CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 12 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9902
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 12 octobre 2022 : RG n° 20/18644 ; arrêt n° 179
Publication : Judilibre
Extrait : « Contrairement à ce que prétend la société Allianz, la société SEVA n'a pas reconnu de manquements graves. En effet, dans sa lettre du 25 juillet 2013, elle se borne à invoquer une erreur humaine dans la saisie de la date du 13 février 2013.
L'article 11.4 susvisé organise les relations entre les parties après la résiliation du contrat en renvoyant aux conditions d'exécution du contrat. Dans ce cadre, il incombait à la société Allianz de transmettre à la société SEVA les documents administratifs relatifs aux véhicules cédés, la société SEVA devait quant à elle lui adresser des états mensuels concernant les véhicules pour lesquels ces documents ou les avis de délaissement ne lui auraient pas été transmis, faute de quoi la régularisation de la situation administrative resterait à sa charge et à ses frais.
La société SEVA ne démontre pas avoir, au cours des relations contractuelles, adressé à la société Allianz ces états mensuels qui étaient de nature à régler au fur et à mesure les difficultés nées d'un défaut éventuel de transmission des documents administratifs.
Par message électronique du 31 octobre 2014, la société Allianz a indiqué à la société SEVA qu'elle n'avait pas eu connaissance de la situation auparavant, que compte tenu du délai écoulé elle ne pouvait plus intervenir pour les véhicules entrés dans son parc en 2010, 2011 et 2012 mais que pour 2013, elle allait adresser un courrier aux différents propriétaires leur demandant de prendre contact avec elle. L'assureur justifie avoir adressé des lettres à ses assurés. De son côté, la société SEVA ne dispose d'aucun droit ni titre pour exiger une réponse des assurés, de sorte que c'est en vain que l'assureur lui reproche de n'avoir entrepris aucune démarche envers eux.
En cet état, la cour constate que l'obligation essentielle de transmission des documents administratifs lors de la cession des véhicules à la société SEVA pesait sur la société Allianz et qu'elle ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation, mettant ainsi la société SEVA dans l'impossibilité de revendre ou détruire les véhicules.
La société SEVA fait justement valoir, d'une part que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1903 n'est pas applicable en l'espèce puisque les véhicules ne lui ont pas été confiés par leurs propriétaires, d'autre part que l'article R. 543-157 du code de commerce n'est pas applicable à sa demande portant sur des frais de gardiennage et non sur des frais de destruction.
Même si la société SEVA n'a pas transmis les états mensuels prévus, cette circonstance ne peut exonérer la société Allianz de sa propre responsabilité, étant observé que c'est elle seule qui détenait les documents administratifs afférents aux véhicules qu'elle cédait. En effet, l'obligation de l'article 4.3 du contrat qui fait peser sur le récupérateur, à défaut de communication de l'état des véhicules entreposés sur son parc pour lesquels Allianz ne lui aurait pas adressé les documents de cession ou l'information du délaissement refusé ou sans suite, le règlement de la situation administrative des véhicules est une obligation impossible. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG. n° 20/18644. Arrêt n° 179 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2WW. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2020 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2017027087.
APPELANTE :
SA ALLIANZ IARD
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 5], Représentée par Maître Stéphane BOUILLOT de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0497, avocat postulant, Assistée de Maître Mathilde DELAUTRE, de la SCP HB ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0497, avocat plaidant
INTIMÉE :
SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DE VÉHICULES ACCIDENTÉS (SEVA)
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS D'EVRY sous le numéro YYY, [Adresse 10], [Adresse 11], [Localité 4], Représentée par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque K0111, avocat postulant, Assistée de Maître Cécile MOREIRA, de la SELARL Cécile MOREIRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque C0817, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère, Madame Camille LIGNIERES, Conseillère, qui en ont délibéré un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Laure DALLERY dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Mianta ANDRIANASOLONIARY
ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- condamné la société Allianz IARD à faire procéder à ses frais à l'enlèvement des 40 véhicules appartenant à ses assurés abandonnés sur le parc de la Société d'exploitation véhicules accidentés (SEVA), et ce sous astreinte de 25 € par véhicule et par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement,
- condamné la société Allianz IARD à payer à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA) la somme de 356.063 € HT, soit 427.275,60 € TTC,
- condamné la Société d'exploitation de véhicules accidentés à payer la somme de 59.640,44 € à la société Allianz IARD,
- ordonné la compensation des condamnations,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou autres, les en déboutant,
- condamné la société Allianz IARD aux dépens et à payer la somme de 15.000 € à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
[*]
Vu l'appel relevé par la société Allianz IARD et ses dernières conclusions du 23 mai 2022 par lesquelles elle demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et de :
1) confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SEVA à lui payer la somme de 59.640,44 €,
2) pour le surplus, infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a condamnée à faire procéder à l'enlèvement des véhicules immatriculés [Immatriculation 7], [Immatriculation X], [Immatriculation 3], [Immatriculation 9] dont la société SEVA est propriétaire, sous astreinte de 25 € par véhicule et par jour de retard,
- l'a condamnée à payer à la société SEVA la somme de 356.063 € HT, soit 427.275,60 € TTC, au titre de prétendus frais de gardiennage,
- a ordonné la compensation des condamnations,
- l'a déboutée de sa demande tendant à voir la somme de 59.640,44 € porter intérêts au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne, majoré de 10 points, depuis le 10 septembre 2013,
3) statuant à nouveau :
- débouter la société SEVA de l'ensemble de ses demandes,
- dire que la somme de 59.640,44 € portera intérêts au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne, majoré de 10 points, depuis le 10 septembre 2013,
- condamner la société SEVA à procéder à l'enlèvement des véhicules immatriculés [Immatriculation 7], [Immatriculation 2], [Immatriculation 3], [Immatriculation 6], [Immatriculation 9] dont elle est propriétaire, sous astreinte de 25 € par véhicule et par jour de retard,
- condamner la société SEVA à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société SEVA aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
[*]
Vu les dernières conclusions du 23 mai 2022 de la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA) qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1152, 1116, 1137 et suivants, 1219, 1291 et suivants du code civil, de l'article L. 442-6 du code de commerce, des articles R 322-1 et suivants du code de la route et des dispositions de l'arrêté du 9 février 2009 relatif à l'immatriculation des véhicules, de :
1) dire la société Alllianz IARD mal fondée en son appel, la débouter de toutes ses demandes, confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, condamner la société Allianz IARD aux dépens d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
2) à titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement :
- dire que l'article 11-4 intitulé « Effets de la résiliation » du contrat récupérateur de véhicules du 16 mai 2013 crée un déséquilibre significatif entre les parties, crée un avantage sans contrepartie, constitue une clause abusive et prononcer sa nullité,
- prononcer la nullité de cet article 11.4 en raison de la faute dolosive commise par la société Allianz IARD, d'un manquement à son devoir d'information pré-contractuelle ainsi qu'à son devoir de loyauté,
- dire inopposables à son encontre les dispositions de cet article 11.4,
- pour le cas où la cour refuserait de condamner la société Allianz IARD à lui payer des frais de stockage et gardiennage des véhicules abandonnés sur son parc, condamner la société Alliaz IARD à lui payer une somme de 1.500.000 €, à titre de dommages-intérêtsdestinés à réparer le préjudice subi consécutivement aux fautes commises par celle-ci et à sa perte de chiffre d'affaires subie du fait de l'immobilisation de son parc par des véhicules abandonnés par la société Allianz IARD, subsidiairement à la perte de chance de n'avoir pu réaliser 1.500.000 € de chiffre d'affaires, chiffrée à 500.000 €,
3) à titre infiniment subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnationà son encontre, ordonner la compensation entre ses condamnations éventuelles et celles à l'encontre de la société Allianz IARD ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
La Société d'exploitation de véhicules accidentés, dite SEVA, a pour activité la récupération de véhicules hors d'usage, leur stockage et leur gardiennage. Elle est une installation classée pour la protection de l'environnement, titulaire d'un agrément lui permettant d'exploiter un centre VHU (Véhicules Hors d'Usage).
La société SEVA a conclu deux contrats avec la société Allianz Iard, ci-après Allianz, portant sur la récupération des véhicules endommagés ou accidentés des assurés de la compagnie Allianz dans les départements de l'Eure et Loire et des Yvelines, en vue de leur cession par Allianz à l'épaviste pour destruction, récupération des pièces ou reconstruction, réparation du véhicule pour revente à un tiers. Le premier contrat a été signé le 6 mai 2009 ; le second contrat daté du 16 mai 2013, prenant effet le 1er juillet 2013, a expressément annulé et remplacé toutes conventions antérieures.
Par lettre recommandée du 22 juillet 2013 avec avis de réception, la société Allianz a résilié le contrat du 16 mai 2013, à effet immédiat, pour faute de la société SEVA. L'assureur lui reprochait alors d'avoir agi en fraude de ses droits en cédant deux véhicules dont elle n'était pas propriétaire : un véhicule immatriculé XXX, vendu le 22 janvier 2012 alors qu'il ne lui avait été cédé que le 12 février 2012, et un véhicule immatriculé YYY, vendu le 13 février 2013 alors qu'il ne lui avait été cédé que le 30 avril 2013. Il l'informait qu'elle ne recevrait plus de véhicules à compter du 24 juillet 2013 et, concernant les véhicules dont elle était dépositaire à cette date ou ceux ayant fait l'objet d'un bon d'enlèvement antérieur au 24 juillet 2013, qu'ils seraient traités conformément aux clauses du contrat signé le « 1er juillet 2013 ».
La société SEVA a contesté les fautes qui lui étaient imputées et a demandé à la société Allianz d'évacuer les véhicules stockés dans ses locaux ; puis elle lui a demandé des frais de gardiennage.
N'obtenant pas satisfaction, la société SEVA a fait assigner la société Allianz le 21 avril 2017 devant le tribunal de commerce de Paris. Par le jugement déféré, le tribunal a :
- condamné la société Allianz à faire procéder à l'enlèvement des 40 véhicules abandonnés sur le parc de la société SEVA, à ses frais et sous astreinte,
- condamné la société Allianz à payer à la société SEVA la somme de 427.275,60 € TTC pour frais de gardiennage,
- condamné la société SEVA à payer à la société Allianz la somme de 59.640,44 € au titre de factures restant dues.
Sur les demandes de la société SEVA :
Pour conclure à l'infirmation des dispositions du jugement la condamnant à reprendre les véhicules et à payer des frais de gardiennage à la société Seva, la société Allianz fait valoir, d'abord :
- que le contrat du 16 mai 2013 renferme les mêmes stipulations que le précédent en ce qui concerne : les frais de gardiennage supportés par le récupérateur au-delà de 3 jours ouvrés suivant la réception du bon de transfert, la gratuité de l'entreposage des véhicules sur le parc du récupérateur et l'obligation pour le récupérateur d'adresser à l'assureur un état mensuel des véhicules entreposés sur son parc,
- qu'il y est expressément convenu à l'article 11.4, en cas de résiliation, que les véhicules stockés à la date d'effet de la résiliation ou ceux ayant fait l'objet d'un bon d'enlèvement réceptionné avant la date de résiliation seront traités dans les conditions prévues au contrat et que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de droit en résultant,
- que tous les véhicules remis à la société SEVA étaient exclusivement destinés à être détruits et que la gratuité de l'entreposage constitue l'application des dispositions de l'article R 543-157 du code de l'environnement aux termes duquel les centres VHU ne peuvent facturer aucun frais aux détenteurs qui leur remettent un véhicule hors d'usage à l'entrée de leurs installations, à moins que le véhicule soit dépourvu de ses composants essentiels,
- qu'un centre VHU réalise la plus grande partie de son chiffre d'affaires avec la vente de pièces détachées d'occasion extraites avant destruction des véhicules, et non au titre d'une quelconque facturation de frais de gardiennage.
L'appelante soutient ensuite :
- que sa résiliation du contrat pour faute est justifiée : la société SEVA ayant revendu le véhicule XXX le 2 janvier 2012 alors qu'elle ne le lui avait cédé que le 12 février 2012, qu'un autre véhicule [Immatriculation 8] a été illicitement remis en circulation par la société SEVA,
- que la société SEVA a reconnu la matérialité du manquement par lettre du 23 septembre 2013 et reconnu au moins implicitement la nature et la gravité de ses fautes,
- que la société SEVA n'ayant jamais conclu à la résiliation fautive du contrat, le tribunal a statué ultra petita,
- que la société SEVA n'a pas non plus respecté son obligation de lui adresser un état mensuel des véhicules entreposés sur son parc comme prévu à l'article 4.3 du contrat, lequel prévoit qu'à défaut de cet envoi le règlement de la situation administrative des véhicules restera à la charge et aux frais du récupérateur,
- que la société SEVA est à l'origine de la situation qu'elle dénonce puisqu'elle n'a entrepris aucune démarche soit pour entrer en contact avec les assurés qui ont refusé de céder leur véhicule à la société Allianz, soit pour détruire les véhicules, alors qu'elle lui a rappelé à plusieurs reprises ses obligations,
- que la société SEVA n'a pris aucune initiative pour faire procéder à la saisie vente des véhicules restés abandonnés par leurs propriétaires conformément à l'article 1 de la loi du 31 décembre 1903, modifiée par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016, relative à la vente de certains objets abandonnés,
- que l'absence de transmission des documents administratifs ne concerne que 4 véhicules ayant fait l'objet d'une cession et se trouve justifiée par l'exception d'inexécution du fait du non-paiement par la société SEVA de ses factures,
- que le contrat prévoit le sort des véhicules en cas de résiliation ainsi qu'une résiliation sans préavis à l'article 11.3.
La société Allianz invoque encore l'article 3.1.2 du contrat qui prévoit en cas d'impossibilité pour l'assureur de céder le véhicule au récupérateur, que l'assureur fera ses meilleurs efforts pour mettre en relation le récupérateur et le propriétaire du véhicule afin que ces derniers conviennent des éventuelles modalités de cession du véhicule. Elle allègue avoir adressé de multiples courriers aux assurés pour les inciter à entrer en relation avec la société SEVA ainsi qu'à cette dernière pour l'inviter à entrer directement en relation avec les assurés qui ne se seraient pas manifestés.
Elle ajoute que les demandes de la société SEVA ne sont pas crédibles quant au nombre de véhicules concernés comme aux périodes de facturation, précisant :
- que 2 véhicules pour lesquels des frais de gardiennage sont réclamés étaient devenus la propriété de la société SEVA et qu'un troisième avait été revendu par la société SEVA à une personne domiciliée au Cameroun,
- que lors de l'enlèvement des véhicules au titre de l'exécution provisoire, seuls 39 véhicules ont pu être récupérés, que d'autres véhicules étaient impossibles à identifier et que ceux identifiés étaient en très mauvais état,
- que la société SEVA n'a jamais payé cinq véhicules qui lui avaient été cédés, que l'ensemble des dcuments de cession lui ont été communiqués, ce qui lui a permis d'effectuer les changements de propriétaires sur le système d'immatriculation des véhicules.
Enfin, elle soutient :
- que c'est en raison de l'activité spécifique de la société SEVA, exploitant un centre VHU, que le contrat prévoit la gratuité du stockage des véhicules qui ne nécessite aucune mesure de précaution, à l'inverse des véhicules roulants et non accidentés,
- que la société SEVA n'a jamais été capable de caractériser le préjudice qu'elle aurait subi du fait du stockage des véhicules des assurés de la société Allianz,
- que la juridiction de céans, dans un arrêt du 25 novembre 2021, a estimé que la société Demax (exploitant un centre VHU), ne justifiait pas s'être trouvée dans une situation de soumission par rapport à la société Allianz lors de la conclusion du contrat et de ses avenants et ne démontre aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties à son détriment au regard de l'encadrement légal de son activité, notamment de la gratuité du stockage des véhicules hors d'usage, de son activité de vente de pièces d'occasion obtenues à partir du démontage des véhicules génératrice d'un taux de marge brute d'environ 70 % et de l'équilibre général du contrat.
La société SEVA rétorque qu'en page 4 du contrat du 16 mai 2013 figure une définition des véhicules objet du contrat, dont des véhicules dont le montant de la réparation est proche de la valeur (RPV/RIV), des véhicules gravement endommagés (VGE), des véhicules retrouvés à la suite d'un vol (VVR)... et pas seulement des véhicules hors d'usage (VHU) comme affirmé faussement par la société Allianz. Elle produit des pièces relatives d'une part à la cession d'un véhicule techniquement réparable, qu'elle peut réparer et revendre ou sur lequel elle peut prélever des pièces, d'autre part des pièces relatives à la cession pour destruction d'un véhicule techniquement irréparable.
L'intimée fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute :
- le véhicule BMO 24 XF, acquis le 30 avril 2013 n'ayant été cédé à un tiers que le 22 mai 2013, la date du 13 février 2013, saisie par une employée, correspondant à la date d'enlèvement et de réservation du véhicule et non à sa date de cession,
- le véhicule XXX a été acquis auprès de la société Allianz le 11 février 2010 et il ne peut lui être reproché de l'avoir revendu en janvier 2012.
Elle soutient que c'est à juste titre que le tribunal a retenu :
- que les motifs de la résiliation du contrat étaient sans aucun fondement,
- que le deuxième contrat d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, avait pour conséquence de permettre à la société Allianz d'y mettre fin à tout moment, sans préavis ni indemnité pendant la première année, alors que le précédent qui avait duré 4 ans sans incident était résiliable moyennant un préavis de 2 mois,
- que le contrat prévoyait avant toute résiliation pour inexécution une mise en demeure préalable d'y remédier dans un délai de 30 jours.
La société SEVA précise qu'elle n'a pas formé de demande pour rupture brutale du contrat, mais qu'elle agit pour obtenir l'enlèvement des véhicules abandonnés sur son parc pendant plus de 7 ans, alors qu'elle ne peut plus les céder, ni les détruire, faute de remise par la société Allianz des documents administratifs (certificats d'immatriculation et/ou transmission des coordonnées de ses assurés) ainsi que l'indemnisation de son préjudice.
Elle allègue :
- qu'il ne lui appartient pas de se rapprocher des assurés de la société Allianz, avec lesquels elle n'entretient aucun lien de droit, pour réclamer la cession de leurs véhicules, qu'elle a indiqué à plusieurs reprises à la société Allianz que le stockage des véhicules accidentés ou incendiés donnerait lieu, après résiliation du contrat, à une facturation de 25 € par jour et par véhicule, facturation usuellement pratiquée par d'autres entreprises du secteur à un tarif supérieur, que cependant elle accepte le tarif retenu par le tribunal,
- que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1903 n'est pas applicable en l'espèce puisque les véhicules ne lui ont pas été confiés par leurs propriétaires, mais par la société Allianz, qu'elle n'a aucun lien de droit avec ces propriétaires, assurés d'Allianz, qui ont refusé de céder leur véhicule à l'assureur et qu'elle n'a pas le droit de détruire des véhicules qui ne lui appartiennent pas,
- que l'article R. 543-157 du code de l'environnement n'est pas applicable, sa demande ne portant pas sur des frais de destruction, mais sur des frais de gardiennage.
A titre subsidiaire, la société SEVA soulève la nullité de l'article 11.4 du contrat du 16 mai 2016 aux motifs que :
- créant un déséquilibre significatif entre les parties et créant un avantage sans contrepartie, il constitue une clause abusive,
- la société Allianz a commis une faute dolosive, manqué à son devoir d'information pré-contractuelle ainsi qu'à son devoir de loyauté.
Pour le cas où la cour refuserait de condamner la société Allianz à lui payer des frais de stockage et de gardiennage des véhicules, la société SEVA demande la somme de 1.500.000 € en réparation de son préjudice.
