CA MONTPELLIER (ch. com.), 4 avril 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10159
CA MONTPELLIER (ch. com.), 4 avril 2023 : RG n° 21/03428
Publication : Judilibre
Extrait : « Selon les dispositions de l'article L. 221-9 ancien du code de la consommation applicable au litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5. (…) Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L 221-5.
Les parties s'accordent sur l'application de ces dispositions à leur litige. Cependant, contrairement à ce qu'affirme la société Local.fr, le modèle de son contrat type qu'elle a doublement communiqué à la cour ne comporte aucun formulaire de rétractation. De plus, la circonstance que Mme Y. a effectivement, en signant le contrat litigieux, reconnu qu'un exemplaire des conditions générales applicables au contrat lui avait été remis, et avoir accepté lesdites conditions générales, ne saurait combattre utilement le fait que la société Local.fr est défaillante à rapporter la preuve qu'un formulaire de rétractation lui a été remis. Il en résulte qu'à défaut de remise d'un formulaire de rétractation, Mme Y. bénéficiait non pas d'un délai de rétractation de 14 jours, mais bien d'un délai de 12 mois comme elle le soutient, et ce par application des dispositions de l'article L 221-20 du code précité.
En conséquence, Mme Y. a, le 19 février 2019, exercé son droit de rétractation dans les délais requis, à la suite de la signature du contrat le 25 janvier précédant. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 30 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/03428 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PAPW. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 DÉCEMBRE 2020, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 202000413.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
[Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Victor ETIEVANT, avocat au barreau de NARBONNE, avocat postulant et par Maître Sophie ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003795 du 31/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMÉE :
SA LOCAL.FR
immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro XXX prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 2], [Localité 1], Représentée par Maître Véronique NOY de la SCP VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Maître Hervé COMMINSOLI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 12 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller, M. Thibault GRAFFIN, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévue le 28 mars 2023 et prorogée au 4 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 25 janvier 2019, X. épouse Y. a conclu avec la SA Local.fr un contrat n° 46286 relatif à la création d'un site Web destiné à promouvoir son activité professionnelle d'élevage canin et comportant la souscription d'un abonnement local web sur une durée de 48 mois.
La société Local.fr a mis en ligne le site Web de Mme Y. au mois de février 2019, laquelle s'est en définitive opposée à tout paiement malgré une mise en demeure.
A la requête de la société Local.fr, le président du tribunal de commerce de Montpellier a, par ordonnance d'injonction de payer du 23 octobre 2019, condamné Mme Y. à payer à la société Local.fr les sommes de :
- 6.121,20 euros au titre de la créance principale,
- 1.224,24 euros au titre de la clause pénale
- 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.
Mme Y. a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer le 6 décembre 2019.
* * *
Par jugement en date du 16 décembre 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a :
- dit que Mme X. épouse Y. n'a pas respecté ses obligations contractuelles,
- confirmé l'ordonnance d'injonction de payer prise par le président du tribunal de céans date du 30 septembre 2019,
- condamné Mme X. épouse Y. à payer la somme de 6.121,20 euros au titre de la créance principale et 40 euros au titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ramené le montant de la clause pénale à la somme d'un euro symbolique,
- accordé à Mme X. épouse Y. la faculté de s'acquitter de sa dette en 12 mensualités identiques à dater de la signification de la présente décision,
- dit que faute pour elle de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,
- débouté les autres demandes, fins et conclusions de Mme X. épouse Y.,
- condamné Mme X. épouse Y. à payer à la société Local.fr la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. épouse Y. aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidé et taxé à la somme de 98,16 euros TTC.
Le 27 mai 2021, Mme X. épouse Y. a régulièrement relevé appel de ce jugement.
[*]
Elle demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 11 janvier 2023, de :
Réformer la décision de première instance en ce qu'elle a :
- dit que Mme X. épouse Y. n'a pas respecté ses obligations contractuelles,
- confirmé l'ordonnance d'injonction de payer prise par le président du tribunal de céans date du 30 septembre 2019,
- condamné Mme X. épouse Y. à payer la somme de 6.121,20 euros au titre de la créance principale et 40 euros au titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ramené le montant de la clause pénale à la somme de un euro symbolique,
- accordé à Mme X. épouse Y. la faculté de s'acquitter de sa dette en 12 mensualités identiques à dater de la signification de la présente décision,
- dit que faute pour elle de payer à bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,
- débouté les autres demandes, fins et conclusions de Mme X. épouse Y.,
- condamné Mme X. épouse Y. à payer à la société Local.fr la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. épouse Y. aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidé et taxé à la somme de 98,16 euros TTC,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que Mme X. épouse Y. justifiant embaucher moins de 5 salariés et l'objet du contrat hors établissement entre professionnels ne rentrant pas dans son champ d'activité principale, le contrat ne comprenant aucune information sur les modalités et délais de rétractation du bordereau de rétractation valable,
- prendre acte de la parfaite rétractation de Mme X. épouse Y. concernant le contrat du 25 janvier 2019,
- condamner la société Local.fr à rembourser à Mme Y. la somme de 418,80 euros majorés du taux d'intérêt légal de l'article L. 224-1 et L. 242-4 du code de la consommation,
- ordonner la capitalisation des intérêts, selon l'article 1342 -1 du code civil,
- débouter la société Local.fr de toutes ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du contrat du 25 janvier 2019,
- condamner la société Local.fr à rembourser à Mme Y. la somme de 418,80 euros majorés du taux d'intérêt légal à compter du 19 février 2019,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter la société Local.fr de toutes ses demandes fins et prétentions,
Plus subsidiairement,
- fixer le montant de la clause pénale à la somme symbolique d'un euro,
- accorder à Mme X. épouse Y. les plus larges délais de paiement,
- condamner la société au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Etievant, avocat.
Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que :
- elle bénéficie des dispositions protectrices du code de la consommation,
- aucun formulaire de rétractation ne lui a été fourni lors de la signature du contrat,
- dans la mesure où les informations relatives à son droit de rétractation ne lui ont pas été communiquées, son délai de rétractation a été porté à 12 mois en application de l'article L. 221-20 du code de la consommation, de sorte que sa rétractation formulée le 19 février 2019 l'a été dans les délais, étant précisé que dans ce cas le droit de rétractation peut s'exercer par tout moyen,
- en conséquence, aucune somme n'est due au titre du contrat,
- le contrat est nul pour dol, dans la mesure où la société Local.fr lui a laissé penser qu'elle avait signé un contrat de partenariat comportant la création gratuite d'un site Internet,
- la société Local.fr a manqué à ses obligations contractuelles, dans la mesure où le site Internet ne correspondait pas du tout ce qu'elle souhaitait.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées via le RPVA le 18 octobre 2022, la société Local.fr demande à la cour de :
Vu les articles 1137, 1221, 1224, 1226 et 1231-1 du code civil ;
Vu les articles L. 221-9, 221-18, 221-21, 221-22, 221-3 du code de la consommation,
Vu les conditions générales du contrat,
Vu l'ordonnance d'injonction de payer du 23 octobre 2019,
Vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 16 décembre 2020,
En conséquence,
- juger que la société Local.fr a respecté ses obligations contractuelles à l'égard de Mme X. épouse Y.,
- juger que la société Local.fr n'a pas usé de pratiques commerciales trompeuses à l'égard de Mme X. épouse Y.,
- juger que Mme X. épouse Y. s'est rétractée postérieurement au délai légal de 14 jours,
- juger que Mme X. épouse Y. a manqué à ses obligations contractuelles vis-à-vis de la société Local.fr,
- dire n'y avoir lieu à modération du montant de la clause pénale,
- juger que la notification par Mme X. épouse Y., de la résolution du contrat est sans effet, celui-ci continuant de produire plein effet entre les parties,
- condamner Mme X. épouse Y. à payer à la société Local.fr la somme globale de 7.385,44 euros,
- condamner Mme X. épouse Y. à payer à la société Local.fr la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. épouse Y. aux entiers dépens de l'instance,
- débouter Mme X. épouse Y. de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens plus amples et/ou contraires.
Elle fait valoir pour l'essentiel que :
- Mme X. épouse Y. disposait du délai de rétractation de 14 jours mentionné à l'article L. 221-18 du code de la consommation, car contrairement à ce qu'elle soutient, le contrat comportait bien le formulaire de rétractation conformément à l'article L. 221-5 du même code,
- le contrat signé par la défenderesse précise, au-dessus de la signature que le client, que celui-ci, en signant le présent contrat, reconnaît qu'un exemplaire des Conditions Générales applicables aux prestations sollicitées lui a été remis, qu'il en a pris connaissance et a accepté lesdites Conditions Générales sans réserve, qu'un devis mentionnant les tarifs lui a été remis préalablement et qu'il a pris connaissance du verso du présent contrat,
- cependant, Mme X. épouse Y. a exercé son droit de rétractation le 19 février 2019, alors que le contrat avait été signé le 25 janvier précédant, de sorte que le délai de rétractation de 14 jours était expiré,
- le contrat n'encourt aucune nullité dans la mesure où le formulaire de rétractation était bien attaché au contrat,
- l'appelante ne saurait sérieusement soutenir l'existence de vices de son consentement dans la mesure où elle aurait compris que le contrat était un contrat de mise à disposition d'un site Internet à titre gratuit, dans la mesure où les sommes dues sont clairement mentionnées sur le contrat,
- la société Local.fr a parfaitement rempli ses obligations contractuelles en fournissant à Mme X. épouse Y. son site Web, et conformément aux dispositions contractuelles, elle lui a demandé de lui faire part de ses observations sur le projet de site, cette dernière lui ayant seulement répondu qu'elle n'avait pas le temps de le faire,
- la modération de la clause pénale n'est pas justifiée.
[*]
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 janvier 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
Sur la demande principale :
Selon les dispositions de l'article L. 221-9 ancien du code de la consommation applicable au litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
(…)
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L 221-5.
Les parties s'accordent sur l'application de ces dispositions à leur litige.
Cependant, contrairement à ce qu'affirme la société Local.fr, le modèle de son contrat type qu'elle a doublement communiqué à la cour ne comporte aucun formulaire de rétractation.
De plus, la circonstance que Mme Y. a effectivement, en signant le contrat litigieux, reconnu qu'un exemplaire des conditions générales applicables au contrat lui avait été remis, et avoir accepté lesdites conditions générales, ne saurait combattre utilement le fait que la société Local.fr est défaillante à rapporter la preuve qu'un formulaire de rétractation lui a été remis.
Il en résulte qu'à défaut de remise d'un formulaire de rétractation, Mme Y. bénéficiait non pas d'un délai de rétractation de 14 jours, mais bien d'un délai de 12 mois comme elle le soutient, et ce par application des dispositions de l'article L. 221-20 du code précité.
En conséquence, Mme Y. a, le 19 février 2019, exercé son droit de rétractation dans les délais requis, à la suite de la signature du contrat le 25 janvier précédant.
Le jugement sera en conséquence réformé et la société Local.fr sera déboutée de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de Mme X. épouse Y.
Par ailleurs, Mme X. épouse Y. ne rapporte nullement la preuve qu'elle aurait réglé à la société Local.fr une somme de 418,80 euros dont elle sollicite le remboursement dans le cadre de la présente procédure, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
La société Local.fr qui succombe dans ses demandes en cause d'appel sera condamnée aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en font la demande, ainsi qu'à payer à Mme X. épouse Y. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Local.fr de toutes ses demandes formées à l'encontre de Mme X. épouse Y.,
Déboute X. épouse Y. de sa demande de remboursement formée à l'encontre de la société Local.fr,
Condamne la société Local.fr aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme Y. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
le greffier, le président,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet