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CA LYON (6e ch.), 20 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA LYON (6e ch.), 20 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 6e ch.
Demande : 20/04897
Date : 20/10/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/09/2020
Référence bibliographique : 6629 (crédit affecté, clause de réserve de propriété)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9894

CA LYON (6e ch.), 20 octobre 2022 : RG n° 20/04897 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Dans le cadre du contrat de crédit affecté, le Garage G. Villefranche, vendeur du véhicule financé, M. X. et la société BNP Paribas Personal Finance ont signé la clause suivante : « le vendeur constitue à son profit une réserve de propriété, différant le transfert de la propriété du bien désigné ci-dessus jusqu'au paiement effectif et complet. Dès réception du solde du prix de vente du bien réglé par le prêteur, l'acheteur subroge ce dernier, avec le concours du vendeur, conformément aux dispositions de l'article 1346-2 alinéa 1 du code civil, dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété ».

M. X. ne démontre pas le caractère abusif de cette clause conclue en application de l'article 1346-2 du code civil et non de l'ancien article 1250-1° du code civil (devenu article 1346-1 du code civil), seul concerné par l'avis de la Cour de Cassation du 28 novembre 2016.

Toutefois, le prêteur n'établit pas ni même ne soutient que le prix de vente du véhicule, réglé partiellement par le prêt, n'a pas été payé en totalité par M. X. Aussi, la clause de réserve de propriété a cessé à la suite du paiement en totalité du prix de vente du véhicule et la société BNP Paribas Personal Finance ne peut prétendre à aucun droit à ce titre en vertu de la subrogation conventionnelle susvisée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/04897. N° Portalis DBVX-V-B7E-NEIP. Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de LYON, du 22 juin 2020 : R.G. n° 11-20-387.

 

APPELANT :

M. X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 5] (Pays), [Adresse 3], [Adresse 3], Représenté par Maître Marion COMBIER, avocat au barreau de LYON, toque : 2024 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

 

INTIMÉE :

LA SOCIETE BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 2], [Adresse 2], Représentée par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713

 

Date de clôture de l'instruction : 7 septembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 septembre 2022

Date de mise à disposition : 20 octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Dominique BOISSELET, président, - Evelyne ALLAIS, conseiller, - Stéphanie ROBIN, conseiller, assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier.

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Suivant offre préalable acceptée le 23 novembre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. X. un prêt d'un montant de 23.047,40 euros en capital, affecté à l'acquisition d'un véhicule Ford Ranger Supe, remboursable en 60 mensualités comprenant des intérêts au taux nominal de 4,50 % l'an.

Par acte d'huissier de justice du 29 janvier 2020, la société BNP Paribas Personal Finance a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon M. X. afin de voir condamner celui-ci à lui payer le solde du prêt impayé, avec intérêts contractuels au taux de 4,5 % à compter du 4 juillet 2019 ainsi que de voir ordonner la restitution du véhicule Ford Ranger Supe financé par le prêt.

La société BNP Paribas Personal Finance maintenait en dernier lieu ses demandes, après avoir indiqué qu'elle ne disposait ni des pièces de solvabilité ni du justificatif de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Elle concluait au rejet de la demande de délais de paiement de M. X.

M. X. déclarait que le véhicule financé par le prêt avait été volé et qu'il avait perçu une indemnité de son assureur. Il sollicitait des délais de paiement, proposant d'apurer sa dette par versements mensuels de 100 euros.

Par jugement du 22 juin 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon a :

- dit que la société BNP Paribas Personal Finance était recevable en son action,

- constaté la déchéance du terme,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- condamné M. X. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 21.631,08 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2019,

- ordonné la restitution du véhicule Ford Ranger Supe immatriculé [Immatriculation 4],

- débouté M. X. de sa demande en délais de paiement,

- condamné M. X. à payer à la société BNP la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 septembre 2020, M. X. a interjeté appel du jugement, sauf en ses dispositions disant que la société BNP Paribas Personal Finance était recevable en son action, constatant la déchéance du terme et prononçant la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

[*]

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2021, M. X. demande à la Cour, au visa des articles L. 312-16, L. 212-1 du code de la consommation, 1104 et 1231-1 du code civil, de :

- réformer le jugement dans la limite de son appel,

- juger que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute en lui octroyant un crédit disproportionné et a manqué à son devoir d'information, de vérification, de conseil et de mise en garde,

- juger que la faute de la banque est constitutive de son préjudice,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 21.631,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2019 au titre de son préjudice économique,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice moral,

- ordonner la compensation des créances réciproques,

- juger que la clause de réserve de propriété invoquée par la banque pour solliciter la restitution du véhicule Ford Ranger Supe immatriculé [Immatriculation 4] est abusive et à ce titre réputée non écrite,

subsidiairement, lui accorder des délais de paiement sur 24 mois par des versements mensuels de 100 euros, la vingt-quatrième mensualité soldant la dette, le premier règlement devant intervenir dans le mois suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir,

en toute hypothèse,

- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et faire application au profit de Maître Combier des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Dans ses conclusions signifiées le 11 mars 2021, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la Cour, au visa des articles L. 312-39 du code de la consommation et 1104 du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Renaud Roche, avocat qui en a fait la demande.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'obligation de conseil et de mise en garde du prêteur :

Le 23 novembre 2017, M. X. a rempli une fiche de renseignements aux termes de laquelle il a certifié sur l'honneur être artisan depuis janvier 1999, être propriétaire de son logement, avoir un salaire mensuel net de 2.000 euros et des charges mensuelles de 650 euros au titre de sa résidence principale.

M. X. fait valoir que :

- il avait d'importantes difficultés financières, de telle sorte que le contrat de prêt était disproportionné par rapport à sa capacité de remboursement,

- la société BNP Paribas Personal Finance ne pouvait pas ignorer cette situation, étant une filiale de la société BNP Paribas où il avait tous ses comptes ; en outre, elle n'a procédé à aucune vérification de sa solvabilité,

- la société BNP Paribas Personal Finance ne l'a pas mis en garde à l'encontre d'un risque d'endettement excessif.

La société BNP Paribas Personal Finance réplique que :

- le contrat de prêt était adapté à la situation de ressources et de charges déclarée par M. X.,

- elle n'avait pas connaissance des prêts et facilités de caisse accordées par la société BNP Paribas, cette société étant une entité juridique distincte et étant soumise au secret bancaire ; en outre, il ne lui incombait pas de prendre en compte des charges de crédit non déclarées par M. X. pour apprécier le risque,

- le préjudice de M. X. ne peut être équivalent au montant des condamnations.

M. X. justifie avoir déclaré des revenus annuels de 8.250 euros pour l'année 2015, soit 687,50 euros par mois. Par ailleurs, le 4 novembre 2017, la société BNP Paribas lui a consenti une facilité de caisse de 3.000 euros ainsi qu'un crédit d'équipement modulable de 20.000 euros, remboursable en 60 mois comprenant des intérêts au taux de 1,98 % l'an à compter du 4 janvier 2018. Enfin, par courrier du 28 novembre 2017, la société BNP Paribas a fait connaître à M. X. que les comptes de celui-ci ne présentaient pas de solde permettant de donner suite à une saisie-attribution faite le 21 novembre 2017 à la demande de RSI URSSAF pour un montant de 3.264,03 euros.

Toutefois, M. X., qui était marié en 2015, ne justifie pas de ses revenus annuels pour les années 2016 et 2017, la seconde page de l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2017 établi le 9 décembre 2019 n'étant pas renseignée quant à l'année concernée et faisant état de ce qu'il est divorcé. En outre, la facilité de caisse et le prêt accordés ayant un caractère professionnel, les charges en résultant sont déjà déduites des revenus de M. X.

Compte tenu de ces éléments, les pièces produites par M. X. ne prouvent pas qu'à la date de conclusion du prêt, il était dans une situation financière qui ne lui permettait pas de supporter la charge mensuelle du prêt. Il ne démontre donc pas le manquement du prêteur à l'obligation de mise en garde et sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts de ce chef.

 

Sur la restitution du véhicule financé par le prêt :

M. X. fait valoir que :

- il n'est plus en possession du véhicule, celui-ci ayant été dérobé puis incendié, et retrouvé à l'état d'épave,

- la clause de réserve de propriété insérée dans le contrat est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation et est réputée non écrite.

La société BNP Paribas Personal Finance réplique qu'elle n'est pas certaine que le véhicule n'est plus en possession de M. X., de telle sorte qu'il doit lui être restitué.

Dans le cadre du contrat de crédit affecté, le Garage G. Villefranche, vendeur du véhicule financé, M. X. et la société BNP Paribas Personal Finance ont signé la clause suivante : « le vendeur constitue à son profit une réserve de propriété, différant le transfert de la propriété du bien désigné ci-dessus jusqu'au paiement effectif et complet. Dès réception du solde du prix de vente du bien réglé par le prêteur, l'acheteur subroge ce dernier, avec le concours du vendeur, conformément aux dispositions de l'article 1346-2 alinéa 1 du code civil, dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété ».

M. X. ne démontre pas le caractère abusif de cette clause conclue en application de l'article 1346-2 du code civil et non de l'ancien article 1250-1° du code civil (devenu article 1346-1 du code civil), seul concerné par l'avis de la Cour de Cassation du 28 novembre 2016.

Toutefois, le prêteur n'établit pas ni même ne soutient que le prix de vente du véhicule, réglé partiellement par le prêt, n'a pas été payé en totalité par M. X. Aussi, la clause de réserve de propriété a cessé à la suite du paiement en totalité du prix de vente du véhicule et la société BNP Paribas Personal Finance ne peut prétendre à aucun droit à ce titre en vertu de la subrogation conventionnelle susvisée.

La société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande en restitution du véhicule Ford Ranger Supe en exécution de la clause susvisée et le jugement infirmé sur ce point.

 

Sur les délais de paiement :

M. X. ne produisant aucune pièce quant à sa situation actuelle de ressources et de charges, le jugement sera confirmé en ce que celui-ci l'a débouté de sa demande de délais de paiement.

Le jugement sera confirmé quant aux dépens. M. X., qui n'obtient pas gain de cause pour l'essentiel de son recours, sera condamné aux dépens d'appel, avec le droit pour Maître Renaud Roche, avocat, de recouvrer directement les dépens dont celui-ci aura fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. M. X. sera condamné en outre à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle allouée en première instance, et débouté de sa demande sur le même fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule Ford Ranger Supe, immatriculé [Immatriculation 4] ;

L'infirme sur ce point ;

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,

Déboute M. X. de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du véhicule Ford Ranger Supe, immatriculé [Immatriculation 4] ;

Condamne M. X. aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct de ces dépens au profit de Maître Renaud Roche, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT