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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 7 décembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 7 décembre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 20/11472
Décision : 22/209
Date : 7/12/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/07/2020
Numéro de la décision : 209
Référence bibliographique : 6250 (L. 442-1, procédure, appel)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9988

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 7 décembre 2022 : RG n° 20/11472 ; arrêt n° 209

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L'article L. 442-6-I-1° du code de commerce dans sa version applicable à la cause, dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en [...] ».

La Cour dans son arrêt du 4 novembre 2020 a statué en ces termes : « En raison du principe de la libre négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle ne s'effectue pas en dehors d'un déséquilibre significatif, lorsque le prix n'a pas fait l'objet d'une libre négociation, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-749 QPC (voir considérant n°7) à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (Cass.com. 25 janv. 2017, N° 15-23547). Dès lors, les dispositions de l'article L.442-6-I-1° précité ne s'appliquent pas à la réduction de prix obtenue d'un partenaire commercial. »

Or, en l'espèce, ainsi que le fait justement valoir la société Edma, le litige ne porte pas sur le seul contrôle du prix mais sur un avantage tarifaire en échange de contreparties commerciales par la « réduction spécifique plan d'affaires » qui ne constitue pas une simple modalité de fixation du prix. En conséquence, l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce est applicable au litige ; Il sera ajouté que les conditions d'application de l'article précité [relèvent] de l'appréciation du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité. En conséquence la fin de non-recevoir prise de l'inapplicabilité de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce aux demandes de la société Edma, est rejetée. »

2/ « Il appartient au fournisseur qui agit en responsabilité délictuelle contre son distributeur de rapporter la preuve que l'avantage tarifaire qu'il lui a consenti ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu ou qu'il correspond à un service manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, étant observé que le distributeur n'est pas pour autant déchargé d'établir qu'il a bien réalisé les services en cause.

Bien que les ayant acceptées à l'issue de la négociation commerciale et n'ayant émis aucune critique quant à leur exécution avant qu'il soit mis fin aux relations commerciales, Edma soutient que les obligations prises par Brico Dépôt détaillées dans les conventions uniques seraient inhérentes à son rôle de distributeur et n'auraient pas été exécutées.

Or, en premier lieu, l'adaptation de la présentation de ses produits dans les linéaires de ses magasins grâce à la réalisation de planches merchandising, en ce qu'il tend à une optimisation de la présentation de ses produits, constitue un engagement allant au-delà du rôle de distributeur de Brico Dépôt. Cette dernière société justifie avoir réalisé des planches merchandising pour Edma (sa pièce 18) concernant ses produits, peu important que ces planches aient été à l'usage purement interne des équipes du magasin relativement à l'effectivité du service rendu.

De la même manière, en second lieu, le référencement des produits Edma sur son site marchand, en ce qu'il excède la seule gestion des points de vente et permet de donner de la visibilité aux produits Edma et notamment de connaître leur disponibilité en magasin, excède le rôle de distributeur de Brico Dépôt. A cet égard, la circonstance alléguée que les ventes des produits Edma ne seraient pas à la hauteur, est sans emport dès lors que le distributeur n'est tenu d'aucune obligation de résultat, l'effectivité du service ne pouvant dépendre de son résultat. En l'espèce, la mise en ligne des produits Edma sur le site internet de Brico Dépôt résulte des ventes réalisées, étant observé que l'article 2.1.2.1 du contrat lui faisait obligation de référencer les produits du fournisseur « toute l'année et/ou de manière ponctuelle dans le cadre d'une opération particulière »' et que Edma ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe, que Brico Dépôt aurait omis de mettre en avant ses produits sur son site internet.

Enfin, en troisième lieu, la mise en avant des produits Edma dans des catalogues à destination des consommateurs, en ce qu'il permet notamment de donner de la visibilité aux produits, excède le rôle de distributeur de Brico Dépôt. Cette dernière société justifie avoir satisfait à ses obligations à cet égard en mettant en avant les produits Edma dans des catalogues au cours de l'année 2015 « l'officiel du bricolage » pour l'année 2015 (Pièce 23) au titre de la contrepartie de la Réduction spécifique Plan d'affaires convenue en 2015.

En revanche en 2016 et 2017, ce service ne figurait plus dans la réduction spécifique plan d'affaires mais dans l'annexe 3 « Prestation de services » moyennant une rémunération de 0,5 % du chiffre d'affaires HT.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce que le tribunal a retenu que la société Edma ne démontrait pas que les services identifiés à l'article 2.1 2.1 du contrat n'ont pas été assurés en contrepartie des ristournes « Plan d'affaires », ni que ces dernières n'avaient pas été négociées dans un intérêt commun. »

3/ « La société Edma ne démontre pas ainsi qu'il lui incombe que le montant de la Réduction spécifique Plan d'affaires serait « manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Elle soutient que la rémunération de 10 % correspondrait au seul référencement de ses produits sur le site marchand Brico Dépôt alors que, ainsi qu'il a été dit, il existe d'autres services, comme l'adaptation de la présentation de ses produits dans les linéaires de ses magasins grâce à la réalisation de planches merchandising.

La circonstance que la remise convenue au titre de la Réduction spécifique Plan d'affaires soit passée de 9,5 % à 10 % en 2017 sans revalorisation des contreparties offertes par Brico Dépôt, ne saurait davantage établir une disproportion manifeste de la réduction alors que l'évolution est corrélative à l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par Edma avec Brico Dépôt qui est passé de 309 247€ en 2016 à 417 967€ l'année suivante.

Au surplus, ainsi que le fait valoir Brico Dépôt le taux de la réduction convenu entre les parties est particulièrement modéré en comparaison des taux usuels de l'ordre de 20 à 30% relevés dans le secteur du bricolage, même si ces taux de ristournes doivent être rapprochés au cas par cas des services assurés par le distributeur. »

4/ « Il sera observé que si la société Edma a interjeté appel du jugement en ce qu'il rejette sa demande au titre du déséquilibre significatif sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, elle ne reprend pas cette demande dans ses écritures, de sorte que la Cour n'en est pas saisie. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/11472. Arrêt n° 209 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGSI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 juillet 2020 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019005187.

 

APPELANTE :

SAS EDMA

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de FREJUS sous le numéro XXX, [Adresse 2], [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P0480, avocat postulant, Assistée de Maître André BRICOGNE du Cabinet HENRY & BRICOGNE AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque D177, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ BRICO DEPOT

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS d'EVRY sous le numéro YYY [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque L0034, avocat postulant, Assistée de Maître Violaine AYROLE du Cabinet RENAUDIER, avocat au barreau de PARIS, toque L0003, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Brico Dépôt, filiale du groupe britannique Kingfisher, est, avec 120 magasins en France, le troisième opérateur du marché français du bricolage.

Elle a entretenu avec la société Edma, qui a pour activité la conception et la distribution d'outillage, des relations commerciales de 2005 à 2018 via des conventions annuelles.

En 2015 a été introduite dans le contrat, une réduction de prix appelée « Réduction Spécifique Plan d'affaires » représentant 9,5% du montant total des ventes en 2015 et 2016 et 10 % en 2017 en contrepartie de laquelle Brico Dépôt devait apporter des services à Edma.

Les relations commerciales ont cessé en 2018 à l'initiative de Brico Dépôt.

Considérant ne pas avoir obtenu la contrepartie attendue des réductions contractuelles « Plan d'affaires ». Edma a demandé à Brico Dépôt, par courriers RAR des 14 et 30 novembre 2018, le remboursement des sommes qu'elle lui avait versées, soit la somme globale de 135.254,13 € TTC, au titre de ces réductions de prix.

Par acte du 18 janvier 2019, la société Edma a assigné la société Brico Dépôt devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le remboursement des sommes perçues par celle-ci au titre de la remise spécifique Plan d'Affaires ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu.

Par jugement du 20 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la SAS Edma de l'ensemble de ses demandes

- Condamné la SAS Edma à payer à la SASU Brico Dépôt la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires

- Ordonné l'exécution provisoire

- Condamné la SAS Edma aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 31 juillet 2020, la société Edma a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 30 septembre 2022, la société Edma demande à la Cour de :

Vu notamment les articles L. 441-3 et L. 442-6 du code de commerce (rédaction applicables avant 2019), 1231-6 du code civil, 15,16, 700 du CPC,

- Révoquer l'ordonnance de clôture et Recevoir les présentes conclusions

- Subsidiairement, rejeter et écarter des débats les conclusions n° 2 de Brico Dépôt, celles-ci n'ayant pas été déposées en temps utile pour permettre le respect du contradictoire

Au fond :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions

- Dire et juger que les sommes perçues d'Edma par Brico Dépôt au titre de la Réduction spécifique Plan d'affaires ne correspondent à aucun service commercial effectivement rendu.

- En conséquence, condamner Brico Dépôt à payer à Edma les sommes suivantes :

* 47.895 € au titre de 2015,

* 35.254,13 € au titre de 2016,

* 50.156 € au titre de 2017

- Subsidiairement, dire et juger que les sommes perçues d'Edma par Brico Dépôt au titre de la Réduction spécifique Plan d'affaires sont manifestement disproportionnées au regard de la valeur du service rendu.

- En conséquence, condamner Brico Dépôt à payer à Edma les sommes suivantes :

* 47.895 € au titre de 2015,

* 35.254,13 € au titre de 2016,

* 50.156 € au titre de 2017

- En tout état de cause,

- Dire et juger que les sommes dues à Edma par Brico Dépôt porteront intérêt à compter de la mise en demeure du 14 novembre 2018.

- Débouter Brico Dépôt de ses demandes.

- Condamner Brico Dépôt aux dépens.

- Condamner Brico Dépôt à payer à Edma la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 septembre 2022, la société Brico Dépôt, demande à la Cour de :

- Juger qu'en application de la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris (arrêt du 4 novembre 2020), les réductions de prix convenues au titre de la Réduction spécifique Plan d'Affaires n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,

- Prononcer, en conséquence, l'irrecevabilité des demandes de la société Edma au titre des réductions de prix convenues entre 2015 et 2017 sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce

- Juger que les termes des conventions annuelles, et en particulier les remises et ristournes octroyées par Edma à Brico Dépôt ainsi que les obligations prises par Brico Dépôt en contrepartie, ont été définis par Brico Dépôt et Edma à l'issue de négociations,

- Juger qu'Edma n'a jamais remis en cause, pendant toute la durée des relations qu'elle a eu avec Brico Dépôt, de quelque manière que ce soit, les réductions de prix payées à Brico Dépôt

- Juger que Brico Dépôt a bien respecté ses engagements qui constituent la contrepartie des remises et ristournes dont elle bénéficiait au titre des conventions annuelles,

- Juger que les remises et ristournes octroyées par Edma à Brico Dépôt revêtaient un caractère proportionné,

- Confirmer par conséquent le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 20 juillet 2020 en toutes ses dispositions et débouter Edma de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner Edma au paiement à Brico Dépôt de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner Edma aux entiers dépens

[*]

A l'audience du 12 octobre 2022, l'ordonnance de clôture rendue le 27 septembre 2022 a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur l'irrecevabilité des demandes formées par Edma :

La société Brico Dépôt se prévaut d'un arrêt du 4 novembre 2020 de la Cour d'appel de Paris, pour soutenir que les demandes d'Edma sont irrecevables puisque les avantages tarifaires n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce.

La société Edma réplique que l'arrêt du 4 novembre 2020 n'est pas pertinent s'agissant d'une affaire dans laquelle seul le prix avait été discuté sans qu'il ne soit question de contrepartie en échange de la remise. Elle fait valoir que la « réduction spécifique plan d'affaires » de l'espèce n'est pas une simple modalité de fixation du prix mais bien un avantage tarifaire en échange de contreparties commerciales.

 

Réponse de la Cour :

L'article L. 442-6-I-1° du code de commerce dans sa version applicable à la cause, dispose :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en [...] ».

La Cour dans son arrêt du 4 novembre 2020 a statué en ces termes :

« En raison du principe de la libre négociation du prix, le contrôle judiciaire du prix demeure exceptionnel en matière de pratiques restrictives de concurrence. Ce contrôle ne s'effectue pas en dehors d'un déséquilibre significatif, lorsque le prix n'a pas fait l'objet d'une libre négociation, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-749 QPC (voir considérant n°7) à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 (Cass.com. 25 janv. 2017, N° 15-23547).

Dès lors, les dispositions de l'article L.442-6-I-1° précité ne s'appliquent pas à la réduction de prix obtenue d'un partenaire commercial. »

Or, en l'espèce, ainsi que le fait justement valoir la société Edma, le litige ne porte pas sur le seul contrôle du prix mais sur un avantage tarifaire en échange de contreparties commerciales par la « réduction spécifique plan d'affaires » qui ne constitue pas une simple modalité de fixation du prix.

En conséquence, l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce est applicable au litige ;

Il sera ajouté que les conditions d'application de l'article précité [relèvent] de l'appréciation du bien-fondé de l'action et non de sa recevabilité.

En conséquence la fin de non-recevoir prise de l'inapplicabilité de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce aux demandes de la société Edma, est rejetée.

 

Sur l'existence d'un avantage sans contrepartie au sens de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce :

La société Edma fait valoir que Brico Dépôt a imposé unilatéralement la modalité selon laquelle la réduction ne devait pas être immédiatement déduite de la facture, reconnaissant ainsi explicitement que cette réduction devait correspondre à des contreparties spécifiques dont la réalité devait être vérifiée postérieurement à la signature de la convention unique. Elle ajoute qu'il incombe à Brico Dépôt de prouver la mise en 'uvre effective des contreparties postérieurement à la signature de la convention unique.

Elle fait aussi valoir que la convention unique la liant à Brico Dépôt prévoit un « Plan d'Affaires » en contrepartie de la réduction pratiquée par elle, qu'elle n'a jamais signé ou négocié. Elle ajoute que Brico Dépôt a exigé de nouvelles réductions à partir de 2015 sans proposer de nouvelles contreparties, se contentant d'exécuter normalement ses fonctions de distributeur. Elle soutient à cet égard que les « planches de merchandising », la mise en catalogue ou le référencement ponctuel de ses produits sur le site de Brico Dépôt ne sont pas un service rendu en contrepartie des réductions.

La société Brico Dépôt réplique qu'Edma n'a jamais critiqué pendant toute la durée de la relation les remises et ristournes qu'elle octroyait à Brico Dépôt et qui figuraient déjà dans les conventions annuelles négociées chaque année entre les deux sociétés. Elle soutient que les réductions de prix concourent à la détermination du prix convenu qui font partie de la négociation globale du contrat. En l'absence des réductions proposées par Edma, aucun accord commercial n'aurait été signé et elle n'aurait jamais acheté les produits d'Edma.

S'agissant du « Plan d'Affaires », elle réplique que celui-ci fait partie intégrante de la convention unique et est détaillé dans chaque convention unique négociée et signée par Edma chaque année. Elle soutient que les obligations auxquelles elle s'est engagée, sont de véritables prestations qui revêtent un intérêt certain la concernant et qu'elles dépassent le simple rôle de distributeur de Brico Dépôt, s'agissant des prestations suivantes : adaptation de la présentation des produits d'Edma dans les linéaires des magasins par la réalisation de « planches merchandising » par produit, référencement des produits Edma sur le site marchand de Brico Dépôt et mise en avant des produits Edma dans des catalogues à destination des consommateurs finaux.

Réponse de la Cour :

Le litige s'inscrit dans le cadre des conventions annuelles négociées entre fournisseurs et distributeur conformément aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019.

Force est de constater à l'instar du tribunal, que le « Plan d'Affaires » fait partie intégrante de la convention unique négociée et signée par Edma chaque année, détaillé de manière non exhaustive à l'article 2.1.2.1 « Réduction spécifique plan d'affaires » et à l'annexe 2 pour les aspects financiers (Fiche accord commercial) des conventions signées en 2015, (pièce 5 Edma), 2016 (pièce 6 Edma) et 2017 (pièce 7 Edma).

A cet égard, l'article 2.1.2.1 « Réduction spécifique plan d'affaires » mentionne :

« Dans le cadre du Plan d'affaires établi entre Brico Dépôt et le Fournisseur, Brico Dépôt met en œuvre différents moyens et actions qualitatifs permettant de renforcer la visibilité et la pertinence de l'offre du Fournisseur, mais également la présentation de ses Produits au sein des linéaires de Brico Dépôt... ».

Il appartient au fournisseur qui agit en responsabilité délictuelle contre son distributeur de rapporter la preuve que l'avantage tarifaire qu'il lui a consenti ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu ou qu'il correspond à un service manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, étant observé que le distributeur n'est pas pour autant déchargé d'établir qu'il a bien réalisé les services en cause.

Bien que les ayant acceptées à l'issue de la négociation commerciale et n'ayant émis aucune critique quant à leur exécution avant qu'il soit mis fin aux relations commerciales, Edma soutient que les obligations prises par Brico Dépôt détaillées dans les conventions uniques seraient inhérentes à son rôle de distributeur et n'auraient pas été exécutées.

Or, en premier lieu, l'adaptation de la présentation de ses produits dans les linéaires de ses magasins grâce à la réalisation de planches merchandising, en ce qu'il tend à une optimisation de la présentation de ses produits, constitue un engagement allant au-delà du rôle de distributeur de Brico Dépôt.

Cette dernière société justifie avoir réalisé des planches merchandising pour Edma (sa pièce 18) concernant ses produits, peu important que ces planches aient été à l'usage purement interne des équipes du magasin relativement à l'effectivité du service rendu.

De la même manière, en second lieu, le référencement des produits Edma sur son site marchand, en ce qu'il excède la seule gestion des points de vente et permet de donner de la visibilité aux produits Edma et notamment de connaître leur disponibilité en magasin, excède le rôle de distributeur de Brico Dépôt.

A cet égard, la circonstance alléguée que les ventes des produits Edma ne seraient pas à la hauteur, est sans emport dès lors que le distributeur n'est tenu d'aucune obligation de résultat, l'effectivité du service ne pouvant dépendre de son résultat.

En l'espèce, la mise en ligne des produits Edma sur le site internet de Brico Dépôt résulte des ventes réalisées, étant observé que l'article 2.1.2.1 du contrat lui faisait obligation de référencer les produits du fournisseur « toute l'année et/ou de manière ponctuelle dans le cadre d'une opération particulière »' et que Edma ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe, que Brico Dépôt aurait omis de mettre en avant ses produits sur son site internet.

Enfin, en troisième lieu, la mise en avant des produits Edma dans des catalogues à destination des consommateurs, en ce qu'il permet notamment de donner de la visibilité aux produits, excède le rôle de distributeur de Brico Dépôt.

Cette dernière société justifie avoir satisfait à ses obligations à cet égard en mettant en avant les produits Edma dans des catalogues au cours de l'année 2015 « l'officiel du bricolage » pour l'année 2015 (Pièce 23) au titre de la contrepartie de la Réduction spécifique Plan d'affaires convenue en 2015.

En revanche en 2016 et 2017, ce service ne figurait plus dans la réduction spécifique plan d'affaires mais dans l'annexe 3 « Prestation de services » moyennant une rémunération de 0,5 % du chiffre d'affaires HT.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce que le tribunal a retenu que la société Edma ne démontrait pas que les services identifiés à l'article 2.1 2.1 du contrat n'ont pas été assurés en contrepartie des ristournes « Plan d'affaires », ni que ces dernières n'avaient pas été négociées dans un intérêt commun.

 

Sur la disproportion manifeste de la réduction :

La société Edma fait valoir que même si Brico Dépôt avait réalisé certaines contreparties définies par un éventuel « Plan d'affaires », celles-ci seraient sans rapport avec la valeur réelle des réductions octroyées et même disproportionnées au regard de la valeur du service rendu.

La société Brico Dépôt réplique que l'évolution du taux de remise est liée à l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par Edma avec Brico Dépôt qui a augmenté d'environ 25 % entre 2016 et 2017. Elle fait valoir que la simple évolution du taux de réduction accordé par Edma ne peut pas caractériser une disproportion entre le montant de la réduction et les contreparties de Brico Dépôt. Enfin, elle estime que le taux de réduction convenu avec Edma est particulièrement modéré par rapport aux taux usuels relevés dans le secteur du bricolage.

Réponse de la Cour :

La société Edma ne démontre pas ainsi qu'il lui incombe que le montant de la Réduction spécifique Plan d'affaires serait « manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».

Elle soutient que la rémunération de 10 % correspondrait au seul référencement de ses produits sur le site marchand Brico Dépôt alors que, ainsi qu'il a été dit, il existe d'autres services, comme l'adaptation de la présentation de ses produits dans les linéaires de ses magasins grâce à la réalisation de planches merchandising.

La circonstance que la remise convenue au titre de la Réduction spécifique Plan d'affaires soit passée de 9,5 % à 10 % en 2017 sans revalorisation des contreparties offertes par Brico Dépôt, ne saurait davantage établir une disproportion manifeste de la réduction alors que l'évolution est corrélative à l'évolution du chiffre d'affaires réalisé par Edma avec Brico Dépôt qui est passé de 309 247€ en 2016 à 417 967€ l'année suivante.

Au surplus, ainsi que le fait valoir Brico Dépôt le taux de la réduction convenu entre les parties est particulièrement modéré en comparaison des taux usuels de l'ordre de 20 à 30% relevés dans le secteur du bricolage, même si ces taux de ristournes doivent être rapprochés au cas par cas des services assurés par le distributeur.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Edma prise du caractère manifestement disproportionné de la remise au regard du service rendu sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce.

 

Sur les autres demandes :

Il sera observé que si la société Edma a interjeté appel du jugement en ce qu'il rejette sa demande au titre du déséquilibre significatif sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, elle ne reprend pas cette demande dans ses écritures, de sorte que la Cour n'en est pas saisie.

La société Edma qui succombe en ses demandes, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée, sur ce fondement, à payer à la société Brico Dépôt la somme de 5 000 € en cause d'appel, en sus de la somme mise à sa charge à ce titre par le tribunal.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Déboute la société Edma de ses demandes,

La condamne aux dépens d'appel et à payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Brico Dépôt.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE