5926 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Fourniture d’eau
- 5871 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité administrative
- 5927 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Fourniture d’électricité ou de gaz
- 5928 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Fourniture de chaleur ou de froid
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5926 (12 janvier 2024)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION
PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ
ILLUSTRATIONS - CONTRATS CONCLUS PENDANT L’ACTIVITÉ - CONTRATS DE FOURNITURE D’EAU
Présentation. Les contrats de fourniture d’eau constituent des contrats de vente à livrer (sauf cas particulier où un prestataire se contenterait, par exemple, d’une prestation de pompage). La conclusion de telles conventions peut répondre à deux séries de besoins. L’eau est parfois utilisée dans le cadre de l’activité spécifique du professionnel, où elle peut l’être dans de grandes quantités (refroidissement, irrigation par exemple). Mais elle est aussi indispensable dans tous les locaux professionnels hébergeant le personnel de l’entreprise, même si son usage est dans ce cas très similaire à celui de n’importe quel consommateur particulier (hygiène, sanitaires). Pour des entreprises de services, ce second cas de figure est d’ailleurs la seule utilisation envisageable. Pour les travailleurs à domicile, l’usage domestique sera sans doute considéré comme prépondérant.
Article liminaire (ord. du 14 mars 2016 - loi du 21 février 2017). À compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016 (1er juillet 2016), la protection consumériste, notamment des clauses abusives, n’est éventuellement applicable que dans deux cas : 1/ la personne physique ou morale a une activité professionnelle autre qu’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; 2/ la personne physique ou morale exerce l’une de ces cinq activités, mais le contrat à été conclu à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de celle-ci. A compter de l’entrée en vigueur de la loi de ratification n° 2017-203 du 21 février 2017, les personnes morales ayant une activité professionnelle, quelle qu’elle soit, ne peuvent plus bénéficier d’une telle extension (sauf dérogation particulière telle que celle prévue à l’art. L. 221-3. C. consom.).
Les contrats de fourniture d’eau nécessaires à l’activité spécifique entrent dans le cadre de toutes les activités concernées. La solution n’est en revanche pas assurée pour les contrats se limitant à un simple usage domestique.
Pour une admission de la protection dans le cadre de l’art. liminaire : CA Versailles (12e ch.), 30 novembre 2023 : RG n° 22/03057 ; Cerclab n° 10594 (prescription de l’art. L. 218-1 ; abonnement pour la fourniture d'eau à un agent d’assurance, personne physique ; si le contrat a été certes souscrit pour les nécessités de l'activité professionnelle de l’agent, il l’a été dans l'unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée, ceux de ses collaborateurs ou clients sans que ce contrat de fourniture d'eau s'inscrive directement dans le cadre des activités d'agent d'assurances et pour lesquelles ce contrat de fourniture d'eau ne remplit aucune fonction particulière ; N.B. l’arrêt vise l’art. liminaire pour un contrat conclu en 2015, solution contestable sauf si le contrat a été conclu pour une durée déterminée et qu’il était renouvelable par tacite reconduction), sur appel de T. com. Chartres, 23 mars 2022 : RG n° 2021J00039 ; Dnd.
Cas particulier de l’art. L. 221-3 C. consom., anciennement art. L. 121-16-1-III (droit postérieur à la loi du 17 mars 2014). S’agissant de l’application l’art. L. 221-3 C. consom., modifiant l’ancien art. L. 121-16-1 C. consom., créé par la loi du 17 mars 2014, qui étend partiellement mais explicitement la protection « aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité », il semble que de tels contrats correspondent à l’activité principale lorsque l’eau a une fonction dans sa réalisation, alors qu’une solution inverse pourrait être retenue lorsque tel n’est pas le cas. § Pour la jurisprudence prise en application de ce texte, V. Cerclab n° 5889.
Rappel du droit antérieur à l’ord. du 14 mars 2016. Sur le plan des critères, l’exclusion de la protection est certaine pour les critères étroits (contrats étrangers à l’activité, contrats conclus dans le cadre de celle-ci). S’agissant du critère du rapport direct, voire de celui des besoins de l’activité, l’exclusion est certaine pour la première fonction précédemment évoquée (en lien avec l’activité spécifique), elle est l’est moins pour l’alimentation des immeubles de bureau (la distinction est perceptible dans les décisions recensées plus loin) et elle peut dépendre du sort réservé à l’activité administrative de l’entreprise (Cerclab n° 5871). Le critère ancien de la compétence, quant à lui, pouvait aussi autoriser l’admission de la protection consumériste (dans les deux usages).
Exclusion de la protection. Les dispositions de l’art. 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu l’ancien art. L. 132-1 C. consom., et de l’art. 2 du décret du 24 mars 1978, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; la cour d’appel, qui a relevé que la société, dans l’exercice normal de son activité industrielle, consommait de grandes quantités d’eau, a caractérisé ce rapport direct et a ainsi légalement justifié sa décision. Cass. civ. 1re, 3 janvier 1996 : pourvoi n° 93-19322 ; arrêt n° 6 ; Bull. civ. I, n° 9 ; Cerclab n° 2079 ; D. 1996. 228, note Paisant ; JCP 1996. II. 22654, note Leveneur ; ibid. I. 3929, n° 1 s., obs. Labarthe ; RTD civ. 1996. 609, obs. Mestre ; Contrat conc. consom. 1996. Chron. 4, par Leveneur ; Defrénois 1996. 766, obs. D. Mazeaud (verrerie utilisant l’eau pour refroidir des coulées en fusion), rejetant le pourvoi contre CA Rouen (1re ch. civ.), 23 juin 1993 : RG n° 4287/91 ; Cerclab n° 982 (décision appliquant plutôt le critère de la compétence), sur appel de TGI Le Havre, 14 novembre 1991 : Dnd. § V. aussi, même après l’abandon au pouvoir souverain des juges du fond : Cass. civ. 1re, 5 mars 2002 : pourvoi n° 00-18202 ; arrêt n° 434 ; Bull. civ. I, n° 78 ; Cerclab n° 2035 ; JCP 2002. II. 10123, note Paisant (cassation pour défaut de base légale, la décision ayant procédé par affirmation et n’ayant pas recherché si le contrat avait un rapport direct avec l’activité ; sur l’hypothèse de fait, V. infra).
Dans le même sens, pour les juges du fond : absence d’application de la protection contre les clauses abusives à un contrat d’irrigation, analysé comme un contrat de droit privé, conclu entre un agriculteur et une société d'économie mixte, ayant reçu de l'État mission de réaliser et de gérer, par la mise en place de contrats d'abonnement, des réseaux d'irrigation collectifs desservant des exploitations agricoles. CA Pau (1re ch.), 12 septembre 2011 : RG n° 10/00742 ; arrêt n° 11/3696 ; Cerclab n° 3459 (besoins de l’activité), sur appel de TGI Tarbes, 27 janvier 2010 : Dnd.
Admission de la protection. V. cep., faisant bénéficier de la protection une grande entreprise (Société Damart) pour des dégâts dans l’immeuble hébergeant son siège social : CE, 11 juillet 2001 : req. n° 221458 ; Cerclab n° 3057 ; JCP 2001. I. 370, n° 1 s., obs. Sauphanor-Brouillaud ; Resp. civ. et assur. 2002, n° 2, note Guettier ; Gaz. Pal. 22-23 février 2002, note Sylvestre ; RTD civ. 2001. 878, obs. Mestre et Fages ; RTD com. 2002. 51, obs. Orsoni ; RFD adm. 2001. 1124. - Amar, D. 2001. Chron. 2810 ; Contrats conc. consom. 2002. Chron. 2. § Même solution : TGI Paris (6e ch.), 17 janvier 1990 : RG n° 22652 /89 ; Cerclab n° 417 ; D. 1990. 289, note Ghestin (agence bancaire installée dans un immeuble d’habitation) - T. com. Salon-de-Provence, 1er octobre 2010 : RG n° 10/2366 ; Dnd (clauses abusives ; société ; solution implicite, le jugement affirmant qu'il n'était pas démontré que les recommandations de la Commission des clauses abusives n'avaient pas été respectées par la société fournisseur), confirmé sans allusion à cette position par CA Aix-en-Provence (8e ch. A), 5 avril 2012 : RG n° 10/19628 ; arrêt n° 2012/278 ; Cerclab n° 3753 - CA Nîmes (ch. com. 2 B), 7 mars 2013 : RG n° 11/03401 ; Cerclab n° 4314 (clauses abusives ; élimination d’une clause figurant dans un contrat d’approvisionnement en eau conclu avec une agence bancaire, l’arrêt considérant que le règlement du service eaux est incorporé au contrat), sur appel de T. com. Avignon, 10 juin 2011 : Dnd.
V. aussi, admettant la protection pour une utilisation en lien avec l’activité spécifique : CA Pau (1re ch.), 10 mai 2000 : RG n° 98-001847 ; arrêt n° 2010-00 ; Cerclab n° 639 ; Juris-Data n° 2000-113322 (clauses abusives ; fourniture d’eau à une société d’assainissement et de dégazage, après une canalisation de 1700 mètres), confirmant TI Bayonne, 11 mars 1998 : RG n° 11-96-00154 ; jugt n° 152 ; Cerclab n° 37 (application non contestée), cassé par Cass. civ. 1re, 5 mars 2002 : pourvoi n° 00-18202 ; arrêt n° 434 ; Bull. civ. I, n° 78 ; Cerclab n° 2035 ; JCP 2002. II. 10123, note Paisant ; précité (cassation pour défaut de base légale, la décision ayant procédé par affirmation et n’ayant pas recherché si le contrat avait un rapport direct avec l’activité).
Contrat à usage mixte. Application de la protection contre les clauses abusives à un contrat unique d’approvisionnement en eau conclu pour un immeuble à usage mixte : CA Montpellier (1re ch. D), 15 mai 2001 : RG n° 98/05400 ; arrêt n° 2138 ; Cerclab n° 939 ; Juris-Data n° 2001-154157 (clauses abusives ; usage mixte privé et professionnel à titre de piscine médicale ; l’arrêt applique le régime du consommateur particulier, dès lors que le professionnel n’a pas installé de compteur permettant d’isoler sa consommation professionnelle, ce qui exclut l’avantage excessif ; N.B. l’hypothèse était particulière, puisqu’en l’espèce, le régime de droit de la consommation était moins favorable que le régime professionnel, en rendant le consommateur redevable d’une taxe d’assainissement qui n’aurait pas été exigible pour l’eau de la piscine, si celle-ci avait été isolée), sur appel de TI Prades, 10 juillet 1998 : RG n° 235/97 ; jugt n° 310/98 ; Cerclab n° 112 (problème non examiné).