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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 7 décembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 7 décembre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 20/18730
Date : 7/12/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 19/12/2020
Référence bibliographique : 6623 (prêt, déchéance pour renseignements inexacts), 6052 (indice, mauvaise foi du consommateur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9989

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 7 décembre 2022 : RG n° 20/18730 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Monsieur X. maintient à hauteur de cour, que doit être déclarée non-écrite car abusive, la clause du contrat de prêt stipulant qu'en cas de fourniture de renseignements inexacts, l'établissement bancaire est en droit de prononcer la déchéance du terme, clause abusive en ce qu'elle confie au seul prêteur l'appréciation du caractère inexact des déclarations en le laissant décider si les éléments sur lesquels elles portent sont essentiels et si elles ont été de nature soit à déterminer l'accord de la banque, soit à compromettre le remboursement du prêt, et en ce que l'emprunteur n'a pas la possibilité de contester le bien-fondé de la déchéance du terme.

L'article 1103 du code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». L'article 1104 précise : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

En l'espèce, le contrat de prêt inclut un article 5-1 des Conditions générales, ainsi rédigé : « LCL aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants : [...] - Inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt ». [...]

Il est ensuite indiqué : « Dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus LCL notifiera, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'emprunteur au aux emprunteurs, (...) qu'il se prévaut de la présente clause et que l'exigibilité anticipée lui sera acquise si ladite lettre reste sans effet à l'expiration d'un délai de 15 jours en cas d'impayé(s), 30 jours dans les autres cas ».

Une telle clause n'est que l'application du principe directeur selon lequel les contrats doivent s'exécuter de bonne foi.

C'est d'ailleurs ce qu'a jugé à bon droit le tribunal retenant que la clause de déchéance du terme prévue à l'article 5.1 du contrat de prêt constitue « seulement pour le prêteur un moyen de se prémunir des fausses déclarations de consommateurs déloyaux au sens de l'article 1104 du code civil ».

C'est encore à bon droit que le premier juge a précisé que la clause litigieuse « ne prive pas l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application qui serait faite de la clause à son égard », ce dont il découle que cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation «  selon lesquelles dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Le jugement déféré est confirmé de ce chef. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/18730 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CC26R. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 19/05291.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [Date naissance 3] à [Localité 8], de nationalité française, [Adresse 4], [Localité 6], Représenté par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT LYONNAIS

inscrit au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le n° B YYY, agissant poursuites et diligences de son directeur général, [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre et Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 décembre 2020, monsieur X. a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny, rendu le 3 novembre 2020 dans l'instance l'opposant à la société LE CREDIT LYONNAIS selon un dispositif rédigé en ces termes :

« - Déclare le Crédit Lyonnais recevable et bienfondé en ses prétentions,

- Condamne M. X. à payer au Crédit Lyonnais la somme principale de 107.823,48 euros, assortie des intérêts de retard calculés au taux contractuel de 2,15 % l'an sur la somme de 100.487,59 euros et au taux légal sur la somme de 7.335,89 euros à compter du 16 novembre 2019 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la date de l'assignation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne M. X. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Magali Tardieu-Confavreux en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Condamne M. X. à payer au Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonne l'exécution provisoire du jugement,

- Déclare M. X. mal fondé en l'ensemble de ses prétentions, et l'en a déboute, en ce comprise sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 13 septembre 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 18 mars 2021 l'appelant demande à la cour,

« Vu les articles 1104 et 1240 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence, »

de bien vouloir :

« -Infirmer le jugement qui lui est déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- Constater qu'il n'a commis aucune violation de ses obligations contractuelles,

- Constater qu'il a été à jour du règlement de toutes les échéances,

- Dire qu'il a été volontairement empêché de continuer les remboursements par la fermeture unilatérale de son compte ouvert au CREDIT LYONNAIS,

- Juger qu'il n'a commis aucune faute sur le terrain de l'article 1240 du code civil,

- Dire que le CREDIT LYONNAIS ne démontre pas ses allégations,

- Juger que le CREDIT LYONNAIS a violé ses obligations contractuelles suivant lesquelles il doit assurer le bon fonctionnement des comptes des clients en fermant unilatéralement son compte,

- Condamner le CREDIT LYONNAIS à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- Condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code civil (sic),

- Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions du CREDIT LYONNAIS. »

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 16 juin 2021 l'intimé demande à la cour,

« Vu les articles 1104, 1231-1, 1231-5 et 1240 du code civil

Vu l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, »

de bien vouloir,

« Débouter monsieur X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions, sauf à actualiser la condamnation au 15 juin 2021 et condamner en conséquence, monsieur X. à payer au CREDIT LYONNAIS la somme principale de 104 358,68 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel 2,15 % sur la somme de 94.243,05 euros à compter du 16 juin 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 7.433,33 euros à compter du 7 septembre 2018 jusqu'à parfait paiement ;

- Condamner monsieur X. à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société LE CREDIT LYONNAIS poursuit, tout comme en première instance, au motif de la mauvaise foi de l'emprunteur dans l'exécution du contrat et en se basant sur la déchéance du terme qui a été prononcée subséquemment, le paiement des sommes restant dues au titre du contrat de prêt conclu le 29 mai 2017 avec monsieur X.

De son côté, et lui aussi comme devant le premier juge, monsieur X. soutient l'irrégularité de la déchéance du terme du contrat de prêt dont il précise avoir toujours réglé en totalité et en temps et en heure les mensualités.

 

Sur le caractère abusif de la clause de résiliation anticipée :

Monsieur X. maintient à hauteur de cour, que doit être déclarée non-écrite car abusive, la clause du contrat de prêt stipulant qu'en cas de fourniture de renseignements inexacts, l'établissement bancaire est en droit de prononcer la déchéance du terme, clause abusive en ce qu'elle confie au seul prêteur l'appréciation du caractère inexact des déclarations en le laissant décider si les éléments sur lesquels elles portent sont essentiels et si elles ont été de nature soit à déterminer l'accord de la banque, soit à compromettre le remboursement du prêt, et en ce que l'emprunteur n'a pas la possibilité de contester le bien-fondé de la déchéance du terme.

L'article 1103 du code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». L'article 1104 précise : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

En l'espèce, le contrat de prêt inclut un article 5-1 des Conditions générales, ainsi rédigé :

« LCL aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants : [...]

- Inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt ».

[...]

Il est ensuite indiqué :

« Dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus LCL notifiera, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'emprunteur au aux emprunteurs, (...) qu'il se prévaut de la présente clause et que l'exigibilité anticipée lui sera acquise si ladite lettre reste sans effet à l'expiration d'un délai de 15 jours en cas d'impayé(s), 30 jours dans les autres cas ».

Une telle clause n'est que l'application du principe directeur selon lequel les contrats doivent s'exécuter de bonne foi.

C'est d'ailleurs ce qu'a jugé à bon droit le tribunal retenant que la clause de déchéance du terme prévue à l'article 5.1 du contrat de prêt constitue « seulement pour le prêteur un moyen de se prémunir des fausses déclarations de consommateurs déloyaux au sens de l'article 1104 du code civil ».

C'est encore à bon droit que le premier juge a précisé que la clause litigieuse « ne prive pas l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application qui serait faite de la clause à son égard », ce dont il découle que cette clause ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation «  selon lesquelles dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

 

Sur le prononcé de la déchéance du terme :

Le tribunal a retenu que les documents produits au soutien de la demande de prêt de monsieur X. sont faux, de sorte que ce dernier « a manqué à son devoir de loyauté » et que par suite, la banque était bien fondée à prononcer la déchéance du terme, par application des stipulations contractuelles citées supra.

L'appelant, qui n'a fait parvenir à la cour aucun dossier de pièces, bien que celui-ci eût été dûment réclamé par le greffe, ne propose aucune critique utile à cette décision pourtant exactement motivée en faits et en droit.

Ainsi, d'une part, monsieur X. se contente d'affirmer qu'il n'a violé aucune de ses obligations contractuelles, étant d'une parfaite bonne foi pour avoir par l'intermédiaire d'un courtier fourni tous les documents nécessaires à l'appui de sa demande de prêt, et avoir réglé sans défaillance les mensualités du crédit avant d'avoir été volontairement empêché de continuer les remboursements par la fermeture unilatérale du compte décidée par LE CREDIT LYONNAIS.

D'autre part, monsieur X. soutient, à tort, que la banque n'explique pas en quoi les éléments inexacts sont de nature à déterminer son accord, et que dès lors, en l'absence de défaillance de l'emprunteur et compte tenu de la bonne foi de ce dernier lors de la souscription du prêt, il n'était pas possible pour la banque de prononcer la déchéance du terme.

Surtout, monsieur X. ne s'exprime pas sur l'essentiel, soit le caractère faux des documents produits, s'abstenant même de la moindre observation en réponse aux développements de la société LE CREDIT LYONNAIS caractérisant de manière circonstanciée la production de faux documents à l'appui de la demande de prêt.

Ainsi la société LE CREDIT LYONNAIS expose - et justifie - que monsieur X., qui était son client pour avoir ouvert un compte en ses livres le 14 mars 2017, a sollicité, le 3 mai 2017, l'octroi d'un prêt en vue de financer l'acquisition de sa résidence principale, à [Localité 6] (Seine Saint Denis) et des travaux sur ce bien. À ces fins, monsieur X. a fourni les documents suivants :

- l'avis d'imposition de 2016 sur les revenus de l'année 2015, mentionnant au titre des revenus des salaires pour un montant de 29.250 euros (pièce n°3) ;

- un bulletin de paye du mois d'avril 2017 établi par la société BOUYGUES TELECOM, mentionnant un revenu mensuel net de 2.236,62 euros (pièce n°4) ;

- un relevé d'un compte d'HSBC du mois de mars 2017 sur lequel apparaît un salaire de 2.236,62 euros (pièce n°5).

En outre monsieur X., en dessous de la mention « les emprunteurs (…) certifient sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés, notamment en ce qui concerne les revenus et l'endettement », a signé, le 3 mai 2017, la demande de prêt (pièce 2) qui reprend les informations figurant dans les documents ci-dessus - et notamment, le revenu annuel net de 29.250 euros.

C'est sur ces bases que la société LE CREDIT LYONNAIS, suivant offre de prêt du 5 mai 2017 acceptée le 29 mai 2017, a consenti à monsieur X. le prêt immobilier sollicité, d'un montant de 110.000 euros, amortissable au taux annuel de 2,15 % en 240 mensualités de 589,07 euros (pièce n°6).

Ensuite la société LE CREDIT LYONNAIS décrit et justifie ce qui fait la fausseté des documents produits par monsieur X. à l'appui de sa demande de crédit.

a) Sur l'avis d'imposition

La société LE CREDIT LYONNAIS rappelle que par un arrêté du 8 octobre 2013, la Direction Générale des Finances Publiques a mis en place un téléservice de vérification d'authenticité des avis d'imposition sur le revenu à disposition des professionnels parmi lesquels les banques. L'authenticité des avis d'imposition peut être vérifiée en se connectant au site (https://cfsmsp.impots.gouv.fr/secavis/) et en entrant les deux identifiants du contribuable présents sur l'avis remis, à savoir le numéro fiscal du déclarant et le numéro de la référence de l'avis d'imposition. L'avis d'imposition est un faux dès lors que les identifiants et numéros de référence entrés sur le site ne permettent pas d'afficher le document de synthèse d'une page comprenant les données telles qu'elles figurent sur le document, ou n'affichent tout simplement aucun résultat.

En l'espèce, le CREDIT LYONNAIS a de cette manière vérifié l'avis d'imposition 2016 remis par monsieur X., vainement, les numéros fiscaux et références n'ayant pas permis d'accéder aux déclaration et avis de l'intéressé, ce qui signifie que les numéros apparaissant sur le document remis par monsieur X. au soutien de la demande de prêt ne correspondent à aucun avis authentique existant et en possession de l'administration fiscale, et que ce document est un faux.

b) Sur le bulletin de salaire

La société LE CREDIT LYONNAIS indique qu'au soutien de sa demande de prêt, monsieur X. a produit un bulletin de paye du mois d'avril 2017 établi par la société BOUYGUES TELECOM au sein de laquelle il exercerait la profession d'assistant comptable depuis le 17 avril 2009.

En premier lieu, ce bulletin de salaire est en contradiction avec les renseignements fournis lors de la demande d'ouverture de compte selon lesquels il serait employé d'une société 'gldp' depuis le mois de mai 2014 ou dans la demande de prêt, monsieur X. y indiquant être salarié de la société SFR.

Surtout, ce bulletin de salaire présente un numéro de sécurité sociale qui ne peut pas être le sien : [XXXXXXXXXXX01]. En effet, les 4e et 5e chiffres du numéro de sécurité sociale correspondent au mois de naissance de l'assuré ; monsieur X. étant né le [Date naissance 3] 1990, ces chiffres devaient être 01 (janvier), et non 09 (septembre). De plus, les 6e et 7e chiffres correspondent au numéro du département de naissance de la personne ; monsieur X. est né à [Localité 8], dans le département de la Saint-Saint-Denis, 93. Ces 6e et 7e chiffres devraient être 93, et non 32 (département du Gers). Enfin, les 8e, 9e et 10e chiffres constituent le code de la ville de naissance du titulaire du numéro de sécurité sociale. Le numéro 350 correspond au village de [Localité 7] dans le Gers. Il aurait dû être 066, celui de la ville de [Localité 8]. En conclusion, si le numéro de sécurité sociale figurant sur le bulletin de paye n'est pas nécessairement faux, il ne peut pas correspondre au numéro de sécurité sociale de monsieur X. Ce bulletin de salaire a nécessairement été falsifié.

c) Sur le relevé de compte

La société LE CREDIT LYONNAIS indique qu'au soutien de sa demande de prêt, monsieur X. a remis un relevé d'un compte bancaire HSBC du mois de mars 2017 qui présente plusieurs anomalies - le total des opérations au crédit inscrites sur le relevé de compte (3.804,74 euros) ne correspond pas à la seule opération au crédit du mois de mars 2017, c'est à dire le virement du « salaire » de 2.236,62 euros ; le solde de fin de période (39.875,66 euros) ne correspond pas au calcul du détail des opérations du mois (41.295,02 + 2.236,62 – 1.655,98 = 41.875,66) ; le relevé de compte inclut, en pied, un relevé d'identité bancaire au nom de madame X., et le numéro IBAN inscrit sur ce RIB de cette dernière apparaît sur le bulletin de salaire de monsieur X. ; au 26 mars 2017, figure un virement au crédit d'un montant de 2 236,62 euros qui correspondrait au salaire du mois de mars 2017 de monsieur X., toutefois, ce virement est intitulé « salaire artec tns 03-2017-0008 » et ne fait pas mention de la société BOUYGUES où monsieur X. serait pourtant salarié.

Si le bulletin de salaire a été falsifié, le relevé de compte l'a nécessairement également été afin que le revenu (et le numéro IBAN) se retrouve à l'identique sur l'ensemble des documents remis au prêteur.

Sur ce,

Les faits sont matériellement établis et l'analyse qui en est faite est pertinente. C'est à bon droit que le tribunal a retenu la fausseté de ces documents.

Comme précédemment indiqué, l'article 5-1 des Conditions générales du prêt prévoit que la déchéance du terme est encourue notamment en cas d'« Inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou l'autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt ».

Il ne saurait être contesté que la remise par l'emprunteur de faux documents tels avis d'imposition, bulletin de salaire, relevé de compte bancaire, sert de base à l'octroi du prêt.

Il importe aussi de noter que monsieur X. en aucun endroit de ses écritures ne conteste avoir signé la demande de prêt, pas plus qu'il ne prétend pas qu'il ne l'aurait pas comprise, alors que dans ce document l'emprunteur « Certifie sur l'honneur l'exactitude des renseignement donnés, notamment en ce qui concerne les revenus et l'endettement » y étant précisé aussi « En cas d'erreur, omission ou fausse déclaration, le dossier pourrait être refusé ou le crédit annulé ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que monsieur X. a bel et bien effectué de fausses déclarations et remis de fausses pièces dans le cadre de son dossier de financement en vue de la souscription du crédit, tout en certifiant la réalité de sa prétendue situation financière en signant la demande de prêt, le 3 mai 2017.

La mauvaise foi dont a fait preuve monsieur X. s'est donc exprimée, en premier lieu et de toute évidence, par la fourniture de renseignements et justificatifs qu'il savait mensongers.

Cette mauvaise foi a eu d'autres illustrations :

- Lorsque monsieur X. s'est abstenu de fournir à la banque suspectant que plusieurs documents produits au soutien de sa demande de prêt étaient des faux, les explications qu'elle avaient sollicitées, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2018. Monsieur X. au cours de la présente procédure n'a d'ailleurs jamais produit les pièces authentiques susceptibles de justifier de ses revenus lors de l'octroi du crédit et de sa capacité de remboursement des échéances du prêt ;

- Lorsque admettant que les documents remis à la banque au soutien de sa demande de prêt pourraient présenter des inexactitudes, il argumente ainsi : « la banque n'explique pas en quoi les éléments inexacts sont de nature à déterminer son accord et à compromettre la viabilité des règlements des échéances » ;

- Lorsqu'il laisse entendre que la fraude n'a pu qu'être commise par un tiers, cela sans donner le moindre élément de nature à convaincre de l'existence de ce dernier ; la société LE CREDIT LYONNAIS fait observer que les documents contractuels établissent que bien au contraire, le prêt a été consenti sans l'intervention d'un courtier puisque l'offre de prêt immobilier mentionne : « frais d'intermédiaire : 0,00 euros ».

À ce dernier égard, étant rapportée la preuve de la fausseté des pièces finalement produites à l'appui de la demande de prêt, peu importe d'ailleurs, la détermination de l'auteur exact des falsifications des pièces, dès lors que l'emprunteur lui-même - ou le cas échéant, son mandataire, dont il doit répondre - les a produites à la banque, à son profit.

Ainsi, c'est légitimement que la banque s'est prévalue de la clause de déchéance du terme du contrat de crédit dans l'hypothèse de la fourniture de renseignements confidentiels inexacts figurant à l'offre de prêt pour considérer le contrat résilié et les sommes restant dues au titre du prêt, immédiatement exigibles, en application de l'article 5-1, précité, et qu'elle a pu prononcer la déchéance du teme du prêt pour ce motif, dûment visé.

L'argument selon lequel monsieur X., qui insiste sur sa totale bonne foi, a toujours, sans défaillance, réglé les échéances échues du prêt, est inopérant dès lors que l'emprunteur par son comportement a lui-même trompé la banque quant à l'exécution normale de l'opération de prêt, faussant ainsi l'appréciation de son risque par le prêteur. La clause précitée visant à protéger la loyauté dans les relations contractuelles au moment de la formation du contrat et de son exécution, il n'y a pas lieu de considérer que la banque ne subirait aucun préjudice du seul fait que le prêt accordé - sur des déclarations fausses ou inexactes de l'emprunteur - est régulièrement remboursé.

Au vu de ces divers éléments factuels et par application des dispositions contractuelles précitées, il y a lieu à résiliation du prêt et le jugement déféré doit être confirmé s'agissant du principe de la condamnation.

 

Sur la créance de la banque :

Le tribunal a condamné monsieur X. à payer à la société LE CREDIT LYONNAIS la somme principale de 107.823,48 euros, assortie des intérêts de retard calculés au taux contractuel de 2,15 % l'an sur la somme de 100.487,59 euros et au taux légal sur la somme de 7.335,89 euros à compter du 16 novembre 2019 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la date de l'assignation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Aux termes de ses dernières écritures, des paiements étant intervenus postérieurement au précédent décompte (du 15 novembre 2019) la société LE CREDIT LYONNAIS sollicite la condamnation de monsieur X. à lui payer la somme de 104.358,68 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,15 % sur la somme de 94.243,05 euros à compter du 16 juin 2021 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 7.433,33 euros (indemnité de résiliation) à compter de la même date jusqu'à parfait paiement, en vertu du décompte réactualisé de sa créance arrêtée au 15 juin 2021.

De ce décompte (pièce 10), qui n'est en rien critiqué par monsieur X., il ressort que ce dernier reste redevable à l'égard de la société LE CREDIT LYONNAIS, des sommes telles que réclamées par la banque.

 

Sur la demande reconventionnelle de monsieur X. au titre de la résiliation de la convention de compte de dépôt :

Le tribunal après avoir relevé que l'article 1240 du code civil n'avait pas vocation à s'appliquer en matière de responsabilité contractuelle, a considéré que la banque n'avait commis aucune faute en procédant à la clôture unilatérale du compte de l'emprunteur.

En cause d'appel, l'appelant maintient, juridiquement à tort, que la banque aurait commis une faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en ce qu' 'il a été volontairement empêché de continuer les remboursements par la fermeture unilatérale du compte' de sorte que la banque aurait 'agi de façon incohérente et agi de façon abusive sans démontrer ses allégations'.

Il est de principe que le banquier est libre de mettre fin à une convention de compte à condition de respecter le délai de préavis de deux mois prévu à l'article L. 312-1-1, V du code monétaire et financier, comme cela été le cas en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juin 2018 et clôture du compte de dépôt à l'expiration de ce délai de préavis de deux mois, le 20 août 2018.

Comme le fait valoir la société LE CREDIT LYONNAIS ce courrier mentionnait bien que le compte serait maintenu en qualité de simple instrument comptable à compter de la date de clôture pour le prélèvement mensuel des échéances du prêt immobilier. Monsieur X. n'était donc nullement empêché de poursuivre les remboursements du fait de la clôture de son compte « unilatéralement décidée par la banque ».

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que l'emprunteur ne démontrait pas la faute prétendument commise par la banque dans la fermeture du compte et a rejeté la demande de condamnation de la banque au paiement d'une somme indemnitaire.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Monsieur X., qui échoue en son appel, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société LE CREDIT LYONNAIS formulée sur ce même fondement, pour la somme réclamée, de 2.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation,

et statuant à nouveau de ce chef infirmé,

CONDAMNE monsieur X. à payer à la société LE CREDIT LYONNAIS la somme de 104.358,68 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,15 % sur la somme de 94.243,05 euros à compter du 16 juin 2021 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 7.433,33 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE monsieur X. à payer à la société LE CREDIT LYONNAIS la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE monsieur X. de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE monsieur X. aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT