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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 novembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 novembre 2022
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 19/06801
Date : 17/11/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/10/2019
Référence bibliographique : 5820 (L. 121-16, application dans le temps), 5889 (L. 221-3 C. consom.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9954

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 novembre 2022 : RG n° 19/06801 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L'article L. 121-16-1 du code de la consommation est en l'espèce applicable aux relations contractuelles, les contrats ayant été signé le 29 janvier 2016 avant abrogation du texte et création du nouvel article L. 221-3 par ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016. »

2/ « Il n'est pas contesté que les contrats ont été conclus hors établissement. Il n'est pas plus contesté que Mme X. n'emploie pas cinq salariés au plus.

Reste donc à déterminer si contrats de création de site Internet et de licence d'exploitation entrent dans le champ d'activité principale d'un avocat.

Telle est manifestement la situation puisque Mme X. évoque dans ses conclusions la digitalisation des services, particulièrement dans le droit de la famille, domaine principal d'activité, révélant que l'objet du contrat entre directement dans son champ d'activité professionnelle. Elle s'est trouvée à même d'exercer ses connaissances dans le droit des contrats dont elle admet que sa profession lui confère la connaissance juridique en rédigeant avec la commerciale de la société Cometik un avenant indiquant qu'elle ne dépendra pas du partenaire financier Locam concernant la création de son site internet ainsi que pour ses prestations de services mensuelle. Elle ne conteste pas avoir été mise en possession des conditions générales de chaque contrat qui lui ont permis de faire procéder à la rédaction de l'avenant et lui ont révélé l'ensemble des clauses dont elle ne dénonce aucune comme étant abusive de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/06801. N° Portalis DBVK-V-B7D-OLRR. Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 SEPTEMBRE 2019, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉZIERS : R.G. n° 18/02570.

 

APPELANT :

Maître X.

de nationalité Française [Adresse 1], [Adresse 1], Représenté par Maître Camille CALAUDI substituant Maître Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

INTIMÉE :

SARL Cometik

[Adresse 2], [Adresse 2], Représentée par Maître Claire LEFEBVRE pour Maître Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Maître Amaury PAT de la SELARL RIVAL, avocat au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 OCTOBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, Madame Marianne FEBVRE, Conseillère.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme X., avocate, a signé le 29 janvier 2016 un bon de commande avec la SARL Cometik portant notamment sur la création d'un site internet professionnel, doublé d'un contrat de licence d'exploitation de ce site moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 300€ ttc pendant une durée de 48 mois.

Mme X. a signé le 29 juillet 2016 un procès-verbal de réception de l'espace hébergement à l'adresse d.-f.fr.

A défaut de paiement d'échéances, la société lui a adressé une mise en demeure l'invitant à régulariser par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 octobre 2016, visant la clause résolutoire.

Par acte d'huissier du 13 septembre 2018, la société l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Béziers qui, par jugement du 5 septembre 2019, a :

- constaté l'inexécution de son obligation contractuelle de paiement

- prononcé la résiliation du contrat telle que demandée par les deux parties

- condamné Mme X. à payer à la société Cometik la somme de 14.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision

- ordonné à Mme X. de restituer le site internet réalisé, sans prononcé d'astreinte, à compter du 10 septembre 2019

- autorisé la société Cometik, à ses frais, à s'assurer de la restitution du site internet litigieux, par un contrôle dans les locaux de Mme X. effectué par un huissier

- condamné Mme X. au paiement de la somme de 1.410 € au titre de la clause pénale

- condamné Mme X. au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

[*]

Vu la déclaration d'appel du 14 octobre 2019 par Mme X.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles elle demande de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, à titre principal, au visa des articles L. 221-3 et suivants du code de la consommation, de prononcer la nullité du contrat ; à titre subsidiaire, au visa de l'article 1184 ancien du code civil, de prononcer la résolution judiciaire des contrats aux torts exclusifs de la société Cometik ; en tout état de cause, d'ordonner la restitution des loyers versés, de débouter la société de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

[*]

Vu les uniques conclusions transmises par voie électronique le 24 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles la société Cometik demande de confirmer le jugement sauf en ce qu'il ordonne à Mme X. de restituer le site sans prononcé d'astreinte, en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal non majoré au jour de la décision et statuant à nouveau, de fixer une astreinte de 50 € par jour de retard à défaut d'exécution dans le délai de 15 jours suivant la signification de la décision et d'appliquer un taux d'intérêt légal majoré de cinq points à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2016.

[*]

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance du 03 octobre 2022 portant révocation de l'ordonnance du 25 avril 2022 et fixation de la nouvelle clôture à sa date.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du bon de commande :

Mme X. se prévaut des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, considérant que le contrat n'entre pas dans le champ de son activité professionnelle et qu'elle n'emploie pas au plus cinq salariés. Elle fait valoir avoir une compétence dans le droit de la famille de telle sorte que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale et qu'elle a été victime d'une vente agressive en 'one shot' et qu'un tel contrat se heurte aux notions d'équilibre dans le contrat et de bonne foi régissant les conventions.

L'article L. 121-16-1 du code de la consommation est en l'espèce applicable aux relations contractuelles, les contrats ayant été signé le 29 janvier 2016 avant abrogation du texte et création du nouvel article L. 221-3 par ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016.

Selon le paragraphe III de cet article :

« Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

Il n'est pas contesté que les contrats ont été conclus hors établissement. Il n'est pas plus contesté que Mme X. n'emploie pas cinq salariés au plus.

Reste donc à déterminer si contrats de création de site Internet et de licence d'exploitation entrent dans le champ d'activité principale d'un avocat.

Telle est manifestement la situation puisque Mme X. évoque dans ses conclusions la digitalisation des services, particulièrement dans le droit de la famille, domaine principal d'activité, révélant que l'objet du contrat entre directement dans son champ d'activité professionnelle. Elle s'est trouvée à même d'exercer ses connaissances dans le droit des contrats dont elle admet que sa profession lui confère la connaissance juridique en rédigeant avec la commerciale de la société Cometik un avenant indiquant qu'elle ne dépendra pas du partenaire financier Locam concernant la création de son site internet ainsi que pour ses prestations de services mensuelle. Elle ne conteste pas avoir été mise en possession des conditions générales de chaque contrat qui lui ont permis de faire procéder à la rédaction de l'avenant et lui ont révélé l'ensemble des clauses dont elle ne dénonce aucune comme étant abusive de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties.

Il n'est tiré aucune conséquence juridique de l'argument selon lequel les contrats auraient été signés selon une méthode de vente agressive.

Son moyen de nullité n'est dès lors pas fondé.

 

Sur la résolution judiciaire du contrat pour manquement grave.

Selon l'article 1184 ancien du code de procédure civile,

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

Le premier juge a très exactement procédé à l'analyse des seules pièces produites par Mme X. consistant en deux audits qu'elle a fait réaliser par une société informatique & réseaux le 04/07/2019 et le 13 janvier 2020. S'il en ressort une étude principalement descriptive du site et une critique du prix de la prestation, il en ressort également que la création du site n'a jamais été finalisée, sa mise en ligne n'ayant jamais dû être faite en l'état.

Toutefois, outre que la contestation apparaît particulièrement tardive puisque Mme X. n'a pas réagi à la mise en demeure du 28 octobre 2016 dont la distribution est justifiée par l'avis de réception, elle connaissait par ses compétences professionnelles, la portée du procès-verbal de réception qu'elle a signé le 29 juillet 2016. Les codes lui permettant d'avoir accès aux messages et à son espace client lui ont été adressés, le site a été publié et référencé avec les éléments donnés par la cliente qui ne s'en est jamais plaint et n'a jamais donné suite aux relances téléphoniques telles que reprises par la société Cometik dans le corps de ses conclusions, non contestées. Les études de la société informatique & réseaux ne caractérisent pas que le site n'est pas fonctionnel et l'obligation de délivrance a été satisfaite.

Aucun manquement contractuel n'est donc imputable à la société Cometik alors que Mme X. a pour sa part cessé d'honorer son obligation en paiement des échéances dès le 15 septembre 2016, ayant au mieux réglé une échéance, de telle sorte que ses manquements graves et répétés doivent conduire au prononcé de la résolution judiciaire des contrats à ses torts exclusifs.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'autorisation de pénétrer dans les locaux professionnels de Mme X., dont l'accès est protégé et la société Cometik disposant assurément de moyens digitaux pour faire constater l'absence de restitution du site.

A considérer que les conditions générales dans un article non visé aux conclusions de la société prévoir une majoration de l'intérêt légal de 5 points, cette majoration est assimilable à une clause pénale qui fait double emploi avec celle de 10 % du montant impayé et se trouve donc manifestement excessive de telle sorte que sa réduction entraîne le rejet d'une telle prétention.

Il est en revanche bien fondé de réclamer que les intérêts calculés au taux légal courent à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2016.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme X. supportera les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement en ce qu'il a autorisé la société Cometik, à ses frais, à s'assurer de la restitution du site internet litigieux, par un contrôle dans les locaux de Mme X. effectué par un huissier et en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts moratoires à compter du jugement.

statuant à nouveau de ce chef,

Déboute la société Cometik de sa demande tendant à l'autoriser à effectuer un contrôle dans les locaux professionnels de Mme X.

Dit que les intérêts au taux légal calculés sur le principal courront à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2016.

Confirme pour le surplus

Y ajoutant,

Dit que la résolution judiciaire du contrat est prononcée aux torts exclusifs de Mme X.

Condamne Mme X. à payer à la société Cometik la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme X. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT