CA VERSAILLES (16e ch.), 16 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10552
CA VERSAILLES (16e ch.), 16 novembre 2023 : RG n° 23/01906
Publication : Judilibre
Extrait : « Cependant la doctrine désormais affirmée par la Cour de cassation au visa de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, et de la jurisprudence de la CJUE, consiste pour faire prévaloir le principe d'effectivité de l'éradication des clauses abusives, à faire échec aux dispositions des législations nationales qui ont notamment pour effet d'empêcher un juge d'examiner le caractère éventuellement abusif d'une clause d'un contrat qui n'a pas déjà été examinée par un autre juge. Dans ces conditions la demande tendant à ce qu'une clause contractuelle soit réputée non-écrite doit être déclarée recevable à quelque moment de la procédure auquel elle est formée, sans qu'il soit possible de lui opposer les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. Dans la même optique une telle demande est imprescriptible.
Mais en l'espèce, il convient de rappeler que le créancier ne poursuit pas l'exécution du contrat de prêt, mais celle de l'ordonnance du 7 avril 2015 servant de fondement au commandement aux fins de saisie-vente contesté devant le juge de l'exécution.
La société Eurotitrisation oppose ainsi à bons droits à la demande, l'article R. 121-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre d'exécution.
En effet, le juge de l'exécution (et la cour en appel de ses décisions) commettrait un excès de pouvoir en statuant sur une clause susceptible de remettre en question le titre exécutoire même sur lequel se fonde la mesure d'exécution qui lui est soumise, alors que cela lui est aux termes du texte susvisé expressément interdit. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01906. N° Portalis DBV3-V-B7H-VYAD. Code nac : 78F. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mars 2023 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES : RG n° 22/01103.
LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SA EUROTITRISATION
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Es qualité de société de gestion représentant le Fonds commun de Titrisation CREDINVEST, Compartiment CREDINVEST 2, Venant aux droits de la Société CMP BANQUE, S. A. à Conseil d'Administration, immatriculée au RCS de Paris sous le n°451 309 728, en vertu d'un de cession de créances en date du 28 juin 2017, N° Siret : XXX (RCS Bobigny), [Adresse 6], [Adresse 6], [Localité 4], Représentant : Maître Claire BOUSCATEL de l'ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R146 - Représentant : Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20230199
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 5], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 3], Représentant : Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 - N° du dossier 67/23 - Représentant : Maître Paul-Émile BOUTMY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0481
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 octobre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller entendu en son rapport et Madame Florence MICHON, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 13 septembre 2006, la société CMP Banque a consenti à Mme Y. et M. X., un prêt d'un montant de 31.000 euros.
Une somme de 13.060 euros a été poursuivie directement contre Mme Y. et réglée au 10 mai 2010, dans le cadre d'un plan de surendettement au bénéfice de cette dernière.
La Société CMP Banque a prononcé la déchéance du terme contre M. X. par courrier recommandé du 15 novembre 2013, et obtenu la condamnation de ce dernier par ordonnance de référé contradictoire du 7 avril 2015, à lui payer la somme provisionnelle de 14.662,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,40 %, ainsi que 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette ordonnance signifiée au débiteur le 20 avril 2015 par remise à sa personne, a reçu un commencement d'exécution en la forme d'une saisie des rémunérations de M. X. autorisée le 21 septembre 2015 qui s'est exercée jusqu'au 25 janvier 2017.
Se prévalant de la cession de cette créance à son profit le 28 juin 2017, et de sa notification à M. X. le 5 décembre 2019, le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Crédinvest 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, poursuivant l'exécution forcée de l'ordonnance de référé, a fait pratiquer le 6 mai 2021entre les mains de la Banque Postale, une saisie-attribution, qui s'est avérée infructueuse.
Puis il a fait délivrer à M. X. le10 février 2022, un commandement de payer aux fins de saisie-vente, portant sur la somme totale de 21.722,86 euros en principal intérêts et frais, déduction faite des versements.
Statuant sur la contestation du commandement introduite par assignation du 22 février 2022, le juge de l'exécution de Versailles, par jugement contradictoire du 10 mars 2023, a :
- Déclaré irrecevable à agir le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation,
- Annulé le procès-verbal de commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 10 février 2022 pour un montant de 21 722,86 euros,
- Débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts,
- Débouté le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à payer à M. X. la somme de 2.500 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile,
- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
- Condamné le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation aux entiers dépens,
- Rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Le 21 mars 2023, le Fonds commun de titrisation agissant par la société de gestion Eurotitrisation a interjeté appel du jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 11 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée au titre du caractère prétendument abusif de la clause de déchéance du terme,
- Déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée au titre de la prétendue mauvaise foi du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation,
- Déclarer prescrite la demande nouvelle formulée au titre du caractère prétendument abusif de la clause de déchéance du terme,
Infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a déclaré irrecevable à agir,
- a annulé le commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 10 février 2022 pour un montant de 21 722,86 euros,
- l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de ses autres demandes,
- l'a condamné à payer à M. X. la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux aux dépens,
- Prendre acte du fait que le Fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation s'en remet à justice concernant la prescription des intérêts,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- Débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
- Fixer le montant en principal de la créance de M. X. [sic] à la somme de 13 017,48 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 7,4 % depuis l'échéance du prêt en octobre 2014, minoré des intérêts prescrits,
- Débouter M. X. de ses autres demandes,
En tout état de cause :
- Condamner M. X. à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Par dernières conclusions n°3 transmises au greffe le 8 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., intimé, demande à la cour de :
- Déclarer abusive et réputée non écrite la clause contractuelle de déchéance du terme ;
- Confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 10 mars 2022 [lire 2023] en ce qu'il a annulé le procès-verbal de commandement de payer valant saisie vente pratiqué le 10 février 2022 pour un montant de 21.722,86 euros ;
- Infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 10 mars 202 [lire 2023] en ce qu'il a débouté Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts ;
Et statuant à nouveau :
- Condamner le Fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à lui payer la somme de 6.000 euros en indemnisation du préjudice subi;
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement rendu par le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 10 mars 2022 [lire 2023] en toutes ses dispositions ;
A titre très subsidiaire :
- Fixer la dette de M. X. à un montant de 14.898,88 euros ;
- lui accorder 24 mois de délais pour s'acquitter de sa dette, en 24 échéances d'un montant de 620,78 euros qui s'imputeraient en priorité sur le principal ;
A titre extrêmement subsidiaire :
- Condamner le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation à lui verser la somme de 2.186,86 euros au titre de son préjudice économique causé par la mauvaise foi du fonds commun de titrisation Credinvest ;
- Fixer la dette de M. X. à un montant de 15.148,88 euros ;
- lui accorder 24 mois de délais pour s'acquitter de sa dette, en 24 échéances d'un montant de 631,21 euros qui s'imputeraient en priorité sur le principal ;
En tout état de cause :
- Déclarer irrecevable le fonds commun de titrisation Credinvest compartiment 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation pour défaut de qualité à agir ;
- le débouter de l'intégralité de ses demandes ;
- le Condamner à lui payer la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 septembre 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 11 octobre 2023 et le prononcé de l'arrêt au 16 novembre 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
Sur la qualité à agir du Fonds commun de titrisation :
Pour invalider le commandement au motif d'un défaut de qualité à agir du Fonds commun de titrisation à l'encontre de M. X., le premier juge a retenu, en s'appuyant sur une jurisprudence d'un juge de l'exécution de La Rochelle (8 avril 2022, n° 21/01742), que le fait de mentionner le nom du cocontractant [dans un bordereau de cession de créance ] ne permet pas de s'assurer que la créance existant à l`encontre de M. X. a bien été cédée à la société Eurotitrisation [sic], faisant en fait référence à la circonstance que l'annexe du bordereau de cession mentionne le nom de Mme Y. et non celui de M. X.
L'alinéa 9 de l'article L .214-169 du code monétaire et financier dispose que « L'acquisition ou la cession des créances s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ou par tout autre mode de cession de droit français ou étranger. Elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs.
Nonobstant l'ouverture éventuelle d'une procédure mentionnée au livre VI du code de commerce ou d'une procédure équivalente sur le fondement d'un droit étranger à l'encontre du cédant postérieurement à la cession, cette cession conserve ses effets après le jugement d'ouverture.
La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires, et son opposabilité aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité. »
En l'espèce, la créance dont se prévaut le fonds commun de titrisation au sein de l'annexe destinée à identifier les créances cédées, porte la référence n°953892 qui est le numéro de la créance correspondant au contrat de prêt accordé à M. X. et Mme Y., une fois celui-ci transféré au service du contentieux. Cette mention contractuelle ne peut être ignorée de M. X. et elle lui a été notamment rappelée dans tous les actes d'exécution depuis la déchéance du terme jusqu'à la saisie des rémunérations qu'il a subie de septembre 2015 à janvier 2017. Cette mention n'est pas portée sur une feuille volante comme le prétend M. X., mais sur le bordereau constituant l'annexe de l'acte de cession de créance, qui se présente sur plusieurs pages énumérant les 3318 créances cédées lesquelles ont été anonymisées dans un souci de confidentialité à l'exception de celle concernant le prêt litigieux constituant la 773ème d'entre elles.
Cette cession de créances, est parfaitement opposable à M. X. qui en a été informé par courrier du 5 décembre 2019, et elle a de plein droit emporté par accessoire au profit du cessionnaire la cession du titre exécutoire constitué par l'ordonnance de référé du 7 avril 2015, dûment signifiée le 20 avril 2015 au débiteur qui n'en a pas interjeté appel.
Le Fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Crédinvest 2, représenté par la société de gestion Eurotitrisation est donc recevable à en poursuivre d'exécution forcée contre M. X., de sorte que le jugement qui en a décidé autrement doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la contestation de la clause de déchéance du terme :
M. X. ayant pour la première fois dans ses conclusions n° 2 devant le cour transmises le 7 juillet 2023 demandé que la clause de déchéance du terme soit déclarée abusive et réputée non écrite, la société Eurotitrisation es qualités, soulève l'irrecevabilité de cette prétention pour violation de l'article 564 du code de procédure civile, au titre des demandes nouvelles en appel et de l'article 910-4 du même code, pour violation du principe de concentration des prétentions dès les premières conclusions mentionnées à l'article 905-2.
Elle en soulève également la prescription.
Cependant la doctrine désormais affirmée par la Cour de cassation au visa de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, et de la jurisprudence de la CJUE, consiste pour faire prévaloir le principe d'effectivité de l'éradication des clauses abusives, à faire échec aux dispositions des législations nationales qui ont notamment pour effet d'empêcher un juge d'examiner le caractère éventuellement abusif d'une clause d'un contrat qui n'a pas déjà été examinée par un autre juge. Dans ces conditions la demande tendant à ce qu'une clause contractuelle soit réputée non-écrite doit être déclarée recevable à quelque moment de la procédure auquel elle est formée, sans qu'il soit possible de lui opposer les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile. Dans la même optique une telle demande est imprescriptible.
Mais en l'espèce, il convient de rappeler que le créancier ne poursuit pas l'exécution du contrat de prêt, mais celle de l'ordonnance du 7 avril 2015 servant de fondement au commandement aux fins de saisie-vente contesté devant le juge de l'exécution.
La société Eurotitrisation oppose ainsi à bons droits à la demande, l'article R. 121-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre d'exécution.
En effet, le juge de l'exécution (et la cour en appel de ses décisions) commettrait un excès de pouvoir en statuant sur une clause susceptible de remettre en question le titre exécutoire même sur lequel se fonde la mesure d'exécution qui lui est soumise, alors que cela lui est aux termes du texte susvisé expressément interdit.
Sur la prescription des intérêts :
Il convient de rappeler que si une créance résultant d'une condamnation peut être poursuivie en vertu du titre exécutoire constitué par une décision judiciaire pendant 10 ans en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, les créances non échues à la date du jugement restent soumises au délai applicable à raison de leur nature. L'action en recouvrement d'intérêts dus en vertu d'un jugement mais exigibles postérieurement, lorsqu'ils sont nés de la condamnation au titre d'un prêt consenti à un consommateur, s'analyse en une action du professionnel pour les biens et services fournis aux consommateurs, et elle est dès lors soumise à la prescription biennale prévue à l'article L.218-2 du code de la consommation.
La société Eurotitrisation n'invoque pas d'acte interruptif de prescription utile relativement à la computation du délai de 2 ans, et indique à ses écritures qu'en cas d'application de la prescription biennale aux intérêts, seuls les intérêts antérieurs au 10 février 2020 seraient prescrits au regard de la date du commandement aux fins de saisie-vente du 10 février 2022, ce qui correspond à la solution dégagée par la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi rappelée ci-dessus.
Sur le décompte de la créance :
M. X. soutient que le décompte de la société Eurotitrisation est erroné dans la mesure où tous les règlements qu'il a faits au créancier, du commun accord des parties, et en vertu du principe de la bonne foi contractuelle, d'un montant souvent compris entre 10 et 20 euros entre le 17 novembre 2014 et le 8 mars 2017, doivent s'imputer prioritairement sur le capital. Selon lui, en acceptant des règlements aussi modiques pour apurer la dette, ne couvrant pas les intérêts, la banque a nécessairement renoncé au principe d'imputation des acomptes sur les intérêts, qui aurait en l'espèce l'effet inverse de celui recherché par les parties. Il demande que le principal des condamnations, soit 15.162,69 euros soit ramené après déduction de ses versements à hauteur de 2.186,86 euros, à une somme de 12.975,83 euros. Compte tenu de la prescription biennale des intérêts seuls 1.923,05 euros ne sont pas prescrits de sorte que sa dette devrait selon lui être fixée à la somme de 14.898,88 euros.
La société Eurotitrisation fait valoir que la société CMP Banque n'a jamais renoncé à la règle d'imputation prioritaire sur les intérêts, et que les versements effectués par M. X. n'ont jamais permis de purger les intérêts échus et donc d'impacter le principal qui demeure l'assiette de calcul des intérêts.
Il doit être relevé que M. X. ne démontre pas que dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de saisie des rémunérations qui a eu cours du 21 septembre 2015 au 25 janvier 2017, il ait obtenu du juge qu'il ordonne en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, que la créance cause de la saisie produirait intérêts à un taux réduit à compter de l'autorisation de saisie ou que les sommes retenues sur la rémunération s'imputeront d'abord sur le capital, ces modalités de paiement ne s'appliquant pas de plein droit. Par ailleurs, il n'est pas démontré que la banque y ait renoncé, étant rappelé que les intérêts moratoires ont justement pour objet d'indemniser le créancier du retard mis par le débiteur au remboursement de sa créance.
Au vu du décompte de la société Eurotitrisation, faisant le détail du calcul des intérêts depuis le prononcé de la condamnation jusqu'au 8 juillet 2022, et en distinguant bien entre la condamnation au titre de l'article 700 qui ne produit intérêts qu'au taux légal tandis que seule la condamnation au titre du prêt produit intérêts au taux conventionnel, il doit être retenu que le montant des intérêts non prescrits est de 2.613,01 euros au titre de la condamnation relative au solde du prêt et de 0,63 euros au titre de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le calcul de M. X. ne peut pas être retenu puisqu'il repose sur un principal correspondant au solde du prêt au moment de la déchéance du terme et non pas à la condamnation résultant du titre exécutoire, et il y ajoute un montant d'intérêts prétendument non prescrits calculés à compter du 27 juillet 2021 ne correspondant pas aux données factuelles du litige.
Le décompte de la créance résultant de l'ordonnance du 7 avril 2015 arrêté au 8 juillet 2022 s'établit comme suit :
- principal au titre du solde du prêt : 14 662,69
- article 700 : 500
- intérêts non prescrits : 2 613,64
A déduire versements antérieurs : - 2 186,86
Solde : 15.589,47 euros
Sur la demande de délais de paiement :
M. X. fait des offres de remboursement échelonné sur 24 mois selon les différentes hypothèses de calcul du montant de sa dette, portant sur des mensualités de 620,78 euros à 631,21 euros. Il ne produit cependant aucun justificatif de sa situation permettant de vérifier qu'il remplit les conditions posées par l'article 1343-5 du code civil, étant observé qu'il a cessé tout remboursement depuis l'année 2017, de sorte qu'il a d'ores et déjà bénéficié des plus amples délais, qu'il n'a pas mis à profit pour désintéresser son créancier. Sa demande de délais sera donc rejetée.
Sur la demande de M. X. d'indemnisation d'un préjudice causé par la mauvaise foi du Fonds commun de titrisation :
Sur le préjudice économique : M. X. reprenant son argumentation sur la non-imputation sur le capital de ses paiements faits entre 2014 et 2017 à hauteur de 2 186,86 euros, demande à titre subsidiaire que la banque soit condamnée à lui reverser cette somme à titre de dommages et intérêts réparant son préjudice économique en sanction de la mauvaise foi de la banque, dès lors que l'acceptation de ses paiements partiels n'avait aucune vocation à éteindre la dette mais au contraire à l'augmenter. Il argumente sur le procédé employé, en soutenant que s'il avait été informé de cette supercherie dit-il, il aurait souscrit un crédit pour solder cette vieille dette.
La société Eurotitrisation soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel et violant le principe de concentration des demandes puisqu'elle a été formulée pour la première fois dans ses conclusions n°3 du 27 juillet 2023.
L'article 910-4 du code de procédure civile est rédigé de la façon suivante : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
En l'espèce, la société Eurotitrisation es qualités n'a développé aucun moyen ni formulé aucune prétention dans ses conclusions d'appel ayant été susceptible de faire naître la question d'un préjudice spécifique né de l'imputation des paiements partiels sur les intérêts qui résulte de l'application normale de l'article 1343-1 du code civil. Ce chef de demande n'entre pas non plus dans les prévisions de l'article 802 alinéa 2 du code de procédure civile. En outre, lesdits versements n'ont pas été imputés sur des intérêts prescrits mais uniquement sur les intérêts n'ayant couru qu'à compter du 10 février 2020, de sorte qu'ils bénéficient à M. X. dans le calcul de sa dette. Par conséquent ce chef de demande est irrecevable.
Sur les pratiques déloyales : M. X. réitère la demande qu'il avait formulée en première instance à hauteur de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la faute de la banque dont il fonde la caractérisation sur l'article L. 121-1 du code de la consommation interdisant les pratiques commerciales déloyales. Il se réclame de décisions de juges du fond qui ont sanctionné au stade de l'exécution, des organismes de recouvrement de créances ayant à l'occasion de mesures d'exécution fait figurer à leur décompte des intérêts prescrits avec des manœuvres destinées à tromper les emprunteurs sur le délai de prescription des intérêts pour les dissuader de contester une mesure visant à obtenir le recouvrement de sommes indues. En l'espèce, il relève que l'huissier dans son commandement a mentionné une dette de 21 722,86 euros en faisant partir le calcul des intérêts depuis 2014 pour une dette en principal de 14 662,69 euros ce qui selon lui est illégal pour un professionnel du recouvrement, et constituait une tentative de tromperie sur l'existence de ses droits.
La société Eurotitrisation dénie au juge de l'exécution le pouvoir de se prononcer sur les pratiques commerciales déloyales telles que définies par l'article L. 121-1 du code de la consommation. Subsidiairement, elle rappelle que M. X. a bénéficié d'un crédit qu'il n'a jamais remboursé, que depuis que le fonds a racheté la créance de CMP Banque, elle a notifié la cession de créance au débiteur, et lui a adressé divers courriers de relance avant de tenter une mesure de saisie-attribution qui s'est avérée infructueuse et qu'il ne saurait lui être reproché de poursuivre l'exécution de son titre exécutoire, aucune pratique déloyale ne pouvant lui être reprochée.
L'article L. 121-1 du code de la consommation dispose qu'« une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.
Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7 ». Cette disposition s'inscrit dans un chapitre du code de la consommation sur les pratiques commerciales interdites qui se divisent entre des pratiques trompeuses et des pratiques agressives lesquelles sont ensuite spécifiquement déclinées en fonctions de catégories de personnes et de secteurs d'activité.
Le juge de l'exécution par application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire connaît des difficultés d'exécution des titres exécutoires et des contestations soulevées à l'occasion de l'exécution forcée ainsi que des demandes en réparation fondées sur l'exécution dommageable des mesures d'exécution forcée. Il ne saurait se prononcer sur l'existence de pratiques commerciales déloyales au sens de ce texte, en général.
En revanche, l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution lui donne le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.
En l'espèce, le titre exécutoire que la société Eurotitrisation a mis à exécution pour le compte du fonds commun de titrisation est une ordonnance du 7 avril 2015 dont l'exécution n'est donc pas prescrite, et la mesure d'exécution contestée n'est pas une mesure de saisie mais un commandement préalable à une mesure de saisie-vente, laquelle n'a pas été mise en œuvre eu égard à la contestation introduite par M. X. devant le juge de l'exécution. L'objet de la contestation du commandement est de fixer le montant de la créance le cas échéant, après l'avoir purgée des irrégularités résultant des moyens soulevés. Eu égard aux mesures d'exécution qui ont été tentées par le créancier initial ou par la société cessionnaire, qui étaient susceptibles de présenter un caractère interruptif de la prescription, il n'est pas démontré que le créancier aurait sciemment présenté un décompte erroné des intérêts ayant couru sur la créance, et il n'est pas prétendu par M. X. qu'il aurait subi de la part du poursuivant des tentatives d'intimidation, ou quelque manœuvre pour le dissuader de contester le décompte des intérêts devant le juge de l'exécution, ce qu'il a d'ailleurs fait.
En outre, le créancier n'a pas cherché à argumenter pour faire admettre un décompte d'intérêts qui seraient en partie prescrits, et s'en est rapporté à l'appréciation de la cour sur les conséquences d'une application aux intérêts du délai biennal de prescription, en admettant que dans ce cas, seraient prescrits les intérêts antérieurs au 10 février 2020. M. X. a donc bénéficié dans les faits de la jurisprudence de la Cour de cassation ayant étendu l'article L. 218-2 du code de la consommation aux intérêts non échus produits par une condamnation au titre d'une créance elle-même soumise au délai de prescription biennale.
Aucune faute ne saurait dans le cas présent être reprochée à la société poursuivante susceptible de fonder la demande de dommages et intérêts de M. X. Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.
M. X. supportera les dépens d'appel, mais aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque au stade de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
Déclare le Fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 2, agissant par sa société de gestion Eurotitrisation recevable à agir en exécution de l'ordonnance de référé du 7 avril 2015 ;
Rejette la contestation relative à la clause de déchéance du terme, et la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier ;
Déclare prescrits les intérêts ayant couru jusqu'au 10 février 2020 ;
Fixe la créance contre M. X. en exécution de l'ordonnance de référé du 7 avril 2015 à la somme de 15 589,47 euros en principal et intérêts, arrêtée au 8 juillet 2022 ;
Déboute M. X. de sa demande de délais de paiement ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5983 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge de l’exécution (JEX)