SUR CE,
Il convient de rappeler les clauses du contrat sur lesquelles les parties débattent :
- l'article 3.1.1.1 ainsi que l'annexe 2 sur les conditions financières de cession énumèrent les véhicules cédés par la société Allianz à la société SEVA, soit non seulement les véhicules hors d'usage (VHU) mais aussi les véhicules économiquement irréparables (VEI), les véhicules gravement endommagés et techniquement réparables, les véhicules non gravement endommagés, etc...,
- l'article 4.3 mentionne que le véhicule enlevé est entreposé gratuitement sur le parc du récupérateur, ce dernier s'engageant à ne pas en disposer avant d'avoir reçu les documents de cession ou informations relatives au choix du propriétaire; il y est encore indiqué que le récupérateur fournit un état des véhicules entreposés sur son parc pour lesquels Allianz ne lui aurait pas adressé les documents de cession ou l'information du délaissement refusé ou sans suite et que, à défaut de communication de cet état, le règlement de la situation administrative du véhicule restera à la charge et aux frais du récupérateur,
- l'article 4.2 stipule qu'à réception du bon de transfert adressé par l'expert, le récupérateur s'engage à procéder à l'enlèvement du véhicule au plus tard dans les 3 jours ouvrés qui suivent la réception de ce bon ou la demande d'Allianz et que, au delà de cette période, les frais de gardiennage seront supportés par le récupérateur,
- l'article 5 prévoit que le récupérateur s'engage à acquérir les véhicules définis à l'article 3.1.1.1,
- l'article 5.1 précise, notamment, que la vente est conclue à la date mentionnée par l'assureur sur la déclaration de cession du véhicule, que l'assureur adressera au récupérateur les documents administratifs prévus à l'annexe 2 (soit par courriel : le certificat d'immatriculation, le récépissé de déclaration d'achat, la déclaration de cession du propriétaire du véhicule au profit d'Allianz, la déclaration de cession d'Allianz au profit du récupérateur... et par courrier séparé : l'original du certificat d'immatriculation, les clés et code du véhicule),
- l'article 6 mentionne que le contrat est conclu pour une durée d'un an et que, pendant cette période, le récupérateur et Allianz peuvent y mettre fin à tout moment par lettre recommandée, sans préavis ni indemnité de résiliation,
- l'article 11.1 ouvre à chacune des parties la possibilité de résilier le contrat en cas de manquement à une obligation, sous réserve d'une mise en demeure d'y remédier dans un délai de 30 jours,
- l'article 11-4 prévoit, en cas de résiliation du contrat, que les véhicules stockés par le récupérateur à la date d'effet de la résiliation ou les véhicules ayant fait l'objet d'un bon d'enlèvement réceptionné avant la date de résiliation seront traités dans les conditions prévues au contrat.
Il en résulte que la société Allianz était en droit de résilier le contrat à la date du 22 juillet 2013, soit 22 jours après sa prise d'effet, sans faute de la société SEVA ni préavis.
Au demeurant les fautes alléguées dans sa lettre de résiliation ne sont pas établies. En effet, la société SEVA justifie de la régularité des ventes auxquelles elle a procédé en produisant :
- pour le véhicule XXX : la déclaration de cession par la société Allianz du 11 février 2010 et le récépissé de déclaration d'achat de SEVA portant la même date, la cession par la société SEVA le 22 janvier 2012 étant intervenue régulièrement,
- pour le véhicule [Immatriculation 8], la déclaration de cession de la société SEVA à [W] [J] le 22 mai 2013, soit régulièrement après son acquisition auprès de la société Allianz le 30 avril 2013.
Contrairement à ce que prétend la société Allianz, la société SEVA n'a pas reconnu de manquements graves. En effet, dans sa lettre du 25 juillet 2013, elle se borne à invoquer une erreur humaine dans la saisie de la date du 13 février 2013.
L'article 11.4 susvisé organise les relations entre les parties après la résiliation du contrat en renvoyant aux conditions d'exécution du contrat. Dans ce cadre, il incombait à la société Allianz de transmettre à la société SEVA les documents administratifs relatifs aux véhicules cédés, la société SEVA devait quant à elle lui adresser des états mensuels concernant les véhicules pour lesquels ces documents ou les avis de délaissement ne lui auraient pas été transmis, faute de quoi la régularisation de la situation administrative resterait à sa charge et à ses frais.
La société SEVA ne démontre pas avoir, au cours des relations contractuelles, adressé à la société Allianz ces états mensuels qui étaient de nature à régler au fur et à mesure les difficultés nées d'un défaut éventuel de transmission des documents administratifs.
Par message électronique du 31 octobre 2014, la société Allianz a indiqué à la société SEVA qu'elle n'avait pas eu connaissance de la situation auparavant, que compte tenu du délai écoulé elle ne pouvait plus intervenir pour les véhicules entrés dans son parc en 2010, 2011 et 2012 mais que pour 2013, elle allait adresser un courrier aux différents propriétaires leur demandant de prendre contact avec elle. L'assureur justifie avoir adressé des lettres à ses assurés. De son côté, la société SEVA ne dispose d'aucun droit ni titre pour exiger une réponse des assurés, de sorte que c'est en vain que l'assureur lui reproche de n'avoir entrepris aucune démarche envers eux.
En cet état, la cour constate que l'obligation essentielle de transmission des documents administratifs lors de la cession des véhicules à la société SEVA pesait sur la société Allianz et qu'elle ne démontre pas avoir satisfait à cette obligation, mettant ainsi la société SEVA dans l'impossibilité de revendre ou détruire les véhicules.
La société SEVA fait justement valoir, d'une part que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1903 n'est pas applicable en l'espèce puisque les véhicules ne lui ont pas été confiés par leurs propriétaires, d'autre part que l'article R. 543-157 du code de commerce n'est pas applicable à sa demande portant sur des frais de gardiennage et non sur des frais de destruction.
Même si la société SEVA n'a pas transmis les états mensuels prévus, cette circonstance ne peut exonérer la société Allianz de sa propre responsabilité, étant observé que c'est elle seule qui détenait les documents administratifs afférents aux véhicules qu'elle cédait. En effet, l'obligation de l'article 4.3 du contrat qui fait peser sur le récupérateur, à défaut de communication de l'état des véhicules entreposés sur son parc pour lesquels Allianz ne lui aurait pas adressé les documents de cession ou l'information du délaissement refusé ou sans suite, le règlement de la situation administrative des véhicules est une obligation impossible.
Allianz est ainsi mal fondée à invoquer une exception d'inexécution tenant au fait que la société SEVA avait laissé des factures impayées en fin de contrat, étant observé de surcroît, qu'elle ne démontre pas s'être trouvée dans l'impossibilité de fournir à la société SEVA tous éléments utiles pour les années 2010, 2011 et 2012 au même titre que pour l'année 2013.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société Allianz de procéder à l'enlèvement des véhicules restés sur le parc de la société SEVA. Si la société Allianz allégue que la société SEVA est propriétaire de 4 d'entre eux, elle ne produit pas les documents administratifs relatifs à leur cession ; elle est donc mal fondée en ses prétentions à ce titre.
En raison du maintien des véhicules sur son parc pendant 7 ans, sans qu'elle puisse en disposer et retrouver l'emplacement de stockage correspondant, la société SEVA a subi un préjudice en réparation duquel elle est bien fondée à obtenir une indemnisation.
Son préjudice sera réparé en tenant compte des frais exposés pour entreposer et gardienner une quarantaine de véhicules non pas en bon état mais accidentés, ce qui permet de moindres précautions. Au regard des éléments du dossier, il lui sera alloué la somme de 300.000 €.
Sur la demande de la société Allianz :
La société SEVA est redevable de la somme de 59.640,44 € correspondant à des factures impayées relatives à des véhicules cédés par la société Allianz.
C'est en vain que la société SEVA conteste devoir des intérêts sur cette somme en raison de fautes commises par la société Allianz et de sa mauvaise foi. Conformément à l'article L 441-10 II, la somme de 59.640,44 € produira intérêts au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter du 10 septembre 2013 comme demandé.
Sur la compensation :
Les dettes réciproques des parties se compenseront à due concurrence.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société Allianz, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de rejeter la demande de l'appelante à ce titre et d'allouer la somme supplémentaire de 10.000 € à l'intimée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement seulement en ce qu'il a condamné la société Allianz IARD à payer à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA) la somme de 356.063 € HT, soit 427.275,60 € TTC,
Statuant à nouveau, condamne la société Allianz IARD à payer la somme de chambre 300.000 € à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA),
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la Cour,
Y ajoutant, condamne la société Allianz à payer à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA)les intérêts sur la somme de 59.640,44 € au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points, à compter du 10 septembre 2013,
Condamne la société Allianz IARD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la Société d'exploitation de véhicules accidentés (SEVA) la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE