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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 22 février 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 22 février 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 21/08214
Date : 22/02/2023
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/04/2021
Référence bibliographique : 9744 (prêt, année lombarde), 5705 (prescription de l’action), 5730 (procédure, appel)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10244

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 22 février 2023 : RG n° 21/08214 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive et exhaustive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant au minimum pour 20 ans, sans avoir besoin d'aucune compétence en matière bancaire, étaient en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement des « omissions », telles qu'alléguées. […]

Aussi, la clause de calcul des intérêts est apparente dans l'offre de prêt, et la banque souligne avec pertinence que dès leur assignation les emprunteurs ont fait état de ce que l'analyse du tableau d'amortissement (joint à l'offre) aurait fait apparaître que « les intérêts mensuels ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours comportant invariablement 12 mois de 30 jours ».

Or, lorsque le simple examen de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts « dont il sera rappelé qu'il s'agit de la seule sanction civile applicable s'agissant d'un taux effectif global erroné dans une offre de prêt immobilier soumise aux dispositions du code de la consommation » se situe au jour de l'acceptation de l'offre, soit le 17 août 2011, et donc en l'espèce, pour les raisons précédemment exposées, et contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, ne saurait être différé à la date du rapport de la société Pôle Expert Nord-Est sur lequel s'appuient MMme X. pour postuler que le taux de période est erroné en ce qu'il n'intègre pas certains frais et que les intérêts du prêt auraient été calculés sur une autre base que celle de l'année civile. »

2/ « En revanche, les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne peuvent constituer une demande nouvelle ni être touchées par la prescription. »

3/ « Certes, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

La clause de calcul des intérêts critiquée est donc une clause illicite, et non une clause « abusive ». La clause stipulant « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement » quant à elle ne présente aucune illicéité, s'agissant d'une simple information qui correspond à l'application de la règle de droit puisque de tels frais sont par nature indéterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, la date de déblocage des fonds étant alors inconnue, et n'ont donc pas à être pris en compte, d'une quelconque manière, pour le calcul du taux effectif global.

À supposer encore qu'une telle clause de calcul des intérêts puisse entrer dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la seule présence au contrat d'une clause stipulant que les intérêts conventionnels sont calculés sur une base annuelle de 360 jours n'emporte pas nécessairement sanction, et le juge est, pour le moins et en premier lieu, tenu de vérifier si cette clause a été effectivement appliquée, ou si à l'inverse les intérêts conventionnels n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux textes précités (ce qu'a précisément, fait le tribunal). […]

Si, comme exposé supra, calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année 365 jours, en revanche, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différera selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Mais en ce cas la différence de montant sera minime et négligeable, tant au regard du montant total des sommes prêtées, que du montant de l'échéance d'intérêts eu égard au montant total des intérêts du prêt, de sorte que cette différence serait contractuellement inopérante et sans effet juridique, en ce qu'elle n'affectera en rien le taux d'intérêt convenu entre les parties, qui sera respecté MMme X. ne proposent aucune démonstration mathématique permettant de soutenir que le taux conventionnel fixé par écrit avec la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France serait différent, une fois recalculé sur 365 jours sur toute la durée de prêt] pas plus qu'il ne pourrait, d'ailleurs, y avoir d'incidence sur l'exactitude du taux effectif global, au-delà de la décimale. En toute hypothèse, la banque intimée dans ses écritures convainc de l'exactitude du calcul des intérêts intercalaires courus sur les 13 jours entre le déblocage des fonds, le 23 août 2011, et la première échéance du prêt, le 5 septembre 2011.

S'agissant de la clause stipulant « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement », MMme X. ne caractérisent pas en quoi elle créerait un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs et serait abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Aucun déséquilibre significatif n'étant caractérisé à leur préjudice, MMme X. seront donc déboutés de leur demande tendant à voir dire abusive et non écrite la clause de calcul des intérêts figurant aux offres de prêt et d'avenants, et par conséquent, de leur demande indemnitaire en ce qu'elle s'y rapporte, partiellement. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE6

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08214 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSLM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 mars 2021 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2020F00227.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 3] 1961 a [Localité 5], de nationalité française, Lieu-dit [Adresse 4], [Adresse 4]

Madame X. née Y.

