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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 décembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 décembre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 22/10217
Date : 14/12/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/05/2022
Référence bibliographique : 5920 (domaine, société immobilière), 5872 (domaine, indice, objet social), 5862 (domaine, 137-2 C. consom., personne morale)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10002

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 décembre 2022 : RG n° 22/10217 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La prescription - par dérogation biennale - de l'article devenu L. 218-2 du code de la consommation est prévue pour l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, lesquels sont définis par l'article liminaire du code de la consommation comme une « personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou agricole ».

Tel n'étant manifestement pas le cas de la SCI emprunteuse, l'action en recouvrement des sommes dues par cette dernière au titre d'un prêt consenti est soumise au délai quinquennal prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce et il en est de même de son action à l'encontre de la caution d'un tel prêt.

La circonstance que l'article liminaire du code de la consommation définissant le consommateur comme étant exclusivement une personne physique soit postérieur à la date du prêt litigieux comme étant issu de la loi du 17 mars 2014 transposant la Directive du 25 octobre 2011 est indifférente dès lors qu'il était jugé, pour des prêts antérieurs à des personnes morales, « qu'il se déduit de l'article L. 137-2 du code de la consommation que seuls les consommateurs peuvent invoquer la prescription biennale instituée par cette disposition ; que ceux-ci sont nécessairement des personnes physiques ».

Il ne peut qu'être ajouté en tout état de cause que l'ordonnance entreprise relève que la SCI Des Deux Loges, qui a pour objet notamment « la gestion et l'administration de tous biens dont elle pourrait devenir propriétaire » qui s'est vue consentir le prêt litigieux pour financer l'achat et des travaux d'un local commercial à donner en location ne peut être qualifiée de « non professionnel ». »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/10217 (7 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4I4. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 8 novembre 2021 - Juge de la mise en état de Melun - RG n° 20/00946.

 

APPELANT :

Monsieur V. X.

[Adresse 4], [Localité 10], Représenté par Maître Antoine GOURDET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0557

 

INTIMÉS :

Monsieur M. X.

[Adresse 5], [Localité 10], né le [Date naissance 1] à [Localité 9], Représenté par Maître Jérôme BERTIN de la SELARL BERTIN & BERTIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J126

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

[Adresse 3], [Localité 7], N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Aurélie PAUCK de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU substituée à l'audience par Maître Jean-Baptiste LOICHOT, avocat au barreau de MELUN

 

PARTIE INTERVENANTE :

FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION, représenté par la société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la SOCIETE GENERALE

[Adresse 2], [Localité 8],Représenté par Maître Aurélie PAUCK de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU substituée à l'audience par Maître Jean-Baptiste LOICHOT, avocat au barreau de MELUN

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc BAILLY, Président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre, et par Mme Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

La Société Générale a consenti le 23 janvier 2013 à la SCI des deux loges, un prêt immobilier d'un montant de 552.900 euros, au taux fixe de 3,95 %, remboursable en 240 mensualités de 3.784,62 euros afin d'acquérir des murs commerciaux situé [Adresse 6] à [Localité 10] et à des travaux.

Au sein du même acte en date, M. M. X. s'est porté caution solidaire en garantie du remboursement du prêt immobilier consenti à la Société dans la limite de la somme de 718.770 euros et pour une durée de 288 mois ; de même que M. V. X. s'est porté caution solidaire en garantie du remboursement du prêt immobilier consenti à la Société dans les mêmes termes.

En conséquence d'incidents de paiement intervenus à compter de janvier 2017, la Banque a rappelé à la Société, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juin 2017, ses obligations contractuelles de en lui demandant de régulariser les échéances impayées sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du prêt.

Toutefois compte tenu de la défaillance de la Société, la Banque, par lettre recommandée avec accusé réception du 17 décembre 2018, a prononcé la déchéance du terme du prêt immobilier et l'a mise en demeure de payer les sommes restant dues.

Le 28 décembre 2018, la Banque a fait livrer à la Société un commandement de payer. Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 26 juin 2017, la Banque a informé M. M. X. et M. V. X. des impayés de la Société en leur demandant d'honorer leurs engagements de caution solidaire.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 18 décembre 2018, la Banque a informé M. M. X. et M. V. X. du prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier notifié à la Société et a mis en demeure ces derniers d'avoir à honorer leurs engagements de caution solidaire.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 2 septembre 2019 et 15 octobre 2019, la Banque a vainement réitéré sa mise en demeure à l'égard de M. M. X. et de M. V. X.

Au 31 octobre 2019, la créance invoquée par la SOCIETE GENERALE s'établit à la somme totale de 645.395,48 euros.

Par actes extra judiciaire des 3 et 7 février 2020, Banque a assigné M. M. X. et M. V. X. devant le Tribunal judiciaire de MELUN, aux fins de les voir condamner aux paiements des sommes dues.

Par conclusions signifiées par RPVA le 19 janvier 2021, le fonds commun de titrisation Castanea (le « Fonds Castanea ») est intervenu volontairement à l'instance. En effet, selon un acte de cession de créance entre la banque et le fonds relève que ce dernier détenait désormais la dette de la Société. Et que Messieurs V. et M. X. ont été informé de la cession par lettre recommandée avec accusé de réception et lettre simple le 1er septembre 2020.

Concernant M. V. X., le pli est revenu avec la mention « pli avisé non réclamé ».

Le Fonds Castanea, venant aux droits de la Banque, a donc envoyé par lettre recommandée du 23 novembre 2020 une copie des lettres précédemment envoyées à la nouvelle adresse de M. V. X.

En conséquence, le Fonds Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion est intervenu volontairement à la présente procédure et est venu aux droits de la Banque, en sa qualité de demandeur.

M. V. X. a soulevé, dans le cadre d'un incident devant le Juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Melun, la prescription de l'action, sur le fondement de l'article L. 218-2 nouveau du code de la consommation.

Par ordonnance du 8 novembre 2021, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Melun a ainsi statué :

- Déclare recevable l'action du Fonds Commun de Titrisation Castanea à l'encontre de Monsieur M. X. et Monsieur V. X.,

- Rejette la demande d'indemnité formulée par le Fonds Commun de Titrisation Castanea, par Monsieur M. X. et par Monsieur V. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Renvoie la cause et les parties à l'audience de mise en état du 10 janvier 2022 pour les conclusions du demandeur ;

- Réserve les dépens.

Après le dépôt d'une requête en rectification d'erreur matérielle par le Fonds Castanea, le Juge de la mise en état a, par ordonnance du 5 juillet 2022, ordonné la rectification de l'ordonnance du 8 novembre 2021 en incluant le Fonds.

Par déclaration du 23 mai 2022, M. V. X. a interjeté appel de l'ordonnance du Juge de la mise en état du 8 novembre 2021.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 septembre 2022, M. V. X. demande à la cour de :

«  - D'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'il a déclaré l'action de la Société Générale et du Fonds Commun de Titrisation Castanea recevables ;

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que l'action de la Société Générale et du Fonds Commun de Titrisation Castanea est prescrite ;

- En conséquence, la déclarer irrecevable ;

- Les condamner à payer à Monsieur V. X. la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens. »

Au soutien de ses prétentions, il argue que :

En application de l'article L. 137-2 du Code de la consommation, l'action des professionnels pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels. Ainsi, l'action est donc soumise au délai de prescription de deux ans par l'article précité.

En matière d'obligation à exécution successive comme en l'espèce, le point de départ du délai de prescription court à compter de la date du premier incident de paiement. Le point de départ du délai se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, le premier incident de paiement ayant eu lieu au mois de janvier 2017, l'action de la Banque à l'encontre du débiteur principal, la société, était prescrite à compter du mois de février 2019.

La Banque a invoqué le fait que cette prescription constitue une exception personnelle au débiteur, dont la caution ne pouvait se prévaloir. Cependant, les dispositions du nouvel article 2298 nouveau du code civil résultant des dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 permettent à la caution d'invoquer les exceptions inhérentes à la dette comme les exceptions personnelles.

Ensuite, les intimés contestent l'application de l'article à la société. Or, la réforme du code de la consommation distingue le consommateur, le professionnel et le non professionnel. En effet, dans l'article liminaire dudit code, le non professionnel est défini comme « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ». En conséquence, s'agissant d'une société civile immobilière familiale, la Société doit être considérée comme non professionnel et donc consommateur au sens de l'article L. 218-2 du Code de la Consommation, par extension.

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 14 octobre 2022, la Banque et le Fonds Castanea demande à la Cour de :

« - Débouter Monsieur V. X. de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- Confirmer l'ordonnance entreprise et son ordonnance rectificative du 5 juillet 2022 ;

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur V. X., à payer au Fonds Commun de Titrisation Castanea, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion venant aux droits de la Société Générale, la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur V. X. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Aurélie PAUCK, associée de la SCP MALPEL & ASSOCIES, qui pourra les recouvrer selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civil. "

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que :

M. V. X. se fonde sur un arrêt et en fait une application erronée, pour considérer que l'action de la Banque, engagée les 3 et 7 février 2020, est prescrite et irrecevable au sens de l'article 122 du Code de procédure civile.

Les cautions d'une société civile immobilière ne peuvent pas opposer une prescription biennale au prêteur ; qu'il s'agit d'une prescription quinquennale.

En l'espèce, il n'y avait donc pas de prescription de l'action de la Banque lorsque celle-ci l'a introduite : le premier incident de paiement datant de janvier 2017, la déchéance du terme a été prononcée le 17 décembre 2018 et les assignations ont été délivrées les 3 et 7 février 2020.

Enfin, M. V. X., dans ses conclusions du 5 septembre 2022 tente de démontrer que la société peut être qualifiée de consommateur au regard de son activité et du fait qu'il s'agisse d'une société civile immobilière familiale. Il en déduit faussement et de manière erronée que la Société considérée comme non professionnel peut se prévaloir de la qualité de consommateur et donc des dispositions de l'article L. 218-2 du Code de consommation et qui, par extension, s'appliqueront à lui en tant que caution. Il convient de mettre en évidence que l'arrêt du 17 octobre 2019 invoqué par M. V. X. concerne les dispositions du code de la consommation applicables en matière de clause abusive, qu'en l'espèce, la société a acquis au moyen du prêt immobilier cautionné par M. V. X., des locaux commerciaux afin de les louer dans le cadre d'un bail commercial.

Par ailleurs, l'objet social de la Société est la propriété, la gestion et l'administration de tous biens immobiliers. Ainsi, la souscription d'un prêt immobilier pour l'acquisition d'un bien immobilier entre dans l'objet social de la Société qui ne peut dès lors être considérée comme un consommateur.

[*]

La Fonds Castanea et la Société Générale ont signifier la déclaration d'appel le 22 juillet puis les conclusions à M. M. X. les 10 août et 18 octobre 2022 et ce dernier, qui a constitué avocat, n'a pas conclu.

[*]

L'affaire ayant été appelée à bref délai, l'audience a été fixée au 24 novembre 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

La prescription - par dérogation biennale - de l'article devenu L. 218-2 du code de la consommation est prévue pour l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, lesquels sont définis par l'article liminaire du code de la consommation comme une « personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou agricole ».

Tel n'étant manifestement pas le cas de la SCI emprunteuse, l'action en recouvrement des sommes dues par cette dernière au titre d'un prêt consenti est soumise au délai quinquennal prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce et il en est de même de son action à l'encontre de la caution d'un tel prêt.

La circonstance que l'article liminaire du code de la consommation définissant le consommateur comme étant exclusivement une personne physique soit postérieur à la date du prêt litigieux comme étant issu de la loi du 17 mars 2014 transposant la Directive du 25 octobre 2011 est indifférente dès lors qu'il était jugé, pour des prêts antérieurs à des personnes morales, « qu'il se déduit de l'article L. 137-2 du code de la consommation que seuls les consommateurs peuvent invoquer la prescription biennale instituée par cette disposition ; que ceux-ci sont nécessairement des personnes physiques ».

Il ne peut qu'être ajouté en tout état de cause que l'ordonnance entreprise relève que la SCI Des Deux Loges, qui a pour objet notamment « la gestion et l'administration de tous biens dont elle pourrait devenir propriétaire » qui s'est vue consentir le prêt litigieux pour financer l'achat et des travaux d'un local commercial à donner en location ne peut être qualifiée de « non professionnel ».

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise du 8 novembre 2021 telle que rectifiée par celle du 5 juillet 2022 en toutes ses dispositions, de condamner M. V. X. aux entiers dépens de l'incident ainsi qu'à payer à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l'ordonnance entreprise du 8 novembre 2021 telle que rectifiée par celle du 5 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. V. X. à payer à la Société Générale la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. V. X. aux dépens de la procédure incidente qui seront recouvrés par Maître Aurélie Pauck, de la SCP Malpel & Associés comme il est disposé à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT