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CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 31 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 31 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 21/01265
Date : 31/10/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/01/2021
Référence bibliographique : 6114 (clause exonératoire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9923

CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 31 octobre 2022 : RG n° 21/01265 

Publication : Judilibre

 

Extrait (argument de l’appelante, non examiné) : « Elle ajoute que la mention dans le dossier de souscription sur les investisseurs risquent un redressement fiscal « si le formalisme précis des directives de Bercy n'est respecté » ne saurait constituer un cas fortuit ou de force majeure alors que c'est justement à Hédios, professionnelle de la défiscalisation de connaître le formalise exigé par l'administration et qu'en outre, cette clause constitue une clause abusive réputée non écrite en vertu de l'article R. 132-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01265 (11 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6RP. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 décembre 2020 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 18/03218.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 5], Domiciliée [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2156

 

INTIMÉE :

SA MMA IARD

Ayant son siège social [Adresse 1], [Localité 4], N° SIRET : YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Maître Dorothée LOURS de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0133

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 26 mai 2010, Madame X., sur la proposition de la société Hédios Patrimoine, a souscrit la somme de 15.000 euros, réparti sur les comptes courants de sociétés en participation dénommées « Sun Hédios 100 et suivantes », destinées à financer des centrales photovoltaïques à la Réunion.

L'apport a été inscrit au compte courant des sociétés en participation Sun Hédios 112 et 113.

Cette souscription a été réalisée afin de lui permettre de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu prévue par la loi Girardin, selon l'article 199 undecies B du code général des impôts (CGI).

La société Hédios Patrimoine a adressé à Mme X. le 9 mai 2011 une attestation fiscale certifiant la souscription de parts dans la SEP Hédios 113, ainsi que les documents en justifiant, annonçant une réduction de 24.000 euros sur l'impôt sur le revenu 2010.

Le 11 avril 2013, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification de l'impôt visant à une reprise de la réduction d'impôt sur le revenu 2010, portant sur la somme globale de 28.512 euros, à savoir 24.000 euros de droit, 2.112 euros d'intérêts de retard et 2.400 euros de majoration de 10 % au sens de l'article 1758 A du code général des impôts.

Cette proposition de rectification était faite au motif que l'avantage fiscal ne pouvait être revendiqué qu'à partir du moment où l'investissement pouvait faire l'objet d'une exploitation effective, estimant, s'agissant d'une centrale photovoltaïque, que le fait générateur de l'impôt était caractérisé par la date de dépôt du dossier complet de raccordement auprès de la société Electricité de France (EDF) dans l'année de l'investissement et que ces demandes n'avaient pas été déposées avant le 31 décembre de l'année 2010.

A la suite de la réclamation de la contribuable, l'administration fiscale a confirmé la rectification envisagée au titre de l'année 2010 par décision de rejet du 22 juin 2015.

Par jugement du 16 février 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de Madame X. de décharge d'impôt sur le revenu supplémentaire.

La société par action simplifiée Hédios Patrimoine a adhéré en qualité de conseil en gestion de Patrimoine à la police d'assurance de responsabilité civile n°112.XXX souscrite par la chambre des indépendants du Patrimoine, pour ses membres, auprès de la société Covéa Risks.

Par acte d'huissier en date du 14 mars 2018, Madame X. a fait assigner la société MMA Iard, succédant à la société Covéa Risks en qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société Hédios Patrimoine, devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- dit que Mme X. est titulaire d'une créance de réparation à l'encontre de la Sas Hédios Patrimoine ;

- fixe le montant de cette créance à la somme de 13.400 euros en réparation de son préjudice matériel et à la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- déboute Mme X. de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société anonyme MMA Iard ;

- condamne Mme X. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Guillaume Regnault, avocat au barreau de Paris, associé de la SCP Raffin et associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- déboute la société anonyme MMA Iard de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 17 janvier 2021, Madame X. a interjeté appel du jugement.

[*]

Par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2022, Madame X. demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 18 décembre 2020 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Hédios ;

- le réformer s'agissant des préjudices subis, et, statuant nouveau, fixer les préjudices subis par Mme X. à :

* 28.512 euros pour le préjudice matériel,

* 5.000 euros pour le préjudice immatériel,

- le réformer en ce qu'il a exclu l'application du contrat d'assurance souscrit par la chambre des indépendants du patrimoine, et, statuant à nouveau,

- condamner la compagnie MMA Iard à garantir la responsabilité civile de la société Hédios Patrimoine au titre du contrat d'assurance souscrit par la chambre des indépendants du patrimoine et, en conséquence, la condamner à payer à Mme X. les sommes suivantes :

* 28.512 euros pour le préjudice matériel,

* 5.000 euros pour le préjudice immatériel ;

- dire que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 14 mars 2018 et seront capitalisées par année entière ;

- dire que le contrat d'assurance souscrit par la chambre des indépendants du patrimoine ne contient aucun plafond opposable à Mme X. ;

- dire que, s'agissant d'un sinistre sériel, aucune franchise individuelle n'est opposable Mme X. ;

- rejeter la demande de séquestre et, à titre subsidiaire, dire que les intérêts de la somme séquestrée profiteront à l'investisseur Mme X. ;

- condamner la compagnie MMA Iard à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la compagnie MMA Iard à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la compagnie MMA Iard aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions signifiées le 17 juin 2021, la société MMA Iard demande à la cour de :

Vu les articles L. 112-6, L. 121-1, L. 124-1-1, et L. 124-3 du code des assurances.

à titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 décembre 2020 en ce qu'il a débouté Madame X. de ses demandes formées à l'encontre de la société MMA Iard ;

- juger qu'aucune garantie n'est due au titre de l'activité de monteur du produit fiscal exercée par Hédios Patrimoine ;

- rejeter par conséquent toute demande formée à l'encontre de la société MMA Iard ;

à titre très subsidiaire :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 décembre 2020 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Hédios Patrimoine ;

- juger que Madame X. ne rapporte pas la preuve d'une créance de responsabilité civile qu'elle détiendrait à l'encontre de la société Hédios Patrimoine ;

- juger ainsi, sans objet, la question d'une éventuelle garantie à ce titre ;

- rejeter par conséquent toute demande formée à l'encontre de la société MMA Iard ;

à titre infiniment subsidiaire :

- constater que le contrat souscrit par la CNCGP auprès de la compagnie Covéa Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles prévoit un plafond de garantie de 4.000.000 d'euros au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle ;

- constater que l'ensemble des réclamations liées à la souscription des produits de défiscalisation montés par la société Hédios Patrimoine constitue un sinistre sériel ;

- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission, n'excédant pas une période de 5 ans, de conserver les fonds résultant d'une éventuelle condamnation dans l'attente de décision définitive tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Hédios Patrimoine concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;

- dire et juger que la somme correspondant à une franchise par sinistre, soit 15.000 euros à la charge de la société Hédios Patrimoine, doit être déduite du montant de chaque condamnation prononcée individuellement au profit de chaque investisseur, dans le cas où la cour devait d'une part retenir la responsabilité de la société Hédios Patrimoine, d'autre part la garantie des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et enfin l'absence de globalisation dans le cas présent.

en tout état de cause :

- condamner Madame X. à payer à la société MMA Iard la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur la responsabilité de la société Hédios :

Mme X. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Hédios Patrimoine. Elle soutient que la société Hédios a manqué à ses obligations contractuelles en tant que monteur et distributeur de l'opération de défiscalisation par investissement dans les unités de production d'énergie radiative du soleil en outre mer à laquelle elle a souscrit le 26 mai 2010 et engagé sa responsabilité sur le fondement contractuel sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil s'agissant d'un contrat conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

Elle expose que l'investissement avait pour seule finalité l'obtention d'un avantage fiscal de sorte que c'est en considération de cet unique objectif que les inexécutions contractuelles de la société Hédios doivent s'apprécier.

Elle soutient que cette dernière a manqué à son obligation principale de s'assurer de la solidité du montage, de délivrer une attestation fiscale exacte à joindre à sa déclaration de revenu, de s'assurer que le montage était bien conforme à ce qui était attendu pour répondre aux conditions exigées par la réglementation fiscale qui ne s'arrête pas au jour de la souscription du contrat ; que si Hédios a rempli une partie de ses obligations d'organisation du montage en faisant les calculs financiers nécessaires, constitué les SEP entre lesquelles elle a réparti les investissements, commandé le matériel financé et signé les contrats de location avec les exploitants locaux, elle a, en sa qualité de commercialisateur, manqué à son obligation essentielle de fournir un investissement remplissant les conditions légales pour l'octroi de l'avantage fiscal lequel a été repris au motif que les conditions n'étaient pas remplies faute du dépôt auprès d'EDF d'un dossier complet (avec attestation consuel) de demande de raccordement au réseau le 31 décembre 2010.

Elle soutient que la société Hedios ne peut invoquer un changement de doctrine sur la notion de fait générateur, la condition d'éligibilité résultant de la nécessité de la livraison d'un investissement productif prévue à l'article 199 undecies B était connue à la date de souscription de l'investissement. La circonstance résultant du moratoire sur le rachat de l'électricité d'origine photovoltaïque imposé par le législateur est inopérante puisque seul le dépôt d'un dossier complet de raccordement au réseau EDF avant le 31 décembre était exigé.

Elle ajoute que la mention dans le dossier de souscription sur les investisseurs risquent un redressement fiscal « si le formalisme précis des directives de Bercy n'est respecté » ne saurait constituer un cas fortuit ou de force majeure alors que c'est justement à Hédios, professionnelle de la défiscalisation de connaître le formalise exigé par l'administration et qu'en outre, cette clause constitue une clause abusive réputée non écrite en vertu de l'article R. 132-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur au jour du contrat.

La société MMA Iard venant aux droits de la compagnie Covea Risks fait valoir que Mme X. ne démontre pas la réalité du manquement qui lui est reproché et le lien de causalité avec le préjudice qu'elle prétend avoir subi. Elle expose que l'investisseur a souscrit un engagement d'apport de fonds à une SEP pour une opération dont la réalisation n'était pas garantie, en acceptant notamment le risque de la non-réalisation au 31décembre 2010 de l'investissement au sens fiscal ; qu'elle peut valablement soutenir un manquement à l'obligation de résultat à savoir le défaut de raccordement des centrales photovoltaïques avant le 31 décembre 2010 dans la mesure où cette exigence de l'administration était inconnue et impossible à réaliser. Le moratoire imposé par le législateur ne permettait pas d'exiger un raccordement au réseau comme fait générateur. La société Hedios, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir pour parvenir aux raccordements, ne peut se voir reproché un manquement à ses obligations contractuelles.

Elle fait valoir que Mme X. a été informée dans la brochure et le dossier de souscription des risques de l'opération et savait que les centrales n'avaient pas à être raccordées au 31 décembre de l'année de référence, de sorte qu'il n'est pas fondé à invoquer un manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde ; que la société Hedios n'a pas fourni une prestation de conseil en investissement financier en l'absence de recommandation personnalisée portant sur un instrument financier ; que la société Hedios ne peut être tenue responsable d'une position fiscale alors inconnue dès lors que lors de la souscription de l'opération litigieuse, il était impossible de prévoir que le fait générateur retenu puisse être un raccordement au réseau au 31 décembre de l'année de réduction de l'impôt ; le moratoire imposé par le législateur et la suppression du tarif faisaient échec à toute possibilité d'achèvement des centrales et la jurisprudence majoritaire admettant que la société Hedios patrimoine ne pouvait soupçonner qu'une interprétation restrictive de la loi serait adoptée ultérieurement. Elle ajoute que la condition de production du consuel était impossible à remplir.

Elle soutient que la société Hédios Patrimoine n'était pas redevable d'une obligation de résultat que la sécurité du montage proposé dépendait d'aléas qu'elle ne pouvait maîtriser au moment de la souscription et que l'investisseur en était informé ainsi que cela résulte du mandat de recherche qu'il a signé dans le bulletin de souscription et de la brochure de présentation du produit Girardin Solaire ; qu'il était informé du risque de redressement fiscal dans l'hypothèse d'un défaut de location par les sociétés d'exploitation avant la fin des 5 ans et d'un défaut de relocation dans un délai raisonnable, d'un défaut d'exercice d'activités éligibles, de l'inexistence de matériel et du non-respect du formalisme des directives de Bercy (investissement après le le 31 décembre de l'année en cours.

Elle soutient qu'en tout état de cause, rien ne démontre que si l'investisseur avait obtenu les informations qu'il semble exiger à posteriori, il n'aurait pas investi.

 

Ceci étant exposé, le bulletin de souscription conclu Mme X. et la société Hédios précise à la rubrique « RESPONSABILITES » que « La société Hédios propose depuis plusieurs années des investissements dans le développement durable et dans le secteur des énergies renouvelables » et qu'elle « s'est associée avec la société tendances Eco La Réunion, fabricant de panneaux solaires et spécialiste de la distribution, de l'installation et de la maintenance de centrales photovoltaïque, pour réaliser l'installation de centrales solaires ». Il est dit que « l'opération de défiscalisation Girardin Solaire Hédios 2010 comporte « l'intervention de deux acteurs majeurs » et que la société Hédios Patrimone a pour mission « le montage du dossier et la gestion des SEP, sa responsabilité de moyen portant sur :

- L'analyse des risques économiques (financiers et fiscaux), inhérents à l'exploitation,

- La validation du montage avec les experts comptables et les avocats fiscalistes,

- Le suivi des obligations légales liées aux opérations de défiscalisation,

- la création et la gestion des SEP et des sociétés d'exploitations,

- la signature des baux avec les propriétaires des toitures et la signature des contrats de fourniture électrique à EDF. »

Le bulletin de souscription comporte également une rubrique « RENTABILITE FISCALE DU SOUSCRIPTEUR » qui précise que « la rentabilité fiscale est le gain du souscripteur, net de tous frais et de tout impôt » et qui indique : « plus le souscripteur peut planifier son activité et gérer ses investissements. C'est donc en donnant de la marge de manœuvre à l'opérateur industriel que ce dernier peut faire bénéficier au souscripteur d'une meilleure rentabilité fiscale. »

Les dispositions fiscales en vigueur relevaient de l'article 199 undecies B du CGI et de l'instruction administrative du 30 janvier 2007 qui fixait la date d'éligibilité à la réduction d'impôt à la date de livraison, au sens de l'article 1604 du code civil. De fait, le montage proposé par la société Hédios était valide dans la mesure où il se conformait aux conditions d'éligibilité pour bénéficier de la loi Girardin.

Si l'administration a introduit en 2013 une nouvelle condition aux critères d'exigibilité en vigueur, il n'est produit aucun texte ou décision administrative établissant une remise en cause des modalités de l'investissement au cours des années précédentes.

Selon l'article 199 undecies B dans sa rédaction applicable à l'espèce l'investissement devait être « productif » au 31 décembre de l'année de la souscription.

L'exigence de l'administration relative au raccordement effectif n'était pas encore en vigueur.

Par décret du 9 décembre 2010, un moratoire a été imposé aux opérateurs par le gouvernement sur le rachat d'électricité d'origine photovoltaïque. Cette décision a eu pour effet d'imposer auxdits opérateurs le dépôt d'une nouvelle demande de raccordement auprès d'EDF. Cette nouvelle exigence ne permettait à la société Hédios d'y satisfaire avant le 31 décembre 2010.

En sa qualité de monteur de l'opération du produit de défiscalisation soumis à la loi Girardin la société Hedios s'est engagée dans le suivi de l'exécution du produit qu'elle a élaboré. Elle s'est également engagée auprès des souscripteurs dans le suivi des obligations légales liées aux opérations de défiscalisation. Il lui appartenait de s'assurer que les conditions requises par la loi, et notamment celles de l'article 199 undecies B du CGI et de la doctrine fiscale, étaient réunies au moment de la délivrance de l'attestation et notamment en vérifiant qu'une demande de raccordement avait été déposée auprès d'Electricité de France après le 31 décembre 2010.

La société Hédios qui n'a pas justifié du dépôt de demandes de raccordement des installations photovoltaïques entre lesquelles l'investissement de Mme X. a été réparti et qui a adressé à Mme X. une attestation fiscale donnant droit selon elle à réduction d'impôt au titre d'un investissement qui n'était en réalité pas éligible à cette réduction, ce qu'elle devait nécessairement savoir, commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme X. ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société Hédios en sa qualité de distributeur du montage aux fins de défiscalisation dans la mesure où il n'était pas acquis d'emblée que le produit qu'elle commercialisait n'aurait pas pu être éligible à la réduction fiscale prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts puisque administration a fondé son redressement sur la tardiveté du dépôt de la demande de raccordement de l'installation auprès d'Electricité de France avant le 31 décembre 2010 et que cette donnée lui échappait nécessairement son rôle en tant que « distributeur » s'achevant à la souscription du contrat.

 

Sur les préjudices :

Madame X. soutient qu'elle doit être indemnisée de l'intégralité du préjudice subi et qu'elle doit être replacée dans la situation dans laquelle elle aurait dû être si Hédios avait rempli ses obligations.

Elle soutient que son préjudice est égal à la perte de la somme investie, soit 15.000 euros outre le paiement de l'avantage fiscale escompté dont elle a été privée, soit 9.000 euros ainsi que la majoration de 2.400 euros et les intérêts moratoires de 2.112 euros notifiés par l'administration fiscale escompté de 9.000 euros. Elle fait valoir que la perte de son investissement ne peut pas être compensée par la détention de parts sociales non fructifères et sans valeur, d'autant que le boni de liquidation est stipulé au profit du gérant et que le paiement des majorations et des intérêts de retard consécutivement au redressement fiscal est bien la conséquence des manquements contractuels d'Hédios.

Elle sollicite également la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice immatériel constitué par les soucis et traces inévitablement causés par ce type de procédure fiscale et le fait de payer un impôt qui n'avait pas été prévu et donc budgété.

Les MMA soutiennent que le préjudice n'est pas démontré, le produit n'étant pas éligible à la réduction fiscale ; que le paiement de l'impôt ne constitue pas un préjudice de même que le paiement de intérêts moratoires qui sont des accessoires de l'impôt légalement dû ; que la majoration est la conséquence de la position de l'administration fiscale et ne peut pas être mis à la charge de son assurée ; que ne peuvent être réclamés à la fois une indemnisation sur le plan fiscal et le remboursement des fonds investis ; que le dommage ne peut s'entendre que d'une perte de chance de n'avoir pas investi. Elles contestent le préjudice moral.

 

Ceci étant exposé, le préjudice subi par Mme X. est constitué par la perte de son investissement, soit la somme de 15.000 euros. Le paiement de l'impôt n'est pas un préjudice réparable de même que les intérêts moratoires dans la mesure où ces intérêts ne sanctionnent pas le non-paiement de l'impôt mais la perte subie par le Trésor public du fait de la perception différée de l'impôt dont le montant est resté dans le patrimoine du contribuable jusqu'à la rectification et le paiement de l'impôt.

La majoration à hauteur de 2.112 euros sanctionne le non-paiement de l'impôt qui le conséquence de la délivrance par Hédios d'une attestation fiscale erronée.

En conséquence la créance indemnitaire de Mme X. s'élève à la somme de 17.112 euros, soit 15.000 euros + 2.112 euros.

Le jugement entrepris qui a retenu une valeur d’une perte de chance évaluée à 14.400 euros sera dès lors infirmé.

Il sera par contre confirmé en ce qu'il fixé la créance indemnitaire de Mme X. en réparation de son préjudice moral lié aux tracas engendrés par l'investissement auquel il convient d'ajouter ceux subis du fait du redressement fiscal, à la somme de 1.000 euros.

 

Sur la garantie de l'assureur :

Il n'est pas contesté par les parties que Mme X. exerce une action directe contre l'assureur en application de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Les MMA soutiennent qu'il convient d'appliquer l'avenant de 2015 de la police souscrite par Hédios s'agissant d'une « base réclamation » et qu'en tout état de cause que la garantie des MMA ne peut jouer que si l'assuré a exercé une activité définie au contrat, c'est à dire que s'il a exercé l'une des activités listées au point 1 du chapitre « ACTIVITES ASSUREES » de la police d'assurance et que MMA ne garantit en aucune façon l'activité de monteur.

Ceci étant exposé, Mme X. invoque le bénéfice de la police d'assurances collective souscrite par la chambre des indépendants du patrimoine pour le compte de ses adhérents dont fait partie Hédios Patrimoine applicable à compter du 1er janvier 2004.

Elle soutient que cette police d'assurance garantie l'activité d'ingénierie financière d'Hédios sans distinguer entre la commercialisation et le montage et qu'il s'agit d'une « base fait dommageable ».

Ceci étant exposé, s'agissant d'une action directe, il appartient à la victime d'un dommage de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat d'assurance et à l'assureur qu'il ne doit pas sa garantie.

En l'espèce, Mme X. justifie de l'existence du contrat d'assurance n° 112.XX couvrant la responsabilité professionnelle d'Hédios Patrimoine.

La créance de réparation de Mme X. est née au jour du dommage subi le 31 décembre 2010. Il ne saurait dès lors être fait application de l'avenant de refonte intervenu le 1er janvier 2015, soit postérieurement au fait dommageable.

Mme X. soutient qu'il n'y a pas lieu de faire une distinction entre la réalisation du montage par la société Hédios et sa commercialisation, peu importe que l'erreur à l'origine de la reprise de l'avantage fiscal soit antérieure ou postérieure à sa commercialisation ou qu'elle soit liée à la conception, à la réalisation ou à la prise en œuvre du montage, la seule condition exigée par le contrat d'assurance étant que l'erreur ait été commise dans le cadre de l'activité normale de l'assuré.

Ainsi qu'exposé ci-dessus, la responsabilité d'Hédios est engagée en raison de son intervention dans le montage du produit de défiscalisation et non en sa qualité de distributeur du produit.

La liste des activités assurées figurant au chapitre I « Définitions » du contrat d'assurance n'inclut pas l'activité de montage d'opérations de défiscalisation à caractère industriel ou immobilier et réalisation d'investissements dans les départements et territoires d'outre-mer et s'il est fait référence en première page « aux opérations industrielles et immobilières de défiscalisation en outre-mer », aucune stipulation de la police d'assurance ne permet de séparer l'intervention de l'assuré pour de telles opérations de son activité assurée de conseil en gestion de patrimoine. Il en résulte que la responsabilité du conseil en gestion de patrimoine pour le conseil donné au titre de la distribution de telles opérations est couverte par la police d'assurances. Or, en l'espèce, la responsabilité d'Hédios n'est pas engagée à ce titre.

Il est ajouté que par courrier du 10 mars 2010, la société Hédios Patrimoine avait pris l'initiative de demander au courtier en assurances BDJ intervenu pour le placement de la police d'assurance collective s'il proposait une assurance complémentaire de cette pour l'activité de monteur de produit relevant de la loi Girardin industriel auquel le courtier répondait le 11 mars 2010 que le contrat ne garantissait pas l'activité de monteur d'opérations Girardin.

Mme X. soutient qu'un produit de défiscalisation outre-mer n'est pas une simple prise de participation dans un véhicule d'investissement mais constitue une activité d'ingénierie financière qui est un ensemble de techniques financières et juridiques mises en œuvre pour atteindre un objectif financier et qui exige de syndiquer les investisseurs dans des sociétés de portage, d'effectuer des calculs complexes pour s'assurer de l'équilibre économique de l'opération pendant 5 ans et de prendre en compte les modalités de son financement. Elle ajoute que ce qualificatif résulte de nombreux documents officiels dont le rapport du Sénat du 8 octobre 2014.

Contrairement à ce que soutient Mme X. et ainsi que l'a relevé le tribunal, l'activité de monteur d'opérations de défiscalisation à caractère industriel ou immobilier en outre-mer n'est pas incluse dans l'activité d'ingénierie financière, le dispositif de défiscalisation dit « Girardin Industriel » prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts portant uniquement sur des investissements productifs neufs réalisés dans les territoires et départements d'outre-mer dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale et n'impliquant pas de montages financiers touchant à l'organisation, la structuration ou la transmission du capital de sociétés civiles ou commerciales, si ce n'est la simple prise de participation dans l'entreprise réalisant l'investissement productif ouvrant droit à la réduction d'impôt ce qui n'est pas en soi constitutif d'une opération d'ingénierie financière.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que la garantie d'assurance de la société MMA IARD n'était pas mobilisable au titre de la police d'assurance n° 112.XX et déboutée Mme X. de ses demandes en paiement.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par Mme X. :

Le tribunal a rejeté la demande de Madame X. qui a échoué en ses demandes de condamnation. Elle succombe en son appel. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts.

La décision déférée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens de la présente procédure.

Les circonstances de la cause commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement sur la fixation de la créance de réparation de Madame X. au titre de son préjudice matériel ;

Statuant à nouveau de ce chef,

FIXE le montant de la créance de réparation de de Madame X. en réparation de son préjudice matériel à la somme de 17.112 euros ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame X. aux dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT

S. MOLLÉ                                        E. LOOS