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CA LYON (1re ch. civ. A), 22 juin 2023

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 22 juin 2023
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 21/02392
Date : 22/06/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/04/2021
Référence bibliographique : 5889 (L. 221-3 C. consom.), 5947 (domaine, reprographie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10307

CA LYON (1re ch. civ. A), 22 juin 2023 : RG n° 21/02392 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La société Locam ne conteste plus que la société S4A, qui en justifie par sa pièce 14, remplit la condition d'effectif posé par la loi mais fait observer que les dispositions protectrices ne s'appliquant aux personnes morales que depuis l'ordonnance du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet suivant, la société S4A ne peut en bénéficier, le contrat ayant été souscrit une date antérieure.

La société S4A répond qu'aux termes de l'article 2 de la directive du 25 octobre 2011, le terme « professionnel » recouvre des personnes physiques ou morales, et que la loi du 17 mars 2014 qui étend le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation aux « professionnels » dans les conditions prévues par l'article L. 121-16-1 de ce code n'exclut nullement les personnes morales de ces dispositions, de sorte qu'elle peut s'en prévaloir.

Il résulte en effet de la rédaction de l'article 2 de la directive du 25 octobre 2011 transposée en droit français par la loi du 17 mars 2014 que doit être considérée comme professionnel toute personne physiques ou morale (...) ; d'autre part, l'article L. 121-16-1 précité du code de la consommation n'exclut nullement les personnes morales de son bénéfice ; en décider autrement serait ajouter à la loi une condition qu'elle ne comporte pas. La société S4A peut en conséquence se prévaloir du bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation citées ci-avant.

Par ailleurs, ce contrat de location n'entre pas, contrairement à ce que soutient la société Locam, dans la catégorie des services financiers exclus du champ d'application des dispositions précitées du code de la consommation par l'article L. 221-2, et visés par les articles L. 311-2 ou L. 511-21 du code monétaire et financier, encore par la directive communautaire du 25 octobre 2011, transposée en droit interne par les articles précités, qui qualifie de service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit ». En effet, peu important que la société Locam se qualifie de société de financement dans la mesure où le contrat litigieux est un contrat de location simple d'un matériel moyennant paiement de loyers mensuels au propriétaire du bien qu'est en l'espèce la société Locam et ne correspond pas à une opération connexe à une opération de banque qui relèverait de la catégorie des services financiers, ainsi que le fait justement valoir la société S4A. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02392. N° Portalis DBVX - V - B7F - NP4K. Décision du Tribunal de Commerce de Saint-Étienne, Au fond du 9 février 2021 : RG n° 2018J00331.

 

APPELANTE :

SELARL S4A

[Adresse 2], [Localité 6], représentée par Maître Marie Charlotte GATTI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE, avocat postulant, et pour avocat plaidant Maître Rachel VERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, toque : 330

 

INTIMÉES :

SAS LOCAM

[Adresse 1], [Localité 3], représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

SCP BR ASSOCIES, prise en la personne de Maître I., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Société SIN - Solution impression numérique

[Adresse 4], [Localité 5], non constituée

 

Date de clôture de l'instruction : 8 mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 mai 2023

Date de mise à disposition : 22 juin 2023

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président - Julien SEITZ, conseiller - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 17 décembre 2015, la société S4A, qui exerce une activité d'orthodontie à [Localité 6] sous l'enseigne Invis Ortho a commandé auprès de la société SIN (Solution Impression Numérique) un photocopieur Triumph Adler 261 CI dans le cadre d'un contrat de location de 36 mois et au coût de 699 euros hors taxes par mois. Le contrat prévoyait le renouvellement de l'opération tous les 12 mois. Le même jour, la société S4A a souscrit auprès de la société SIN un contrat de garantie et de maintenance de cet appareil ; d'autre part, elle a régularisé un contrat de location de longue durée auprès de la société Locam.

Un nouveau bon de commande portant sur un copieur Toshiba 305 a été régularisé le 17 janvier 2017 entre la société S4A et la société SIN moyennant un coût mensuel de 849 euros hors taxes sur une période de 63 mois, ce coût comprenant en outre la location du précédent appareil et celle d'un copieur Triumph 2665 donné à bail par la société BNP Paribas Lease Group aux termes d'un contrat du 16 février 2015, moyennant le versement d'une participation d'un montant de 9.900 euros hors-taxes payable dans les 45 jours de livraison et de la réception de la facture.

Le 4 avril 2017, la société S4A a mis en demeure la société SIN d'exécuter les obligations contractuelles résultant du bon de commande du 17 janvier 2017 en exposant que cette dernière s'était abstenue de procéder à la résiliation anticipée des contrats la liant aux sociétés Locam et BNP et de verser le montant de la participation financière.

En réponse, la société SIN convenait de l'annulation pure et simple du bon de commande du 17 janvier 2017.

Par acte d'huissier de justice du 2 janvier 2018, la société Locam a fait assigner la société S4A devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne. La société S4A a fait assigner la société SIN devant la même juridiction par acte d’huissier de justice du 30 août 2020. Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 9 février 2021, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

- débouté la société S4A de ses demandes de résolution, nullité et caducité des contrats ;

- dit irrecevables les demandes fondées sur le déséquilibre des obligations contractuelles des parties ;

- débouté la société S4A de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société SIN, représentée par son liquidateur judiciaire, des condamnations prononcées à son encontre ;

- débouté la société S4A du surplus de ses demandes ;

- condamné la société S4A à payer à la société Locam la somme de 22.185,52 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 novembre 2017 ;

- débouté la société Locam de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 195,62 euros sont à la charge de la société S4A ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toute voie de recours et sans caution.

Le jugement a été signifié le 4 mars 2021 à la société S4A qui en a relevé appel le 1er avril suivant, intimant la SCP BR associés, prise en la personne de Maître I., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SIN.

La société S4A a fait signifier sa déclaration d'appel, ses conclusions et son bordereau de pièces communiquées à la SCP BR associés, prise en la personne de Maître I., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SIN par acte d'huissier de justice du 28 mai 2021 remis à personne habilitée. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

[*]

Par conclusions déposées au greffe le 21 octobre 2021, la société S4A demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et :

- Dire et juger que la société société Locam ne rapporte pas la preuve du respect des obligations prévues par le Code de la consommation,

En conséquence,

- Prononcer la nullité du contrat de location longue durée régularisé entre la société Locam et la Selarl S4A ;

- Débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à l'encontre de la Selarl S4A ;

- Condamner la société Locam à payer à la Selarl S4A le montant des loyers échus depuis le début d'exécution du contrat de location jusqu'à la date de la dernière échéance payée (échéance du 10 janvier 2017 incluse), soit la somme 10.311,60 € TTC.

Subsidiairement,

- Dire et juger que la société SIN a failli à l'exécution de ses obligations contractuelles, telle que résultant du bon de commande du 17 décembre 2015,

En conséquence,

- Prononcer la résiliation du bon de commande aux torts exclusifs de la société S.I.N à la date du 10 janvier 2017,

Prononcer la caducité du contrat de garantie et de maintenance liant la Selarl S4A à la société S.I.N à la date du 10 janvier 2017,

- Prononcer la caducité du contrat de location longue durée liant la Selarl S4A à la société Locam à la date du 10 janvier 2017,

- Condamner la société Locam à payer à la Selarl S4A la somme de 2.516,40 € TTC au titre de l'échéance trimestrielle du 10 janvier 2017.

Plus subsidiairement,

- Dire et juger les conditions générales inopposables à la Selarl S4A,

- Dire et juger que la société Locam ne rapporte pas la démonstration de la quotité de son préjudice,

En conséquence,

- Débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à l'encontre de la Selarl S4A ;

Vu les dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil,

- Dire et juger que l'article 12 des conditions générales de la location s'analyse en une clause pénale,

- Dire et juger le montant global de ladite clause pénale comme étant manifestement excessif;

En conséquence,

Débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnations formulées à l'encontre de la Selarl S4A ;

Encore plus subsidiairement,

Dire et juger que son montant devra être réduit dans une large mesure.

Débouter la société Locam du surplus de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que le préjudice de la société Locam, s'agissant des chefs de demande suivants s'établit ainsi qu'il suit :

- 36 loyers à échoir : 5 loyers x 2.097 € 10.485,00 €

- Clause pénale y afférent : 1.048,50 €

- 3 loyers : 3 x 2.516,40 € (TTC) 7.549,20 €

- clause pénale y afférent : 10% x 3 x 2.097 € 629,10 €

- Débouter la société Locam du surplus de ses demandes ;

- Condamner la société Locam, au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

[*]

Par conclusions déposées au greffe le 12 octobre 2021, la société Locam demande à la cour de :

- juger non fondé l'appel de la société S4A ; la débouter de toutes ses demandes comme pour partie irrecevables et toutes non fondées ; confirmer le jugement entrepris ;

- condamner la société S4A à lui régler une nouvelle indemnité de 2.500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamnée en tous les dépens d'instance et d'appel.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

 

Sur la nullité du contrat conclu entre les sociétés S4A et Locam :

Aux termes de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation dans sa version en vigueur du 8 août 2015 au 1erjuillet 2016, les dispositions protectrices de la loi du 17 mars 2014 prévues par les articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5 du même code ont été étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

La société S4A se prévaut de ces dispositions et indique qu'elle n'employait pas plus de cinq salariés à la date de régularisation du contrat, soit le 17 décembre 2015, que le contrat a été conclu hors établissement puisqu'elle a été démarchée directement à son cabinet et que son activité principale est celle de chirurgien-dentiste, le contrat de location d'un copieur étant en conséquence parfaitement étranger à l'exercice de son activité principale.

La société Locam ne conteste plus que la société S4A, qui en justifie par sa pièce 14, remplit la condition d'effectif posé par la loi mais fait observer que les dispositions protectrices ne s'appliquant aux personnes morales que depuis l'ordonnance du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet suivant, la société S4A ne peut en bénéficier, le contrat ayant été souscrit une date antérieure.

La société S4A répond qu'aux termes de l'article 2 de la directive du 25 octobre 2011, le terme « professionnel » recouvre des personnes physiques ou morales, et que la loi du 17 mars 2014 qui étend le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation aux « professionnels » dans les conditions prévues par l'article L. 121-16-1 de ce code n'exclut nullement les personnes morales de ces dispositions, de sorte qu'elle peut s'en prévaloir.

Il résulte en effet de la rédaction de l'article 2 de la directive du 25 octobre 2011 transposée en droit français par la loi du 17 mars 2014 que doit être considérée comme professionnel toute personne physiques ou morale (...) ; d'autre part, l'article L. 121-16-1 précité du code de la consommation n'exclut nullement les personnes morales de son bénéfice ; en décider autrement serait ajouter à la loi une condition qu'elle ne comporte pas. La société S4A peut en conséquence se prévaloir du bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation citées ci-avant.

Par ailleurs, ce contrat de location n'entre pas, contrairement à ce que soutient la société Locam, dans la catégorie des services financiers exclus du champ d'application des dispositions précitées du code de la consommation par l'article L. 221-2, et visés par les articles L. 311-2 ou L. 511-21 du code monétaire et financier, encore par la directive communautaire du 25 octobre 2011, transposée en droit interne par les articles précités, qui qualifie de service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit ».

En effet, peu important que la société Locam se qualifie de société de financement dans la mesure où le contrat litigieux est un contrat de location simple d'un matériel moyennant paiement de loyers mensuels au propriétaire du bien qu'est en l'espèce la société Locam et ne correspond pas à une opération connexe à une opération de banque qui relèverait de la catégorie des services financiers, ainsi que le fait justement valoir la société S4A.

Aux termes de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation qui s'applique au contrat en cause, le professionnel doit fournir à son cocontractant un exemplaire daté du contrat sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties ; ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17 parmi lesquelles figure le droit de rétractation dont dispose le consommateur, cette disposition étant d'ordre public.

Le contrat de location objet du litige ne comportant ni la mention relative au droit de rétractation ni de formulaire de rétractation doit donc être annulé, le jugement dont appel étant ainsi infirmé dans toutes ses dispositions.

En conséquence de cette nullité, la société Locam doit être déboutée de ses demandes en paiement à l'encontre de la société S4A et condamnée à lui restituer les sommes qu'elle a versées, soit la somme totale de 2.577,90 x 4 = 10.311,60 euros TTC au vu de la mise en demeure du 17 novembre 2017 produite par la société Locam dont il résulte que la société S4A a payé 4 loyers.

La société Locam supportera les entiers dépens et sera condamnée à verser à la société S4A la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 9 février 2021 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

Annule le contrat conclu le 17 décembre 2015 entre la Selarl S4A et la société Locam ;

Déboute la société Locam de toutes ses demandes ;

Condamne la société Locam à payer à la société S4A la somme de 10'311,60 euros ;

Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à la Selarl S4A d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

LE GREFFIER                                            LE PRESIDENT