CA RENNES (2e ch.), 10 février 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10100
CA RENNES (2e ch.), 10 février 2023 : RG n° 20/01226 ; arrêt n° 78
Publication : Judilibre
Extrait : « Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, […], l'article R. 212-2 présumant abusives celles qui ont pour objet ou pour effet d'autoriser le professionnel à retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce, ou d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.
En l'occurrence, le contrat conclu le 18 février 2019 en vue d'une formation débutant en septembre 2019 ouvre certes une faculté de résiliation sans autre pénalité que la conservation des frais de dossier de 200 euros lorsque celle-ci intervient avant le 8 juillet ainsi que, après cette date, en cas de force majeure caractérisée par le décès, l'invalidité de l'élève ou un affection de longue durée, mais, lorsque la résiliation intervient après le 8 juillet et hors cas de force majeure, il est prévu que « l'école conservera : - la somme forfaitaire relative aux frais de dossier, - le prix de la formation calculé au prorata des semaines de cours effectuées, la date de réception du courrier de résiliation faisant foi, - ainsi que le solde du prix de la formation à titre de réparation du préjudice de l'école ». Or, il était aussi prévu au contrat que l'organisme de formation disposait d'une faculté de résiliation hors cas de force majeure, mais qu'alors, l'indemnité versée par l'école était limitée au solde du prix des frais de formation « déduits des frais de dossiers ». En outre, une indemnité égale au total du prix de la prestation de la formation lorsque la résiliation intervient avant même le début de celle-ci, et sans que l'organisme de formation ait à justifier qu'il était dans l'impossibilité de compenser cette perte par l'inscription d'un autre élève, est manifestement disproportionnée.
Enfin, il est de jurisprudence établie que la clause d'un contrat de formation qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'organisme de formation et ne permet, après une certaine date antérieure au début de la formation, une dispense partielle du règlement de la totalité de ce prix qu'en cas de force majeure, a pour effet de créer, au détriment du cocontractant de l'organisme, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce que, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, il impose à l'élève le paiement de l'ensemble des frais de la formation, tandis que le contrat ouvre au professionnel la faculté de résilier le contrat en versant un indemnité moins onéreuse. Il convient donc de déclarer cette clause abusive et de la considérer comme étant non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01226. Arrêt n° 78. N° Portalis DBVL-V-B7E-QQ4J.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER : Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 5 janvier 2023, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Rendue par défaut, prononcé publiquement le 10 février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 5], [Adresse 4], [Localité 2], Représenté par Maître Virginie SIZARET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Société IRSS SANTE PROFILSUP
[Adresse 1], [Adresse 1], [Localité 3], Assigné par acte d'huissier en date du 20 mai 2020, délivré à étude, n'ayant pas constitué
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de formation du 18 février 2019, M. X. a commandé à la société IRSS Santé Profilsup (la société IRSS) une prestation de préparation au concours de sous-officier de gendarmerie réalisée à compter de septembre 2019, moyennant un prix de 3.250 euros payable à hauteur de 200 euros à la signature du contrat puis en cinq versements de 640 euros entre le 20 juillet 2019 et le 1er février 2020 garantis par la remise de cinq chèques de ce montant.
Toutefois, par courrier du 20 juillet 2019, l'élève a notifié à l'organisme de formation son intention de résilier le contrat, ce dont ce dernier a pris acte par courrier du 14 août 2019, en précisant toutefois qu'aucune situation de force majeure n'étant invoquée, les frais de scolarité étaient intégralement dus et seraient conservés à titre de dommages-intérêts.
Par acte du 28 novembre 2019, M. X. a fait assigner la société IRSS devant le tribunal d'instance de Rennes en « restitution des chèques non encaissés » et en « remboursement des sommes d'ores et déjà encaissées ».
Par jugement en premier ressort du 20 décembre 2019, le premier juge, usant de son pouvoir de modération de l'indemnité de clause pénale, a :
- fixé l'indemnité de résiliation due par M. X. à la société IRSS à la somme de 1.480 euros,
- en conséquence, condamné la société IRSS à payer à M. X. la somme de 640 euros au titre du remboursement des frais de formation encaissés,
- dit que la société IRSS ne pourra procéder à l'encaissement des chèques de garantie n° 207XX et 207YY, d'un montant global de 1 280 euros, qui seront restitués à M. X.,
- rejeté toutes conclusions plus amples et contraires,
- condamné la société IRSS aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
[*]
Estimant que la clause pénale autorisant, en cas de résiliation du contrat, l'organisme de formation à conserver les frais de scolarité à titre d'indemnité était abusive et, en tous cas, manifestement excessive au point de justifier sa réduction à néant, M. X. a relevé appel de cette décision le 19 février 2020, pour demander à la cour de la réformer et de :
- condamner la société IRSS au remboursement de la somme de 1.480 euros encaissée,
- condamner la société IRSS au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
La société IRSS n'a pas constitué avocat devant la cour.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X. le 15 mai 2020 et signifiées à l'intimée défaillante le 20 mai 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 10 novembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'article R. 212-2 présumant abusives celles qui ont pour objet ou pour effet d'autoriser le professionnel à retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce, ou d'imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné.
En l'occurrence, le contrat conclu le 18 février 2019 en vue d'une formation débutant en septembre 2019 ouvre certes une faculté de résiliation sans autre pénalité que la conservation des frais de dossier de 200 euros lorsque celle-ci intervient avant le 8 juillet ainsi que, après cette date, en cas de force majeure caractérisée par le décès, l'invalidité de l'élève ou un affection de longue durée, mais, lorsque la résiliation intervient après le 8 juillet et hors cas de force majeure, il est prévu que « l'école conservera :
- la somme forfaitaire relative aux frais de dossier,
- le prix de la formation calculé au prorata des semaines de cours effectuées, la date de réception du courrier de résiliation faisant foi,
- ainsi que le solde du prix de la formation à titre de réparation du préjudice de l'école ».
Or, il était aussi prévu au contrat que l'organisme de formation disposait d'une faculté de résiliation hors cas de force majeure, mais qu'alors, l'indemnité versée par l'école était limitée au solde du prix des frais de formation « déduits des frais de dossiers ».
En outre, une indemnité égale au total du prix de la prestation de la formation lorsque la résiliation intervient avant même le début de celle-ci, et sans que l'organisme de formation ait à justifier qu'il était dans l'impossibilité de compenser cette perte par l'inscription d'un autre élève, est manifestement disproportionnée.
Enfin, il est de jurisprudence établie que la clause d'un contrat de formation qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'organisme de formation et ne permet, après une certaine date antérieure au début de la formation, une dispense partielle du règlement de la totalité de ce prix qu'en cas de force majeure, a pour effet de créer, au détriment du cocontractant de l'organisme, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce que, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, il impose à l'élève le paiement de l'ensemble des frais de la formation, tandis que le contrat ouvre au professionnel la faculté de résilier le contrat en versant un indemnité moins onéreuse.
Il convient donc de déclarer cette clause abusive et de la considérer comme étant non écrite.
En conséquence, étant observé que la résiliation est en l'espèce intervenue avant le début de la formation et que, partant, il n'est rien dû au titre des frais de formation calculés au prorata des semaines de cours effectuées, la société IRSS sera condamnée à restituer à M. X. la totalité des sommes encaissées, soit 1.480 euros.
Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. X. l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Rennes en ce qu'il a dit que la société IRSS Santé Profilsup ne pourra procéder à l'encaissement des chèques de garantie n° 207XX et 207YY, d'un montant global de 1.280 euros, qui seront restitués à M. X., et condamné la société IRSS Santé Profilsup aux dépens de première instance ;
L'infirme en ses autres dispositions ;
Déclare abusive la clause du contrat de formation prévoyant que, lorsque la résiliation intervient après le 8 juillet et hors cas de force majeure, l'école conservera la somme forfaitaire relative aux frais de dossier ainsi que le solde du prix de la formation à titre de réparation du préjudice de l'école ;
Dit que cette clause est réputée non écrite ;
Condamne la société IRSS Santé Profilsup à payer à M. X. la somme de 1.480 euros au titre de la restitution des frais de dossier et de formation encaissés ;
Condamne la société IRSS Santé Profilsup à payer à M. X. une somme de 1.300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société IRSS Santé Profilsup aux dépens d'appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT