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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 26 mai 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 26 mai 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 20/08309
Date : 26/05/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 2/07/2020
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3), 5944 (domaine, site internet)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10288

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 26 mai 2023 : RG n° 20/08309

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les contrats ont été conclus au sein du cabinet de Mme X. sis [Adresse 3] à [Localité 13], lieu d'exercice de son activité professionnelle. Ils ont donc été signés « hors établissement » selon la définition précitée, soit hors du siège des sociétés Cliqéo (sise [Adresse 5] à [Localité 14]) et Locam (sise [Adresse 4] à [Localité 15]). La « création et la mise en place d'une solution web globale » et la « location de site web » n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de Mme X. qui exerce la profession de diététicienne nutritionniste.

En outre, Mme X. verse aux débats sa déclaration 2035-A 2018 sur son exercice 2017 dont il ressort qu'elle n'acquitte pas de charges salariales et ne dispose donc d'aucun salarié. Elle rapporte donc la preuve qu'elle remplissait la condition exigée par le code de la consommation « emploi de moins de six salariés » à la date de la signature des contrats.

Le moyen soulevé par la société Locam selon lequel le code de la consommation serait inapplicable à son propre contrat au bénéfice du code monétaire et financier en ses dispositions sur le démarchage bancaire et financier ne résiste pas à l'examen de l'article L. 341-1 in fine qui prévoit que « L'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives (...) à la réalisation d'opérations sur biens divers, (...) ». L'interdépendance des contrats conclus par Mme X. qui a signé le même jour toute la liasse qui lui était soumise permet ainsi de soumettre aux dispositions du code de la consommation querellées l'intégralité de l'ensemble contractuel.

Mme X. bénéficie donc des dispositions protectrices du code de la consommation et le jugement sera infirmé sur ce point. »

2/ « En l'occurrence, si les conditions générales de vente du bon de commande Cliqéo mentionnent en leur article 10.1 le droit de rétractation dans un délai de quatorze jours, elles se contentent de renvoyer le cocontractant à la possibilité d'envoyer une lettre, un courriel et d'utiliser le modèle de formulaire de rétractation disponible sur son site web. La société Cliqéo ne fournit donc pas le formulaire requis en temps réel, à savoir au moment de la conclusion du contrat. Aucun formulaire n'a donc été remis à Mme X. »

3/ « Le fait que Mme X. ait coché la case - dans le bon de commande Cliqéo - selon laquelle elle souhaitait renoncer à son délai de rétractation est sans effet dans la mesure où les conditions posées par l'article L. 221-28 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de signature du contrat, en son alinéa 1er ne sont pas remplies. En effet, le service promis n'a pas été pleinement exécuté avant la fin du délai de rétractation. »

4/ « Mme X. n'a donc pu bénéficier lors de la signature du contrat des informations requises par les dispositions protectrices du code de la consommation lui bénéficiant.

Quant au contrat de location de site web signé avec Locam, il ne comporte ni mention relative au droit de rétractation ni a fortiori de formulaire permettant d'exercer ce droit.

Contrairement à ce que soutient la société Locam, l'alinéa 3 de l'article L. 221-28 précité n'est pas applicable au contrat en cause dans la mesure où il ne s'agit pas de « fourniture de biens confectionnés... » mais de la fourniture d'un site web.

Il ressort des développements qui précèdent que ni la société Cliqéo ni la société Locam ne justifient avoir délivré à Mme X. de manière lisible et compréhensible l'ensemble des informations précontractuelles exigées par le code de la consommation sur l'exercice de son droit de rétractation. »

5/ « La société Locam doit être condamnée à restituer à Mme X. les loyers versés pendant treize mois pour un montant de 4.820,40 euros TTC (13x370,80 euros TTC) et le loyer intercalaire du 30 août 2017 de 275,08 euros TTC soit la somme totale de 5.095,48 euros TTC. Le prononcé d'une astreinte n'apparaît cependant pas nécessaire, aucun élément ne permettant d'affirmer que la société Locam pourrait résister à l'exécution de cette condamnation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 26 MAI 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/08309 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6OJ. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2020 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2019F00392

 

APPELANTE :

Madame X.

[Adresse 1], [Localité 6], née le [date] à [Localité 12], N° SIRET : XXX, représentée par Maître Thierry MONEYRON de la SCP MONEYRON-LEVEILLARD, avocat au barreau de MEAUX, Assistée de Maître Clémentine DELMAS, avocate au barreau de Meaux

 

INTIMÉES :

SARL CLIQEO

[Adresse 5], [Localité 9], N° SIRET : XXX, représentée par Maître Hélène WOLFF de l'AARPI Cabinet WOLFF - ZAZOUN - KLEINBOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : K0004

SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 4], [Localité 15], N° SIRET : YYY, représentée par Maître Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

 

PARTIES INTERVENANTES :

SELARL FHB, prise en la personne de Maître H., ès qualité d'Administrateur Judiciaire de la société BFORBIZ

[Adresse 2], [Localité 10]

SELARL MJC2A, prise en la personne de Maître R., ès qualité de Mandataire judiciaire de la société BFORBIZ

[Adresse 7], [Localité 8], DEFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de chambre, Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. Damien GOVINDARETTY

ARRÊT : - réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X., diététicienne nutritionniste à [Localité 13] en [département] (XX), a signé le 20 juillet 2017 avec la société Cliqéo devenue Bforbiz, ayant pour activité la programmation informatique, un bon de commande pour un site internet et un référencement Google sur un rayon de dix kilomètres, ce moyennant le versement de treize loyers de 370,80 euros TTC chacun. Elle a signé le même jour un contrat de location de site Web avec la société Locam.

Mme X., locataire, a signé un procès-verbal de livraison et de conformité à l'en-tête Locam (loueur) portant sur « Solution Web Cliqeo www.[011].fr », document daté du 28 août 2017. Le fournisseur Cliqeo a également signé ce document.

La société Cliqéo a établi une facture à destination de Locam le 28 août 2017 pour un montant de 3.716,94 euros TTC.

La société Locam a dressé une facture unique de loyers le 30 août 2017 détaillant les échéances du 20 septembre 2017 au 20 septembre 2018.

Après avoir réclamé un exemplaire des contrats signés et des conditions générales applicables à plusieurs reprises, Mme X. a, par lettre recommandée du 15 novembre 2017, sollicité auprès de la société Cliqéo la résiliation de son contrat et le remboursement des sommes versées, ce que refusait la société Cliqéo par courrier du 28 novembre 2017.

Par lettre du 14 décembre 2017, Mme X. a sollicité la résolution de son contrat auprès de la société Locam, mais s'est également heurtée à un refus de cette dernière.

Les deux sociétés n'ont finalement accepté la résiliation des contrats qu'à partir de leur date anniversaire soit septembre 2018.

Suivant exploit du 22 mai 2019, Mme X. a fait assigner la société Cliqéo et la société Locam devant le tribunal de commerce d'Evry afin de voir notamment appliquer le code de la consommation et obtenir la nullité des deux contrats ainsi que le remboursement des loyers d'août 2017 à juin 2018.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal de commerce d'Evry :

- a déclaré les sociétés Cliqéo et Locam recevables et bien fondés en leurs écritures ;

- a débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- a condamné Mme X. à payer 1.000 euros à chacune des sociétés Cliqéo et Locam au titre de l'article 700 du code procédure civile ;

- a ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- a condamné Mme X. aux entiers dépens.

Mme X. a formé appel du jugement par déclaration du 1er juillet 2020 enregistrée le 2 juillet 2020.

Le 6 avril 2022, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Bforbiz. La Selarl FNB, prise en la personne de Maître H. a été désignée en tant qu'administrateur judiciaire, et la Selarl MJC2A, prise en la personne de Maître R., désignée en tant que mandataire judiciaire.

Le 30 septembre 2022, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Bforbiz et a désigné la Selarl MJC2A prise en la personne de Maître R. en tant que liquidateur judiciaire.

Suivant acte du 22 novembre 2022, Mme X. a fait assigner la Selarl MJC2A prise en la personne de Maître R. en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bforbiz en intervention forcée devant la cour d'appel de Paris.

[*]

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 19 décembre 2022, Mme X. demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1137 du code civil, L. 221-3, L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9 et l'article L. 242-1 du code de la consommation, L622-20 et suivants du code de commerce :

- de déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme X. ;

- de déclarer le présent arrêt commun et opposable à la Selarl MJC2A, prise en la personne de Maître R. ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Bforbiz selon jugement prononcé le 30 septembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Évry ;

En conséquence,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Évry le 26 mai 2020 en ce qu'il a :

« - déclaré les sociétés Cliqéo et Locam recevables et bien fondées en leurs écritures ;

- débouté Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné Mme X. à payer 1.000 euros à chacune des sociétés Cliqéo et Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné Mme X. aux entiers dépens, en ce compris les frais de Greffe liquidés à la somme de 94,34 euros TTC.

Y faisant droit et statuant de nouveau,

A titre principal,

- de déclarer Mme X. recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions pour les motifs sus exposés ;

de juger et confirmer que le bon de commande Cliqéo et le contrat de financement Locam conclus le 20 juillet 2017 par Mme X. sont interdépendants et indissociablement liés, et que le contrat Cliqéo est le contrat principal, le contrat Locam en étant l'accessoire ;

- de juger que Mme X. n'emploie pas de salarié ;

de juger que ces deux contrats interdépendants par leur nature entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la Consommation ;

- de juger et de constater que toutes les conditions sont remplies pour que les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation s'appliquent aux deux contrats interdépendants conclus le 20 juillet 2017 par Mme X., respectivement avec la société Cliqéo et la société Locam ;

- de prononcer en conséquence, sur le fondement de l'article L. 242-1 du code de la consommation, la nullité des deux contrats conclus le 20 juillet 2017 par Mme X. avec la société Cliqéo et Locam pour défaut de respect des dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation ;

- de condamner la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 5.095,48 euros TTC correspondant aux treize loyers versés par cette dernière pour la période allant d'août 2017 à septembre 2018 et au loyer intercalaire sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- de condamner la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 1.000 euros correspondant aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance ;

- de condamner la société Locam à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la présente procédure d'appel ;

- de condamner la société Locam aux entiers dépens de la présente instance d'appel ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour d'appel de céans ne prononçait pas la nullité des contrats sur le fondement de l'article L. 242-1 du Code de la consommation, de juger que Mme X. a été victime de manœuvres dolosives de la part des sociétés Cliqéo et Locam conformément à l'article 1137 du code civil ;

- de prononcer et juger en conséquence, sur le fondement de l'article 1137 du code civil, la nullité des deux contrats conclus le 20 juillet 2017 par Mme X. avec la société Cliqéo et Locam pour vice du consentement.

[*]

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 janvier 2023, la société Locam demande à la cour, au visa des articles 1337, 1182 alinéa 3 du code civil, et de l'article L. 221-3 du code de la consommation :

- de juger la société Locam recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Au contraire, de juger Mme X. mal fondée en toutes ses demandes.

En conséquence,

- de débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

- de condamner Mme X. au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner Mme X. aux entiers dépens de la présente instance.

[*]

La Selarl MJC2A prise en la personne de Maître R. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Bforbiz n'a pas constitué avocat.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 5 janvier 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de nullité des contrats :

Mme X. rappelle l'interdépendance du bon de commande Cliqéo et du contrat de financement Locam concomitants car conclus le même jour. Elle invoque en outre le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, notamment ses articles L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9 et L. 242-1, qu'elle entend voir appliquer à l'ensemble des contrats souscrits. Elle fait valoir que les sociétés Cliqéo et Locam avaient l'obligation de lui fournir un formulaire type de rétractation et toutes les informations relatives à ce droit dès le 20 juillet 2017. A défaut, la nullité doit être prononcée.

La société Locam dénie à Mme X. le droit de se prévaloir de la législation protectrice issue du droit de la consommation dans la mesure où elle a conclu les contrats litigieux pour l'exercice de son activité professionnelle et où son propre contrat de location financière ne relève pas du code de la consommation mais du code monétaire et financier.

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une opération financière sont interdépendants. Mme X. a signé le même jour, soit le 20 juillet 2017, le bon de commande auprès de la société Cliqéo et le contrat de location de site web auprès de la société Locam, les deux contrats portant sur un nombre de loyers et un montant identiques - treize loyers de 370,80 euros TTC chacun, pour une solution web Cliqéo. Les deux contrats signés sont donc interdépendants.

Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation : « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. ».

Le contrat hors établissement est ainsi défini par l'article L. 221-1 :

« 2° "Contrat hors établissement" tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. ».

Les contrats ont été conclus au sein du cabinet de Mme X. sis [Adresse 3] à [Localité 13], lieu d'exercice de son activité professionnelle. Ils ont donc été signés « hors établissement » selon la définition précitée, soit hors du siège des sociétés Cliqéo (sise [Adresse 5] à [Localité 14]) et Locam (sise [Adresse 4] à [Localité 15]). La « création et la mise en place d'une solution web globale » et la « location de site web » n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de Mme X. qui exerce la profession de diététicienne nutritionniste.

En outre, Mme X. verse aux débats sa déclaration 2035-A 2018 sur son exercice 2017 dont il ressort qu'elle n'acquitte pas de charges salariales et ne dispose donc d'aucun salarié. Elle rapporte donc la preuve qu'elle remplissait la condition exigée par le code de la consommation « emploi de moins de six salariés » à la date de la signature des contrats.

Le moyen soulevé par la société Locam selon lequel le code de la consommation serait inapplicable à son propre contrat au bénéfice du code monétaire et financier en ses dispositions sur le démarchage bancaire et financier ne résiste pas à l'examen de l'article L. 341-1 in fine qui prévoit que « L'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives (...) à la réalisation d'opérations sur biens divers, (...) ». L'interdépendance des contrats conclus par Mme X. qui a signé le même jour toute la liasse qui lui était soumise permet ainsi de soumettre aux dispositions du code de la consommation querellées l'intégralité de l'ensemble contractuel.

Mme X. bénéficie donc des dispositions protectrices du code de la consommation et le jugement sera infirmé sur ce point.

En vertu de l'article L. 221-5 du même code : « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État.

Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. ».

En vertu de l'article L. 221-7 : « La charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel. ».

En vertu de l'article L. 221-8 : « Dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible. ».

En vertu de l'article L. 221-9 du même code : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. ».

En vertu de l'article L. 242-1 du même code : « Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. ».

En l'occurrence, si les conditions générales de vente du bon de commande Cliqéo mentionnent en leur article 10.1 le droit de rétractation dans un délai de quatorze jours, elles se contentent de renvoyer le cocontractant à la possibilité d'envoyer une lettre, un courriel et d'utiliser le modèle de formulaire de rétractation disponible sur son site web. La société Cliqéo ne fournit donc pas le formulaire requis en temps réel, à savoir au moment de la conclusion du contrat. Aucun formulaire n'a donc été remis à Mme X.

Aux termes de l'article L. 221-28 du code de la consommation en ses alinéas 1er et 3 :

« Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

(...)

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

(...) ».

Le fait que Mme X. ait coché la case - dans le bon de commande Cliqéo - selon laquelle elle souhaitait renoncer à son délai de rétractation est sans effet dans la mesure où les conditions posées par l'article L. 221-28 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de signature du contrat, en son alinéa 1er ne sont pas remplies. En effet, le service promis n'a pas été pleinement exécuté avant la fin du délai de rétractation. A cet égard, le courriel adressé dès le 20 juillet 2017 par Mme X. à son interlocuteur chez Cliqéo sollicitant une copie du contrat « signé tout à l'heure » est éloquent sur les circonstances de la conclusion du contrat. Mme X. écrit ainsi « Je voudrais revenir sur le contrat, vous m'avez dit qu'il n'y avait pas de frais en cas de rétractation mais si je souhaite rompre le contrat les 13 mois sont-ils dus dans leur totalité ? Ce qui m'embête c'est que j'aurais tout de même aimé avoir une copie du contrat que j'ai signé tout à l'heure pour bien lire toutes les clauses. Est-il possible de m'envoyer une copie de ce que j'ai signé ! Même si vous n'avez pas encore signé de votre côté. (...) » ce à quoi M. Y., commercial chez Cliqéo mentionné sur le bon de commande litigieux répond le 21 juillet 2017 : « Demain sans faute je vous envoie les photos du dossiers qu'on n'a remplie pour que vous puissiez lire les clauses (...) » (sic). Mme X. n'a donc pu bénéficier lors de la signature du contrat des informations requises par les dispositions protectrices du code de la consommation lui bénéficiant.

Quant au contrat de location de site web signé avec Locam, il ne comporte ni mention relative au droit de rétractation ni a fortiori de formulaire permettant d'exercer ce droit.

Contrairement à ce que soutient la société Locam, l'alinéa 3 de l'article L. 221-28 précité n'est pas applicable au contrat en cause dans la mesure où il ne s'agit pas de « fourniture de biens confectionnés... » mais de la fourniture d'un site web.

Il ressort des développements qui précèdent que ni la société Cliqéo ni la société Locam ne justifient avoir délivré à Mme X. de manière lisible et compréhensible l'ensemble des informations précontractuelles exigées par le code de la consommation sur l'exercice de son droit de rétractation.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de prononcer la nullité du bon de commande conclu le 20 juillet 2017 entre la société Cliqéo et Mme X. d'une part et la nullité du contrat de location de site web conclu le 20 juillet 2017 entre Mme X. et la société Locam d'autre part.

La société Locam doit être condamnée à restituer à Mme X. les loyers versés pendant treize mois pour un montant de 4.820,40 euros TTC (13x370,80 euros TTC) et le loyer intercalaire du 30 août 2017 de 275,08 euros TTC soit la somme totale de 5.095,48 euros TTC. Le prononcé d'une astreinte n'apparaît cependant pas nécessaire, aucun élément ne permettant d'affirmer que la société Locam pourrait résister à l'exécution de cette condamnation.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Locam succombant à l'action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il apparaît également équitable de condamner la société Locam à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du bon de commande conclu le 20 juillet 2017 entre la société Cliqéo ' devenue la société Bforbiz représentée par la Selarl MJC2A prise en la personne de Maître R. ès qualités de liquidateur judiciaire - et Mme X. d'une part et la nullité du contrat de location de site web conclu le 20 juillet 2017 entre Mme X. et la société Locam d'autre part ;

CONDAMNE la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 5.095,48 euros TTC au titre des loyers versés ;

DEBOUTE Mme X. de sa demande de prononcé d'une astreinte ;

CONDAMNE la société Locam aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Locam à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT