CA VERSAILLES (12e ch.), 30 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10594
CA VERSAILLES (12e ch.), 30 novembre 2023 : RG n° 22/03057
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il n'est pas contesté que M. X., personne physique, exerce une activité d'agent général de la société AXA.
M. X. déclare avoir souscrit « Pour les besoins de son activité professionnelle » un bail professionnel pour des locaux situés au [Adresse 3] à [Localité 8] ainsi qu'un abonnement de fourniture d'eau pour ces mêmes locaux. M. X. a sollicité le 17 octobre 2015 (pièce n° 37 ' Suez) que le libellé de la facture soit au nom de : « STE AXA - X. Z. [Adresse 4] ». La facture litigieuse est libellée à cette adresse avec la mention « STE AXA L. X. [Adresse 4] ».
Le contrat de fourniture d'eau a été certes souscrit pour les nécessités de l'activité professionnelle de M. X. mais dans l'unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée, ceux de ses collaborateurs ou clients sans que ce contrat de fourniture d'eau s'inscrive directement dans le cadre des activités d'agent d'assurances auxquelles M. X. se livre à titre professionnel et pour lesquelles ce contrat de fourniture d'eau ne remplit aucune fonction particulière.
M. X. bénéficie donc de la qualité de consommateur au sens de la définition apportée par l'article liminaire du code de la consommation rappelée supra.
La cour dira que la prescription biennale est applicable aux faits lesquels portent sur la fourniture d'eau couvrant la période de mars à septembre 2016, soit plus de deux années avant l'assignation du 3 mars 2021, en contrepartie de laquelle la facture litigieuse du 10 mars 2020 a été émise.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prescription biennale soulevée par M. X. était opposable à la société Suez dont la demande en paiement doit être dès lors déclarée irrecevable. »
2/ « Il résulte du dossier qu'une somme d'erreurs et de rectifications a été commise par la société Suez sur une longue période (entre le 7 septembre 2016 et le 29 juin 2020) laquelle met en lumière la négligence dont a fait preuve la société Suez dans le suivi de la consommation d'eau de M. X. et la facturation subséquente. M. X. justifie de trois « Dernier avis avant fermeture » pendant cette période avec menace de fermeture à défaut de paiement sous 10 jours de l'avis et ce pour des sommes importantes : 18 novembre 2016 (5.942,66 €), 19 juin 2018 (29.120,93 €) et 19 novembre 2019 (29.063,02 €). Ces avis ont été précédés de plusieurs lettres de rappel et de mise en demeure. M. X. verse aux débats de nombreuses lettres qu'il a adressées à la société Suez afin de contester les factures de cette dernière sur l'ensemble de la période (entre le 7 septembre 2016 et le 29 juin 2020).
M. X. justifie ainsi avoir consacré beaucoup de temps au suivi des réclamations de la société Suez alors que la facturation sur cette période a fait l'objet de plusieurs avoirs ou de factures rectificatives. Il rapporte la preuve d'avoir été menacé de coupure d'eau et ce à trois reprises, menaces nécessairement source d'inquiétudes et de perturbations quand bien même cela n'affecterait pas directement l'activité d'agent d'assurance exercée par M. X.
M. X. a ainsi subi un préjudice directement lié à la négligence de la société Suez qu'il convient de réparer. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la société Suez sera condamnée à la somme de 2.500 € en réparation du préjudice moral subi par M. X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
DOUZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/03057. N° Portalis DBV3-V-B7G-VFQP. Code nac : 56B. CONTRADICTOIRE Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 mars 2022 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES : R.G. n° 2021J00039.
LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SAS SUEZ EAU FRANCE
RCS Nanterre n° XXX, [Adresse 1], [Localité 6], Représentée par Maître Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ - AIDAT- ROUAULT - GAILLARD, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 1
INTIMÉ :
Monsieur X.
N° SIREN : XXX, né le [date] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 5], Représenté par Maître Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 034
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Bérangère MEURANT, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire.
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. (M. X.), agent général Axa, loue à titre professionnel des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 8] pour lesquels il a souscrit auprès de la société Suez Eau (la société Suez) un abonnement pour la fourniture d'eau.
Le 6 septembre 2016, M. X. a constaté une fuite d'eau qu'il a fait réparer le 13 septembre 2016.
Le 7 septembre 2016, une facture pour la fourniture d'eau a été établie pour la période de mars 2016 à septembre 2016 par la société Suez prenant en compte la surconsommation d'eau consécutive à la fuite, pour un montant total de 5.884,68 €.
Par courrier en date du 21 septembre 2016, M. X. a sollicité le plafonnement de sa facture au double de sa consommation habituelle.
Le 6 février 2017, la société Suez lui a confirmé qu'une remise lui avait été accordée, sous forme d'avoir, d'un montant de 5.884,69 € accompagnée d'une facture de 60,81 € pour une consommation de 10 m3.
Par la suite, M. X. a reçu de la société Suez les factures suivantes :
Une facture du 5 septembre 2017 pour la période de mars 2017 à septembre 2017 faisant état d'une consommation de 11.706 m3 pour un montant de 53.043,92 € ;
Une facture du 7 mars 2018 pour la période de septembre 2017 à mars 2018 mentionnant une consommation de 5 m3 avec un rappel de la facture du 5 septembre 2017 pour un montant total de 53.095,75 € ;
Une facture datée du 13 avril 2018 pour la période de mars 2016 à septembre 2016, pourtant déjà facturée, pour un montant de 57.695,18 €.
Après avoir formé une réclamation, plusieurs avoirs ont été adressés à M. X. dont :
- Un avoir du 13 avril 2018 pour la période de mars 2016 à septembre 2016 pour un montant de 60,81 € ;
- Un avoir du 13 avril 2018 pour la période de mars 2017 à septembre 2017 pour un montant de 53.043,92 € ;
- Un avoir du 20 avril 2018 pour la période de mars 2016 à septembre 2016 pour un montant de 58.129,50 € ;
- Une facture pour la même période de mars 2016 à septembre 2016 pour un montant de 29.061,77 €.
M. X. a de nouveau contesté cette facturation et a alors reçu :
- Une facture du 11 mars 2019 pour la période de septembre 2018 à mars 2019 pour un montant de 11.212,61 € auquel a été ajouté le solde antérieur de 29.114,98 € soit un montant total de 40.364,46 € ;
- Une facture du 30 septembre 2019 pour la période de mars à septembre 2019 mentionnant une déduction de -11.253,78€ et rappelant le solde antérieur de 40.364,46 €, soit un montant dû de 29.153,66 € ;
Une facture du 10 mars 2020 pour la période de septembre 2019 à mars 2020 pour une consommation de 2.449 m3 pour 11.093,63 € rappelant un solde antérieur de 29.063,02 €, soit un montant dû de 40.195,06 €.
M. X. ayant refusé de régler ces factures, la société Suez l'a, par acte en date du 3 mars 2021, assigné aux fins, notamment, de recouvrement des sommes facturées.
Par jugement contradictoire du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Chartres a :
- Dit, la société Suez Eau irrecevable dans ses demandes ;
- Débouté la société Suez Eau de toutes ses demandes ;
- Débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- Condamné la société Suez Eau à payer à M. X. la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Laissé les entiers dépens à la charge de la société Suez Eau. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 69,59 € TTC, et ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.
Par déclaration du 3 mai 2022, la société Suez a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 21 octobre 2022, la société Suez demande à la Cour de :
- Déclarer irrecevable et en tous cas mal fondé M. X. en ses demandes amples ou contraires ;
- Débuter M. X. de ses demandes ;
- Déclarer recevable et en tous cas bien fondée la société Suez en son appel ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 23 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
- Condamner M. X. à régler une somme de 29.063,02 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
C- ondamner M. X. au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. X. aux entiers dépens.
[*]
Par dernières conclusions signifiées par RPVA le 8 septembre 2022, M. X. demande à la Cour de :
A titre principal
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 23 mars 2022 en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Suez irrecevables ;
- Déclarer irrecevable l'action engagée par la société Suez suivant assignation du 3 mars 2021 ;
A titre subsidiaire,
- Débouter la société Suez de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Chartres en ce qu'il a débouté M. X. de son préjudice moral ;
- Condamner la société Suez Eau à payer à M. X. la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral ;
- Condamner la société Suez Eau à payer à M. X. la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Suez Eau aux entiers dépens.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la Cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la demande de paiement et la prescription :
La société Suez reproche au tribunal d'avoir retenu que M. X. ne pouvait être considéré comme un professionnel mais comme un consommateur, recevable et bien fondé à invoquer la prescription biennale, et que, dès lors, la prescription biennale était acquise puisque la facture litigieuse, concernant la période de mars à septembre 2016, et l'acte introductif d'instance avaient été notifiés le 3 mars 2021, soit plus de deux ans après.
Elle soutient que M. X. a souscrit un contrat avec la société Suez dans le cadre de son activité professionnelle, qu'il est en effet agent d'assurances et a conclu à ce titre un contrat de fourniture d'eau, qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation qui rappelle que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, qu'en effet cet article relatif à la prescription est cantonné à l'action des professionnels contre les consommateurs, qu'en conséquence seuls les consommateurs peuvent se prévaloir de ce texte spécial, qu'est réputé consommateur une personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
Elle poursuit sa critique des premiers juges qui ont retenu que M. X. devait être considéré comme un consommateur au motif qu'agent d'assurances il a conclu un contrat de fourniture d'eau pour les besoins de son activité professionnelle et qu'il ne serait pas démontré que la fourniture d'eau faisait partie intégrante de son activité professionnelle de façon directe et majeure.
Elle fait valoir que les factures, objet du litige, correspondent à l'approvisionnement en eau du cabinet d'agent général d'assurances de M. X., de sorte que la prescription biennale n'est pas applicable à une fourniture d'eau destinée aux besoins de l'activité professionnelle de celui-ci, seule la prescription quinquennale étant susceptible de s'appliquer.
Elle soutient que sa demande en paiement est recevable.
M. X. fait valoir, au visa de l'article L. 218-2 du code de la consommation et de la jurisprudence applicable, que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement de la facture litigieuse se situe au jour de son établissement, que le consommateur est défini dans le code de la consommation comme « toute personne physique qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. », que ces dispositions du code de la consommation s'appliquent donc au professionnel dès lors qu'il est placé, relativement au contenu du contrat en cause, dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur, que, de plus, les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation sont également applicables, car M. X. est certes un professionnel de l'assurance mais pas de la fourniture d'eau et que le contrat liant les deux professionnels a été conclu hors de son établissement et n'entre pas dans le champ de son activité principale, étant précisé qu'il employait entre 3 et 5 salariés.
Il soutient qu'il doit, d'une part, être considéré comme un consommateur au sens des dispositions légales mais aussi comme professionnel remplissant les conditions de l'article L 221-3 de sorte que l'action en paiement est prescrite à son égard puisque la demande litigieuse trouverait son fondement dans une facture du 20 avril 2018 et que l'assignation a été délivrée le 3 mars 2021.
*
L'article liminaire du code de la consommation dispose que : « Pour l'application du présent code, on entend par :
1° Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
2° Non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;
3° …/… »
L'article L. 218-2 du même code dispose que : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
L'article L. 221-3 de ce même code prévoit que « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. ».
Il est de principe, désormais, que l'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce, se prescrit à compter de la date de connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, cette connaissance pouvant être fixée à la date d'achèvement des prestations.
*
La société Suez sollicite le paiement d'une somme 29.063,02 € reprise sous la mention « solde antérieur » au sein d'une facture émise le 10 mars 2020, libellée au nom de la société AXA L. X., d'un montant de 40.195,06 € TTC (sa pièce n° 34), diminuée d'un avoir émis le 29 juin 2020 d'un montant de 11.132,04 € TTC (sa pièce n°35).
L'acte introductif d'instance pour en obtenir paiement a été délivré le 3 mars 2021, soit, reconnaît la société Suez dans ses écritures, « plus de deux ans après le litige » de sorte que seule est dans le débat la question du bien-fondé de l'opposabilité de la prescription biennale soulevée par M. X. au visa de l'article L. 218-2 du code de la consommation et de l'article L. 221-3 du même code, puis celle de la prescription quinquennale si la prescription biennale n'est pas retenue.
Il n'est pas contesté que M. X., personne physique, exerce une activité d'agent général de la société AXA.
M. X. déclare avoir souscrit « Pour les besoins de son activité professionnelle » un bail professionnel pour des locaux situés au [Adresse 3] à [Localité 8] ainsi qu'un abonnement de fourniture d'eau pour ces mêmes locaux. M. X. a sollicité le 17 octobre 2015 (pièce n° 37 ' Suez) que le libellé de la facture soit au nom de : « STE AXA - X. Z. [Adresse 4] ». La facture litigieuse est libellée à cette adresse avec la mention « STE AXA L. X. [Adresse 4] ».
Le contrat de fourniture d'eau a été certes souscrit pour les nécessités de l'activité professionnelle de M. X. mais dans l'unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée, ceux de ses collaborateurs ou clients sans que ce contrat de fourniture d'eau s'inscrive directement dans le cadre des activités d'agent d'assurances auxquelles M. X. se livre à titre professionnel et pour lesquelles ce contrat de fourniture d'eau ne remplit aucune fonction particulière.
M. X. bénéficie donc de la qualité de consommateur au sens de la définition apportée par l'article liminaire du code de la consommation rappelée supra.
La cour dira que la prescription biennale est applicable aux faits lesquels portent sur la fourniture d'eau couvrant la période de mars à septembre 2016, soit plus de deux années avant l'assignation du 3 mars 2021, en contrepartie de laquelle la facture litigieuse du 10 mars 2020 a été émise.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prescription biennale soulevée par M. X. était opposable à la société Suez dont la demande en paiement doit être dès lors déclarée irrecevable.
Sur le préjudice :
M. X. critique la juridiction du premier degré qui n'a pas retenu son préjudice moral aux motifs qu'il n'est pas démontré que la prestation de fourniture d'eau a été interrompue alors que sa demande est fondée sur la mauvaise gestion administrative de son dossier par la société Suez.
Il fait valoir que la société Suez est tenue, aux termes des obligations générales du contrat de fourniture de l'eau, d'assurer aux clients un service « efficace et de qualité » tant en ce qui concerne la vente de l'eau que les prestations qui en découlent et notamment la facturation, et qu'elle a manqué à son engagement contractuel en commettant des erreurs sur les factures.
Il expose que ces erreurs ont été portées à la connaissance de la société Suez qui a néanmoins persisté dans ses errements dont elle s'est pourtant rendue compte en établissant régulièrement des avoirs, qu'elle a donc fait preuve de négligence fautive à l'égard de son usager, engageant, dès lors, sa responsabilité contractuelle, que ces fautes lui ont indéniablement causé un préjudice moral, le contraignant à effectuer de nombreuses démarches, allant même jusqu'à saisir le médiateur de l'eau.
Il rappelle qu'il a subi les désagréments d'une procédure judiciaire, que la société Suez l'a menacé à trois reprises de procéder à la fermeture de son branchement d'eau pour le contraindre à payer, outre les nombreuses lettres de rappel et de mise en demeure.
Il sollicite la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
La société Suez sollicite le rejet des prétentions de M. X. sans spécialement motiver sa contestation sur ce point.
*
L'article 1147 du Code Civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».
*
Il résulte du dossier qu'une somme d'erreurs et de rectifications a été commise par la société Suez sur une longue période (entre le 7 septembre 2016 et le 29 juin 2020) laquelle met en lumière la négligence dont a fait preuve la société Suez dans le suivi de la consommation d'eau de M. X. et la facturation subséquente.
M. X. justifie de trois « Dernier avis avant fermeture » pendant cette période avec menace de fermeture à défaut de paiement sous 10 jours de l'avis et ce pour des sommes importantes : 18 novembre 2016 (5.942,66 €), 19 juin 2018 (29.120,93 €) et 19 novembre 2019 (29.063,02 €). Ces avis ont été précédés de plusieurs lettres de rappel et de mise en demeure.
M. X. verse aux débats de nombreuses lettres qu'il a adressées à la société Suez afin de contester les factures de cette dernière sur l'ensemble de la période (entre le 7 septembre 2016 et le 29 juin 2020).
M. X. justifie ainsi avoir consacré beaucoup de temps au suivi des réclamations de la société Suez alors que la facturation sur cette période a fait l'objet de plusieurs avoirs ou de factures rectificatives. Il rapporte la preuve d'avoir été menacé de coupure d'eau et ce à trois reprises, menaces nécessairement source d'inquiétudes et de perturbations quand bien même cela n'affecterait pas directement l'activité d'agent d'assurance exercée par M. X.
M. X. a ainsi subi un préjudice directement lié à la négligence de la société Suez qu'il convient de réparer.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la société Suez sera condamnée à la somme de 2.500 € en réparation du préjudice moral subi par M. X.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Suez sollicite la condamnation de M. X. au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. X. sollicite la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la société Suez aux dépens.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.
La société Suez sera condamnée, en appel, aux dépens ainsi qu'à la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Chartres du 23 mars 2022 en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de préjudice moral,
Confirme pour le surplus,
Statuant du chef infirmé
Condamne la société Suez Eau France à verser à M. X. la somme de 2.500 € à titre de préjudice moral,
Rejette toutes autres demandes,
Y ajoutant,
Condamne la société Suez Eau France aux dépens d'appel,
Condamne la société Suez Eau France à verser à M. X. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
- 5821 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Réforme du Code de la consommation - Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 5926 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Fourniture d’eau
- 6942 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Loi n° 2017-203 du 21 février 2017