CA COLMAR (2e ch. civ.), 25 mai 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10333
CA COLMAR (2e ch. civ.), 25 mai 2023 : RG n° 21/01062 ; arrêt n° 259/2023
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Les conditions particulières signées le 15 mai 2017 par la SCI Peninsula précisent expressément que ces conditions particulières jointes aux conditions générales n°965332 version 122012, aux annexes n°965333, 965426 et 965480 dont le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire constituent le contrat d'assurance, de sorte que les conditions générales et les annexes sont opposables à la SCI Peninsula qui a souscrit le contrat. »
2/ « La lecture des conditions particulières du 15 mai 2017 permet de vérifier que la garantie « tous risques bijoux » n'a pas été souscrite par la SCI Peninsula, de sorte qu'elle ne trouve pas à s'appliquer pour le sinistre en cause et que tous les moyens et arguments développés par les appelants sur la clause de coffre-fort sont sans emport.
Faute d'avoir été listée dans les conditions particulières, la montre en cause n'est pas indemnisable en valeur agréée mais doit l'être sur la base de l'ensemble et la généralité des biens mobiliers y compris ceux de la catégorie ci-dessus non répertoriés dont la valorisation globale est fixée sur la base des déclarations de l'assuré reprises aux conditions particulières du contrat et dans la limite du tableau des garanties. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2 A 21/01062. Arrêt n° 259/2023. N° Portalis DBVW-V-B7F-HQLF. Décision déférée à la cour : 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG.
APPELANTS :
La SCI PENINSULA
prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [Adresse 4],
Monsieur X.
demeurant [Adresse 3], représentés par Maître Christine BOUDET, avocat à la cour.
INTIMÉ sur appels principal et incident :
Monsieur S., agent général d'assurance AXA
demeurant [Adresse 2], représenté par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.
INTIMÉE et appelante sur incident :
La Compagnie d'assurance AXA ASSURANCES IARD
prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social [Adresse 1], représentée par Maître LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la cour.
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, Madame Myriam DENORT, Conseiller, Madame Nathalie HERY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN
ARRÊT contradictoire - prononcé publiquement après prorogation du 12 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La SCI Peninsula est propriétaire de la villa « [Adresse 5]).
Le 25 septembre 2013, représentée par son gérant M. X., elle a souscrit un contrat d'assurance « ArtPlus » avec effet au 6 septembre 2013, auprès de sa compagnie d'assurance la SA AXA France IARD, représentée par son agent général M. S.
Le 14 août 2017, les locaux de la SCI Peninsula ont été cambriolés.
Le 15 mai 2017, la SCI Peninsula avait signé de nouvelles conditions particulières à effet au 2 mai 2017.
Par mail en date du 30 octobre 2017, la société AXA France IARD a informé M. S. de ce qu'elle proposait le versement d'une indemnisation totale de 21.726,64 euros, dont une somme de 16.000 euros pour couvrir la montre de marque « Rolex » volée dont la valeur a été fixée à 59.000 euros par expert en application d'une clause de limitation de garantie aux objets précieux non placés en coffre-fort insérée dans le tableau des garanties des conditions générales du contrat d'assurance souscrit.
Contestant cette limitation de garantie, la SCI Peninsula, le 3 août 2018, a fait assigner M. S. et la SA AXA France IARD devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins notamment de voir dire et juger que la clause limitant l'indemnisation des biens mobiliers en valeur déclarée hors coffre-fort est réputée non écrite et de condamner in solidum la société AXA France IARD et M. S. à l'indemniser.
M. X. est intervenu volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance a :
- débouté la SCI Peninsula et M. X. de leur demande de paiement de la somme de 68.700 euros au titre de l'indemnisation de la montre Rolex Oyster Perpetual volée le 14 août 2017 ;
- débouté la SCI Peninsula et M. X. de leur demande d'indemnisation à l'encontre de la SA AXA France et de M. S. au titre d'un manquement au devoir d'information et de conseil ;
- condamné la SA AXA France IARD à payer à la SCI Peninsula la somme de 21.726,24 euros au titre de l'indemnisation du sinistre n°1767XXX0287 subi le 14 août 2017 ;
- condamné solidairement la SCI Peninsula et M. X. aux entiers dépens ;
- condamné in solidum la SCI Peninsula et M. X. à payer à la SA AXA France IARD et M. S. la somme de 1.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.
Après avoir indiqué que le contrat avait été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016, et demeurait ainsi soumis aux dispositions du code civil antérieures à cette date, le tribunal, sur la clause de sous-limitation de garantie, a retenu, d'une part, qu'ayant été portées à la connaissance de la SCI Peninsula et acceptées par elle, les conditions générales et le tableau des garanties contenant la clause de sous-limitation de garantie lui étaient opposables et, d'autre part, que les conditions du contrat d'assurance étaient claires et dépourvues d'ambiguïté et qu'il n'y avait donc pas à les interpréter ou à rechercher quelle avait été la commune intention des parties.
Il a relevé que la montre Rolex n'était pas placée dans un coffre-fort lors du cambriolage, de sorte que conformément aux stipulations contractuelles, la garantie de la SA AXA devait être limitée à 16.000 euros.
Il a considéré que la SCI Peninsula et M. X. ne démontraient pas de manquement au devoir d'information et de conseil des défendeurs en ce qu'ils n'établissaient pas que l'absence de mise en place d'un coffre-fort, qui avait pour conséquence non pas une exclusion de garantie mais une limitation d'indemnisation, n'était pas en adéquation avec leur situation à la date de souscription de l'assurance.
Le tribunal judiciaire a constaté que l'offre d'indemnisation de 21.726,24 euros du 30 octobre 2017, outre l'indemnisation de la montre limitée à 16.000 euros, incluait la somme de 357,24 euros au titre des dommages immobiliers et 6.369 euros pour les biens mobiliers, ces montants n'étant pas contestés par les parties.
La SCI Peninsula et M. X. ont interjeté appel de ce jugement le 17 février 2021 par voie électronique.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2021, la SCI Peninsula et M. X. demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;
- dire et juger que le contrat AXA doit trouver application sans limitation de garantie ;
- dire et juger que les intimés engagent leur responsabilité pour manquement au devoir d'information et de conseil à leur égard ;
- les condamner in solidum à verser à M. X. la somme de 68.700 euros correspondant à l'indemnisation en valeur au jour du sinistre de la montre volée de type Rolex Oyster Perpetual et de 6.726,24 euros à la SCI Peninsula au titre des dommages mobiliers et immobiliers, dont à déduire les montants déjà perçus ;
- dire et juger que le droit à indemnisation s'élève au minimum à 21.726,24 euros conformément à l'offre d'indemnisation du 30 octobre 2017 formulée par AXA et, au besoin, en donner acte à la compagnie ;
- condamner les intimés aux entiers frais et dépens tant de la procédure de première instance que d'appel ;
- les condamner chacun à verser aux appelants, chacun, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- constater le caractère exécutoire de l'arrêt à intervenir.
Sur la question du droit applicable au litige, les appelants font valoir que le contrat était soumis aux dispositions civiles issues de la réforme du droit des obligations puisque les conditions particulières de vente ont été rééditées chaque année et qu'il était systématiquement spécifié que le nouveau contrat prenant ainsi effet était un contrat de remplacement.
Les appelants se prévalent de ce que les dispositions du paragraphe introductif de l'article 3 des conditions générales de vente et du tableau des garanties sont inapplicables.
A titre principal, ils contestent que les conditions générales de vente et le tableau des garanties leur soient opposables et, surtout, que la clause de coffre-fort soit licite et opposable faute d'avoir été portée à leur connaissance et acceptée.
Ils exposent que la clause dite de coffre-fort est uniquement définie par les conditions générales de vente dans une garantie optionnelle à laquelle la SCI Peninsula n'a pas souscrit, qu'il s'agit de faire valoir la garantie « tous risques bijoux » dont l'objet est la « garantie en valeur agréée des bijoux décrits dans la liste et/ou l'expertise jointe et/ou l'expertise désignée en page résumée des garanties de vos conditions particulières », que, par ailleurs, la clause de coffre-fort n'était pas applicable en pratique puisque personne ne range sa montre dans un coffre avant de se coucher le soir pour la reprendre le lendemain, qu'outre son incohérence, cette clause ne figure pas aux termes des conditions particulières, que les conditions générales de vente n'entrent dans le champ contractuel que si elles ont été connues et acceptées par l'autre partie alors qu'en l'espèce elles ne sont ni signées ni paraphées par la SCI Peninsula, qu'il existe une contradiction entre les conditions particulières et les conditions générales, qu'en tout état de cause les conditions particulières priment sur les conditions générales conformément à l'article 1119 alinéa 3 du code civil, que la clause dite de « coffre-fort » était peu précise et ambiguë, que le lexique annexé aux conditions générales distingue entre les bijoux et montres et laisse entendre que la clause de coffre-fort ne s'applique pas aux montres, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de la consommation et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, une clause ambiguë d'un contrat d'adhésion s'interprète en faveur du consommateur et que même M. S., agent d'assurance, reconnaît lui-même le caractère imprécis et inapplicable de la clause d'exclusion.
Les appelants soutiennent, à titre infiniment subsidiaire, sur le caractère nul et non écrit de la clause litigieuse, qu'il s'agit d'une clause d'exclusion et que pour être formelle cette dernière doit être expresse, claire et précise et être rédigée en caractères très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré conformément à l'article L. 112-4 du code des assurances, que conformément à l'article R. 212-1 du code de la consommation la clause est abusive de façon irréfragable et que la SCI Peninsula en sa qualité de non-professionnel est bien fondée à solliciter le bénéfice de ces dispositions.
Sur l'application pure et simple du tableau de garanties, les appelants arguent que le tableau prévoit une absence de sous-limitation pour les objets de collection, qu'il n'est pas contestable, que les montres de collection Rolex, par leur rareté, leur popularité, leur fabrication en séries limitées, mais surtout leur cote sur le marché de l'occasion, sont des objets de collection, qu'ainsi la stricte application de la clause de garantie litigieuse reviendrait à ne pas faire application de la limitation de garantie et à indemniser les appelants à la valeur à neuf au jour du sinistre.
Les appelants invoquent un manquement des intimés à leurs obligations d'information et de conseil.
Ils soutiennent que la société AXA France IARD et M. S. ont commis des fautes mettant en évidence une grave carence dans le conseil et l'information données à l'assurée.
Ils entendent donc rechercher la responsabilité contractuelle de la société AXA France IARD et la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle de l'agent général d'assurance mandaté par elle, M. S., qui a reconnu sa propre faute et a concouru au dommage.
Ils font état des dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances aux termes duquel l'assureur doit remettre à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et des pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions ainsi que les obligations de l'assuré.
Sur le devoir de conseil, les appelants affirment qu'un devoir de conseil incombe à l'assureur et l'agent général, et consiste à orienter la décision de l'assuré en opportunité et en faveur de ses intérêts et l'assureur doit orienter le choix du co-contractant du mieux de ses intérêts, que tel n'a pas été le cas en l'espèce.
Sur le montant de l'indemnisation, les appelants soutiennent qu'il convient de retenir une valeur du préjudice correspondant à la valeur de la montre de marque Rolex au jour du sinistre à savoir 68.700 euros, qu'à ce montant s'ajoutent les sommes de 357,24 euros au titre des dommages immobiliers et 6 369 euros pour les biens mobiliers.
[*]
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2021, la société AXA France IARD demande à la cour de :
- rejeter l'appel de M. X. ;
- condamner M. X. à lui payer un montant de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeter l'appel de la SCI Peninsula ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 28 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
- condamner la SCI Peninsula à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- subsidiairement en cas d'infirmation du jugement :
- condamner M. S. à la garantir de toutes les condamnations pouvant intervenir à son encontre au-delà de la somme de 21.726,24 euros en principal ;
- condamner M. S. à la garantir de toutes les condamnations pouvant intervenir à son encontre pour les intérêts, frais et accessoires ;
- condamner M. S. aux entiers frais et dépens de l'appel en garantie ;
- condamner M. S. à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société AXA France IARD indique que M. X. n'est pas l'assuré au titre du contrat d'assurance souscrit par la SCI Peninsula, de sorte que le premier doit être débouté de ses demandes.
La société AXA France IARD expose que le contrat d'assurance souscrit par la SCI Peninsula se compose des conditions particulières, des conditions générales et du tableau des garanties, que les conditions particulières signées et paraphées par la SCI Peninsula, renvoient donc expressément et à plusieurs reprises aux conditions générales et au tableau des garanties, que la montre Rolex est un bien mobilier assuré en valeur déclarée, et que le tableau des garanties prévoit une limitation de garantie, parfaitement apparente et claire, pour les objets précieux de 60.000 euros par sinistre avec un maximum par objet de 16.000 euros hors coffre-fort.
La société AXA fait valoir que les conditions particulières renvoient au tableau des garanties qui prévoit expressément la limitation à 16.000 euros pour les objets non placés en coffre-fort, que les conditions particulières contiennent une clause de renvoi aux conditions générales et au tableau de garanties présent juste au-dessus de la signature du souscripteur, que cette clause de renvoi est parfaitement valable et qu'ainsi les conditions générales sont bien entrées dans le champ contractuel et s'imposent.
Elle ajoute qu'aucune contradiction n'existe entre les conditions générales et les conditions particulières, que le fait que les conditions particulières ne parlent pas des limitations ne les rend pas contradictoires avec les conditions générales, que la clause litigieuse n'est pas vague puisque la notion d'objets précieux est expressément définie et inclut les bijoux et montres.
Elle considère que M. S. commet une erreur de raisonnement en invoquant une clause de « coffre-fort » du contrat d'assurance qui n'a pas été souscrite par la SCI Peninsula pour se soustraire à ses responsabilités, que, par contre, le contrat d'assurance prévoit par ailleurs l'application d'une limitation de garantie pour les objets de valeur non placés en coffre-fort, qu'il s'agit de deux clauses distinctes l'une étant une clause d'exclusion, et l'autre, applicable à l'espèce, étant une clause de limitation de garantie.
La société AXA France IARD argue de ce que la SCI Peninsula a souscrit un contrat qui couvre la garantie vol et que la sous-limitation de garantie est applicable à toutes les garanties souscrites. Elle fait également valoir que la SCI n'a pas la qualité de consommateur et qu'ainsi l'article R. 212-1 du code de consommation ne lui est pas applicable, que la clause ne correspond nullement à la liste des clauses abusives et qu'au contraire elle correspond aux recommandations de la Commission des clauses abusives en ce qu'elle ne limite pas la garantie à un certain pourcentage des capitaux assurés, que le contrat a bien fait l'objet d'un document écrit et signé par les deux parties et qu'il comprend un tableau récapitulatif des garanties, que, par ailleurs, la clause figure bien en caractères normaux, très apparents à plusieurs reprises, que l'article L. 122-4 du code des assurances invoqué par la SCI Peninsula n'est applicable qu'aux seules clauses d'exclusion et non de limitation.
A titre subsidiaire, la société AXA France IARD fait valoir que les pièces produites démontrent que la référence au tableau de garantie était systématique, que M. X. en avait été destinataire avant même la signature du contrat définitif, qu'en signant les conditions particulières pour la SCI Peninsula, M. X. a attesté avoir reçu un exemplaire des conditions générales et du tableau de garantie dont il lui appartenait de prendre connaissance, que le devoir d'information et de conseil n'impose pas d'intervenir auprès de l'assuré lorsque celui-ci est en mesure, à la simple lecture de la police et de l'avenant qu'il signe, indépendamment de ses compétences techniques personnelles, de connaître les conditions précises de son contrat, que la clarté des stipulations contractuelles limite le devoir de conseil de l'agent général qui doit se borner à ne pas induire en erreur son client et que, de surcroit, le gérant de la SCI Peninsula est un homme d'affaires avisé.
Très subsidiairement, sur le préjudice, la société AXA France IARD soutient que la montre Rolex ne constitue ni une œuvre d'art, ni un objet de collection et qu'ainsi la sous-limitation de garantie s'applique, que son expert a évalué la montre Rolex à hauteur de 59.000 euros et non 68.700 euros, que la perte de chance invoquée par les appelants est incertaine, que l'indemnisation sur la base d'une valeur de remplacement à neuf est prévue pour les « autres objets » mobiliers et non la catégorie « bijoux et montres » à laquelle la montre Rolex appartient, qu'ainsi, si une condamnation devait intervenir à son encontre d'AXA pour la montre Rolex, la valeur de celle-ci sera limitée à 59.000 euros dont il devra être déduit une franchise contractuelle à hauteur de 1000 euros.
La société AXA France IARD indique que si un manquement au devoir de conseil devait être retenu, il serait le fait de M. S., seul à même d'apprécier la situation et les attentes de sa cliente, qu'il appartenait à ce dernier de lire le contrat et d'attirer l'attention de son client sur toutes les dispositions, ne l'ayant pas fait, il a commis une faute engageant sa responsabilité, qu'ainsi si la cour devait la condamner, il condamnera M. S. à la garantir de tout montant au-delà de la somme de 21 726,24 euros ainsi que toute condamnation pouvant intervenir à son encontre au titre des frais, dépens et article 700 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 février 2022, M. S. demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 28 janvier 2021 ;
- juger qu'il n'a commis aucune faute ;
- débouter la SCI Peninsula et M. X. ou toute partie de toute demandes, fins et conclusions tournées à son encontre ;
à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement :
- juger qu'il n'a commis aucune faute ;
- juger que le préjudice à l'égard de l'intermédiaire d'assurance ne peut être analysé qu'en termes de perte de chance ;
- juger que c'est aux appelants de prouver la perte de chance, cette preuve n'étant pas rapportée ;
- débouter la SCI Peninsula et M. X. ou toute partie de toutes demandes, fins et conclusions tournées à son encontre ;
en tout état de cause :
- débouter la compagnie AXA de son appel en garantie et de toutes demandes tournées à son encontre ;
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
Sur l'existence d'une clause de sous-limitation de garantie, M. S. fait valoir, que les conditions particulières priment sur les conditions générales, qu'en se reportant aux conditions particulières, il est constaté que nulle part ne figure une sous limitation pour les objets de valeur, que seul un capital mobilier de 500.000 euros étant mentionné, qu'aucun renvoi à une sous limitation prévue dans un autre document applicable n'y apparaît et que seuls certains moyens de protection sont imposés, sans qu'il soit fait référence au coffre-fort.
Il ajoute qu'aucun commentaire n'était émis sur la mise en place d'un coffre-fort suite à la visite d'un expert AXA qui s'est déplacé dans les locaux de la SCI Peninsula afin de réaliser une visite de risque.
Sur l'application de la clause au cas visé, M. S. affirme que cette dernière est peu précise dans ses termes et ambiguë en ce qu'elle indique que « les bijoux faisant l'objet de la présente garantie optionnelle sont couverts pendant qu'ils sont portés par l'assuré et lorsqu'ils sont utilisés par lui en vue d'être immédiatement portés ou immédiatement après avoir été portés», que M. X. a enlevé sa montre afin d'aller se coucher, pour pouvoir la remettre immédiatement à son réveil, que de ce fait, il n'avait aucune obligation de placer sa montre dans un coffre-fort qu'AXA donne une interprétation toute personnelle de cette clause, qu'ainsi la clause doit s'analyser en faveur de l'assuré conformément à l'article L. 133-2 du code de la consommation.
Il souligne que la nouvelle rédaction du modèle de contrat Art Plus, dénommé Tailormade, fait figurer la présence d'un coffre-fort dans les moyens de prévention et protection et rappelle avant la signature dans les clauses applicables les conditions générales et le tableau de garanties.
M. S. soutient encore que la question de sa responsabilité ne peut être abordée que si la cour juge au préalable que la sous limitation de garantie est opposable à l'assuré et que la clause litigieuse et les renvois sont clairs, qu'il faudrait rapporter la preuve de ce que la non-indemnisation serait la conséquence d'une faute commise par l'intermédiaire d'assurance, qu'il ressort de la jurisprudence que le devoir d'information et de conseil d'un intermédiaire trouve sa limite dans les termes clairs du contrat qu'il appartient à l'assuré de lire dans son intégralité et qu'au contraire si la cour devait estimer la clause litigieuse ambiguë, elle ne pourra que considérer qu'il n'est pas fautif pour un intermédiaire de ne pas relever cette ambiguïté, qu'ainsi, peu importe l'hypothèse, aucune faute ne peut lui être reprochée.
Sur le préjudice, M. S. fait valoir qu'il ne peut être condamné à verser l'indemnité qu'AXA reconnait devoir à titre contractuel, que si cette dernière est condamnée à titre contractuel à verser une somme supérieure à celle qu'elle propose, il s'agit purement et simplement du jeu du contrat qui ne peut être mis à sa charge en tant que non contractant.
Quant à l'estimation de la valeur de la montre, il soutient que l'expert AXA a évalué la montre Rolex à hauteur de 59.000 euros et non 68.700 euros suivant le cours du modèle sur le marché de l'occasion de haut niveau.
M. S. précise également que le préjudice résultant d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peut consister qu'en une perte d'une chance et ne peut correspondre qu'à une fraction du préjudice subi, qu'en l'espèce la perte de chance est incertaine et que sa preuve n'a pas été rapportée par les appelants, que la jurisprudence rappelle régulièrement qu'il faut démontrer la possibilité de trouver sur le marché la garantie litigieuse et le coût d'une prime qui aurait pu faire renoncer l'assuré à souscrire.
Sur l'appel incident formulé par la compagnie AXA, M. S. soutient que c'est à tort que la compagnie tente de déplacer le débat sur l'obligation d'information et de conseil de l'agent général alors que celui-ci ne porte que sur la clarté de rédaction des clauses invoquées laquelle est exclusivement imputable à la compagnie, et qu'en tout état de cause, une éventuelle méprise de l'agent général en raison de l'ambiguïté d'une clause n'est pas fautive.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les locaux de la SCI Peninsula ont été cambriolés le 14 août 2017 après avoir accepté des conditions particulières du contrat d'assurance la liant à la société AXA France IAED signées le 15 mai 2017, le contrat prenant effet au 2 mai 2017, lesdites conditions précisant clairement qu'il s'agissait d'un remplacement, de sorte que les dispositions de l'ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016 s'appliquent aux relations contractuelles en cause.
Sur la demande l'indemnisation de la montre au titre du contrat d'assurance :
Les conditions particulières signées le 15 mai 2017 par la SCI Peninsula précisent expressément que ces conditions particulières jointes aux conditions générales n°965332 version 122012, aux annexes n°965333, 965426 et 965480 dont le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire constituent le contrat d'assurance, de sorte que les conditions générales et les annexes sont opposables à la SCI Peninsula qui a souscrit le contrat.
Lesdites conditions générales indiquent que l'objet du contrat est d'assurer contre tous risques de dommages matériels à concurrence des montants indiqués dans les conditions particulières et dans les limites du tableau des garanties sauf exclusions, limitations ou extensions spécifiées sous chaque catégorie, en garantie des biens, le contenu de qualité et l'ensemble des meubles de l'assuré et les biens immobiliers.
Il y est prévu que :
- notamment, les montres sont incluses dans les biens mobiliers en valeur agréée (valeur convenue d'un commun accord avec l'assuré à partir des éléments fournis par lui à la souscription du contrat d'assurance concernant l'authenticité, l'état et la valeur de l'objet ou des objets assurés) pour autant qu'elles aient été listées aux conditions particulières,
- l'ensemble et la généralité des biens mobiliers y compris ceux de la catégorie ci-dessus non répertoriés dont la valorisation globale est fixée sur la base des déclarations de l'assuré reprises aux conditions particulières du contrat et dans la limite du tableau des garanties.
Y est également prévue la possibilité de souscrire des garanties optionnelles pour les biens mobiliers lesquelles ne sont acquises que si la mention figure dans les conditions particulières telle que la garantie « tous risques bijoux » dont l'objet est de garantir en valeur agréée les bijoux décrits dans la liste et/ou l'expertise jointe et/ou l'expertise désignée en page résumé des garanties des conditions particulières. Cette garantie comporte une clause de coffre-fort qui précise que les bijoux concernés sont couverts pendant qu'ils sont portés par l'assuré et lorsqu'ils sont utilisés par lui en vue d'être immédiatement portés ou immédiatement après avoir été portés ; à défaut, ils ne sont garantis que s'ils ont été déposés en coffre-fort NFA2P ayant des caractéristiques particulières.
La lecture des conditions particulières du 15 mai 2017 permet de vérifier que la garantie « tous risques bijoux » n'a pas été souscrite par la SCI Peninsula, de sorte qu'elle ne trouve pas à s'appliquer pour le sinistre en cause et que tous les moyens et arguments développés par les appelants sur la clause de coffre-fort sont sans emport.
Faute d'avoir été listée dans les conditions particulières, la montre en cause n'est pas indemnisable en valeur agréée mais doit l'être sur la base de l'ensemble et la généralité des biens mobiliers y compris ceux de la catégorie ci-dessus non répertoriés dont la valorisation globale est fixée sur la base des déclarations de l'assuré reprises aux conditions particulières du contrat et dans la limite du tableau des garanties.
Les conditions générales, en leur paragraphe « Estimation des dommages mobiliers » prévoient que les montres, en cas de perte totale, sont remboursées pour leur valeur au jour du sinistre ou remplacées.
L'annexe n°965333 visée aux conditions particulières du 15 mai 2017 correspond au tableau des garanties. S'agissant des biens mobiliers en valeur déclarée, une sous-limitation de capital s'applique pour les objets précieux soit 60.000 euros par sinistre avec un maximum par objet de 16.000 euros hors coffre-fort. Le lexique des conditions générales inclut précisément les montres dans les objets précieux.
Les conditions particulières et les conditions générales du contrat ne sont pas contradictoires et ne font que se compléter puisque ces premières renvoient clairement à l'annexe correspondant au tableau de garanties qui prévoit la sous-limitation de garantie et ce, sans aucune ambigüité.
Il est constant que la montre volée n'avait pas été entreposée dans un coffre-fort et les appelants ne démontrent pas que cette montre, bien que bénéficiant effectivement d'une renommée certaine, était de collection permettant à l'assurée d'échapper à la sous-limitation de capital tel que le permet le tableau des garanties.
C'est donc à juste titre que la société AXA France IARD n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation de la montre à hauteur de 68.700 euros, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef, étant souligné que c'est la SCI Peninsula qui a souscrit le contrat d'assurance en cause et non M. X.
Sur la demande d'indemnisation au titre de l'obligation de conseil et d'information :
Considération prise de la pertinence de la motivation du jugement entrepris sur ce point, il y a lieu de le confirmer.
Il convient de souligner qu'effectivement si les dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances dont les appelants font état imposent à l'assureur d'informer précisément l'assuré sur les garanties assorties des exclusions, force est de constater que le plafond de garantie de 16.000 euros appliqué constitue une limitation de garantie et non une exclusion de garantie et que la SCI Peninsula lors de la signature des conditions particulières du contrat d'assurance a été mise en mesure de prendre connaissance du tableau des garanties.
En tout état de cause, les appelants ne démontrent pas que les intimés ont failli à leurs obligations au regard de l'objet du contrat d'assurance spécialement conçu pour les possesseurs de contenu de qualité (objets d'art, de collection, meubles de haut de gamme, matériel high-tech, instruments de musique, équipements de sport, de loisirs).
La SCI Peninsula, dans les conditions particulières de la police d'assurance, a fait étendre la garantie des biens mobiliers de sa résidence secondaire à des statues en bronze en extérieur non scellées et à des œuvres d'art qui lui ont été confiées lesquelles ont été précisément listées.
Il convient de relever que lesdites conditions particulières, prévoient une dérogation au tableau des garanties relatives aux biens immobiliers en augmentant la sous-limitation pour les statues et ornements de jardin scellés de certaines statues, ce qui tend à démontrer que le tableau des garanties a été utilement apprécié par la SCI Peninsula.
Les appelants sont ainsi mal fondés de reprocher aux intimés de ne pas avoir attiré l'attention de la SCI Peninsula sur la sous-limitation de garantie concernant les objets précieux alors qu'ils ne justifient pas qu'il avait été fait état, préalablement à la signature des conditions particulières, de l'existence de la montre en cause dont la valeur se situe bien au-delà de 16.000 euros.
Sur les dépens et les frais de procédure :
Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.
A hauteur d'appel, la SCI Peninsula et M. X. sont condamnés aux dépens et à payer à la société AXA France IARD et à M. S., la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Peninsula et M. X. sont déboutés de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 28 janvier 2021 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la SCI Peninsula et M. X. aux dépens de la procédure d'appel ;
CONDAMNE la SCI Peninsula et M. X. à payer à la SA AXA France IARD et M. S. la somme de 2000 (deux mille) euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;
DEBOUTE la SCI Peninsula et M. X. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le président de chambre,
- 5986 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : clauses abusives
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur