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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 21 juin 2023

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 21 juin 2023
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 8
Demande : 22/03363
Décision : 2023/286
Date : 21/06/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 4/03/2022
Numéro de la décision : 286
Référence bibliographique : 5889 (L. 221-3 C. consom.), 5945 (domaine, téléphonie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10306

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-8), 21 juin 2023 : RG n° 22/03363 ; arrêt n° 2023/286 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l'espèce, contrairement à l'opinion du premier juge, il apparaît que l'objet des contrats litigieux, portant sur la fourniture de matériel et de services de télécommunication, n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de la société X. Y., à savoir l'exercice de la médecine. D'autre part, il résulte du registre unique du personnel produit en cause d'appel que cette société employait moins de cinq salariés à la date à laquelle elle a contracté. Elle devait donc bénéficier d'un délai de rétractation de quatorze jours en application de l'article L. 221-18 du même code.

Toutefois, la société NBB LEASE fait justement valoir que la violation de cette disposition n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat, mais par une prolongation de douze mois du délai de rétractation à compter de l'expiration du délai initial. Or la société X. Y. n'allègue pas avoir exercé ce droit à un quelconque moment.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-8

ARRÊT DU 21 JUIN 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/03363. Arrêt n° 2023/286. N° Portalis DBVB-V-B7G-BI7T2. ARRÊT AU FOND. Jugement du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 17 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-21-0000.

 

APPELANTE :

SAS NBB LEASE FRANCE 1

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS, membre de la SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE, ayant pour avocat plaidant Maître Carolina CUTURI-ORTEGA, membre de la SCP JOLY - CUTURI - WOJAS - REYNET DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉE :

SCM X. Y.

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié au siège social sis [Adresse 1], représentée par Maître Charles TOLLINCHI, membre de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Maître Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Philippe COULANGE, Président ; Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère ; Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller.

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

ARRÊT :  Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

La société civile de moyens constituée entre les docteurs X. et Y., médecins gynécologues exerçant à [Localité 3], a conclu le 18 décembre 2018 avec la société commerciale de télécommunication CLOUD ECO un contrat de location-service portant sur une installation de téléphonie hébergée dans un « data center » protégé contre le piratage.

Le contrat de location, prévoyant le règlement de 63 mensualités de 188,68 euros TTC, a été immédiatement cédé à la société financière NBB LEASE.

Par courrier recommandé du 15 avril 2019, les docteurs X. et Y. se sont plaints auprès de la société CLOUD ECO de nombreux dysfonctionnements de l'installation ainsi que de l'exécution défectueuse du service de maintenance, et lui ont fait part de leur décision de résilier le contrat avec effet au 15 mai suivant.

Par courrier en réponse adressé le 25 avril 2019, la société CLOUD ECO a reconnu certaines difficultés mais a assuré ses clients de sa volonté de les résoudre dans les meilleurs délais. Elle les également mis en garde contre le coût d'une résiliation anticipée du contrat de maintenance, et les a invités à se rapprocher de la société NBB LEASE pour définir éventuellement les termes de la résiliation du contrat de location.

Par lettre recommandée du 31 décembre 2019, la société NBB LEASE a mis en demeure la société X. Y. de reprendre le règlement des loyers, laissés impayés depuis le 30 septembre précédent, sous peine de résiliation de plein droit du contrat et de pénalités financières.

La situation étant demeurée en l'état, la société NBB LEASE a obtenu le 10 septembre 2020 la délivrance d'une injonction de payer la somme de 8.639,72 euros, contre laquelle il a été formé opposition.

Par jugement rendu le 17 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Nice a :

- mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer,

- débouté la société X. Y. de sa demande d'annulation du contrat de location pour non-respect de son droit de rétractation, au motif qu'elle n'avait pas la qualité de consommateur,

- constaté la résiliation de plein droit dudit contrat pour défaut de paiement des loyers,

- condamné la locataire à payer la somme de 754,72 euros au titre des loyers échus ainsi qu'à restituer le matériel à ses frais en bon état d'entretien et de fonctionnement,

- débouté en revanche la société NBB LEASE de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation, en retenant que cette clause pénale était manifestement excessive compte tenu des dysfonctionnements de l'installation signalés par la locataire,

- débouté la société X. Y. de sa demande en dommages-intérêts,

- et condamné cette dernière aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société NBB LEASE a interjeté appel de cette décision le 4 mars 2022.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 1er décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de l'argumentation, la société NBB LEASE FRANCE 1 poursuit l'infirmation du jugement du seul chef l'ayant débouté de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation, qu'elle réitère devant la cour à hauteur de la somme de 8.453,50 euros.

Elle fait valoir que cette clause n'est nullement excessive, et que la motivation retenue par le tribunal pour en écarter l'application est contradictoire avec celle ayant conduit au rejet de la demande en dommages-intérêts formulée par la locataire, selon laquelle aucun manquement contractuel n'était établi à son encontre.

Elle ajoute que la société X. Y. confond les obligations découlant du contrat de location et celles du contrat de service, ces dernières étant demeurées à la charge de la société CLOUD ECO.

Elle réclame accessoirement paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre ses dépens.

[*]

Dans ses conclusions notifiées le 4 septembre 2022, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé complet des moyens, la société X. Y. forme appel incident sur le tout. Elle soutient en effet qu'elle doit se voir reconnaître la qualité de consommateur en application de l'article L 221-3 du code de la consommation, et que le contrat doit être annulé en ce qu'il ne comportait aucun formulaire de rétractation, en violation de l'article L. 221-18 du même code.

Subsidiairement, elle fait valoir qu'elle était fondée à résilier le contrat aux torts exclusifs de la société CLOUD ECO, sans préavis ni dommages-intérêts, en raison l'exécution défaillante de ses prestations ayant gravement perturbé l'exercice de son activité.

Elle demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau d'annuler « toutes conventions » conclues avec les sociétés CLOUD ECO et NBB LEASE et de débouter cette dernière de l'ensemble de ses prétentions,

- subsidiairement, de déclarer celles-ci irrecevables,

- plus subsidiairement encore, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réduit à un euro le montant de la clause pénale,

- en tout état de cause, de condamner la société NBB LEASE à lui verser la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice et celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 mars 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Sur la demande d'annulation du contrat :

L'article L. 221-3 du code de la consommation énonce que les dispositions des sections II, III et IV du chapitre 1er du titre deuxième relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement entre professionnels et consommateurs sont étendues aux contrats conclus entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel démarché et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l'espèce, contrairement à l'opinion du premier juge, il apparaît que l'objet des contrats litigieux, portant sur la fourniture de matériel et de services de télécommunication, n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de la société X. Y., à savoir l'exercice de la médecine. D'autre part, il résulte du registre unique du personnel produit en cause d'appel que cette société employait moins de cinq salariés à la date à laquelle elle a contracté. Elle devait donc bénéficier d'un délai de rétractation de quatorze jours en application de l'article L. 221-18 du même code.

Toutefois, la société NBB LEASE fait justement valoir que la violation de cette disposition n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat, mais par une prolongation de douze mois du délai de rétractation à compter de l'expiration du délai initial. Or la société X. Y. n'allègue pas avoir exercé ce droit à un quelconque moment.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat.

 

Sur la résolution du contrat :

L'article 1226 du code civil autorise l'une des parties à notifier à l'autre la résolution du contrat en cas d'inexécution de ses obligations ayant persisté en dépit d'une mise en demeure.

En l'espèce, la société X. Y. a notifié à la société CLOUD ECO la résiliation du contrat de service par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 15 avril 2019, en raison de l'exécution défaillante de ses prestations ayant persisté en dépit de plusieurs réclamations. Elle rappelait que depuis l'installation du matériel de téléphonie elle avait subi plusieurs pannes affectant ses lignes de téléphone, de télécopie et d'internet, ayant gravement perturbé le fonctionnement du cabinet médical, et que ses demandes d'intervention étaient demeurées sans suite.

Dans son courrier en réponse du 25 avril 2019, la société CLOUD ECO n'a pas contesté la réalité de ces dysfonctionnements, faisant valoir qu'elle n'était tenue qu'à une obligation de moyens, 'étant utilisateur de technologies ou d'infrastructures développées et fournies par des tiers', ce qui ne saurait constituer un argument recevable.

Il convient donc de considérer que le contrat principal a été valablement résilié à l'échéance du 15 mai 2019. Or, contrairement à la position défendue par la société NBB LEASE, l'interdépendance entre les deux contrats entraînait par voie de conséquence la caducité du contrat de location du matériel, toute clause contraire devant être réputée non écrite, et ce sans application de pénalités financières.

La demande en dommages-intérêts formulée par la société X. Y. doit être néanmoins rejetée, dès lors qu'aucune faute ne peut être imputée au loueur.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat, et ordonné à la société X. Y. de restituer à ses frais le matériel loué en bon état d'entretien et de fonctionnement,

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Juge que le contrat de location est devenu caduc à compter du 15 mai 2019 par suite de la résiliation du contrat principal,

Déboute en conséquence la société NBB LEASE de ses demandes en paiement,

Déboute la société X. Y. de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

Condamne la société NBB LEASE aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE                 LE PRÉSIDENT