TA LYON (3e ch.), 2 février 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10088
TA LYON (3e ch.), 2 février 2023 : req. n° 2207360
Publication : Judilibre
Extrait (motifs) : « 6. Un branchement particulier avant compteur, même pour sa portion établie à l'intérieur d'un immeuble privé et en dépit de l'existence de clauses attribuant la propriété à l'usager, présente le caractère d'un ouvrage public. L'article 11 du règlement en cause, qui se borne à préciser la propriété des branchements sans préjuger de la nature des ouvrages et de la répartition des responsabilités et charges entre les parties, n'est pas illégal. En revanche, cet article ne peut être légalement interprété, sans le revêtir d'un caractère abusif, comme déchargeant par principe l'exploitant du réseau de toute responsabilité pour les dommages subis sur une partie de branchement située sous un domaine privé ou trouvant leur origine dans cette partie compte tenu de leur incorporation à un ouvrage public. »
Extrait (dispositif) : « Article 1er : Il est déclaré que l'article 11 du règlement de la régie municipale de l'eau de la commune de Bourg-en-Bresse n'est pas illégal, sous réserve de ce qui est dit au point 6 du présent jugement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Requête n° 2207360. Numéro de rôle : 60481.
DEMANDEUR :
Syndicat des copropriétaires du [adresse]
DÉFENDEUR :
Commune de Bourg-en-Bresse
SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO CORDIER, Avocat
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu la procédure suivante :
Par un jugement du 15 septembre 2022, enregistré le 28 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a sursis à statuer sur la requête du syndicat des copropriétaires du [adresse] et autres et a saisi le tribunal administratif de Lyon de la légalité de l'article 11 du règlement de la régie municipale de l'eau de la commune de Bourg-en-Bresse.
Devant le tribunal judiciaire, les requérants soutenaient que :
- l'article 11 du règlement est illégal dès lors que l'usager d'un service collectif ne peut être contraint d'entretenir un réseau qui lui a été imposé ;
- il constitue une clause abusive, illicite et inapplicable ;
- les travaux de réparation d'une fuite avant compteur constituent des travaux publics à la charge de la régie de l'eau et de l'assainissement.
[*]
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le jugement du 15 septembre 2022 du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse ;
Vu :
- le code de la consommation ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertolo, rapporteur,
- et es conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant ce qui suit :
1. Les copropriétaires de l'immeuble situé au [adresse] à Bourg-en-Bresse ont constaté au mois d'avril 2014 un dégât des eaux provenant d'une fuite avant le compteur dont disposait la régie municipale de l'eau de Bourg-en-Bresse, situé dans les parties communes de l'immeuble. La régie municipale de l'eau a fait réaliser les travaux de réparation et a mis en demeure le syndicat des copropriétaires de les payer. Le syndicat des copropriétaires a saisi le 5 février 2016 la juridiction de proximité pour contester le bien-fondé de cette créance. Par un premier jugement du 14 décembre 2017, le tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse a sursis à statuer sur l'action. Par un second jugement rectificatif du 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a sursis à statuer sur la requête du syndicat des copropriétaires et a saisi le tribunal administratif de Lyon de la légalité de l'article 11 du règlement de la régie municipale de l'eau de la commune de Bourg-en-Bresse.
2. Aux termes de l'article R. 771-2-1 du code de justice administrative : « Lorsque la juridiction administrative compétente est saisie d'une question préjudicielle soulevée par une juridiction judiciaire, l'affaire est instruite et jugée comme une affaire urgente. / Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour produire leurs observations. A défaut de production dans le délai imparti, il est passé outre sans mise en demeure. ».
3. En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire. Le cas échéant, il appartient au juge administratif d'interpréter la question posée dans un sens qui lui permet, dans la limite de sa compétence, d'y répondre en apportant au juge judiciaire un éclairage utile.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. / Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution. / (…). « .
5. D'autre part, aux termes de l'article 11 du règlement de la régie municipale de l'eau de Bourg-en-Bresse : « Un branchement sous la voie publique restera la propriété de la Régie municipale des eaux qui en assurera l'entretien. / La partie située sous le domaine privé appartient à l'abonné. / Les canalisations après compteur ne doivent pas en règle générale emprunter des voies publiques ».
6. Un branchement particulier avant compteur, même pour sa portion établie à l'intérieur d'un immeuble privé et en dépit de l'existence de clauses attribuant la propriété à l'usager, présente le caractère d'un ouvrage public. L'article 11 du règlement en cause, qui se borne à préciser la propriété des branchements sans préjuger de la nature des ouvrages et de la répartition des responsabilités et charges entre les parties, n'est pas illégal. En revanche, cet article ne peut être légalement interprété, sans le revêtir d'un caractère abusif, comme déchargeant par principe l'exploitant du réseau de toute responsabilité pour les dommages subis sur une partie de branchement située sous un domaine privé ou trouvant leur origine dans cette partie compte tenu de leur incorporation à un ouvrage public.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : Il est déclaré que l'article 11 du règlement de la régie municipale de l'eau de la commune de Bourg-en-Bresse n'est pas illégal, sous réserve de ce qui est dit au point 6 du présent jugement.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la régie de l'eau et de l'assainissement de Bourg-en-Bresse, à la communauté d'agglomération de Bourg-en-Bresse et au syndicat des copropriétaires du [adresse], représentant unique des requérants.
Copie en sera adressée au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse et à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient : Mme Michel, présidente, M. Bertolo, premier conseiller, Mme Conte, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur, La présidente,
C. Bertolo C. Michel
La greffière,
K. Schult