais été entravée ; que, dès lors, ni la stipulation visée ni son annulation n'étaient susceptibles de causer au concessionnaire aucun préjudice résultant d'une fixation des prix conseillés ; qu'en condamnant dès lors la société Lorillard, de ce chef, à verser différentes sommes aux sociétés T. et AVGR, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 420-1 du code de commerce :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
10. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon le second, sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence sur un marché, les conventions, notamment lorsqu'elles tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
11. Pour condamner la société Lorillard à payer diverses sommes aux sociétés T. et AVGR à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la pratique de prix imposé par la société Lorillard a été établie par l'arrêt du 31 juillet 2019 qui a dit nul l'article VIII des contrats comme contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et qu'au regard de la date des faits générateurs du dommage entre 2010 et 2013, une entente entre concurrents a nécessairement causé un trouble commercial lorsqu'elle est reconnue, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que c'est vainement que la société Lorillard soutient que la preuve d'un préjudice découlant de l'annulation de l'article VIII des contrats ne serait pas rapportée.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
12. En statuant ainsi, alors que la pratique qu'elle avait retenue n'était pas une entente entre concurrents, qu'aucune présomption de préjudice ne découlait de la pratique relevée et qu'il lui appartenait d'établir le dommage causé par celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
13. La société Lorillard fait le même grief à l'arrêt, alors « que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, ayant jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'a annulé ; qu'elle avait cependant constaté, dans ce même arrêt, que les contrats contenant cet article avaient été conclus exclusivement entre la société Lorillard et la SAS T., à l'exclusion de la société T. Châlons ; qu'il s'ensuivait, sur le principe, que cette dernière, devenue société AVGR, n'ayant jamais été soumise à l'article VIII de ces contrats, n'avait pu subir aucun préjudice de son éventuelle application, non plus que de son annulation ; qu'en décidant dès lors, dans son arrêt du 9 juin 2021, de condamner la société Lorillard, à raison de cette annulation, à verser à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation de son préjudice supposé, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article L. 420-1 du code de commerce :
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
14. Ayant retenu l'existence d'un préjudice dans les conditions à juste titre critiquées par la troisième branche, l'arrêt condamne la société Lorillard à payer une certaine somme à la société AVGR à titre de dommages-intérêts.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
15. En se déterminant ainsi, après avoir relevé qu'il était vainement soutenu que le second contrat de concession avait été signé par la société T. Châlons, aucune référence à cette société ne figurant dans le contrat qui ne faisait état que de la société T. et sans établir en quoi cette société, tiers au contrat, avait pu subir un préjudice du fait de l'annulation d'une clause y figurant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société T., la société AVGR et M. X. aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société T., la société AVGR et M. X. et les condamne à payer à la société L'établissement Lorillard la somme globale de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société L'établissement Lorillard.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Lorillard fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Lorillard, au visa de son arrêt du 31 juillet 2019, à verser à la société T. la somme de 64.021,58 euros et à la société AVGR la somme de 62 952,93 euros en réparation du préjudice qu'elles ont subi à raison de l'annulation de la clause de prix, et de l'avoir déboutée de ses propres demandes,
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1° alors que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, a jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'un du 9 septembre 2010, l'autre non daté, en ce qu'il obligeait le concessionnaire, d'une part, à respecter des tarifs applicables à certains comptes et clients négociés et, d'autre part, à respecter le tarif de vente conseillé par Lorenove, ce qui justifiait son annulation ; que la cour, avant dire droit, a alors, sur le préjudice dont la réparation était demandée de ce chef par les sociétés T. et M. X., invité les parties « à conclure sur le principe, l'étendue et l'évaluation du préjudice qu'ils ont subis à raison de l'annulation de ladite clause » ; qu'en faisant droit aux demande des société T. et AVGR [ex T. Châlons] de ce chef, quand aucun préjudice ne pouvait résulter de l'annulation d'une clause jugée illégale, cette annulation supprimant cette illégalité et le préjudice susceptible d'en résulter, la cour a violé l'article L. 420-1 du code de commerce ;
2° alors que la loi interdit les conventions qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché », notamment en faisant « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » ; que la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, ayant jugé que tel était le cas de l'article VIII des deux contrats litigieux de concession exclusive, l'a annulé ; qu'elle avait cependant constaté, dans ce même arrêt, que les contrats contenant cet article avaient été conclus exclusivement entre la société Lorillard et la SAS T., à l'exclusion de la société T. Châlons (pp. 8-9) ; qu'il s'ensuivait, sur le principe, que cette dernière, devenue société AVGR, n'ayant jamais été soumise à l'article VIII de ces contrats, n'avait pu subir aucun préjudice de son éventuelle application, non plus que de son annulation ; qu'en décidant dès lors, dans son arrêt du 9 juin 2021, de condamner la société Lorillard, à raison de cette annulation, à verser à la société AVGR [ex T. Châlons] la somme de 62 952,93 euros en réparation de son préjudice supposé, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce ;
3° alors que, pour annuler l'article VIII des contrats d'exclusivité litigieux, jugé illégal, la cour, dans son arrêt du 31 juillet 2019, avait constaté, d'une part, qu'il imposait le respect de tarifs applicables à certains clients négociés par Lorenove, d'autre part, qu'il avait imposé le tarif de vente conseillé par Lorenove ; qu'il ne s'ensuivait cependant pas qu'un préjudice fût établi ; que, dans son arrêt du 9 juin 2021, la cour s'est fondée exclusivement sur la seconde illégalité relevée ; que, cependant, dans son arrêt du 31 juillet 2019, elle avait constaté que si un tarif de vente conseillé était imposé, le concessionnaire « conserv[ait] la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale », sous la seule réserve d'en informer la société Lorenove ; que si, comme l'a retenu la cour dans cet arrêt, cette liberté subsistante n'ôtait pas à la clause son illégalité de principe (p. 13, § 8), en revanche elle établissait que la liberté du concessionnaire de fixer ses prix à sa convenance, en fonction de nécessités de concurrence locale dont il demeurait seul juge, n'avait jamais été entravée ; que, dès lors, ni la stipulation visée ni son annulation n'étaient susceptibles de causer au concessionnaire aucun préjudice résultant d'une fixation des prix conseillés ; qu'en condamnant dès lors la société Lorillard, de ce chef, à verser différentes sommes aux sociétés T. et AVGR, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce ;
4° alors que tout jugement, à peine de censure, doit être motivé ; que ne répond pas à cette exigence le juge qui se borne, pour condamner une partie, à viser des pièces produites par une autre sans les examiner, même sommairement ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Lorillard, la cour a retenu qu'un lien de causalité « entre la pratique anticoncurrentielle et le trouble commercial » était établi par « les retours de clients mécontents ayant refusé les devis en raison de prix prohibitifs imposés par la société Lorillard » ; que, cependant, pour retenir l'existence de cette pratique de prix prohibitifs imposés et d'un lien de causalité entre ceux-ci et les refus de devis opposés aux sociétés T., la cour, qui a par ailleurs constaté que le concessionnaire avait « conservé la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés » (arrêt du 31 juillet 2019, p. 13, § 8), s'est bornée à énoncer que cela « résult[ait] des pièces 45 et 46 des appelants » ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir procédé à aucun examen, même sommaire, de ces pièces élaborées et produites par les sociétés T., par des motifs qui ne permettent même pas d'en connaître la nature et le contenu, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5° alors que pour justifier son affirmation selon laquelle la société Lorillard aurait infligé un préjudice à la société T. et à la société AVGR, en leur imposant des « prix prohibitifs », la cour s'est bornée à viser « les pièces 45 et 46 des appelants » ; que cependant ces pièces, établies par ces dernières, indiquent exclusivement, d'une part, les noms de clients et de commerciaux intervenus, les numéros de devis, les prix de vente et d'achats, les marges brutes et nettes et, d'autre part, le détail des ventes de produits T. et leur pourcentage dans le chiffre d'affaires de l'entreprise, le total des achats, le montant des charges variables et le taux de marge nette (31,56 %) ; que ces deux documents ne font état d'aucun prix imposé par la société Lorillard, étant rappelé que la cour a constaté que, selon l'article VIII annulé des contrats litigieux, « le concessionnaire conserve la liberté de fixation de ses prix ou des coefficients multiplicateurs conseillés afin de pouvoir s'adapter à la concurrence locale » (arrêt, 31 juillet 2019, p. 13, § 8) ; qu'en jugeant dès lors, pour condamner à paiement la société Lorillard, que les devis invoqués par les sociétés T. et AVGR avaient été refusés par des clients mécontents « en raison des prix prohibitifs imposés par la société Lorillard », sans avoir retenu aucun élément, ni par ces pièces ni en dehors, susceptible de justifier l'existence de ces « prix prohibitifs imposés », ni qu'ils auraient été cause du refus de « clients mécontents » de la société T., la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du code de commerce.