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CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 21/00196
Décision : 496/22
Date : 19/10/2022
Nature de la décision : Sursis a statuer
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/12/2020
Numéro de la décision : 496
Référence bibliographique : 9742 (prêt immobilier, indexation sur une monnaie étrangère)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9892

CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 octobre 2022 : RG n° 21/00196 ; arrêt n° 496/22 

Publication : Judilibre

 

Extrait (motifs) : « L'application en droit interne de la jurisprudence de la CJUE par la Cour de Cassation est susceptible d'avoir une influence sur la solution du présent litige.

La Cour d'appel ne peut pas apprécier les éléments du litige au regard de cette jurisprudence de la Cour de cassation sans soumettre cette jurisprudence à la contradiction des parties, afin d'assurer le respect non seulement du principe du contradictoire mais aussi plus largement celui du procès équitable, édicté par l'article 6 de la CEDH. »

Extrait (dispositif) : « Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 février 2022, Ordonne la réouverture des débats, Invite les parties à présenter leurs observations sur l'application, à l'espèce, de la jurisprudence issue des arrêts de la Cour de cassation des 30 mars 2022 et le 20 avril 2022 ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 21/00196. Arrêt n° 496/22. N° Portalis DBVW-V-B7F-HO3Y. Décision déférée à la Cour : 10 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile.

 

APPELANTS - INTIMÉS INCIDEMMENT :

Monsieur S. X.

[Adresse 1], [Adresse 1]

Madame B. X.

[Adresse 1], [Adresse 1]

Représentés par Maître Guillaume HARTER, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître METAYER-MATHIEU, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE SAINT PAUL

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2], [Adresse 2], [Adresse 2], Représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître DE RAVEL, avocat au barreau de STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 mars 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Vu le jugement du 10 novembre 2020, régulièrement frappé d'appel, le 10 décembre 2020, par voie électronique, par M. et Mme X.,

Vu la constitution d'intimée de la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse Saint-Paul du 20 janvier 2021,

Vu les conclusions de M. et Mme X. du 26 janvier 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu les conclusions de la Caisse de Crédit mutuel Mulhouse Saint-Paul du 9 février 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour,

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 16 février 2022,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Suivant offre de prêt immobilier émise le 21 juillet 1999 et acceptée par M. et Mme X., la Caisse leur a consenti un prêt d'un montant de 165.000 CHF, moyennant un taux d'intérêt de 3,5 % indexé sur l'index Libor 3 mois. Les intérêts et la cotisation d'assurance capital étaient payables chaque mois et le capital était remboursable le 31 août 2019.

Le prêt a été remboursé le 28 juillet 2020 à la suite de la vente du bien immobilier.

Par acte d'huissier délivré le 27 août 2019, les emprunteurs ont assigné la Caisse devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, qui a

déclaré irrecevable pour cause de prescription l'action en responsabilité et en dommages-intérêts, a déclaré recevable leur action en constatation du caractère abusif des clauses portant sur les dispositions relatives au recours à la devise suisse, à l'ouverture d'un compte en devises suisse, au taux de change, aux commissions de change, aux frais de tenue de compte, incluses dans l'offre de prêt immobilier émise le 21 juillet 1999 et acceptée le 4 août 1999, a rejeté cette action et leurs autres demandes et a statué sur les frais et dépens.

Devant la cour d'appel, les emprunteurs demandent, notamment, à la cour de juger que le recours au franc suisse comme l'objet des obligations des parties s'avère abusif et qu'en conséquence, les stipulations qui en découlent, à savoir celles instaurant un remboursement en franc suisse, un risque de change à la charge exclusive de l'emprunteur et une variation de la dette par rapport au franc suisse s'avèrent abusives.

Ils soutiennent notamment qu'il s'agit d'un prêt libellé en franc suisse, qu'ils remboursent en francs suisses, que la monnaie de paiement est le franc suisse, ce qui les conduit à supporter nécessairement les évolutions de la parité de change, leurs revenus étant en euros, et que le recours à un emprunt en francs suisses constitue une forme d'indexation déguisée, puisqu'ils ne peuvent rembourser le crédit que par des opérations de change en convertissant leurs euros en francs suisses.

La banque conclut, notamment, au fait que le caractère abusif du contrat de prêt relatif au remboursement en CHF et au risque de change ne peut être examiné dans la mesure où elles constituent l'objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible, et conclu au rejet des demandes. A titre subsidiaire, elle demande, notamment, de juger qu'il ressort du contrat de prêt que le franc suisse est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement.

Dans le cas où la cour considérerait que le contrat de prêt prévoit que la monnaie de compte est le franc suisse et que le paiement peut s'effectuer soit à hauteur du montant de la mensualité exprimée en franc suisse, soit à hauteur d'une somme en euros, indexée sur cette somme en franc suisse, et qu'il est susceptible de faire peser un risque de change sur l'emprunteur, la cour relève que l'affaire a été clôturée alors que les parties disposaient de la possibilité de présenter leurs observations sur l'arrêt rendu par la CJUE le 10 juin 2021 et notamment sur les dispositions de cet arrêt qui prévoient que :

« L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat', et ce, comme la cour le précise dans le corps de l'arrêt, 'notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'État où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger ».

La Cour de Cassation a fait une application de cette décision en droit interne par des arrêts rendus notamment le 30 mars 2022 et le 20 avril 2022 et a décidé que :

Viole l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, une cour d'appel qui, pour dire qu'une clause de monnaie de compte ne présente pas un caractère abusif, retient que cette clause, libellée en devise étrangère, n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des emprunteurs dès lors, d'une part, que les variations du taux de change ont pour conséquence soit d'allonger soit de réduire la durée du crédit, de sorte que cette clause n'est pas stipulée à leur seul détriment, les variations étant subies réciproquement par les deux parties, d'autre part, que, si les emprunteurs ne veulent plus être soumis aux variations du taux de change, ils peuvent demander, tous les trois ans, la conversion de leur prêt en euros.

L'application en droit interne de la jurisprudence de la CJUE par la Cour de Cassation est susceptible d'avoir une influence sur la solution du présent litige.

La Cour d'appel ne peut pas apprécier les éléments du litige au regard de cette jurisprudence de la Cour de cassation sans soumettre cette jurisprudence à la contradiction des parties, afin d'assurer le respect non seulement du principe du contradictoire mais aussi plus largement celui du procès équitable, édicté par l'article 6 de la CEDH.

Il convient dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats, afin que les parties présentent leurs observations sur l'application de cette jurisprudence à l'espèce.

Les demandes des parties et dépens seront réservés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt avant-dire droit,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 février 2022,

Ordonne la réouverture des débats,

Invite les parties à présenter leurs observations sur l'application, à l'espèce, de la jurisprudence issue des arrêts de la Cour de cassation des 30 mars 2022 et le 20 avril 2022,

Réserve les droits des parties,

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du :

VENDREDI 9 DECEMBRE 2022, SALLE 31 à 9 HEURES

La Greffière :                                   la Présidente :