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CA GRENOBLE (ch. com.), 26 janvier 2023

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (ch. com.), 26 janvier 2023
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), ch. com.
Demande : 21/05232
Date : 26/01/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/12/2021
Référence bibliographique : 5943 (domaine, art. liminaire, publicité), 6979 (domaine, art. liminaire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10046

CA GRENOBLE (ch. com.), 26 janvier 2023 : RG n° 21/05232 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Aux termes de l'article 4 du contrat intitulé « Entretien », la société Allure s'engage à entretenir la publicité en bon état pendant la durée prévue par le bon de commande. Il est par ailleurs indiqué que l'absence ou le retard d'entretien de plus d'un mois constaté sur un emplacement donne droit à une prolongation d'égale durée pour le contrat relatif à l'emplacement considéré et que le défaut d'entretien d'un ou plusieurs emplacements ne peut justifier une interruption dans les délais de paiement, ni une résiliation du contrat.

La société K. M. considère que cet article 4 constitue une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

Toutefois, cet article s'applique seulement pour les contrats conclus entre professionnels et consommateurs et les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels. Le code de la consommation dans sa version applicable au litige précise dans un article liminaire qu'on entend par non-professionnel toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.

En l'espèce, la société K. M. qui vend des robes de mariés et de soirée agit bien à des fins professionnelles lorsqu'elle loue un espace publicitaire afin de promouvoir son activité. Dès lors, la société K. M. ne peut se prévaloir utilement de l'article L. 212-1 du code de la consommation pour considérer comme non écrite l'article 4 du contrat. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/05232. N° Portalis DBVM-V-B7F-LFB7. Appel d'une décision (R.G. n° 2021J84) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE, en date du 23 septembre 2021, suivant déclaration d'appel du 17 décembre 2021.

 

APPELANTE :

SASU K. M.

au capital de XX €, représentée par sa Présidente en exercice, [Adresse 1], [Adresse 1], représentée par Maître Magalie DERUD, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

 

INTIMÉE :

SAS ESPACE URBAIN

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Adresse 2], représentée par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître TOURT, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère, M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 3 novembre 2022, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière et en présence de Clémence RUILLAT, Greffière stagiaire, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Suivant contrat signé le 1er février 2020, la société K. M. a loué un panneau publicitaire à la société Allure aux droits de laquelle se trouve la société Espace Urbain pour une durée d'une année renouvelable par tacite reconduction moyennant le prix de 4.860 euros payable en 4 échéances de 1.215 euros, la première à la commande.

La société K. M. a réglé la première échéance.

La mise en service du panneau publicitaire a débuté le 5 mai 2020.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 décembre 2020, la société Espace Urbain a mis en demeure la société K. M. de lui régler la somme de 3.645 euros.

Sur la requête déposée par la société Espace Urbain, par ordonnance du 21 janvier 2021, le président du tribunal de commerce de Vienne a enjoint à la société K. M. de payer :

- 3.645 euros en principal, avec intérêts légaux à compter de la signification de l'ordonnance,

- 40 euros au titre des frais de recouvrement,

- 90 euros au titre des accessoires,

- les entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 33.47 euros ttc.

Le 28 février 2021, la société K. M. a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 23 septembre 2021, le tribunal de commerce de Vienne a :

- déclaré recevable et mal fondée l'opposition formée par la société K. M. à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 21 janvier 2021,

- condamné la société K. M. à payer à la société Espace Urbain la somme de 3.645 € à titre principal,

- condamné la société K. M. à payer à la société Espace Urbain la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- débouté la société K. M. de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société K. M. à payer à la société Espace Urbain la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société K. M. aux dépens et les a liquidés.

Par déclaration du 17 décembre 2021, la société K. M. a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions qu'elle a énoncées dans son acte d'appel.

 

Prétentions et moyens de la société K. M. :

Dans ses dernières conclusions remises le 26 juillet 2022, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que l'opposition de la société K. M. à l'ordonnance d'injonction de payer était recevable,

- infirmer le jugement du 23 septembre 2021 en toutes ses autres dispositions,

- dire et juger justifié le refus de la société K. M. de régler les sommes restant dues à la société Espace Urbain au titre du contrat publicitaire sur le fondement de l'exception d'inexécution, compte tenu du non-respect par la société Espace Urbain de ses propres obligations contractuelles,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de location liant les sociétés K. M. et Espace Urbain aux torts de cette dernière,

- fixer la résiliation dudit contrat à la date de sa conclusion et dire et que les parties devront être remises dans leur état antérieur à la conclusion du contrat,

- débouter la société Espace Urbain de ses demandes de paiement au titre de la facture n°2005010 du 29 mai 2020 et de la facture n°2108019 du 29 septembre 2021,

- condamner la société Espace Urbain à restituer à la société K. M. la somme de 1.215 euros réglée à titre d'acompte ainsi que toutes les sommes réglées au titre du premier jugement, soit à ce jour 2.500 euros, à parfaire à la date où l'arrêt sera rendu,

- condamner la société Espace Urbain à payer à la société Kelebek la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat de publicité,

- condamner la société Espace Urbain à rembourser à la société K. M. la somme de 604,40 euros au titre des constats d'huissier qu'elle a dû faire réaliser,

- condamner la société Espace Urbain à payer à la société K. M. une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Espace Urbain à payer les entiers dépens.

Elle fait valoir qu'après avoir validé la maquette le 24 février 2020, la pose du panneau est intervenue le 5 mai 2020, qu'il est apparu rapidement que l'affichage était défectueux, qu'alors que son annonce devait apparaître en alternance avec deux autres publicités, le panneau est resté bloqué pendant de nombreux mois sur la 1ère publicité concernant les magasins Gifi ainsi qu'il en résulte des attestations et des constats d'huissier, que la société K. M. n'a jamais pu bénéficier de l'affichage prévu par le contrat. Elle ajoute que si les constats d'huissier ont été dressés postérieurement à l'injonction de payer, elle avait signalé auparavant à plusieurs reprises par téléphone les dysfonctionnements et avait envoyé un mail le 20 septembre 2020

Sur la clause du contrat précisant que le dysfonctionnement temporaire du panneau ne peut donner lieu à l'interruption des paiements, ni à la résiliation du contrat, elle fait remarquer que cette clause est abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation dont elle peut se prévaloir, le contrat conclu étant sans rapport direct avec l'objet de son activité, et que de toute façon, il ne s'agit pas en l'espèce d'un dysfonctionnement temporaire mais plutôt d'un dysfonctionnement régulier qui s'est étalé sur plusieurs mois.

Elle relève donc qu'elle est bien fondée à refuser de payer pour une prestation dont elle n'a pas bénéficié tout au long de l'exécution du contrat et à solliciter la résiliation judiciaire du contrat et des dommages et intérêts.

 

Prétentions et moyens de la société Espace Urbain :

Dans ses conclusions remises le 10 mai 2022, elle demande à la cour de :

- confirmer dans son intégralité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne en date du 23 septembre 2021,

- débouter la société K. M. de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société K. M. à verser à la société Espace Urbain la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de maître Alexis Grimaud avocat associé de la Selarl Lexavoue Grenoble.

Elle indique qu'en raison de la validation de la maquette par la société K. M. seulement le 24 février 2020, du délai de fabrication et de la crise sanitaire, l'affichage a débuté le 5 mai 2020, raison pour laquelle la facture a été établie pour la période allant du 5 mai 2020 au 5 mai 2021, que la société K. M. n'établit donc aucun manquement contractuel dans le point de départ de l'exécution du contrat d'affichage.

Elle relève aussi qu'il n'y a pas eu la moindre difficulté dans l'exécution du contrat entre mai et fin septembre 2020, que lors du dysfonctionnement signalé en septembre 2020 elle a tout mis en œuvre pour régulariser la situation dans les plus brefs délais, étant rappelé qu'un dysfonctionnement temporaire ne peut justifier l'interruption des paiements de la prestation, ni la résiliation du contrat, qu'aucun autre dysfonctionnement n'est établi sauf entre mars et avril 2021, que bien que le contrat a pris fin le 4 mai 2021, la société K. M. a pu bénéficier gratuitement de quelques semaines supplémentaires pour compenser ce dysfonctionnement, que les attestations sont inopérantes en ce qu'elles font état de dysfonctionnements postérieurs à la fin du contrat, la demande de paiement étant formée pour la période du 5 mai 2020 au 4 mai 2021, que la demande de résiliation du contrat est manifestement tardive et ne peut avoir d'effet rétroactif.

[*]

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire est intervenue le 20 octobre 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

1) Sur la demande en paiement de la société Espace Urbain :

La facture réclamée par la société Espace Urbain couvre la période du 5 mai 2020 au 5 mai 2021.

 

Sur l'exception d'inexécution :

En application de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Aux termes de l'article 2 du contrat, la maquette est fournie par le client et elle doit être remise au moins un mois avant la date prévisionnelle de pose. L'article 3 stipule que la date de départ de location est la date de pose du panneau.

Il est constant que la maquette a été validée par la cliente le 24 février 2020 ce qui ne permettait pas une location du panneau avant le 24 mars 2020. La société K. M. reconnaît ensuite que la pose du panneau n'a pu se faire qu'à compter du 5 mai 2020 en raison de la crise sanitaire.

Dès lors, ce décalage ne peut constituer une inexécution suffisamment grave d'autant que le paiement est réclamé pour la période du 5 mai 2020 au 5 mai 2021.

Aux termes de l'article 4 du contrat intitulé « Entretien », la société Allure s'engage à entretenir la publicité en bon état pendant la durée prévue par le bon de commande. Il est par ailleurs indiqué que l'absence ou le retard d'entretien de plus d'un mois constaté sur un emplacement donne droit à une prolongation d'égale durée pour le contrat relatif à l'emplacement considéré et que le défaut d'entretien d'un ou plusieurs emplacements ne peut justifier une interruption dans les délais de paiement, ni une résiliation du contrat.

La société K. M. considère que cet article 4 constitue une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

Toutefois, cet article s'applique seulement pour les contrats conclus entre professionnels et consommateurs et les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels.

Le code de la consommation dans sa version applicable au litige précise dans un article liminaire qu'on entend par non-professionnel toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.

En l'espèce, la société K. M. qui vend des robes de mariés et de soirée agit bien à des fins professionnelles lorsqu'elle loue un espace publicitaire afin de promouvoir son activité.

Dès lors, la société K. M. ne peut se prévaloir utilement de l'article L. 212-1 du code de la consommation pour considérer comme non écrite l'article 4 du contrat.

Par ailleurs, la société K. M., mise en demeure de payer par courrier du 15 décembre 2020, ne justifie pas avoir répondu à ce moment là pour faire état d'une difficulté dans l'exécution du contrat.

Le seul incident temporaire constaté avant décembre 2020 résulte d'un courriel de la société Espace Urbain du 25 septembre 2020 qui indique qu'après l'appel de la société K. M., elle a figé le panneau sur sa publicité dans l'attente du passage du technicien quelques jours plus tard.

Les attestations versées aux débats rédigées en janvier et février 2022 qui ne sont pas circonstanciées dans le temps et ne contiennent aucune date ne permettent pas d'établir que la société Espace Urbain n'a pas respecté ses obligations entre le 5 mai 2020 et le 5 mai 2021, période de facturation.

Le procès-verbal d'huissier dressé le 29 mars 2021 constate que le panneau est resté bloqué sur la publicité Gifi pendant les 15 minutes où l'huissier est resté sur place. Le procès-verbal du 30 avril 2021 mentionne la persistance de la publicité Gifi pendant les 10 minutes où l'huissier est resté. Ces dysfonctionnements temporaires ne sont d'ailleurs pas contestés par la société Espace Urbain.

Les constats d'huissier des 20 décembre 2021 et 3 janvier 2022 sont largement postérieurs à la période de facturation et ne peuvent donc fonder une exception d'inexécution pour la période du 5 mai 2020 au 5 mai 2021.

En conséquence, au regard de l'article 4 du contrat et du caractère temporaire des dysfonctionnements constatés sur la fin du contrat, l'exception d'inexécution ne peut être accueillie et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société K. M. à payer la somme de 3645 € à titre principal, outre la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.

La cour relève par ailleurs que la société K. M. sollicite le débouté de la société Espace Urbain de sa demande de paiement au titre de la facture du 29 septembre 2021 alors que la société Espace Urbain n'a pas formulé une telle demande dans la présente instance.

 

2) Sur la demande de résiliation de la société K. M. :

En application de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit en cas d'inexécution suffisamment grave d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Compte tenu des termes de l'article 4 du contrat tels que retranscrits précédemment et de l'absence d'une inexécution suffisamment grave, le jugement du tribunal doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société K. M. en résiliation du contrat aux torts de la société Espace Urbain et la demande de restitution de l'acompte versé.

 

3) Sur la demande en dommages et intérêts de la société K. M. :

La société K. M. ne justifie pas du préjudice subi en raison des dysfonctionnement très temporaires constatés. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

 

4) Sur les mesures accessoires :

La société K. M. qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 23 septembre 2021 en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Condamne la société K. M. aux dépens d'appel avec distraction au profit de maître Alexis Grimaud avocat associé de la Selarl Lexavoue Grenoble pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne la société K. M. à payer à la société Espace Urbain la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière                                      La Présidente