CASS. COM., 22 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10298
CASS. COM., 22 mars 2023 : pourvoi n° 22-17596 ; arrêt n° 219
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 13. En adoptant les dispositions de l'article L. 121-92 précité, le législateur a entendu simplifier la souscription des contrats portant sur la fourniture et sur la distribution de l'électricité, en dispensant certains consommateurs de conclure directement, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec le fournisseur, un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution. En prévoyant ainsi la souscription par le consommateur d'un contrat unique auprès du fournisseur, qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, il n'a pas entendu modifier les responsabilités respectives de ces opérateurs envers le consommateur d'électricité. Dès lors, les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau.
14. Il résulte, d'un côté, des dispositions d'ordre public précitées du code de l'énergie, de l'autre, de celles du code de la consommation, que les contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de laisser à la charge des fournisseurs des coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau, lequel ne saurait, ce faisant, se soustraire à des sujétions et au risque qui lui incombent, comme inhérents à ses missions de service public, notamment celui de devoir supporter le défaut de paiement par les consommateurs finaux des charges d'accès au réseau. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE
ARRÊT DU 22 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : F 22-17.596. Arrêt n° 219 FS-B.
DEMANDEUR à la cassation : Société Engie
DÉFENDEUR à la cassation : Société Enedis
Président : M. Vigneau. Avocat(s). SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
La société Engie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-17.596 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Enedis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Engie, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, et l'avis de M. Debacq, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Champalaune, Michel-Amsellem, M. Calloch, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 17-28583), la société GDF Suez, devenue la société Engie, est fournisseur d'électricité sur le marché français auprès de certains clients éligibles définis par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.
2. La société Electricité Réseau Distribution France (la société ERDF), devenue la société Enedis, est gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité qu'elle exploite pour l'acheminement de l'électricité.
3. En vue de simplifier ses démarches, la loi permet à l'utilisateur final d'opter pour un « contrat unique » par lequel lui sont facturées, par le fournisseur d'énergie, tant la fourniture d'électricité que l'utilisation du réseau public, les relations entre la société ERDF et le fournisseur étant régies par un contrat appelé Contrat GRD-Fournisseur (le contrat GRD-F).
4. Le 3 mars 2006, puis le 20 février 2009, la société Engie a signé avec la société ERDF deux contrats GRD-F précisant, en leur article 7.1, alinéa 3, que, conformément à la communication du 24 décembre 2003 de la Commission de régulation de l'énergie (la CRE), le fournisseur recouvre auprès du client les sommes dues par ce dernier et assume le risque financier de non-paiement pour l'intégralité de la facture.
5. Par une décision du 22 octobre 2010, le comité de règlement et des sanctions de la CRE (le Cordis), saisi par un fournisseur d'électricité d'un différend l'opposant à la société ERDF relativement à cette clause, a estimé que le contrat GRD-F ne pouvait faire supporter par le seul fournisseur l'intégralité du risque d'impayés qui s'attache à l'exercice, par le gestionnaire de réseaux, de sa mission de service public et dit que la société Enedis devra, en conséquence, proposer au fournisseur un nouveau contrat.
6. Soutenant que la société Enedis était tenue de supporter la charge des impayés des clients au titre de la facturation des coûts d'acheminement pour la période du 8 novembre 2007 au 22 décembre 2011 et que son refus d'y procéder était fautif, la société Engie l'a assignée en réparation de son préjudice sur le fondement de l‘article 1382, devenu 1240, du code civil.
Examen des moyens :
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
7. La société Engie fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme en principal de 2.531.323,77 euros formée contre la société ERDF, alors « qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ; que pour débouter la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que cette dernière ait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients et rendant ainsi inopposables les stipulations contraires de l'article 7.1 du contrat GRD-F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'en adoptant les dispositions de l'article L. 121-92 du code de la consommation, le législateur a entendu simplifier la souscription des contrats portant sur la fourniture et sur la distribution de l'électricité, en dispensant certains consommateurs de conclure directement, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec le fournisseur, un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution, et qu'en prévoyant ainsi la souscription par le consommateur d'un « contrat unique » auprès du fournisseur, qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, le législateur n'a pas entendu modifier les responsabilités de ces opérateurs envers le consommateur d'électricité, ce dont il se déduit que les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau, lequel ne saurait, ce faisant, se soustraire à des sujétions et à un risque qui lui incombent, comme inhérents à ses missions de service public, la cour d'appel a violé les articles 6 et 1162 du code civil, ensemble l'article L. 121-92, devenu L. 224-8, du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige et l'article L. 111-92 du code de l'énergie. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 6 du code civil, les articles L. 111-92, L. 332-1 et L. 332-3 du code de l'énergie, l'article 13 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, devenu l'article L. 322-8 du code de l'énergie et l'article L. 121-92 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
8. Aux termes du premier de ces textes, on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
9. Il résulte de la combinaison des troisième et quatrième que les non-professionnels ont la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité pour une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères.
10. Le quatrième dispose :
« Le fournisseur est tenu d'offrir au client la possibilité de conclure avec lui un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité ou de gaz naturel. Ce contrat reproduit en annexe les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau, notamment les clauses précisant les responsabilités respectives de ces opérateurs.
Outre la prestation d'accès aux réseaux, le consommateur peut, dans le cadre du contrat unique, demander à bénéficier de toutes les prestations techniques proposées par le gestionnaire du réseau. Le fournisseur ne peut facturer au consommateur d'autres frais que ceux que le gestionnaire du réseau lui a imputés au titre d'une prestation. »
11. Selon le deuxième, d'une part, les gestionnaires des réseaux publics de distribution concluent, avec toute entreprise qui le souhaite, vendant de l'électricité à des clients ayant exercé leur droit de choisir leur fournisseur, un contrat relatif à l'accès aux réseaux pour l'exécution des contrats de fourniture conclus par cette entreprise avec des consommateurs finals ayant exercé ce droit de choisir leur fournisseur, d'autre part, lorsqu'une entreprise ayant conclu un tel contrat assure la fourniture exclusive d'un site de consommation, le consommateur concerné n'est pas tenu de conclure lui-même un contrat d'accès aux réseaux pour ce site.
12. Selon le cinquième, le gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé d'assurer dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux, d'exploiter ces réseaux et d'en assurer l'entretien et la maintenance.
13. En adoptant les dispositions de l'article L. 121-92 précité, le législateur a entendu simplifier la souscription des contrats portant sur la fourniture et sur la distribution de l'électricité, en dispensant certains consommateurs de conclure directement, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec le fournisseur, un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution. En prévoyant ainsi la souscription par le consommateur d'un contrat unique auprès du fournisseur, qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, il n'a pas entendu modifier les responsabilités respectives de ces opérateurs envers le consommateur d'électricité. Dès lors, les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau.
14. Il résulte, d'un côté, des dispositions d'ordre public précitées du code de l'énergie, de l'autre, de celles du code de la consommation, que les contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de laisser à la charge des fournisseurs des coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau, lequel ne saurait, ce faisant, se soustraire à des sujétions et au risque qui lui incombent, comme inhérents à ses missions de service public, notamment celui de devoir supporter le défaut de paiement par les consommateurs finaux des charges d'accès au réseau.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
15. Pour rejeter la demande de la société Engie en paiement de la somme principale de 2 531 323,77 euros formée contre la société ERDF, l'arrêt relève que dans le système mis en place par le contrat GRD-F jusque dans sa version 5.1 incluse, conformément à la communication du 24 septembre 2003 de la CRE sur le groupe de travail électricité 2004, le risque d'impayés relatifs au tarif d'utilisation du réseau était supporté par les fournisseurs. Il retient que pour contester l'application de l'article 7.1 des contrats GRD-F litigieux, la société Engie ne vise que des dispositions sans lien avec la charge des impayés, soit celles issues du code de l'énergie ou de la consommation relatives au contrat unique et étrangères aux "irrécouvrables réseau" et à la charge des impayés, celles des articles L. 121-4 et [L. 332-8] du code de l'énergie sur la mission de service public du gestionnaire de réseau, dont l'objet n'est pas la prise en charge "des irrécouvrables réseau", et celles du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité qui ne traite pas davantage de cette question. Il en déduit qu'elle échoue à démontrer que la société Enedis aurait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Enedis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Enedis et la condamne à payer à la société Engie la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Engie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Engie, venant aux droits de la société GDF-Suez, de sa demande de voir la société ERDF (devenue Enedis) lui payer la somme en principal de 2.531.323,77 euros, et d'AVOIR condamné la société Engie à payer à la société Enedis la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) ALORS QUE constitue une faute, susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur, la violation d'une prescription légale ou réglementaire ; que pour débouter la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que cette dernière ait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients, et rendant inopposables les stipulations contraires de l'article 7.1 du contrat GRD-F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'en adoptant les dispositions de l'article L. 121-92 du code de la consommation, le législateur a entendu simplifier la souscription des