CA LYON (3e ch. A), 22 juin 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10310
CA LYON (3e ch. A), 22 juin 2023 : RG n° 20/03980
Publication : Judilibre
Extrait : « En l'espèce, il convient de rappeler que les contrats liant les parties portent, entre la société Y. et la société Citycare, sur la fourniture d'un bien, et entre la société Locam et la société Y., sur une location, le contrat entre ces dernières reprenant les termes de « locataire » et bailleur, sans autre mention particulière, et la société Locam intervenant en sa qualité de bailleur de matériels.
La société Locam indique intervenir dans le cadre d'un contrat de location financière qui, à son sens, est exclu des dispositions du code de la consommation régissant les contrats conclus hors établissement, puisque n'étant pas un service financier au sens défini par l'article 3.3 de la Directive 2011/83 UE et exclu par l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Or, le contrat conclu entre la société Locam et la société Y. n'est pas assimilable à une opération de crédit car la location n'est pas assortie d'une option d'achat et la directive invoquée rappelle qu'un service financier est défini comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». Dès lors, le contrat liant les parties n'est pas exclu du champ de l'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation comme n'étant pas une opération connexe aux opérations de banque.
La société Y. rapporte la preuve de ce qu'elle entre dans les autres critères du texte à savoir, l'existence d'un contrat signé hors établissement, sur un objet n'entrant pas dans le champ de son activité de restauration rapide, et s'agissant d'une société n'employant pas plus de cinq salariés. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 22 JUIN 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03980. N° Portalis DBVX-V-B7E-NCBI. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 2 juin 2020 : RG : 2018j01187 ; Dnd.
APPELANTE :
SAS LOCAM
agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SAS Y.
représentée par son Président en exercice, Monsieur Y., [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Anne-Sophie EMY, avocat au barreau de LYON, toque : 1875
Date de clôture de l'instruction : 23 juillet 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 3 mai 2023
Date de mise à disposition : 22 juin 2023
Audience présidée par Aurore JULLIEN, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente - Marianne LA-MESTA, conseillère - Aurore JULLIEN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 6 décembre 2017, la SAS Y. a conclu avec la société Location Automobiles Matériels (ci-après « la société Locam ») un contrat de location portant sur un défibrillateur fourni par la société Citycare, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 129 euros HT. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé le 29 décembre 2017.
Par courriers recommandés du 15 février 2018, la société Y. a indiqué à la société Citycare et à la société Locam sa volonté de mettre en œuvre son droit de rétractation. Elle leur a retourné le bien objet du contrat.
Par courrier recommandé délivré le 28 juin 2018, la société Locam a mis en demeure la société Y. de régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l'exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.
Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, par acte d'huissier du 14 août 2018, la société Locam a assigné la société Y. devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne afin d'obtenir la somme principale de 10.320,93 euros.
Par jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit recevable et bien fondées les demandes de la société Y.,
- dit que les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation sont applicables aux contrats objet du litige,
- constaté que les contrats litigieux ont été conclus entre professionnels,
- dit que les contrats litigieux ont été conclus hors établissement,
- dit que les contrats litigieux n'entrent pas dans le champ d'activité principale de la société Y.,
- dit que la société Y. remplit la condition visée à l'article L. 221-3 du code de la consommation relative à l'emploi d'un nombre de salariés égal ou inférieur à cinq,
- prononcé la résolution des contrats liant d'une part la société Y. à la société Citycare et d'autre part liant la société Y. à la société Locam,
- débouté la société Locam de toutes ses demandes,
- condamné la société Locam à rembourser à la société Y. la somme de 323,54 euros au titre des loyers indûment perçus, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 février 2018,
- condamné la société Locam à verser à la société Y. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,
- débouté la société Y. du surplus de ses demandes à l'encontre de la société Locam,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du jugement.
La société Locam a interjeté appel par acte du 23 juillet 2020.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 mars 2021 fondées sur les articles 1103 et suivants et 1231-2 du code civil, les articles L. 221-2-4° et L. 222-1 du code de la consommation et les articles L. 311-2, L. 511-3 et L. 511-21 du code monétaire et financier, la société Locam a demandé à la cour de :
- dire bien fondé son appel,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société Y. à lui régler la somme principale de 10.320,93 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 28 juin 2018,
- débouter la société Y. de toutes ses demandes,
- la condamner à lui régler une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Y. en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 avril 2021 fondées sur les articles L. 221-3, L. 221-2, L. 221-20 et L. 221-27 du code de la consommation, la société Y. a demandé à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
en conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par l'appelante,
- condamner l'appelante au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2021, les débats étant fixés au 3 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes de la société Locam :
À l'appui de ses demandes, la société Locam a fait valoir :
- l'application à sa situation du Code Monétaire et Financier étant une filiale à 100 % de la caisse régionale Loire et Haute Loire du Crédit Agricole, et sa qualité de société de financement enregistrée auprès de l'ACPR
- sa qualité de société de financement et l'exclusion dès lors des dispositions relatives au droit de la consommation
- les dispositions des articles L. 511-21 et L. 511-3 du Code Monétaire et Financier
- l'exclusion par l'article L. 222-1 du code de la consommation des opérations connexes aux opérations de banque
- le fait que les opérations connexes de location simple participent des services financiers qu'elle dispense en tant que société de financement et la non application en conséquence des dispositions de l'article L. 221-2-4°
- le récapitulatif des sommes dues par la société Y.
Pour sa part, la société Y. a fait valoir :
- l'application des dispositions de l'article L. 221-2-4° du code de la consommation concernant le droit de rétractation et l'article 2 de la directive européenne 2011/83/UE
- la qualité de simple bailleur au titre d'un contrat de louage de la société Locam et non de fournisseur financier
- la juste application par les premiers juges de l'article L. 221-27 du code de la consommation
- la qualification du contrat principal en tant que « convention d'aide à l'équipement » et du contrat accessoire avec Locam de contrat de location, dépendant du premier sans lequel il n'aurait pas existé
- le fait qu'un contrat de location ne relève pas des services financiers visés par le Code Monétaire et Financier et encore moins d'activités bancaires comme c'est le cas pour les opérations de crédit ou de crédit-bail.
Sur ce,
Selon l'article L. 221-3, les dispositions du code de la consommation applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principal du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieure ou égal à cinq.
Il ressort des dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-20 du code de la consommation que lorsque les éléments concernant le droit de rétractation ne sont pas indiqués au contrats, à savoir le délai initial de 14 jours, ce délai est prolongé d'une année.
L'article L. 221-27 du code de la consommation dispose que l'exercice du droit de rétractation met fin à l'obligation des parties soit d'exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre et que l'exercice du droit de rétractation d'un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Enfin, l'article L. 221-29 du code de la consommation dispose que toute dérogation aux textes susvisés serait nulle et de nul effet, les dispositions ayant vocation à s'appliquer de plein droit.
Il convient dans un premier temps de vérifier si la société Y. peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 221-3 du code de consommation.
En l'espèce, il convient de rappeler que les contrats liant les parties portent, entre la société Y. et la société Citycare, sur la fourniture d'un bien, et entre la société Locam et la société Y., sur une location, le contrat entre ces dernières reprenant les termes de « locataire » et bailleur, sans autre mention particulière, et la société Locam intervenant en sa qualité de bailleur de matériels.
La société Locam indique intervenir dans le cadre d'un contrat de location financière qui, à son sens, est exclu des dispositions du code de la consommation régissant les contrats conclus hors établissement, puisque n'étant pas un service financier au sens défini par l'article 3.3 de la Directive 2011/83 UE et exclu par l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Or, le contrat conclu entre la société Locam et la société Y. n'est pas assimilable à une opération de crédit car la location n'est pas assortie d'une option d'achat et la directive invoquée rappelle qu'un service financier est défini comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ». Dès lors, le contrat liant les parties n'est pas exclu du champ de l'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation comme n'étant pas une opération connexe aux opérations de banque.
La société Y. rapporte la preuve de ce qu'elle entre dans les autres critères du texte à savoir, l'existence d'un contrat signé hors établissement, sur un objet n'entrant pas dans le champ de son activité de restauration rapide, et s'agissant d'une société n'employant pas plus de cinq salariés.
Il est constant par ailleurs que la société Locam ne rapporte pas la preuve de ce que les contrats contestés comportent des bordereaux de rétractation, ne respectant pas en cela les dispositions du code de la consommation, cette absence étant sanctionnée par la nullité des conventions.
Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité des conventions litigieuses en l'absence de toute information sur le droit à rétractation de la société Y., en tirant également les conséquences nécessaires en terme de restitution.
La décision déférée sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
La société Locam succombant en la présente instance, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure en appel.
L'équité commande d'accorder à la société Y. une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Locam sera condamnée à lui verser la somme de 3.000 euros à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne la SAS Locam - Location Automobiles Matériels à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS Locam - Location Automobiles Matériels à payer à la SAS Y. la somme de 3.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5956 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Autres contrats