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CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 16 mai 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 16 mai 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 1 ch. 9
Demande : 21/00436
Date : 16/05/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Référence bibliographique : 5982 (juge compétent, contestation d’honoraires), 6387 (honoraires d’avocat) , 6019 (clause portant sur le prix)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10280

CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 16 mai 2023 : RG n° 21/00436 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n'ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir d'information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s'ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le manquement allégué de la société d'avocats à son devoir d'information quant à la prévisibilité de ses honoraires, comme les prétendues fautes professionnelles commises relatives à la gestion de son dossier, aux erreurs de calcul des demandes et des heures supplémentaires dans le projet de requête, à une communication de pièces illisibles et erronées, au refus et à l'oubli de formuler une demande au titre de la discrimination, ne peuvent pas conduire à une réfaction des honoraires de la société d'avocats dans une proportion appréciée par le juge. »

2/ « Mme X. n'invoque et ne justifie nullement d'un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, mais soutient que la clause de dessaisissement prévue à l'article VIII précité de la convention d'honoraires serait abusive et potestative, ce qui entraînerait la nullité de cette convention.

Elle se prévaut de l'arrêt rendu par la CJUE le 12 janvier 2023 aux termes duquel cette cour a jugé qu'une clause d'un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix selon le principe du tarif horaire, sans comporter d'autres précisions, ne répond pas à l'exigence de clarté et de compréhensibilité, le juge national pouvant alors rétablir la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l'absence d'une clause abusive en laissant le professionnel sans rémunération pour les services fournis.

Toutefois, comme le relève pertinemment la SELARLU F. B. Avocats, cet arrêt n'est pas transposable au cas d'espèce, dès lors que le présent litige ne concerne pas une clause d'un contrat de prestation de services juridiques dont l'objet principal était de déterminer le prix des services fournis, les parties étant convenues d'un tarif forfaitaire dont le montant est précisément fixé à la somme de 2.000 euros HT auquel s'ajoutait un honoraire de résultat, mais une clause du contrat fixant le montant de la rémunération de la société d'avocats en cas de dessaisissement.

Or, il ressort de l'article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs que : « L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

Par ailleurs, l'éventuel caractère abusif de la clause litigieuse n'a pas lieu d'être apprécié dès lors que cette clause est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, ce qui est le cas en l'espèce, les parties étant convenues en cas de rupture de la convention d'honoraires, pour quelque cause que ce soit, de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seront alors calculés exclusivement sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT.

En tout état de cause, cette clause ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de Mme X., dès lors qu'elle a uniquement pour finalité d'assurer la juste rémunération de la société d'avocats en cas de dessaisissement, le montant d'honoraires forfaitaires consenti n'étant plus compensé, dans cette hypothèse, par la possibilité pour l'avocat d'obtenir un honoraire complémentaire de résultat.

Il résulte des développements qui précèdent que la clause de dessaisissement prévue à la convention d'honoraires ne peut être déclarée abusive au sens de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993.

Enfin, la clause litigieuse ne revêt aucun caractère potestatif, dès lors que l'engagement pris par la société d'avocats d'assurer la défense des intérêts de Mme X. ne dépend pas de la réalisation de la condition de cette clause et que du reste, cette clause prévoit une obligation alternative pour Mme X. (qui doit verser une contrepartie à la prestation réalisée par la société d'avocats, mais peut le faire de deux manières différentes), et non une obligation sous condition suspensive.

La clause de dessaisissement précitée doit donc recevoir application et les honoraires de la société d'avocats seront fixés au tarif horaire de 200 euros HT convenu, qui n'apparaît pas excessifs pour des avocats au barreau de Paris. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 1 CHAMBRE 9

ORDONNANCE DU 16 MAI 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00436 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDKY.

NOUS, Laurence CHAINTRON, Conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame X.

[Adresse 2], [Localité 4], Comparante en personne, Demandeur au recours, contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 6] dans un litige l'opposant à :

 

La SELARLU F. B. AVOCATS

[Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Camille BONHOURE, avocat au barreau de PARIS, toque A929 Défendeur au recours,

 

Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 4 avril 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2023 :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

* * *

Après une première prise de contact au cours de l'année 2019, Mme X. a de nouveau contacté la SELARLU F. B. Avocats afin de lui confier la défense de ses intérêts dans le cadre d'un litige qui l'opposait à son ancien employeur, le cabinet d'avocats A. LLP, Mme X. ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 31 octobre 2019 et souhaitant saisir le conseil de prud'hommes afin de voir juger que cette rupture devait s'analyser en un licenciement nul.

Le 7 octobre 2020, une convention d'honoraires a été conclue entre les parties qui prévoyait un honoraire forfaitaire d'un montant de 2.000 euros HT, soit 2.400 euros TTC, et un honoraire complémentaire de résultat correspondant à 13 % HT de l'intégralité des sommes perçues par la cliente.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 16 février 2021, la SELARLU F. B. Avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une demande de fixation des honoraires dus par Mme X. à la somme de 6.916 euros HT sous déduction d'une somme de 2.000 euros HT et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision contradictoire du 22 juin 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris a :

- fixé à la somme de 6.916 euros HT, le montant des honoraires dus par Mme X. à la SELARLU F. B. Avocats ;

- constaté le règlement d'une somme de 2.000 euros HT ;

- condamné Mme X. à payer à la SELARLU F. B. Avocats une somme de 4.916 euros HT outre la TVA et les intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision et les frais d'huissier en cas de signification de la décision ;

- prononcé l'exécution provisoire de la décision.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception du 23 juin 2021 dont la SELARLU F. B. Avocats a accusé réception le 24 juin 2021 et qui est revenue avec la mention 'pli avisé et non réclamé' pour Mme X.

Par exploit d'huissier du 21 juillet 2021, la SELARLU F. B. Avocats a fait signifier à Mme X. la décision du bâtonnier.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 août 2021, le cachet de La Poste faisant foi, Mme X. a formé un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 4 avril 2023 par lettre recommandée avec avis de réception du 5 janvier 2023 dont la SELARLU F. B. Avocats a signé l'AR le 06 janvier 2023 et qui est revenu signé sans date pour Mme X.

Les deux parties ont comparu à l'audience du 4 avril 2023.

[*]

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, Mme X. demande au délégataire du premier président de :

Dire et juger :

- le rejet du jugement rendu par le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] le 22 juin 2021,

- l'annulation de la facture n° F 2021020331 en date du 02 février 2021,

- l'annulation du paiement des pénalités de retard applicables au non-paiement de la facture n° F 2021020331 en date du 2 février 2021,

- l'annulation du paiement des frais d'huissier en vue de la double signification du jugement rendu par le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] le 22 juin 2021,

- la rupture de la convention d'honoraires initiée par Maître B. et la facturation au taux horaire est illégale et ne peut pas s'appliquer en l'état,

- l'application d'un taux horaire en substitution au forfait fixé par la convention d'honoraires signée le 7 octobre 2020 avec Maître B. ne peut pas s'appliquer,

- l'application de l'honoraire de résultat à la suite de la rupture abusive de la convention d'honoraires signée le 7 octobre 2020 avec Maître B. ne peut pas s'appliquer,

- la rupture de la convention d'honoraires par Maître B. équivaut renonciation de sa part à ses honoraires fixes et de résultat d'honoraires et à toute autre demande d'honoraires,

- le nombre d'heures invoquées dans le détail des heures attaché à la facture de Maître B. est hautement excessif en vue du travail réellement effectué,

- si le jugement rendu par le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] le 22 juin 2021 devait être confirmé, recalculer le montant de la facture en fonction du travail réellement effectué de sa situation financière, ainsi que du préjudice causé par la rupture de la convention,

- si le jugement rendu par le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 5] le 22 juin 2021 devait être confirmé en totalité ou partiellement, échelonner le paiement du montant facturé en 12 mensualités,

Condamner :

- Maître B. au remboursement du préjudice financier engendré par son désistement en janvier 2021, à savoir :

* le montant de 2.400 euros TTC réglé en octobre 2020 au titre du forfait prévu dans la convention,

* les honoraires et frais d'avocat déjà réglés à Maître L. (5.897,03 euros TTC),

* les frais d'avocats à régler pour l'audience de départage et/ou la négociation d'un protocole transactionnel après l'audience de départage,

- Maître B. à payer une somme de 2.400 euros au titre de l'article 700 et aux dépens.

[*]

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience la SELARLU [F. B.] Avocats demande au délégataire du premier président de :

- dire l'appel de Mme X. recevable mais mal fondé,

- confirmer la décision du bâtonnier du 22 juin 2021,

- condamner Mme X. au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme X. aux dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur les honoraires :

Mme X. estime, en premier lieu, que la clause de dessaisissement prévue à l'article 8 de la convention d'honoraires est abusive et entraîne la nullité de la convention au motif qu'elle n'a pas été informée lors de sa conclusion de la possibilité d'une rupture du contrat par l'avocat, aucun nombre prévisible ou minimal d'heures nécessaires pour fournir les services de l'avocat n'a été mentionné, elle n'a eu connaissance du nombre d'heures travaillées que lors de la rupture de la convention, cette clause ne répond pas à l'exigence de rédaction claire et compréhensible imposée par la cour de justice de l'union européenne (CJUE). En second lieu, elle estime que cette clause est purement potestative et que compte tenu de son caractère déterminant, la convention d'honoraires est nulle en son entier. Elle affirme que c'est la société d'avocats qui s'est dessaisie de son dossier, et non l'inverse, et qu'elle n'avait aucune intention de le faire. Elle souligne que la convention d'honoraires ne précise pas certains points essentiels, à savoir les modalités de collaboration, le temps à consacrer, l'étendue du travail, les connaissances juridiques qu'elle devait avoir en vue de faire elle-même une partie considérable du travail, le nombre maximum de pièces à communiquer et le support de communication, le lien de confiance à ne pas briser sous peine de rompre la convention. Elle estime que sur les 34 heures 35 prétendument consacrées à son dossier, la société d'avocats n'a pu passer, comme elle le soutient, plus de 30 heures à la préparation de la requête devant le conseil de prud'hommes, alors que cette requête comporte de nombreuses erreurs, incohérences et anomalies ainsi que des oublis. Elle en déduit que le travail réalisé ne peut pas être celui d'un associé ou d'un collaborateur senior facturé 200 euros de l'heure. Elle soutient ne pas avoir été informée du montant prévisible des honoraires de la société d'avocats. Elle souligne, enfin, sa situation financière, morale et physique très critique puisqu'elle est sans emploi depuis le 23 septembre 2021 et est en extrême mauvaise santé physique et psychique.

En réplique, la SELARLU F. B. Avocats soutient qu'une convention d'honoraires a été conclue entre les parties le 7 octobre 2020 qui prévoyait une facturation au forfait pour un montant de 2 000 euros HT. Elle précise que Mme X. l'a dessaisie du dossier par courriel du 9 décembre 2020. Elle sollicite l'application de la clause de dessaisissement prévue à la convention d'honoraires qui prévoit, en cas de dessaisissement, le calcul des honoraires au temps passé. Elle affirme qu'il est manifeste que Mme X. est à l'origine de la rupture de la relation. Elle estime ensuite que l'argument de Mme X. relatif au caractère prétendument abusif de la clause prévoyant un calcul des honoraires au temps passé est mal fondé. Elle soutient que l'arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023 n'est pas transposable au cas d'espèce, dès lors que, d'une part, la clause prévue à l'article 8 de la convention est claire et compréhensible, Mme X. ayant été nécessairement avertie des conséquences de la rupture de la convention, et d'autre part, la clause litigieuse ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de Mme X. Elle affirme ensuite que cette clause n'a aucun caractère potestatif, dès lors que, d'une part, l'engagement pris par la société d'avocats dans la convention d'honoraire d'assurer la défense des intérêts de Mme X. ne dépend pas de la réalisation de la condition de la clause litigieuse et, d'autre part, la clause prévoit une obligation alternative et non une obligation sous condition suspensive. Elle affirme avoir consacré à ce dossier 34 heures et 35 minutes de travail entre le 12 octobre 2020 et le 23 novembre 2020 et justifier des diligences effectuées. Enfin, elle soutient que les arguments de Mme X. tirés de son mécontentement quant à la gestion de son dossier sont inopérants et non fondés.

[*]

Le recours de Mme X. qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 est recevable.

La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d'honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.

Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n'ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir d'information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s'ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le manquement allégué de la société d'avocats à son devoir d'information quant à la prévisibilité de ses honoraires, comme les prétendues fautes professionnelles commises relatives à la gestion de son dossier, aux erreurs de calcul des demandes et des heures supplémentaires dans le projet de requête, à une communication de pièces illisibles et erronées, au refus et à l'oubli de formuler une demande au titre de la discrimination, ne peuvent pas conduire à une réfaction des honoraires de la société d'avocats dans une proportion appréciée par le juge.

Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

« Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. »

En l’espèce, la SELARLU F. B. Avocats produit un document intitulé « CONVENTION D'HONORAIRES » signée par Mme X. le 7 octobre 2020 (pièce de l'intimée n° 1).

Aux termes de l'article II intitulé « MANDATS », Mme X. a mandaté la société d'avocats

« pour initier ou répondre à toute offre de négociation de la société A. LLP ou, dans un cadre confidentiel, avec son conseil...

En cas de refus par le Client ou par la société A. LLP de concilier, ou en cas de refus par le Client des offres de la société A. LLP, le Client mandate le Cabinet pour le représenter en justice et accomplir toute diligence utile à la procédure prud'homale ou d'appel. »

Aux termes de l'article V « HONORAIRES », les parties sont convenues d'un honoraire forfaitaire de travail dans le cadre d'une négociation et d'une action prud'homale d'un montant de 2.000 euros HT, soit 2.400 euros TTC. Il était prévu en cas d'appel, un honoraire forfaitaire de travail pour la procédure d'appel d'un montant de 1.500 euros HT, soit 1.800 euros TTC, « qui sera dû à compter de la régularisation de la déclaration d'appel. »

Outre cet honoraire forfaitaire, Mme X. s'est engagée « à verser au Cabinet un honoraire complémentaire de résultat correspondant à 13 % hors TVA de l'intégralité des sommes perçues par le Client ... par voie de condamnation ou de transaction. L'honoraire de résultat est dû sur les sommes nettes perçues par le Salarié, avant le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. »

Aux termes de l'article VIII « RUPTURE DE LA CONVENTION », les parties sont convenues que : « En cas de rupture de la présente convention, pour quelque cause que ce soit, notamment en cas de changement de défenseur, les parties conviennent d'ores et déjà de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seront alors calculés exclusivement sur la base d'un taux horaire de 200 euros hors TVA. »

Mme X. soutient vainement que la convention d'honoraires conclue ne comporterait pas d'indications, notamment, sur les modalités de sa collaboration avec la société d'avocats, l'étendue du travail à réaliser, le nombre de pièces à communiquer et le support de cette communication, qui ne constituent pas des conditions de validité de la convention.

Par voie de conséquence, Mme X. sera déboutée de sa demande tendant à voir annuler la facture n° F 2021020331 en date du 2 février 2021, objet du litige.

Il ressort des pièces versées aux débats que Mme X. a indiqué à la SELARLU F. B. Avocats par mail du 9 décembre 2020 qu'elle considérait que « vous ne représentez pas du tout mes intérêts... » et qu'en ce qui concernait ses honoraires, elle allait « saisir au plus vite le bâtonnier et demander le remboursement des honoraires déjà réglés par mes soins (2 400 euros), ainsi que contester les prétendues sommes encore dues, pour du travail qui n'a jamais été effectué / mal effectué par vos soins... » (pièce de l'intimée n° 10).

Puis par mail du 18 janvier 2021, Mme X. a demandé à la SELARLU F. B. Avocats « de bien vouloir me transmettre la totalité de mon dossier, afin que je puisse préparer ma défense en vue de l'audience de jugement du mois de mars... » (pièce de l'intimée n° 11).

Il en résulte que c'est Mme X. qui a dessaisi la SELARLU F. B. Avocats de sa mission et non l'inverse, comme elle tente vainement de le soutenir.

Il est constant que ce dessaisissement est intervenu avant qu'une décision de justice définitive ne soit rendue dans le cadre de la procédure concernée.

En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, dans sa version en vigueur issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Mme X. n'invoque et ne justifie nullement d'un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, mais soutient que la clause de dessaisissement prévue à l'article VIII précité de la convention d'honoraires serait abusive et potestative, ce qui entraînerait la nullité de cette convention.

Elle se prévaut de l'arrêt rendu par la CJUE le 12 janvier 2023 aux termes duquel cette cour a jugé qu'une clause d'un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix selon le principe du tarif horaire, sans comporter d'autres précisions, ne répond pas à l'exigence de clarté et de compréhensibilité, le juge national pouvant alors rétablir la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l'absence d'une clause abusive en laissant le professionnel sans rémunération pour les services fournis.

Toutefois, comme le relève pertinemment la SELARLU F. B. Avocats, cet arrêt n'est pas transposable au cas d'espèce, dès lors que le présent litige ne concerne pas une clause d'un contrat de prestation de services juridiques dont l'objet principal était de déterminer le prix des services fournis, les parties étant convenues d'un tarif forfaitaire dont le montant est précisément fixé à la somme de 2.000 euros HT auquel s'ajoutait un honoraire de résultat, mais une clause du contrat fixant le montant de la rémunération de la société d'avocats en cas de dessaisissement.

Or, il ressort de l'article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs que : « L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

Par ailleurs, l'éventuel caractère abusif de la clause litigieuse n'a pas lieu d'être apprécié dès lors que cette clause est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, ce qui est le cas en l'espèce, les parties étant convenues en cas de rupture de la convention d'honoraires, pour quelque cause que ce soit, de renoncer au caractère forfaitaire des honoraires qui seront alors calculés exclusivement sur la base d'un taux horaire de 200 euros HT.

En tout état de cause, cette clause ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de Mme X., dès lors qu'elle a uniquement pour finalité d'assurer la juste rémunération de la société d'avocats en cas de dessaisissement, le montant d'honoraires forfaitaires consenti n'étant plus compensé, dans cette hypothèse, par la possibilité pour l'avocat d'obtenir un honoraire complémentaire de résultat.

Il résulte des développements qui précèdent que la clause de dessaisissement prévue à la convention d'honoraires ne peut être déclarée abusive au sens de la directive 93/13/CEE du 05 avril 1993.

Enfin, la clause litigieuse ne revêt aucun caractère potestatif, dès lors que l'engagement pris par la société d'avocats d'assurer la défense des intérêts de Mme X. ne dépend pas de la réalisation de la condition de cette clause et que du reste, cette clause prévoit une obligation alternative pour Mme X. (qui doit verser une contrepartie à la prestation réalisée par la société d'avocats, mais peut le faire de deux manières différentes), et non une obligation sous condition suspensive.

La clause de dessaisissement précitée doit donc recevoir application et les honoraires de la société d'avocats seront fixés au tarif horaire de 200 euros HT convenu, qui n'apparaît pas excessifs pour des avocats au barreau de Paris.

Il est constant que Mme X. a réglé à la société d'avocats le montant des honoraires forfaitaires convenus, à savoir la somme de 2.000 euros HT, soit 2.400 euros TTC.

Il y a lieu en conséquence d'apprécier les diligences accomplies par la société d'avocats.

La société d'avocats produit une facture n° F 2021020331 en date du 2 février 2021 d'un montant de 4.916 euros HT, soit 5.899,20 euros TTC, qui comporte la mention suivante « Honoraires recalculés au temps passé 34 heures 35 minutes à 200 euros HT - Déduction des 2.000 euros HT déjà réglés au titre de l'honoraire forfaitaire » ainsi qu'un tableau des diligences accomplies entre le 12 octobre 2020 et le 23 novembre 2020, qui récapitule la date de ces diligences, leur descriptif et le temps passé pour chacune de ces diligences.

Il y a lieu de relever que la SELARLU F. B. Avocats a été saisie du dossier de Mme X. une quinzaine de jours environ avant la prescription des demandes de sa cliente et a dû étudier dans un délai très court le volumineux dossier transmis par cette dernière qui comportait 833 documents, outre 211 mails, comme l'indique Mme X. elle-même dans ses écritures.

L'intimée a établi une requête aux fins de saisine de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Paris de 37 pages à laquelle est annexé un bordereau de communication de 56 pièces qui comporte un exposé détaillé des faits et de la procédure, une analyse étayée en fait et en droit sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, le harcèlement moral et sexuel subi par Mme X., sa surcharge de travail, le manquement de la société A. LLP à son obligation de sécurité de résultat, le non-paiement des heures supplémentaires, le travail dissimulé, les erreurs de paie, et qui chiffre le montant des diverses indemnités réclamées par Mme X..

Cette requête a bien été déposée par la société intimée devant le conseil de prud'hommes de Paris.

Par ailleurs, la société d'avocats a entamé des négociations avec la partie adverse.

Le temps total de travail de 34 heures et 35 minutes consacré par la société d'avocats au dossier de Mme X. n'apparaît pas excessif au regard des diligences accomplies et justifiées dans la présente instance.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 6.916 euros HT le montant des honoraires dus par Mme X. à la SELARLU F. B. Avocats, constaté le règlement d'une somme de 2.000 euros HT et condamné Mme X. à payer à la SELARLU F. B. Avocats une somme de 4.916 euros HT, outre la TVA au taux vigueur, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision du bâtonnier.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Mme X. sollicite la condamnation de la SELARLU F. B. Avocats à lui payer les sommes de 2.400 euros TTC réglées au titre du forfait prévu dans la convention, 5.897,03 euros TTC au titre des honoraires réglés à Me [L] qui a succédé à la société intimée, et les frais d'avocats à régler pour l'audience de départage et/ou la négociation d'un protocole transactionnel après l'audience de départage.

Compte tenu du sens de la présente décision, Mme X. sera déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Mme X. justifie être demandeur d'emploi depuis le 23 septembre 2021 et de sa situation de santé.

En application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil et eu égard à la situation financière de Mme X., il y a lieu de lui accorder la possibilité de s'acquitter de sa dette dans un délai n'excédant pas une année à compter de la notification de la présente décision et selon les modalités définies au présent dispositif.

 

Sur les autres demandes :

Mme X., partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont dû engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en dernier ressort, par décision contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Rejette les demandes de Mme X. tendant à voir prononcer l'annulation de la facture n° F 2021020331 en date du 2 février 2021 et de la convention d'honoraires conclue entre les parties le 7 octobre 2020 ;

Confirme la décision déférée du bâtonnier de [Localité 5] en date du 22 juin 2021 en ce qu'elle a fixé à la somme de 6.916 euros HT, le montant des honoraires dus par Mme X. à la SELARLU F. B. Avocats, constaté le règlement d'une somme de 2.000 euros HT et condamné Mme X. à payer à la SELARLU F. B. Avocats une somme de 4.916 euros HT, outre la TVA au taux vigueur, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision du bâtonnier ;

Dit que Mme X. pourra s'acquitter du montant de cette condamnation par 11 versements mensuels d'un montant de 400 euros chacun et par un 12ème versement comprenant le solde ;

Dit que le premier versement devra intervenir dans le mois suivant la notification de la présente décision ;

Dit qu'à défaut du respect d'un seul versement à son échéance, Mme X. perdra le bénéfice du présent échéancier, la totalité du solde de la dette devenant immédiatement exigible ;

Déboute Mme X. de ses demandes de dommages et intérêts ;

Condamne Mme X. aux dépens ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec avis de réception.

LA GREFFIERE                                         LA PRÉSIDENTE