contrats portant sur la fourniture et sur la distribution de l'électricité, en dispensant certains consommateurs de conclure directement, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec le fournisseur, un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution, et qu'en prévoyant ainsi la souscription par le consommateur d'un « contrat unique » auprès du fournisseur, qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, le législateur n'a pas entendu modifier les responsabilités de ces opérateurs envers le consommateur d'électricité, ce dont il se déduit que, en vertu des dispositions légales d'ordre public régissant leurs obligations respectives et leurs relations, les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau, lequel ne saurait, ce faisant, se soustraire à des sujétions et à un risque qui lui incombent, comme inhérents à ses missions de service public, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240, ensemble l'article L. 121-92 du code de la consommation (devenu L. 224-8) dans sa rédaction applicable au litige et l'article L.111-92 du code de l'énergie ;
2) ALORS QUE constitue une faute, susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur, la violation d'une prescription légale ou réglementaire ; que pour débouter la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a jugé que la société Engie n'établissait pas que la société Enedis ait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients, et rendant inopposables les stipulations contraires de l'article 7.1 du contrat GRD-F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il appartient au client final de payer les coûts d'acheminement et que le fournisseur d'électricité n'est tenu de reverser au gestionnaire de réseau, titulaire d'une mission de service public, que les sommes qu'il a effectivement perçues au titre de l'utilisation de ce réseau, ce dont s'évince l'interdiction - que le gestionnaire du réseau ne pouvait, au demeurant, raisonnablement ignorer au regard de ses missions et sujétions de service public – que le contrat conclu entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau ait pour objet ou pour effet de laisser à la charge du fournisseur les impayés relatifs à ces sommes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240, ensemble l'article 5-I du décret du 26 avril 2001, devenu l'article R. 341-2 du code de l'énergie ;
3) ALORS QU'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ; que pour débouter la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que cette dernière ait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients et rendant ainsi inopposables les stipulations contraires de l'article 7.1 du contrat GRD-F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'en adoptant les dispositions de l'article L. 121-92 du code de la consommation, le législateur a entendu simplifier la souscription des contrats portant sur la fourniture et sur la distribution de l'électricité, en dispensant certains consommateurs de conclure directement, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec le fournisseur, un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution, et qu'en prévoyant ainsi la souscription par le consommateur d'un « contrat unique » auprès du fournisseur, qui agit au nom et pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, le législateur n'a pas entendu modifier les responsabilités de ces opérateurs envers le consommateur d'électricité, ce dont il se déduit que les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau, lequel ne saurait, ce faisant, se soustraire à des sujétions et à un risque qui lui incombent, comme inhérents à ses missions de service public, la cour d'appel a violé les articles 6 et 1162 du code civil, ensemble l'article L. 121-92 du code de la consommation (devenu L. 224-8) dans sa rédaction applicable au litige et l'article L.111-92 du code de l'énergie ;
4) ALORS QU'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs ; que pour débouter la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que cette dernière ait violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients et rendant ainsi inopposables les stipulations contraires de l'article 7.1 du contrat GRD-F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il appartient au client final de payer les coûts d'acheminement et que le fournisseur d'électricité n'est tenu de reverser au gestionnaire de réseau, titulaire d'une mission de service public, que les sommes qu'il a effectivement perçues au titre de l'utilisation de ce réseau, ce dont s'évince l'interdiction – que le gestionnaire du réseau ne pouvait, au demeurant, raisonnablement ignorer au regard de ses missions et sujétions de service public – que le contrat conclu entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau ait pour objet ou pour effet de laisser à la charge du fournisseur les impayés relatifs à ces sommes,, la cour d'appel a violé les articles 6 et 1162 du code civil, ensemble l'article 5-I du décret du 26 avril 2001, devenu l'article R. 341-2 du code de l'énergie ;
5) ALORS QUE constitue une faute, susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur, la violation d'une prescription légale ou réglementaire ; que la cour d'appel a constaté que le CoRDiS, instance de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), saisi en 2010 d'un différend relatif à la question de la validité des clauses du contrat-type GRD-F quant à la question de la prise en charge des irrécouvrables réseau, avait retenu qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public. (...) le contrat GRD-F ne peut avoir pour objet ou pour effet de faire supporter au seul fournisseur l'intégralité du risque d'impayés » (arrêt, p. 8) ; qu'en déboutant néanmoins la société Engie de sa demande tendant à la condamnation de la société Enedis au titre de son refus de prendre en charge les impayés clients sur la période litigieuse, au motif qu'il n'aurait pas été établi que la société Enedis ait, ce faisant, violé une disposition légale ou réglementaire d'ordre public lui imposant, pour la période litigieuse, de prendre en charge les impayés des clients, tandis qu'il s'évinçait du constat même fait par le CoRDiS sur la non-conformité des clauses du contrat GRD-F que le risque d'impayés du TURPE par les clients est inhérent à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public, de sorte que les dispositions légales et réglementaires d'ordre public investissant le gestionnaire de réseau de cette mission imposent à ce dernier de prendre en charge le risque d'impayés des clients, sans pouvoir reporter intégralement ce risque sur le fournisseur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2-II et 18 de la loi du 10 février 2000, devenus les articles L. 121-4 et L. 332-8 du code de l'énergie.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Engie, venant aux droits de la société GDF-Suez, de sa demande de voir la société ERDF (devenue Enedis) lui payer la somme en principal de 2.531.323,77 euros, et d'AVOIR condamné la société Engie à payer à la société Enedis la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) ALORS QUE le juge ne saurait dénaturer les éléments de la cause ; que dans sa décision du 22 octobre 2010 sur le différend opposant la société Direct Energie à la société Enedis (ex-ERDF) relatif au contrat GRD-F, le CoRDiS a retenu, en s'appuyant sur l'intention du législateur lorsqu'il a institué le contrat unique et sur les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article L. 121-92 du code de la consommation, qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public » ; qu'interprétant le IV bis de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, le CoRDiS a retenu qu'« il ressort des termes mêmes de ce paragraphe qu'il a pour seul objet de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur. Il ne saurait donc être interprété comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement » ; qu'il a encore relevé qu'« ERDF ne saurait dès lors se prévaloir de la composante annuelle de gestion pour faire supporter contractuellement par le fournisseur, la charge des impayés correspondant à la part acheminement » ; qu'il en a conclu qu'« il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que, pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes dues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final », de sorte qu'Enedis devait mettre en conformité l'article 7.1 du contrat GRDF, méconnaissant les principes ainsi rappelés ; qu'en affirmant, pour considérer que les stipulations dont la non-conformité a ainsi été constatée avait pu s'appliquer avant le 1er janvier 2012 sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée à la société Enedis au vu des décisions du CoRDiS, que ce dernier, avait dans sa décision 22 octobre 2010, dégagé un nouveau principe relatif à la prise en charge des irrécouvrables réseau, qui n'aurait pu être d'application rétroactive ni même immédiate, tandis que le CoRDiS – qui n'avait, au demeurant, pas le pouvoir de créer un tel nouveau principe – n'avait au contraire fait qu'interpréter les dispositions légales et réglementaires existantes pour constater la non-conformité du contrat GRD-F aux principes, prescriptions et obligations résultant de ces dispositions, en tant que ce contrat avait pour objet ou pour effet de faire supporter au seul fournisseur le risque d'impayés, la cour d'appel a dénaturé la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010 en violation du principe susvisé ;
2) ALORS QUE le juge ne saurait dénaturer les éléments de la cause ; que dans sa décision du 22 octobre 2010 sur le différend opposant la société Direct Energie à la société Enedis (ex-ERDF) relatif au contrat GRD-F, le CoRDiS a retenu, en s'appuyant sur l'intention du législateur lorsqu'il a institué le contrat unique et sur les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article L. 121-92 du code de la consommation (devenu depuis lors l'article L.224-8), qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public » ; qu'interprétant le IV bis de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, le CoRDiS a retenu qu'« il ressort des termes mêmes de ce paragraphe qu'il a pour seul objet de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur. Il ne saurait donc être interprété comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement » ; qu'il a encore relevé qu'« ERDF ne saurait dès lors se prévaloir de la composante annuelle de gestion pour faire supporter contractuellement par le fournisseur, la charge des impayés correspondant à la part acheminement » ; qu'il en a conclu que « Il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que, pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes dues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final », de sorte qu'ENEDIS devait mettre en conformité l'article 7.1 du contrat GRD-F, méconnaissant les principes ainsi rappelés ; que pour considérer que les stipulations dont la non-conformité a ainsi été constatée avait pu s'appliquer avant le 1er janvier 2012 sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée à la société Enedis au vu des décisions du CoRDiS, la cour d'appel a affirmé que ce dernier, qui avait le pouvoir de prendre des décisions applicables pour le passé, n'avait pas prévu dans sa décision du 22 octobre 2010 de rétroactivité ni d'application immédiate du principe dégagé relatif à la prise en charge des Irrecouvrables réseau ; qu'en induisant, comme elle l'a fait, de l'absence de précision expresse dans la décision du CoRDiS quant à une portée rétroactive ou même immédiate de l'interprétation faite des dispositions légales et règlementaires régissant les obligations du gestionnaire de réseau et ses relations avec le fournisseur et de la non-conformité des stipulations du contrat GRD-F à ces dispositions, que la non-conformité contractuelle ainsi constatée et l'interdiction pour le gestionnaire de réseau de reporter l'intégralité du risque d'impayés sur le fournisseur n'auraient pu lui être opposés pour la période antérieure au 1er janvier 2012 et qu'aucune faute n'aurait pu être reprochée à la société Enedis au vu des décisions du CoRDiS dans la mise en oeuvre de l'article 7.1 du contrat GRD-F dans sa version antérieure à la version 6.0, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010, en violation du principe susvisé ;
3) ALORS QUE le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) peut être saisi de différends portant sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats GRD-Fournisseur visés à l'article L. 111-92 du code de l'énergie ; que, dans ce cadre, le CoRDiS a pour mission de vérifier la conformité des stipulations des contrats GRD-F avec les dispositions légales d'ordre public afin, le cas échéant, d'inviter le gestionnaire de réseau à établir un projet de contrat conforme à ces dispositions ; qu'il n'a pas vocation à créer des règles nouvelles ni à modifier l'ordonnancement juridique ; que ses décisions revêtent, sous ce rapport, un caractère interprétatif et déclaratif et ont donc, par construction, une portée rétroactive ; qu'en jugeant néanmoins que la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010, aux termes de laquelle le comité avait constaté la non-conformité des clauses-type du contrat GRD-F quant à la question de la prise en charge des Irrécouvrables réseau, en retenant qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public. (...) le contrat GRD-F ne peut avoir pour objet ou pour effet de faire supporter au seul fournisseur l'intégralité du risque d'impayés », n'avait pas prévu de rétroactivité ni d'application immédiate du « nouveau principe » dégagé relatif à la prise en charge des irrécouvrables réseau, quand le CoRDiS n'avait pas, à cette occasion, dégagé de principe nouveau mais seulement apprécié la conformité des clauses litigieuses aux dispositions légales et règlementaires instaurant la mission de service public du gestionnaire de réseau, soit les articles L. 121-92 du code de la consommation (devenu l'article L.224-8) dans sa rédaction applicable au litige et l'article 5 du décret du 26 avril 2001, telles qu'il convenait d'en interpréter le sens et la portée, la cour d'appel a violé les articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l'énergie ;
4) ALORS QUE le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie peut être saisi de différends portant sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats GRD-Fournisseur visés à l'article L. 111-92 du code de l'énergie ; que, dans ce cadre, le CoRDiS a pour mission de vérifier la conformité des stipulations des contrats GRD-F avec les dispositions légales d'ordre public afin, le cas échéant, d'inviter le gestionnaire de réseau à établir un projet de contrat conforme à ces dispositions ; que pour écarter la contestation de la société Engie, les juges d'appel ont relevé que la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010 n'avait pas prévu de rétroactivité ni d'application immédiate du « nouveau principe » dégagé par le comité relatif à la prise en charge des irrécouvrables réseau et que la décision du 17 décembre 2012 avait validé une application des nouvelles clauses à compter du 1er janvier 2012 ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs radicalement inopérants, quand, d'une part, la décision du 22 octobre 2010 du CoRDiS reconnaissait l'illicéité de l'article 7.1 du contrat GRD-F tel qu'il avait été appliqué au cours de la période litigieuse en tant qu'il avait pour objet ou pour effet de reporter l'intégralité du risque d'impayés sur le fournisseur, et d'autre part, la circonstance que le CoRDiS n'ait pas explicitement conféré une portée rétroactive à sa décision – ce qui était, au demeurant, superfétatoire – ne pouvait nullement revenir à ne lui donner effet que pour l'avenir s'agissant d'en tirer les conséquences en termes de responsabilité du gestionnaire de réseau – question dont n'était pas saisi le CoRDiS – et était, ainsi, nécessairement sans incidence sur la faute imputable à la société Enedis pour avoir imposé, au cours de la période litigieuse, à la société Engie un contrat illicite ayant eu pour effet – et même pour objet – de reporter sur elle intégralement le risque d'impayés des clients concernant l'utilisation du réseau public d'électricité, la cour d'appel a violé les articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l'énergie, ensemble l'article 1382 du code civil, devenu 1240 ;
5) ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que le principe de la réparation intégrale impose à l'auteur du dommage de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, sans perte ni profit ; qu'une stipulation contractuelle contraire à l'ordre public est réputée non écrite et inopposable, et ne saurait faire obstacle ni limiter le droit à réparation de la victime d'un comportement contraire à des obligations découlant de dispositions légales d'ordre public ; qu'en l'espèce, le CoRDiS a retenu dans sa décision du 22 octobre 2010, en s'appuyant sur l'intention du législateur lorsqu'il a institué le contrat unique et sur les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article L. 121-92 du code de la consommation, qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public » ; qu'interprétant le IV bis de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, le CoRDiS a retenu qu'« il ressort des termes mêmes de ce paragraphe qu'il a pour seul objet de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur. Il ne saurait donc être interprété comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement » ; qu'il a encore relevé qu'« ERDF ne saurait dès lors se prévaloir de la composante annuelle de gestion pour faire supporter contractuellement par le fournisseur, la charge des impayés correspondant à la part acheminement » ; qu'il en a conclu qu'« il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que, pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes dues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final », et que le contrat GRD-F, dans sa version examinée, n'était pas conforme aux principes ainsi rappelés, puisqu'il tendait à reporter sur le fournisseur l'intégralité du risque d'impayés, et devait donc être mis en conformité ; qu'il s'en évinçait que, pour la période litigieuse, la société Enedis avait méconnu ses obligations légales et règlementaires envers la société Engie en lui faisant supporter, sous couvert du contrat unique, l'intégralité du risque d'impayés client, ce qui avait causé à la société Engie un préjudice qu'il appartenait à la société Enedis de réparer, sans pouvoir opposer les stipulations du contrat GRD-F dont la non-conformité était constatée, précisément en ce qu'elles avaient pour objet et en tous les cas pour effet de reporter intégralement le risque d'impayés sur le fournisseur ; qu'en jugeant pourtant, pour débouter la société Engie de sa demande de réparation, que la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010 constatant la non-conformité du contrat GRD-F était dépourvue de rétroactivité et même d'application immédiate, et que la décision du 17 décembre 2012 avait validé l'application des nouvelles clauses à compter du 1er janvier 2012, de sorte que les stipulations litigieuses ont pu continuer à recevoir application sans qu'aucune faute ne puisse être reprochée à la société Enedis au vu des décisions du CoRDiS, tandis que ces décisions ne pouvaient avoir ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'exercice par la société Engie de son droit à la réparation intégrale du préjudice causé par la méconnaissance par la société Enedis de ses obligations légales et règlementaires, ni permettre à la société Enedis d'opposer valablement en ce sens des stipulations contractuelles dont la non-conformité aux dispositions légales et règlementaires régissant ses missions de service public avait été constatée, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1240 du code civil (ancien 1382) ;
6) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que constitue un bien protégé par l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent comme celle d'être indemnisé d'un préjudice subi ; qu'en l'espèce, le CoRDiS a retenu dans sa décision du 22 octobre 2010, en s'appuyant sur l'intention du législateur lorsqu'il a institué le contrat unique et sur les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article L. 121-92 du code de la consommation, qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public » ; qu'interprétant le IV bis de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, le CoRDiS a retenu qu'« il ressort des termes mêmes de ce paragraphe qu'il a pour seul objet de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur. Il ne saurait donc être interprété comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement » ; qu'il a encore relevé qu'« ERDF ne saurait dès lors se prévaloir de la composante annuelle de gestion pour faire supporter contractuellement par le fournisseur, la charge des impayés correspondant à la part acheminement » ; qu'il en a conclu qu'« il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que, pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes dues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final », et que le contrat GRD-F, dans sa version examinée, n'était pas conforme aux principes ainsi rappelés, puisqu'il tendait à reporter sur le fournisseur l'intégralité du risque d'impayés, et devait donc être mis en conformité ; qu'en l'état de cette interprétation, la société Engie disposait d'un droit à réparation du préjudice constitué par le risque d'impayés indument reporté sur elle intégralement au cours de la période litigieuse par la société Enedis en lui opposant les stipulations contractuelles non conformes du contrat GRD-F, et à tout le moins d'une espérance légitime de créance à ce titre ; qu'en jugeant pourtant, au motif que la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010 constatant la non-conformité de l'article 7.1 du contrat GRD-F n'avait pas explicitement précisé qu'elle était de portée rétroactive ou d'application immédiate – ce qu'elle n'avait, au demeurant, pas à faire – et que la décision du 17 décembre 2012 avait validé l'application des nouvelles clauses à compter du 1er janvier 2012, que ces décisions avaient, en substance, pour effet de valider pour le passé l'application faite des dispositions contractuelles litigieuses jusqu'au 31 décembre 2011, et faisaient obstacle à ce qu'une faute puisse être reprochée à la société Enedis au titre de cette période, au cours de laquelle elle avait pourtant, en vertu de ces stipulations jugées non conformes à la loi, reporté intégralement le risque d'impayés sur le fournisseur, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et, en tout état de cause, disproportionnée au but légitime censément poursuivi au droit fondamental de la société Engie au respect de ses biens au sens de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
7) ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que le principe de la réparation intégrale impose à l'auteur du dommage de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, sans perte ni profit ; que le droit à la réparation du préjudice subi constitue un droit subjectif et individuel, dont le principe est garanti par la Constitution ; qu'en refusant tout droit à réparation de son préjudice à la société Engie, au motif que cela emporterait un traitement discriminatoire par rapport à d'autres fournisseurs, qui auraient censément accepté ou décidé de ne pas remettre en cause l'application du contrat GRD-F pour la période antérieure à sa mise en conformité, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, l'article 1240 du code civil (anciennement 1382) et l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, ensemble, par fausse application, le principe de non-discrimination ;
8) ALORS QUE toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que constitue un bien protégé par l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent comme celle d'être indemnisé d'un préjudice subi ; qu'en refusant tout droit à réparation de son préjudice à la société Engie, au motif que cela emporterait un traitement discriminatoire par rapport à d'autres fournisseurs, qui auraient censément accepté de ne pas remettre en cause l'application du contrat GRD-F pour la période antérieure à sa mise en conformité, sans nullement faire ressortir que cette privation pour la société Engie de tout droit individuel à réparation du préjudice incontestablement subi au cours de la période litigieuse du fait que la société Enedis avait intégralement reporté sur elle le risque d'impayés client, ne portait pas à son droit fondamental au respect de ses biens une atteinte disproportionnée au regard du but légitime tenant, censément, à ne pas impliquer un traitement discriminatoire avec les autres fournisseurs – auxquels il était, au demeurant, loisible d'engager une action similaire contre le gestionnaire de réseau –, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (présenté à titre subsidiaire)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Engie, venant aux droits de la société GDF-Suez, de sa demande de voir la société ERDF (devenue Enedis) lui payer la somme en principal de 2.531.323,77 euros, et d'AVOIR condamné la société Engie à payer à la société Enedis la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que les termes de l'article 7.1 du contrat GRD-F conclu entre Engie et Enedis ne contredisaient aucune autre disposition de ce contrat, quand son article 9.3 prévoyait qu'« il est expressément convenu que le Fournisseur ne peut être tenu pour responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution par le Client de ses obligations, sauf si, par sa faute, il y a contribué », obligations au nombre desquelles figurait celle tenant au paiement du coût d'acheminement (TURPE), la cour d'appel, qui a dénaturé par omission ledit contrat, a violé le principe sus-rappelé ;
2) ALORS QUE les conventions légalement formées obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; qu'en jugeant que l'article 7.1 du contrat GRD-F conclu entre Engie et Enedis devait recevoir application, quand elle constatait que ces stipulations mettaient le risque d'impayés à la charge exclusive du fournisseur, tandis que les stipulations du contrat GRD-F ne pouvaient avoir pour objet ou pour effet de remettre en cause les obligations mises à la charge respectivement du client final, de fournisseur et du gestionnaire de réseau par la loi et les règlements en vigueur, conformément notamment à l'article L. 121-92 du code de la consommation (devenu l'article L. 224-8) dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a violé l'article 1135 du code civil, devenu 1194 ;
3) ALORS QUE les conventions légalement formées obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que le gestionnaire du réseau public d'électricité est investi d'une mission de service public à laquelle se rattache le risque, inhérent aux sujétions qui sont légalement les siennes, d'impayés par le client du coût d'utilisation du réseau ; que la cour d'appel a constaté que dès le 7 avril 2008, le CoRDiS avait été amené à préciser que le contrat unique n'a ni pour objet, ni pour effet, de modifier les responsabilités contractuelles respectives du gestionnaire de réseaux, du fournisseur et du client final ; qu'elle a aussi dû constater que le contrat GRD-F, dans ses versions imposées et appliquées par la société Enedis au cours de la période litigieuse allant du 8 novembre 2007 au 31 décembre 2011, prévoyait que le risque d'impayés était à la charge exclusive du fournisseur ; qu'en affirmant pourtant la société Enedis avait exécuté de bonne foi le contrat pendant la période incriminée, tandis qu'il ressortait de ses propres constatations qu'à compter de la décision du CoRDiS du 7 avril 2008, le gestionnaire de réseau ne pouvait de bonne foi ni raisonnablement ignorer qu'il n'avait pas le droit de reporter l'intégralité du risque d'impayés sur le fournisseur, ce qui revenait modifier leurs responsabilités contractuelles respectives, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, devenus les articles 1104, 1194, 1217 et 1231-1 du même code ;
4) ALORS QUE les conventions légalement formées obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que la cour d'appel a constaté dès le 7 avril 2008, le CoRDiS avait été amené à préciser que le contrat unique n'a ni pour objet, ni pour effet, de modifier les responsabilités contractuelles respectives du gestionnaire de réseaux, du fournisseur et du client final ; qu'elle a aussi constaté que le CoRDiS avait retenu dans sa décision du 22 octobre 2010, en s'appuyant sur l'intention du législateur lorsqu'il a institué le contrat unique et sur les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et de l'article L. 121-92 du code de la consommation, qu'« il en résulte que les droits et obligations du gestionnaire du réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert de la mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de réseau de sa mission de service public » ; qu'interprétant le IV bis de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, le CoRDiS a également retenu dans cette décision qu'« il ressort des termes mêmes de ce paragraphe qu'il a pour seul objet de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur. Il ne saurait donc être interprété comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement » ; qu'il a encore relevé qu'« ERDF ne saurait dès lors se prévaloir de la composante annuelle de gestion pour faire supporter contractuellement par le fournisseur, la charge des impayés correspondant à la part acheminement » ; qu'il en a conclu qu'« il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que, pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes dues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final », et que le contrat GRD-F, dans sa version examinée, n'était pas conforme aux principes ainsi rappelés, puisqu'il tendait à reporter sur le fournisseur l'intégralité du risque d'impayés, et devait donc être mis en conformité ; qu'en affirmant pourtant, pour écarter toute responsabilité contractuelle de la société Enedis, que les termes de l'article 7.1 tel qu'appliqué au cours de la période incriminée, qui prévoyait que le risque d'impayés était à la charge exclusive du fournisseur, ne remettaient pas en cause l'équilibre général du contrat, qui était le fruit d'un processus de concertation entre les acteurs concernés sous l'égide des autorités de régulation compétentes, quand le Commission de Régulation de l'Énergie, par la voix de son comité de règlement des différends, n'avait eu de cesse que de mettre en évidence la non-conformité du contrat GRD-F imposé par Enedis précisément en ce qu'il aboutissait à reporter exclusivement sur le fournisseur le risque d'impayés client en modifiant, ce faisant, les responsabilités contractuelles respectives du gestionnaire de réseaux et du fournisseur – ce qui ne pouvait s'analyser que comme une atteinte à l'équilibre général du contrat –, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, devenus les articles 1104, 1194, 1217 et 1231-1 du même code.