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CA LIMOGES (ch. écon. soc.), 25 mai 2023

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. écon. soc.), 25 mai 2023
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. écon. soc.
Demande : 22/00200
Date : 25/05/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/03/2022
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3), 5927 (domaine, énergie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10284

CA LIMOGES (ch. écon. soc.), 25 mai 2023 : RG n° 22/00200 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Au plus fort, alors que l'article L.221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions protectrices du consommateur, dont le droit à rétractation, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité, M.X., de son propre aveu, indique avoir contracté pour les besoins de son activité commerciale de restaurateur afin de réduire sa consommation en énergie électrique, de sorte que le droit à rétractation de l'article L. 221-18 du code de la consommation ne lui a pas été ouvert. »

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

ARRÊT DU 25 MAI 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00200. N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJ7D.

Le vingt-cinq Mai deux mille vingt-trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

 

ENTRE :

Monsieur X.

RCS DE LIMOGES, né le [Date naissance 3] à [Localité 4], demeurant [Adresse 2], représenté par Maître Christine DUMONT, avocat au barreau de LIMOGES, APPELANT d'une décision rendue le 7 MARS 2022 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

 

ET :

SAS NBB LEASE FRANCE 1

inscrite au RCS DE PARIS sous le N° XXX, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Solange DANCIE, avocat au barreau de LIMOGES, INTIMÉE

 

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 4 avril 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Madame Natacha COUSSY, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire, exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle-même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 15 janvier 20019, M.X., pour les besoins de son activité de restaurateur, a conclu par l'intermédiaire de la société Planète et Climat et par démarchage à domicile un contrat de location longue durée portant sur une batterie de condensateur et sur un Kit Led, moyennant le paiement de soixante loyers mensuels TTC de 215,90 euros auprès de la société Lease 4 You, devenue NBB Lease France 1, ainsi qu'un contrat de prestation de services prévoyant la livraison de ce matériel le 15 mars 2019 et un contrat de maintenance portant sur le kit Led

Le matériel en cause lui a été livré et installé.

Le 21 octobre 2019, la société NBB Lease a mis M.X. en demeure de lui payer la somme de 863,60 euros au titre des loyers impayés depuis le 20 juillet 2019 et, en l'absence de règlement, elle s'est prévalue de la résiliation de plein droit du contrat de location.

Sur sa requête, La société NBB Lease a obtenu du président du tribunal de commerce de Limoges une ordonnance en date du 07 février 2020 donnant injonction à M.X. de lui payer la somme en principal de 9.329,60 euros et de 846,60 euros au titre de l'indemnité contractuelle.

Le 24 juillet 2020, M.X. a formé opposition à ladite ordonnance et, par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de commerce de Limoges :

- a reçu M.X. en son opposition ;

- a constaté qu'aucune résiliation d'une quelconque convention n'est intervenue à la demande de M.X. ;

- a constaté que le contrat de location produit est parfaitement opposable à M.X. ;

- a constaté la carence de M.X. dans l'administration de la preuve ;

En conséquence :

- a constaté la résiliation du contrat de location par le jeu de la clause de résiliation ;

- a condamné M.X. à régler à la société NBB Lease France 1, la somme TTC de 10.176,20 euros arrêtée au 31 octobre 2019, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la résiliation, soit 863,60 euros au titre des sommes impayées au jour de la résiliation, 8.466 euros au titre des loyers à échoir et 846,60 euros au titre de la pénalité (846,60 euros) ;

- a ordonné à M.X. de restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location, en bon état d'entretien et de fonctionnement, exclusivement à la société NBB Lease France 1, au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par elle ;

- a débouté la société NBB Lease France 1 de ses demandes concernant le préjudice de non-restitution ;

- a condamné M.X. à verser à la société NBB Lease France 1 une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Le 14 mars 2022, M.X. a relevé appel de ce jugement.

* * *

Aux termes de ses écritures du 13 juin 2022 auxquelles il est renvoyé, M.X. demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel ;

- de constater la résiliation, par lui, du contrat de prestation de services du 15 janvier 2019 ;

- de juger que le contrat de location communiqué par la société NBB Lease France 1 ne lui est pas opposable ;

- de débouter la société NBB Lease France de sa demande de résiliation du contrat de location par le jeu de la clause de résiliation, à ses torts exclusifs ;

- débouter la même de ses demandes indemnitaires, de restitution du matériel et de préjudice de non restitution ;

- débouter la société NBB Lease France 1 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux dépens ;

- condamner celle-ci à payer à lui la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir :

- que le contrat de location, dont aucun exemplaire ne lui a été remis, ne lui est pas opposable ; qu'il n'a pas signé l'exemplaire produit par la société NBB Lease qui, d'ailleurs et contrairement au contrat de prestation de services, ne porte pas son cachet commercial ;

- que le procès-verbal de réception du contrat de location à l'en tête de la société Lease 4 YOU, daté du 24 janvier 2019, est un faux ;

- que, conformément à l'article L. 221-18 du code de la consommation, il a retourné la totalité du matériel objet du contrat le 21 mars 2019, soit dans un délai de six jours suivant son installation intervenue le 15 mars 2019 ;

- qu'au regard de l'interdépendance de l'opération constituée par les contrats - situation que la société NBB Lease France 1 ne pouvait ignorer - la disparition de l'élément essentiel du contrat suite à la restitution du matériel rend caduc l'ensemble des contrats.

[*]

Aux termes de ses écritures du 13 septembre 2022 auxquelles il est renvoyé, la société NBB Lease France 1 demande à la cour :

- de confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes concernant le préjudice de non-restitution ;

- l'infirmant de ce chef, de condamner M.X. à une astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement à intervenir en cas de non-restitution du matériel et l'autoriser, elle ou toute personne qu'elle se réserve le droit de désigner, à appréhender le matériel objet du contrat de location en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieux et place, les frais d'enlèvement et de transport incombant exclusivement à M.X. ;

- en tout état de cause, de condamner M.X. à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir :

- que l'ensemble des contrats a été valablement formé et qu'aucune tromperie ne peut être relevée à son encontre ;

- que M.X. fait preuve d'une particulière mauvaise foi ; que les conventions conclues entre M.X. et la société Planète et Climat n'ont jamais fait l'objet d'une résiliation, l'appelant échouant en outre à démontrer qu'il aurait restitué le matériel ;

- qu'aucun droit de rétractation ne peut être appliqué en l'espèce, M.X. ne remplissant pas les conditions posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation ;

- que le contrat de location est parfaitement opposable à M.X., aucun faux en écriture n'ayant été commis ;

- qu'il n'existe aucune interdépendance entre les contrats conclus avec la société Planète et Climat et le contrat de location, M.X. ne démontrant en tout état de cause pas que les conditions de caducité prévues à l'article 1186 du code civil sont réunies.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Il est produit aux débats trois contrats conclus le 15 janvier 2019 par l'intermédiaire de la société Planète et Climat, hors établissement, soit :

- le contrat liant M.X. à la société Lease 4You - devenue la société NBB Lease - pour la location sur une durée de soixante mois d'une batterie de condensateur et d'un kit Led;

- le contrat de prestation de services liant M.X. à la société Planète et Climat pour la livraison et l'installation de ce matériel prévues au 15 mars 2019 ;

- le contrat de maintenance liant M.X. à la société Planète et Climat pour la maintenance du kit Led durant toute la durée de sa location.

M.X. exerce une activité de restaurant-bar-traiteur au [Adresse 2], à titre personnel sous l'enseigne « Le S. » et il est totalement inopérant pour la validité du contrat de location que M.X. n'y ait pas apposé son cachet commercial mentionnant sous l'enseigne « Le S. » son nom X. et son numéro de Siren YYY.

La société NBB Lease produit un exemplaire du contrat de location identifiant le locataire comme étant « X./ Le S. » - affaire personnelle - [Adresse 2] » et mentionnant de manière manuscrite son numéro de Siren YYY ; la comparaison de la signature figurant sur cet acte avec celles que M.X. reconnaît avoir apposées de sa main sur le contrat de prestations de services et sur le contrat de maintenance ne laisse aucun doute sur le fait que le contrat de location a également bien été signé de sa main.

En outre, la même comparaison des signatures permet d'affirmer que M.X. est également le signataire du procès-verbal de réception du matériel, objet du contrat de location, selon lui faussement daté du 24 janvier 2019 mais sans que cette assertion ne soit étayée de quelque façon.

Au demeurant, M.X. reconnaît avoir reçu livraison et installation de ce matériel puisqu'il prétend en avoir fait retour à la société Planète et Climat dans le délai de rétractation prévu à l'article L. 221-18 du code de la consommation.

Il explique avoir fait usage de son droit de rétractation le 21 mars 2019 après avoir été informé de l'inutilité de cette installation par un client, électricien de profession, qui aurait procédé à son démontage avant qu'il ne le réexpédie directement auprès de la société Planète et Climat ; toutefois, M.X., auquel il appartient d'en faire la preuve, se contente de produire le témoignage d'un électricien, M. Y., disant seulement avoir relevé l'absence de valeur économique de l'installation pour un établissement comme le sien, mais il ne justifie d'aucune façon ni de l'exercice effectif d'un droit de rétractation dans le délai légal de quatorze jours après réception du matériel, ni de la dépose de ce matériel et de son retour à la société Planète et Climat.

Au plus fort, alors que l'article L.221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions protectrices du consommateur, dont le droit à rétractation, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité, M.X., de son propre aveu, indique avoir contracté pour les besoins de son activité commerciale de restaurateur afin de réduire sa consommation en énergie électrique, de sorte que le droit à rétractation de l'article L. 221-18 du code de la consommation ne lui a pas été ouvert.

En outre, c'est tout aussi faussement que M.X. prétend n'avoir réglé aucun loyer puisque, selon l'échéancier dont il a été rendu destinataire par courrier de la société NBB Lease du 07 février 2019, il a honoré cinq des soixante loyers mensuels de 215,90 euros TTC venus à échéance entre le 20 février 2019 et le 20 juillet 2019, et la mise en demeure qui lui a été adressée par la société NBB Lease le 21 octobre 2019 a fait état :

- d'une somme exigible de 863,60 euros correspondant à quatre termes de loyers impayés venus à échéance sur la période allant du 20 juillet au 19 novembre 2019 ;

- à défaut de paiement de ladite somme de 863,60 euros dans un délai de huit jours, en application de l'article 14 des conditions générales du contrat de location, d'une somme devenant exigible de 8.466 euros au titre de l'indemnité de résiliation, correspondant donc et précisément à 51 loyers de 166 euros, hors assurance et hors TVA, et de 846,60 euros au titre d'une pénalité de 10 %.

Enfin, si les deux contrats de location du Kit led et de sa maintenance ont été interdépendants, puisque n'ayant aucun sens indépendamment l'un de l'autre, et si la société Planète et Climat a été placée en liquidation judiciaire en novembre 2020, de sorte qu'elle n'a pu poursuivre elle-même l'exécution du contrat de maintenance, aucun élément ne permet de retenir que cette inexécution par la société Planète et Climat du contrat de maintenance est intervenue antérieurement à la prise d'effet de la mise en demeure du 21 octobre 2019 par laquelle la société NBB Lease s'est valablement prévalue, à défaut de paiement des loyers échus, de la résiliation du contrat de location à effet du 28 octobre 2019 ; en toute hypothèse et faute pour M.X. d'avoir attrait en la cause l'organe susceptible de représenter la société Planète et Climat en justice, l'inexécution par celle-ci du contrat de maintenance ne peut être débattue dans l'instance l'opposant à la société NBB Lease et conduire à juger que le contrat principal de location s'en serait trouvé résilié antérieurement au 28 octobre 2019.

Le jugement dont appel mérite donc confirmation en ce qu'il a condamné M.X. à payer à la société NBB Lease les sommes visées à la mise en demeure du 21 octobre 2029, avec intérêts au taux légal mais qui ne seront à majorer de cinq points, non à compter de la date de résiliation du contrat, mais dans les conditions prévues à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Le jugement dont appel sera également confirmé en ce qu'il a ordonné à M.X. de restituer à ses frais à la société NBB Lease le matériel, objet du contrat de location, au lieu choisi par celle-ci ou à toute personne désignée par elle. Il convient en revanche, faisant droit à l'appel incident de la société NBB Lease, de dire que cette restitution interviendra sous une astreinte de 10 euros par jour de retard.

M.X., qui succombe en son appel, doit en supporter les dépens et il est de l'équité de mettre à sa charge le versement à la société NBB Lease d'une somme complémentaire de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 07 mars 2022, sauf en ce qu'il a dit que les intérêts seront dus au taux légal majoré de cinq points à compter de la date de résiliation du contrat de location et débouté la société NBB Lease de sa demande en restitution du matériel sous une astreinte ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que les sommes allouées à la société NBB Lease portent intérêts au taux légal majoré de cinq points dans les conditions prévues à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Dit que M.X. est tenu à la restitution à la société NBB Lease du matériel, objet du contrat de location, sous une astreinte de 10 euros par jour de retard ;

Y ajoutant,

Condamne M.X. aux dépens de l'appel et à payer à la société NBB Lease la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT.                                   Pierre-Louis PUGNET.