CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 septembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10380
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 septembre 2023 : RG n° 19/19747 ; arrêt n° 2023/146
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l'espèce, le contrat souscrit le 18 janvier 2016 indique avoir été signé [Adresse 3] à [Localité 4] où Madame X. exerce son activité, la société Grenke Location ayant son siège social à [Adresse 1]. Il est donc acquis que les contrats ont été conclus hors du lieu où la société Grenke Location exerce habituellement et en permanence son activité au sens de l'article L121-16 dans sa rédaction applicable au contrat, du code de la consommation.
Par ailleurs, il n'est pas discuté que Madame X. exerçant une activité d'architecte en libéral n'emploie pas cinq salariés ou plus.
Enfin, l'exercice d'une telle activité ne lui confère aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Les services de téléphonie proposés sont étrangers à son champ de compétence professionnelle. De sorte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation, le critère de l'utilité du matériel loué n'étant nullement retenu par les textes et la jurisprudence comme une condition d'application des dispositions du code de la consommation. »
2/ « La nullité d'une convention ayant pour objet de remettre les parties dans la situation qui était la leur au jour de la conclusion de celle-ci, la société, Grenke Location doit être condamnée à restituer la somme, non contestée, de 654 euros correspondant au montant des loyers payés et il lui appartiendra également de reprendre possession à ses frais du matériel loué et remis le 18 mars 2016 à savoir un Routeur ADSL, un poste Inovaphone IP 200 et un Gigaset C530 au domicile professionnel de Madame X.
Madame X. sollicite enfin la restitution de « ses anciens combinés téléphoniques ».
Outre qu'elle ne fournit aucun élément permettant d'identifier les dits appareils, elle n'établit nullement les avoir remis à la société Grenke Location qui les détiendrait. Elle doit être déboutée de cette demande. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/19747. Arrêt n° 2023/146. N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLGQ. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 2 décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 17/04110.
APPELANTE :
Madame X.
née le [Date naissance 2] à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 3], représentée par Maître Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
SAS GRENKE LOCATION
prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1], représentée par Maître Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Audrey CALIPPE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur, et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur, chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2023.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 septembre 2023. Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Le 18 janvier 2016, Madame X., qui exerce la profession d'architecte, a signé un bon de commande pour du matériel de téléphonie avec la société VOIP Télécom accompagné d'un contrat d'abonnements téléphoniques et d'un contrat de location longue durée avec la SAS Grenke Location moyennant le versement de 63 loyers mensuels de 180euros HT soit 216 euros TTC.
Le matériel a été livré le 10 mars 2016.
Le 9 janvier 2017, puis le 17 novembre 2017, Madame X. a sollicité l'annulation du contrat auprès de la société VOIP Télécom.
Le 13 octobre 2016, la SAS Grenke Location a mis en demeure madame X. de payer les loyers dus au 28 octobre 2016 et le 18 novembre 2016, elle l'a avisée de la déchéance du terme.
Le 18 juillet 2017, une ordonnance d'injonction de payer a été rendue condamnant Madame X. au paiement d'une somme de 11.235,25 euros avec intérêts au taux légal et 4,85 euros au titre des frais.
Cette décision a été signifiée le 2 août 2017 et Madame X. a fait opposition le 28 août 2017.
Par jugement du 2 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a débouté Madame X. de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 13.012,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016, capitalisation annuelle des intérêts, à restituer le matériel et au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a estimé que le matériel loué rentre dans le champ de l'activité principale de Madame X. qui ne peut bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation et que l'existence d'un dol n'était pas avérée.
Le 26 décembre 2019, Madame X. a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 7 avril 2023, elle demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,
- Débouté la société Grenke Location de ses demandes et de ses demandes formulées à titre d'appel incident,
- Déclaré irrecevables la demande formulée à titre d'appel incident formulée pour la première fois le 4 avril 2023,
- Prononcer la nullité du contrat de location conclu le 18 janvier 2016,
- Condamner la société Grenke Location à lui payer la somme de 654 euros,
- Condamner la société Grenke Location à lui restituer ses anciens combinés téléphoniques toujours en état de marche,
- Condamner la société Grenke Location à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 4 avril 2023, la société Grenke Location demande à la cour de :
Sur l'appel de Madame X. :
- Le DIRE mal fondé,
- Le REJETER ainsi que l'intégralité des fins, moyens, demandes et prétentions de Madame X.
- CONFIRMER le jugement entrepris sous réserve des fins de l'appel incident,
- CONDAMNER Madame X. à :
- restituer le matériel loué visé dans la facture de VOIP ANTIPOLIS (Routeur ADSL - 5 Postes Inovaphone IP200 - Gigaset C 530) appartenant à la Société GRENKE LOCATION à ses frais et à son adresse.
- payer à la Société GRENKE LOCATION la somme de 13.012,98 euros au titre des loyers impayés échus, de l'indemnité de résiliation et indemnité de recouvrement et ce avec intérêts au taux légal, capitalisés, à compter du 18/11/2016 jusqu'à complet paiement.
- payer à la Société GRENKE LOCATION l'indemnité frais irrépétibles de première instance fixée à 2.000 euros dans le jugement dont appel outre les entiers dépens comprenant les frais de la procédure d'injonction de payer.
Sur l'appel incident de la société GRENKE LOCATION :
- Le DIRE bien fondé,
Y faisant droit :
- RÉFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société GRENKE LOCATION au titre de l'application de la clause pénale, de la restitution sous astreinte du matériel loué.
Et statuant à nouveau :
- CONDAMNER Madame X. à payer à la Société GRENKE LOCATION la somme de 990,00 euros au titre de la clause pénale (10 % de l'indemnité de résiliation),
- ASSORTIR la restitution par Madame X. du matériel loué appartenant à la Société GRENKE LOCATION d'une astreinte de 200,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- DÉBOUTER Madame X. de toutes conclusions contraires,
En tout état de cause,
- CONDAMNER Madame X. à payer à la Société GRENKE LOCATION la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens d'appel.
[*]
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Les parties sont en l'état d'un contrat de location de matériel de téléphonie conclu le 18 janvier 2016 moyennant le versement de 63 loyers mensuels de 216 euros TTC.
Madame X., la locataire, ayant cessé le paiement des loyers dus en juillet 2016, le 18 novembre 2016, la société Grenke Location, la bailleresse, a prononcé la résiliation du contrat en sollicitant la somme de 11.880 euros au titre des loyers à échoir, 1.080 euros au titre des loyers échus et impayés de juillet à novembre 2016 et 12,98 euros au titre des intérêts et 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement.
Pour s'opposer à ces demandes, Madame X. sollicite le prononcé de la nullité du contrat pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
Aux termes de l'article L. 121-17, dans sa rédaction applicable au contrat, du code de la consommation relatif à l'obligation d'information pré-contractuelle, il est précisé que « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat »
et l'article L. 121-18 du code de la consommation « dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues au I de l'article L. 121-17. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible » et l'article L. 121-18-1 du dit code « Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17 ».
Les dispositions de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation énoncent que la faculté de rétractation ouverte aux consommateurs, est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En l'espèce, le contrat souscrit le 18 janvier 2016 indique avoir été signé [Adresse 3] à [Localité 4] où Madame X. exerce son activité, la société Grenke Location ayant son siège social à [Adresse 1]. Il est donc acquis que les contrats ont été conclus hors du lieu où la société Grenke Location exerce habituellement et en permanence son activité au sens de l'article L121-16 dans sa rédaction applicable au contrat, du code de la consommation.
Par ailleurs, il n'est pas discuté que Madame X. exerçant une activité d'architecte en libéral n'emploie pas cinq salariés ou plus.
Enfin, l'exercice d'une telle activité ne lui confère aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Les services de téléphonie proposés sont étrangers à son champ de compétence professionnelle. De sorte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation, le critère de l'utilité du matériel loué n'étant nullement retenu par les textes et la jurisprudence comme une condition d'application des dispositions du code de la consommation.
Il convient de constater que ni le bon de commande, ni le contrat de maintenance ni le contrat de location financière ne comportent de bon de rétractation ou d'information relative aux conditions, modalités et délai pour l'exercice du droit de rétractation.
Ainsi en application des dispositions de l'article L. 121-18-2 du code de la consommation, il convient de confirmer la nullité des contrats souscrits le 28 mai 2015 par Madame X.
La nullité d'une convention ayant pour objet de remettre les parties dans la situation qui était la leur au jour de la conclusion de celle-ci, la société, Grenke Location doit être condamnée à restituer la somme, non contestée, de 654 euros correspondant au montant des loyers payés et il lui appartiendra également de reprendre possession à ses frais du matériel loué et remis le 18 mars 2016 à savoir un Routeur ADSL, un poste Inovaphone IP 200 et un Gigaset C530 au domicile professionnel de Madame X.
Madame X. sollicite enfin la restitution de « ses anciens combinés téléphoniques ».
Outre qu'elle ne fournit aucun élément permettant d'identifier les dits appareils, elle n'établit nullement les avoir remis à la société Grenke Location qui les détiendrait. Elle doit être déboutée de cette demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
La SA Grenke Location succombant doit supporter les entiers dépens et payer la somme de 2.500 euros à Madame X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour statuant par arrêt contradictoire :
Infirme la décision rendue le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Prononce la nullité du contrat conclu le 18 janvier 2016 entre la SA Grenke Location et Madame X.,
Condamne la société Grenke Location à payer à Madame X. la somme de 654 euros,
Dit qu'il appartiendra à la société Grenke Location de récupérer à ses frais le Routeur ADSL, un poste Inovaphone IP 200 et un Gigaset C530 au domicile professionnel de Madame X.,
Condamne la SA Grenke Location à payer à Madame X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SA Grenke Location aux entiers dépens y compris ceux de première instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale