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CA LYON (1re ch. civ. A), 25 mai 2023

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 25 mai 2023
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 21/01971
Date : 25/05/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 17/03/2021
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3), 5956 (domaine, défibrillateur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10285

CA LYON (1re ch. civ. A), 25 mai 2023 : RG n° 21/01971

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l'espèce, la société Locam ne conteste ni le fait que le contrat a été conclu hors établissement entre deux professionnels, ni le fait que M. X. emploie moins de 5 salariés.

Elle observe à juste titre que l'article L. 221-4 du code de la consommation exclut du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers et que les articles L 311-2 et L 511-1 du code monétaire et financier visent comme opérations connexes aux opérations de banque les locations simples de biens. Mais en l'espèce, le contrat litigieux porte sur la fourniture d'un matériel de défibrillateur cardiaque DAE SIGFOX outre mallette et accessoires par la société Citycare. Un tel contrat ne constitue donc pas un service financier au sens de l'article L. 221-4 précité, mais s'analyse en un contrat de fourniture de bien meuble relevant de l'article L. 221-1 du code de la consommation.

La société Locam ne conteste pas non plus que l'activité principale de M. X. qui est boulanger-pâtissier n'est pas en lien avec la fourniture du défibrillateur cardiaque, objet du contrat, le service proposé étant manifestement étranger à l'exercice de sa profession.

Il en résulte que le contrat de location financière régularisé le15 janvier 2019 par M. X. est soumis aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 du code de la consommation. Or, il n'est pas discuté par la société Locam que le contrat ne comporte pas les informations relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais) et ne comprend pas non plus de formulaire type de rétractation. Ces dispositions d'ordre public n'ayant pas été respectées, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat

En conséquence, la cour infirmera le jugement critiqué en toutes ses dispositions, et la société Locam sera déboutée de ses demandes en paiement fondées sur le contrat de location conclu le15 janvier 2019 qui est nul.

La nullité du contrat a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature du contrat. Toutefois, M. X. n'établit pas avoir payé un seul loyer et la société Locam ne conteste pas que le matériel a été restitué. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les restitutions. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 25 MAI 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01971. N° Portalis DBVX-V-B7F-NO4P. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond du 12 février 2021 : RG n° 2019j01157.

 

APPELANT :

M. X.

né le [date] à [Localité 4] (pays), [Adresse 1], [Localité 3], Représenté par la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉE :

SAS LOCAM

[Adresse 2], [Localité 6], Représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 avril 2023

Date de mise à disposition : 25 mai 2023

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président - Julien SEITZ, conseiller - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 15 janvier 2019, M. X., boulanger- pâtissier à [Localité 5], a conclu avec la société Citycare un contrat de location d'un défibrillateur connecté, une malette et ses accessoires, le tout financé par la société Locam moyennant le paiement de 60 mensualités de 129 euros chacune à compter du 10 février 2019.

Le matériel a été délivré le 18 janvier 2019. Par deux lettres recommandées avec avis de réception du 5 février 2019 adressées respectivement à la société Locam et à la société Citycare, M. X. a exercé son droit de rétractation. Le 20 février 2019, M. X. a restitué le défibrillateur à la société Citycare.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2019, la société Locam a résilié le contrat pour défaut de paiement des loyers.

La société Locam a fait assigner M. X. devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne par acte d'huissier de justice du 21 octobre 2019.

Par jugement du 12 février 2021, le tribunal de commerce a :

- rejeté la demande de nullité du contrat pour non-respect des dispositions consuméristes afférentes au droit de rétractation ;

- rejeté la demande de résolution du contrat pour exercice du droit de rétractation ;

- rejeté la demande de nullité du contrat de location pour dol ;

- dit que la demande de la société Locam est bien fondée ;

- condamné M. X. à verser à la société Locam la somme de 10.808,83 euros comprenant la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2019 ;

- condamné M. X. à verser à la société Locam la somme de 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. X. aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- débouté la société Locam du surplus de ses demandes.

M. X. a relevé appel de cette décision par déclaration du 17 mars 2021.

[*]

Par conclusions déposées au greffe le 16 novembre 2021, il demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- à titre principal :

' prononcer la nullité du contrat du 15 janvier 2019,

' constater à titre subsidiaire qu'il a valablement exercé son droit de rétractation,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité du contrat pour dol

-en tout état de cause :

* rejeter l'ensemble des demandes de la société Locam,

* condamner la société Locam à lui restituer l'intégralité des loyers indûment perçus,

* condamner la société Locam à lui verser 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la société Locam aux entiers dépens de l'instance dont droit de recouvrement direct au profit de la SCP Boniface Hordot Fumat Mallon, avocats, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait essentiellement valoir que le contrat a été conclu hors établissement puisqu'il a été signé à [Localité 5], la société Locam et la société Citycare ayant leurs sièges sociaux à [Localité 6] et [Localité 7], et qu'il peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation alors que les informations relatives au droit de rétractation et le formulaire de rétractation sont absents du contrat en cause, ce qui est sanctionné par la nullité du contrat. Il ajoute que ce contrat est exclu de la catégorie des services financiers comme l'ont jugé plusieurs cours d'appel dont la présente, qu'il peut être annulé pour dol quand bien même la société Citycare n'est pas présente à la procédure et qu'en l'espèce, il a été trompé lors de sa conclusion.

[*]

Par conclusions déposées au greffe le 15 septembre 2021, la société Locam demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner M. X. à lui payer une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.

Elle fait essentiellement valoir que son activité échappe au champ d'application du dispositif régissant les contrats conclus hors établissement, qu'il a été jugé qu'un tel contrat conclu avec une société de financement agréée correspond à un service financier et ne peut être annulé sur le fondement de l'article L. 121-21 ancien du code de la consommation, et que c'est à juste titre que les premiers juges ont exclu en l'espèce le bénéfice de l'extension du dispositif consumériste. Elle ajoute que M. X. ne rapporte pas la preuve du moindre agissement dolosif.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Selon les dispositions de l'article L. 221-1 a) du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix.

L'article L. 221-3 étend l'application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L. 221-5 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu'il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu'il existe ainsi qu'un formulaire type de rétractation.

Enfin, en vertu de l'article L. 221-8, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d'un contrat conclu hors établissement et en outre un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l'article L. 221-5.

En l'espèce, la société Locam ne conteste ni le fait que le contrat a été conclu hors établissement entre deux professionnels, ni le fait que M. X. emploie moins de 5 salariés.

Elle observe à juste titre que l'article L. 221-4 du code de la consommation exclut du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers et que les articles L 311-2 et L 511-1 du code monétaire et financier visent comme opérations connexes aux opérations de banque les locations simples de biens.

Mais en l'espèce, le contrat litigieux porte sur la fourniture d'un matériel de défibrillateur cardiaque DAE SIGFOX outre mallette et accessoires par la société Citycare.

Un tel contrat ne constitue donc pas un service financier au sens de l'article L. 221-4 précité, mais s'analyse en un contrat de fourniture de bien meuble relevant de l'article L. 221-1 du code de la consommation.

La société Locam ne conteste pas non plus que l'activité principale de M. X. qui est boulanger-pâtissier n'est pas en lien avec la fourniture du défibrillateur cardiaque, objet du contrat, le service proposé étant manifestement étranger à l'exercice de sa profession.

Il en résulte que le contrat de location financière régularisé le15 janvier 2019 par M. X. est soumis aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-8 du code de la consommation. Or, il n'est pas discuté par la société Locam que le contrat ne comporte pas les informations relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais) et ne comprend pas non plus de formulaire type de rétractation.

Ces dispositions d'ordre public n'ayant pas été respectées, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat.

En conséquence, la cour infirmera le jugement critiqué en toutes ses dispositions, et la société Locam sera déboutée de ses demandes en paiement fondées sur le contrat de location conclu le15 janvier 2019 qui est nul.

La nullité du contrat a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature du contrat. Toutefois, M. X. n'établit pas avoir payé un seul loyer et la société Locam ne conteste pas que le matériel a été restitué. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les restitutions.

La société Locam qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. X. une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint Etienne le 12 février 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de location conclu le 15 janvier 2019 entre M. X. et la société Locam ;

Déboute la société Locam de ses demandes en paiement fondées sur ce contrat ;

Déboute M. X. de sa demande en restitution des loyers versés ;

Constate que le matériel loué a été restitué ;

Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement, direct au profit de la SCP Boniface Hordot Fumat Mallon, avocat, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à M. X. une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

Le Greffier                                        Le Président