née le [Date naissance 2] 1968 a [Localité 6], de nationalité française, Lieu-dit [Adresse 4], [Adresse 4]

Représentée par Maître Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0020, Ayant pour avocat plaidant Maître Jérémie BOULAIRE, de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE-DE-FRANCE

immatriculée au RCS de Paris sous le N° XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilie en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Adresse 1], Représentée par Maître Caroline MESSERLI de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Vincent BRAUD, Président, et M. Marc BAILLY, Président de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, chargé du rapport, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre préalable de prêts immobiliers émise le 5 août 2011 et acceptée le 17 août suivant, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, en vue de financer l'acquisition dans l'ancien d'un logement constituant leur résidence principale, outre un prêt de 18.600 euros à taux zéro, un prêt « Primo Report » d'un montant de 139.400,01 euros, et d'une durée de 240 mois hors période d'anticipation de 36 mois maximum, stipulé au taux d'intérêt nominal fixe de 4,10 % l'an. L'offre de prêt indique un taux effectif global de 5,26 % l'an et un taux de période mensuel de 0,44 %.

Par offre d'avenant émise le 26 septembre 2013 acceptée le 13 octobre et prenant effet à l'échéance du 5 novembre, les parties sont convenues d'un taux d'intérêt ramené à 3,15 % ; sont mentionnés dans l'offre d'avenant, un taux effectif global de 4,352 % l'an, et un taux de période mensuel de 0,363 %.

Par offre d'avenant émise le 10 mars 2016 acceptée le 27 mars et prenant effet à l'échéance du 5 avril, une nouvelle fois le taux d'intérêt à été diminué, pour être fixé à 2,21% ; sont mentionnés dans l'offre d'avenant, un taux effectif global de 3,795 % l'an et un taux de période mensuel de 0,316 %.

Le prêt a été intégralement remboursé par anticipation, le 6 décembre 2016.

Soutenant que le taux effectif global de l'offre de prêt serait erroné et que les intérêts conventionnels de ce prêt et de ses avenants ont été calculés, illicitement, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, MMme X. ont fait assigner la banque devant le tribunal de commerce de Melun, selon acte d'huissier du 25 septembre 2018.

Par jugement en date du 8 mars 2021 le tribunal a débouté MMme X. de l'ensemble de leurs prétentions, et les a condamnés aux dépens ainsi qu'à verser à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 avril 2021, MMme X. ont interjeté appel de ce jugement. À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 4 octobre 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

[*]

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 septembre 2022 les appelants

demandent à la cour,

« Vu l'article 1907 du code civil ;

Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et les articles R. 313-1 et suivants du même code ;

Vu la jurisprudence applicable ;

Vu les pièces versées aux débats ; »

de bien vouloir :

« - CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la CAISSE D'ÉPARGNE de ses

demandes tendant à faire déclarer irrecevables les demandes des époux X.,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables au fond les réclamations de monsieur et madame X. ;

- INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus en ce qu'il :

- DÉBOUTE M. X. et Mme X. née Y. de l'ensemble de leurs prétentions,

- CONDAMNE M. X. et Mme X. née Y. à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile-de-France la somme de QUATRE MILLE EUROS T.T.C. (4.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE M. X. et Mme X. née Y. en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 119,56 euros T.T.C.,

- DÉBOUTE les époux X. de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- FAIRE DROIT aux demandes de madame Y. épouse X. et monsieur X. comme recevables et bien fondées ;

- CONSTATER que les intérêts périodiques du prêt n°8898253 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;

- CONSTATER que les intérêts périodiques de l'offre d'avenant au prêt n°8898253 en date du 26 septembre 2013 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;

- CONSTATER que les intérêts périodiques de l'offre d'avenant au prêt n°8898253 en date du 10 mars 2016 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;

- CONSTATER que de telles modalités de calcul des intérêts périodiques procèdent d'une clause abusive ; la REPUTER NON ECRITE et en ÉCARTER l'application ;

- CONSTATER que les frais de la période de préfinancement du prêt n°8898253 n'ont pas été intégrés au TEG ;

- CONSTATER que le taux effectif global du prêt n°PRIMO REPORT n°8898253 mentionné dans l'offre de prêt en date du 5 août 2011 émise par la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE est erroné ;

- ORDONNER en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par madame Y. épouse X. et monsieur X. ;

- ENJOINDRE à la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE à restituer à madame Y. épouse X. et monsieur X. le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt PRIMO REPORT n°8898253 et les intérêts au taux légal, avec capitalisation et intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- ENJOINDRE à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE de procéder à l'actualisation desdites sommes au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat ;

Subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée,

Vu l'article L. 312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l'article L. 341-34 du même code ;

- PRONONCER la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt PRIMO

- REPORT n°8898253 souscrit auprès de la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE par madame Y. épouse X. et monsieur X. ;

- PRONONCER la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant au prêt conclu suivant offre en date du 10 mars 2016 auprès de la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE par madame Y. épouse X. et monsieur X. ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE à payer à madame Y. épouse X. et monsieur X. la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE à payer à madame Y. épouse X. et monsieur X. la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETER toutes demandes et prétentions contraires de la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE ;

- CONDAMNER la société CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel. »

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 14 octobre 2021, l'intimé demande à la cour,

« Vu les articles L. 312-8, L. 312-3, L. 313-1, L. 341-48-1 et R. 313-1 du code de la consommation,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, »

de bien vouloir :

« - INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit recevables les demandes de monsieur X. et madame Y. et statuant de nouveau, dire toutes les demandes de monsieur X. et madame Y. irrecevables,

Subsidiairement, sur le fond,

- CONSTATER que le taux effectif global du prêt est calculé conformément aux dispositions du code de la consommation,

- CONSTATER que les règles de calcul du taux effectif global n'ont pas à être transposées au calcul des intérêts conventionnels et qu'en tout état de cause, les intérêts ont été calculés sur la base de 1/12e du taux conventionnel annuel ou sur la base d'une année de 365 jours,

- CONSTATER que la clause calculant les intérêts sur 360 jours, stipulée au sein de l'offre de prêt, n'est pas abusive,

- CONSTATER que les offres de prêt et avenants sont régulières,

En conséquence,

- DÉBOUTER monsieur X. et madame Y. de toutes leurs demandes ;

À titre très subsidiaire,

- CONSTATER que les mentions insérées dans une offre ou un contrat de prêt immobilier sont spécialement sanctionnées par l'article L. 312-33 devenu L. 341-48-1 du code de la consommation, soit la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge,

- CONSTATER que la clause critiquée par monsieur X. et madame Y. n'a induit aucune surfacturation d'intérêts, aucune distorsion d'information qui les aurait empêchés de comparer les offres de la CAISSE D'ÉPARGNE à d'autres offres de prêt,

- DIRE n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

À titre infiniment subsidiaire,

Si par invraisemblable, le tribunal devait prononcer la déchéance totale ou partielle des intérêts, il est demandé de :

- substituer au taux conventionnel, le taux légal en vigueur au moment de la conclusion de chaque prêt,

- fixer le montant des intérêts indûment perçus ;

Sur la demande de dommages intérêts,

- CONSTATER que monsieur X. et madame Y. n'ont subi aucun préjudice,

- DÉBOUTER monsieur X. et madame Y. de leur demande complémentaire de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER monsieur X. et madame Y. à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.'

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - En droit, qu'il soit engagé l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, comme entendent le faire MMme X. à titre principal, ou l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, telle qu'ils l'exercent à titre subsidiaire, la question de la prescription, désormais quinquennale dans chacune de ces hypothèses, est susceptible de se poser, mais au regard d'un fondement textuel qui n'est pas le même dans l'un et l'autre cas quand bien même au final le point de départ de la prescription sera fixé selon un raisonnement analogue.

Ainsi, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, qui vise à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relèverait du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment applicable aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, le délai de prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur relative au taux effectif global.

En l'espèce, les appelants arguent d'une erreur commise par la banque dans le calcul du taux effectif global, en ce qu'il n'a pas été tenu compte des frais de la période de préfinancement. Par ailleurs ils soulignent l'absence d'indication du coût total du crédit, les mentions de l'offre de prêt faisant abstraction du coût maximal des intérêts intercalaires, non liquidés, et du coût maximal des frais de l'assurance, non liquidés eux non plus. Enfin, MMme X. prétendent que les intérêts de leur prêt ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours.

La banque répond que tous ces éléments étaient décelables à la seule lecture de l'offre de prêt.

En effet, l'offre de prêt comporte des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu'est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer et donc, a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus.

En effet, l'offre de prêt se présente ainsi, en page 3, au rang des « conditions particulières » :

- en colonne de gauche :

- Taux effectif global-TEG : 5,26 %

- Frais de dossier : 324,11

- Frais de garantie (évaluation) : 1.184,90

- Taux de période : 0,41 %

- et en colonne de droite,

- Coût total sans assurances/accessoires : 65.103,99

- Coût total avec assurances/accessoires : 85.294,60

étant mentionné, juste en dessous :

« Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », et ensuite : « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement ».

En outre, l'article 15 des « conditions générales »de l'offre de prêt (page 9) intitulé « Taux effectif global (TEG) » stipule : « Le taux effectif global est déterminé conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, en tenant compte notamment des intérêts, des primes d'assurances qui conditionnent l'octroi du crédit, des frais de dossier et de garanties qui figurent aux conditions particulières (...) ».

Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive et exhaustive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant au minimum pour 20 ans, sans avoir besoin d'aucune compétence en matière bancaire, étaient en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulte nécessairement des « omissions », telles qu'alléguées.

Il sera fait observer que le rapport rédigé par M. X., de la société Pôle Expert Nord-Est, a été établi le 30 novembre 2018, soit postérieurement à l'assignation. De ce simple constat il découle que les emprunteurs étaient en mesure d'exercer leur action en justice dès avant la consultation d'un spécialiste en mathématique financière - et à l'intérieur du délai de prescription quinquennale, ce dont ils se sont abstenus.

Aussi, la clause de calcul des intérêts est apparente dans l'offre de prêt, et la banque souligne avec pertinence que dès leur assignation les emprunteurs ont fait état de ce que l'analyse du tableau d'amortissement (joint à l'offre) aurait fait apparaître que « les intérêts mensuels ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours comportant invariablement 12 mois de 30 jours ».

Or, lorsque le simple examen de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts « dont il sera rappelé qu'il s'agit de la seule sanction civile applicable s'agissant d'un taux effectif global erroné dans une offre de prêt immobilier soumise aux dispositions du code de la consommation » se situe au jour de l'acceptation de l'offre, soit le 17 août 2011, et donc en l'espèce, pour les raisons précédemment exposées, et contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, ne saurait être différé à la date du rapport de la société Pôle Expert Nord-Est sur lequel s'appuient MMme X. pour postuler que le taux de période est erroné en ce qu'il n'intègre pas certains frais et que les intérêts du prêt auraient été calculés sur une autre base que celle de l'année civile.

À la date de l'assignation délivrée à la banque le 25 septembre 2018, l'action en nullité de la stipulation d'intérêt et l'action en déchéance du droit de la banque à se prévaloir des intérêts conventionnels étaient donc l'une et l'autre déjà prescrites, depuis le 17 août 2016.

Il en est de même en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation de loyauté à l'occasion de la conclusion du contrat de prêt, les appelants estimant avoir subi un préjudice moral du fait d'avoir été trompés sur les modalités de calcul des intérêts et la détermination du coût du crédit, demande qui, elle aussi relève les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce.

En conséquence de ce qui précède, il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables l'ensemble des demandes fondées sur le caractère erroné du taux effectif global affiché par la banque dans l'offre de prêt du 17 août 2011, demandes en réalité prescrites.

 

2 - En revanche, les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive ne peuvent constituer une demande nouvelle ni être touchées par la prescription.

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenu l'article L. 212-1, du même code, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause litigieuse est rédigée comme suit [dans les mêmes termes, dans l'offre de prêt et dans chacun des avenants] : « Durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ». En outre les appelants pointent la clause présente dans l'offre de prêt 'tendant à exclure certaines composantes de la liquidation du coût du crédit, soit le coût de la période de préfinancement' libellée de la manière suivante : « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement ». MMme X. soutiennent qu'incontestablement de telles stipulations impliquent un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs.

Certes, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

La clause de calcul des intérêts critiquée est donc une clause illicite, et non une clause « abusive ». La clause stipulant « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement » quant à elle ne présente aucune illicéité, s'agissant d'une simple information qui correspond à l'application de la règle de droit puisque de tels frais sont par nature indéterminables au moment de l'émission de l'offre de prêt, la date de déblocage des fonds étant alors inconnue, et n'ont donc pas à être pris en compte, d'une quelconque manière, pour le calcul du taux effectif global.

À supposer encore qu'une telle clause de calcul des intérêts puisse entrer dans le champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la seule présence au contrat d'une clause stipulant que les intérêts conventionnels sont calculés sur une base annuelle de 360 jours n'emporte pas nécessairement sanction, et le juge est, pour le moins et en premier lieu, tenu de vérifier si cette clause a été effectivement appliquée, ou si à l'inverse les intérêts conventionnels n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile, conformément aux textes précités (ce qu'a précisément, fait le tribunal).

Aussi, si au regard de la clause critiquée MMme X. reprochent à la banque d'avoir calculé l'intégralité des intérêts conventionnels sur la base de l'année lombarde, il doit être cependant retenu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année 365 jours, seule méthode correcte eu égard au code de la consommation, en particulier son article R. 313-1 et annexe qui est d'application générale, et ce même s'agissant d'un prêt immobilier, et peu important que le prêt ait été souscrit lors d'une année bissextile.

Il s'ensuit que le calcul effectué tel que défini par la clause litigieuse « Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an » est néanmoins conforme aux dispositions légales et réglementaires, si tant est démontré, par le tableau d'amortissement et par l'application du taux d'intérêt à chaque période mensuelle de remboursement, que les intérêts conventionnels ont bien été calculés conformément à ces prescriptions. Tel est précisément le cas en l'espèce, comme exposé avec pertinence par la banque intimée dans ses écritures (page 42 et suivantes ; pages 52 -53 notamment) et qui n'est d'ailleurs pas utilement contredit par les appelants, lesquels ne rapportent nullement la preuve, qui pourtant leur incombe, d'un calcul lombard des échéances mensuelles complètes [le rapport de la société Pôle Expert Nord-Est étant émaillé d'erreurs, comme exactement relevé par le premier juge].

Si, comme exposé supra, calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année 365 jours, en revanche, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différera selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Mais en ce cas la différence de montant sera minime et négligeable, tant au regard du montant total des sommes prêtées, que du montant de l'échéance d'intérêts eu égard au montant total des intérêts du prêt, de sorte que cette différence serait contractuellement inopérante et sans effet juridique, en ce qu'elle n'affectera en rien le taux d'intérêt convenu entre les parties, qui sera respecté MMme X. ne proposent aucune démonstration mathématique permettant de soutenir que le taux conventionnel fixé par écrit avec la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France serait différent, une fois recalculé sur 365 jours sur toute la durée de prêt] pas plus qu'il ne pourrait, d'ailleurs, y avoir d'incidence sur l'exactitude du taux effectif global, au-delà de la décimale. En toute hypothèse, la banque intimée dans ses écritures convainc de l'exactitude du calcul des intérêts intercalaires courus sur les 13 jours entre le déblocage des fonds, le 23 août 2011, et la première échéance du prêt, le 5 septembre 2011.

S'agissant de la clause stipulant « Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement », MMme X. ne caractérisent pas en quoi elle créerait un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs et serait abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Aucun déséquilibre significatif n'étant caractérisé à leur préjudice, MMme X. seront donc déboutés de leur demande tendant à voir dire abusive et non écrite la clause de calcul des intérêts figurant aux offres de prêt et d'avenants, et par conséquent, de leur demande indemnitaire en ce qu'elle s'y rapporte, partiellement.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

MMme X. qui échouent en leur appel, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé, formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement déféré en ce que le tribunal a implicitement jugé M. X. et Mme Y. épouse X. recevables en toutes leurs demandes,

et statuant à nouveau,

DÉCLARE M. X. et Mme Y. épouse X., irrecevables en l'ensemble de leurs demandes, pour être prescrites, en ce qu'elles concernent le taux effectif global de l'offre de prêt qu'ils ont acceptée le 17 août 2011 ;

CONFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions;

soit en ce que M. X. et Mme Y. épouse X. ont été déboutés de leurs prétentions, condamnés aux dépens et au titre des frais irrépétibles ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT