CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RIOM (ch. com.), 18 octobre 2023

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (ch. com.), 18 octobre 2023
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), ch. com.
Demande : 22/00891
Décision : 23/445
Date : 18/10/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 25/04/2022
Numéro de la décision : 445
Référence bibliographique : 5960 (domaine, contrat conjonctif), 5830 (crédit, application conventionnelle), 5851 (domaine, activité professionnelle secondaire, loueur en meublé)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 10606

CA RIOM (ch. com.), 18 octobre 2023 : RG n° 22/00891 ; arrêt n° 445

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Cependant, l'instruction a été ouverte le 2 juin 2008 (cf. page 110 du réquisitoire définitif, pièce n°7 des appelants), et M. et Mme X. ont eux-mêmes fait état, dès leurs premières conclusions du 21 septembre 2010, de l'existence d'une information judiciaire, ouverte des chefs notamment d'escroquerie en bande organisée, de faux et usage, faits révélés dans une plainte collective à laquelle ils étaient parties : ils avaient alors toute latitude de demander une mesure de sursis à statuer, dans l'instance civile engagée contre eux par la société CEGC. De plus, le réquisitoire dont ils se prévalent ne constitue pas une décision juridictionnelle, seul le juge d'instruction, et le cas échéant la chambre d'instruction, ayant compétence pour statuer sur le renvoi de personnes mises en examen devant la juridiction de jugement ; or ni le juge d'instruction, dans son ordonnance du 15 avril 2022, ni la chambre de l'instruction dans son arrêt du 15 mars 2023, partiellement confirmatif (pièces n°30/21 et 30/31 de la société Money Bank), n'ont prononcé le renvoi devant le tribunal correctionnel de la CEGC, de la société Money Bank ou de l'un quelconque de leurs salariés, de sorte que l'instance pénale de jugement ne peut avoir aucune incidence sur l'appréciation, dans le cadre du présent litige, de fautes commises par l'une ou l'autre de ces sociétés. Ces mêmes décisions de renvoi devant la juridiction de jugement ne contiennent d'ailleurs aucune disposition relative au notaire ayant établi l'acte en cause, Maître Z. selon les conclusions de M. et Mme X. du 21 septembre 2010 (l'acte d'acquisition du 27 juillet 2007 n'étant pas produit aux débats). »

2/ « M. et Mme X. soutiennent que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier leur sont applicables, ce que conteste la société CEGC, au motif que le prêt en cause a permis de financer une activité professionnelle de loueur de biens exercée par M. X., cas d'exclusion prévu à l'article L. 312-3 ancien du code de la consommation, alors en vigueur.

L'article L. 121-22 du code de la consommation, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à -28 les ventes et les autres contrats qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

M. et Mme X. font valoir qu'ils n'exercent pas la profession de gestionnaires de biens meublés, que leurs revenus proviennent de l'activité de kinésithérapeute exercée par M. X., que celui-ci a certes demandé son inscription au registre du commerce en qualité de loueur de meublés professionnel, mais que cette inscription n'était pas effective à la date du prêt en cause. Cependant et comme le réplique la société Money Bank, le caractère accessoire de l'activité de loueur de meublés n'exclut pas sa nature d'activité professionnelle, caractérisée par l'achat et de la mise en location de deux ou de plusieurs biens, et par une inscription au registre du commerce, fût-elle postérieure à l'acte considéré (Cass. civ. 1ère, 17 septembre 2018, pourvoi n°17-19.696 ; 9 septembre 2020, pourvoi n°19-13.934). S'agissant de conjoints co-emprunteurs, l'inscription de l'un d'eux seulement au registre du commerce suffit à conférer un caractère professionnel à l'activité, excluant en principe l'application des dispositions du code de la consommation (dernier arrêt cité).

M. et Mme X. reconnaissent qu'ils ont effectué, de juillet 2007 à mai 2008, neuf acquisitions immobilières, sur l'insistance de la société Apollonia précisent-ils, en vue de placements locatifs et de « défiscalisation », et qu'ils ont souscrit à cette fin neuf emprunts immobiliers pour un montant total de 2 044 622 euros (cf. le tableau qu'ils produisent en pièce n°13) ; il apparaît d'autre part que M. X. est inscrit depuis le 19 septembre 2007 auprès de l'INSEE en qualité de loueur de meublés professionnel (pièce n°50/1 de la société Money Bank) ; il s'ensuit que les acquisitions que M. et Mme X. ont été réalisées dès juillet 2007 en vue de placements locatifs et qu'elles se rattachent toutes à une activité professionnelle accessoire, de sorte que les dispositions des anciens articles L. 121-23 à -28 du code de la consommation, fixant à peine de nullité les règles de formes des contrats souscrits après un démarchage, ne sont pas applicables à l'acte de prêt en cause, et que M. et Mme X. ne sont pas fondés à demander, au motif d'une violation de ces articles, la déchéance du droit pour le créancier aux intérêts conventionnels.

Cependant, rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement le contrat qu'elles concluent à certaines dispositions du code de la consommation, qui leur sont alors impérativement applicables (Cass. civ. 1ère, 23 mars 1999, pourvoi n° 97-11.525). Tel est le cas du contrat de prêt en cause, conclu à la suite d'une offre qui vise expressément les articles L. 312-7 et -8 du code de la consommation. Il convient de faire application de ces dispositions. »

 

COUR D’APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00891. Arrêt n° 445. N° Portalis DBVU-V-B7G-FZTW. Sur APPEL d'une décision rendue le 22/03/2022 par le Tribunal Judiciaire du PUY EN VELAY (R.G. n° 09/01201).

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire,

En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé.

 

ENTRE :

APPELANTS :

M. X.

et Mme X.

[Adresse 4], [Localité 3], Représentants : Maître Marielle OLIVIER-DOVY, avocat au barreau du Puy-en-Velay et Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BORDIEZ ET ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocats postulant) et Maître Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD'HOMME - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE (avocat plaidant) - Timbre fiscal acquitté

 

ET :

INTIMÉES :

Société COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, nouvelle dénomination de la société COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES IMMOBILIERES

venant aux droits et actions de la société SACCEF inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 6], Représentants : Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître Frédéric ALLEAUME de la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant) - Timbre fiscal acquitté

SA MY MONEY BANK nouvelle dénomination de la Sté GE MONEY BANK.

inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro YYY, [Adresse 2], [Localité 5], Représentants : Maître Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Maître François VERRIELE, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) - Timbre fiscal acquitté

 

DÉBATS : A l'audience publique du 6 septembre 2023 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 18 octobre 2023.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 18 octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Suivant un acte authentique reçu le 27 juillet 2007 par Maître Z. notaire à [Localité 8], M. X. et Mme Y. épouse X. ont fait l'acquisition, de la SNC Louisiane, de plusieurs lots de copropriété dans un ensemble immobilier dénommé Résidence Louisiane, situé à [Localité 7], en Charente-Maritime. Le prix, fixé à 195.076 euros, a été entièrement payé au moyen d'un emprunt que M. et Mme X. avaient contracté auprès de la société GE Money Bank, suivant une offre de prêt à taux variable, acceptée le 22 juin 2007. Le remboursement du prêt était garanti par le cautionnement donné par la société SACCEF.

M. et Mme X. ont cessé pendant l'année 2008 de payer les échéances des prêts ; la société GE Money Bank a provoqué la déchéance du terme, et a mis en œuvre le cautionnement. La société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions (CEGC), subrogée dans les droits et obligations de la société SACCEF, a versé à la société prêteuse les sommes restant dues au titre des prêts en cause, puis a fait assigner M. et Mme X., le 18 novembre 2009, devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, pour obtenir paiement des sommes qu'elle avait versées à l'organisme prêteur.

M. et Mme X. ont eux-mêmes fait assigner devant le même tribunal, le 6 décembre 2012, la société GE Money Bank devenue la société My Money Bank, pour qu'elle soit condamnée le cas échéant à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre eux ; cette instance a été jointe à l'instance initiale, suivant ordonnance prononcée le 2 avril 2013 par le juge de la mise en état.

Parallèlement, M. et Mme X. ont engagé une instance distincte à l'encontre de la société CEGC, devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, suivant jugement du 22 mars

2022, a :

- jugé irrecevable une demande de sursis à statuer présentée par M. et Mme X.,

- rejeté deux fins de non-recevoir opposées par les défendeurs aux demandes de la société CEGC, et tirées de la prescription et du défaut d'intérêt pour agir,

- rejeté une demande de déchéance des intérêts conventionnels,

- condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société CEGC une somme de 203.594,83 euros, au titre de la quittance subrogative émise par la société GE Money Bank, outre intérêts au taux conventionnel de 6,56 % à compter du 18 novembre 2009, avec capitalisation des intérêts,

- débouté M. et Mme X. et la société CEGC de leurs demandes réciproques de dommages et intérêts,

- condamné solidairement M. et Mme X. aux dépens, et au paiement de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, à chacune des sociétés CEGC et GE Money Bank ;

- rejeté une demande d'exécution provisoire.

[*]

M. et Mme X., suivant une déclaration reçue au greffe de la cour le 25 avril 2022, ont interjeté appel de ce jugement, dans toutes ses dispositions.

Les appelants exposent qu'ils sont victimes, ainsi que plusieurs centaines d'autres personnes, des agissements frauduleux de la société Apollonia, gestionnaire de patrimoine et agent immobilier ; qu'ils ont eux-mêmes souscrit au total neuf emprunts auprès de différentes banques, pour un montant total de plus de 2.000.000 euros, pour acquérir des biens proposés par cette société ou par des sociétés qu'elle avait créées, dans un objectif d'investissement et de défiscalisation ; que ces opérations se sont révélées très défavorables pour eux, les charges de remboursement de leurs différents emprunts s'élevant à plus de 42.000 euros par an, sans être couvertes par les loyers, comme il le leur avait été présenté ; que les opérations de la société Apollonia ont fait l'objet d'une instruction, et de la mise en examen de plusieurs personnes, y compris de notaires.

M. et Mme X. demandent en premier chef un sursis à statuer, dans l'attente des décisions à intervenir, dans le cadre notamment de la procédure pénale en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille, pour des faits d'abus de confiance, d'escroquerie en bande organisée, de faux et d'usage de faux ; ils exposent que l'instruction a révélé une collusion frauduleuse entre la société Apollonia et les notaires chargés de passer les actes de vente et de prêt. Ils soulignent que la société CGEC a elle-même demandé le sursis à statuer, dans la procédure civile qu'ils ont engagée contre elle, devant le tribunal de Marseille.

Subsidiairement pour le cas où la cour ne prononçait pas de sursis à statuer, M. et Mme X. lui demandent d'inviter la société My Money Bank à produire l'historique de leur compte, et à défaut de déclarer prescrites les demandes de la société CEGC, par application de l'article L. 137-2 du code de la consommation. Ils invoquent, plus subsidiairement : le défaut d'intérêt à agir des deux sociétés CEGC et My Money Bank, faute pour cette dernière de justifier d'une cession de créance régulièrement faite à la société de cautionnement, et de produire le relevé des créances qu'elle a cédées par voie de titrisation ; et la déchéance du droit aux intérêts contractuels, en raison notamment de l'inexactitude du taux effectif global indiqué dans l'acte de prêt. M. et Mme X. recherchent d'autre part la responsabilité des deux sociétés CEGC et My Money Bank, pour avoir manqué à leurs obligations : celle de s'informer et de contrôler le dossier de demande de prêt, et de s'informer sur leur situation ; ils reprochent aussi à la société de cautionnement de ne pas avoir pris d'hypothèque sur le bien vendu. Ils demandent que les sociétés CEGC et My Money Bank soient condamnées « solidairement » à leur payer 201 559 euros de dommages et intérêts, avec compensation des dettes réciproques. Ils demandent enfin, pour le cas où ils seraient condamnés à paiement à la société CEGC, que la société My Money Bank soit elle-même condamnée à les garantir de cette condamnation.

[*]

La société CEGC sollicite principalement la confirmation du jugement, sauf sur le montant de la condamnation principale de M. et Mme X., qu'elle demande à voir réduire à 190.275,54 euros, avec intérêts au taux légal. Cette société déclare fonder son action sur le recours personnel prévu à l'article 2305 du code civil, pour la caution qui a payé au lieu et place du débiteur.

Elle soulève d'abord l'irrecevabilité de la demande de sursis à statuer, au visa de l'article 74 du code de procédure civile, M. et Mme X. ayant d'abord déposé des conclusions sur le fond du litige, ainsi qu'au regard de la compétence exclusive du juge de la mise en état, qui a déjà statué sur cette demande, pour la rejeter. La société CEGC conteste ensuite et subsidiairement la demande de sursis à statuer sur le fond, faute d'incidence de la procédure pénale en cours à Marseille sur la décision à intervenir dans le cadre de la présente instance.

Elle conteste d'autre part les exceptions ou moyens de défense de M. et Mme X., et affirme : que son action est recevable, la société My Money Bank n'ayant opéré aucune cession de créance, par titrisation ou autrement ; que le code de la consommation n'est pas applicable en la cause, et que d'ailleurs, même en admettant l'application de la prescription biennale prévue dans ce code, cette prescription n'est pas acquise, moins de deux ans s'étant écoulés entre la première échéance du prêt restée impayée et l'action en paiement qu'elle a engagée ; que M. et Mme X. ne sont pas fondés à invoquer l'article 2308 alinéa 2 ancien du code civil, selon lequel la caution qui a payé la dette sans en avertir le débiteur principal n'a pas de recours contre lui dans le cas où le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; qu'ils ne prouvent pas l'irrégularité du prêt, que qu'elle n'a commis pour sa part aucune faute, n'étant pas tenue d'une obligation de conseil envers les emprunteurs, et ayant donné son cautionnement au vu des éléments communiqués par les emprunteurs eux-mêmes et transmis par la banque prêteuse, éléments qui seront révélés faux du fait de M. et de Mme X., qui n'ont pas fait état des autres emprunts qu'ils avaient souscrits.

[*]

La société My Money Bank (ci-après : la société Money Bank) conclut elle aussi à la confirmation du jugement. Elle expose qu'elle a été mise en relation avec M. et Mme X. par une société FRI, intermédiaire en opérations de banque, et qu'elle a donné son accord à leur demande de prêt sur la foi des déclarations des emprunteurs qui n'ont déclaré aucun autre endettement antérieur ; qu'elle n'a elle-même jamais eu aucun rapport avec la société Apollonia, et qu'elle a rompu ses relations avec la société FRI quand elle a appris qu'elle lui avait transmis des dossiers de demandes de prêt instruits par la société Apollonia, dont les agissements ont fait l'objet d'une instruction préparatoire.

La société Money Bank conteste l'application du code de la consommation, affirme que le prêt a été consenti régulièrement, et qu'elle ignorait alors les agissements de la société Apollonia, ainsi qu'il ressort notamment de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction de Marseille, et de l'arrêt prononcé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur appel contre cette ordonnance. Elle détaille les diligences qu'elle a réalisées avant d'accorder le prêt en cause, et se défend d'avoir commis une faute, que ce soit lors de l'envoi de l'offre de prêt, ou dans la rédaction même de cette offre ; elle fait valoir que M. et Mme X. ne justifient pas de l'inexactitude du taux effectif global, dont l'indication est conforme au code de la consommation. La société Money Bank se défend d'un quelconque manquement à ses devoirs de mise en garde et de vigilance, exposant que les emprunteurs lui ont dissimulé la réalité de leur endettement, et que selon les informations qu'ils lui ont communiquées, M. et Mme X. étaient en mesure de rembourser l'emprunt en cause. Elle souligne que, s'agissant d'apporter son concours à une opération qui lui était étrangère, elle n'avait pas à donner de conseils aux emprunteurs sur l'opportunité de l'opération, qu'elle ne saurait répondre des fautes commises le cas échéant par l'entreprise intermédiaire la société FRI, et elle souligne que ni la société Money Bank elle-même, ni aucun de ses salariés n'ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel.

Il est référé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022, le 24 mai et le 6 juin 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la demande de sursis à statuer :

Ainsi que l'a énoncé le tribunal, l'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il apparaît que, comme l'a énoncé le tribunal, M. et Mme X. ont fait déposer le 21 septembre 2010 des conclusions contenant des moyens de défense sur le fond : ces conclusions contiennent dans leur dispositif une demande expresse de débouté de la société CEGC, et aucune demande de sursis à statuer.

M. et Mme X. exposent que leur demande postérieure de sursis à statuer serait néanmoins recevable, au motif d'un élément nouveau, survenu depuis leurs conclusions du 21 septembre 2010 : la notification faite le 17 septembre 2021, aux parties à l'instruction préparatoire suivie à Marseille, du réquisitoire du procureur de la République, requérant le renvoi devant ce tribunal de plusieurs personnes mise en examen, y compris de notaires, pour des faits de complicité d'escroquerie en bande organisée, faux et usage. Les appelants soutiennent que ce réquisitoire contient des éléments d'information importants, sur les irrégularités qui affectent les actes auxquels ils ont donné leur consentement.

Cependant, l'instruction a été ouverte le 2 juin 2008 (cf. page 110 du réquisitoire définitif, pièce n°7 des appelants), et M. et Mme X. ont eux-mêmes fait état, dès leurs premières conclusions du 21 septembre 2010, de l'existence d'une information judiciaire, ouverte des chefs notamment d'escroquerie en bande organisée, de faux et usage, faits révélés dans une plainte collective à laquelle ils étaient parties : ils avaient alors toute latitude de demander une mesure de sursis à statuer, dans l'instance civile engagée contre eux par la société CEGC. De plus, le réquisitoire dont ils se prévalent ne constitue pas une décision juridictionnelle, seul le juge d'instruction, et le cas échéant la chambre d'instruction, ayant compétence pour statuer sur le renvoi de personnes mises en examen devant la juridiction de jugement ; or ni le juge d'instruction, dans son ordonnance du 15 avril 2022, ni la chambre de l'instruction dans son arrêt du 15 mars 2023, partiellement confirmatif (pièces n°30/21 et 30/31 de la société Money Bank), n'ont prononcé le renvoi devant le tribunal correctionnel de la CEGC, de la société Money Bank ou de l'un quelconque de leurs salariés, de sorte que l'instance pénale de jugement ne peut avoir aucune incidence sur l'appréciation, dans le cadre du présent litige, de fautes commises par l'une ou l'autre de ces sociétés. Ces mêmes décisions de renvoi devant la juridiction de jugement ne contiennent d'ailleurs aucune disposition relative au notaire ayant établi l'acte en cause, Maître Z. selon les conclusions de M. et Mme X. du 21 septembre 2010 (l'acte d'acquisition du 27 juillet 2007 n'étant pas produit aux débats).

Il en résulte que les appelants n'établissent nullement l'existence de faits nouveaux, postérieurs à leurs conclusions sur le fond du 20 septembre 2010 qui les autoriseraient à demander une mesure de sursis à statuer. Cette demande est irrecevable, en application de l'article 74 du code de procédure civile ; c'est à bon droit que le tribunal a prononcé cette irrecevabilité, le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur la prescription :

M. et Mme X. soulèvent la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation et soutiennent qu'elle s'applique d'une part, pour chacune des mensualités du prêt restées impayées à compter de leur date d'exigibilité, et d'autre part pour le capital restant dû, à compter de la déchéance du terme. Ils font grief à la société Money Bank de ne pas produire de relevé historique intégral des opérations enregistrées sur leur compte, et demandent par suite qu'elle soit condamnée à cette production, ou à défaut que la demande en paiement de la société CEGC soit rejetée comme prescrite.

Il est rappelé qu'il incombe aux emprunteurs de rapporter eux-mêmes la preuve de la prescription qu'ils invoquent, et non pas à la société CEGC de rapporter la preuve que son action n'est pas prescrite (en ce sens Cass. Civ. 1ère, 3 février 2011, pourvoi n° 09-71.693).

M. et Mme X. ne versent aux débats aucune pièce, ni même ne font état d'aucun élément précis, qui établirait la prescription ; la société CEGC produit pour sa part en copie : l'acte de prêt, les « Conditions financières » du prêt (indiquant que la première échéance mensuelle a été payée le 25 août 2007), la lettre recommandée de mise en demeure envoyée par la société Money Bank à M. et Mme X. le 29 mai 2009, la lettre recommandée de cette même société leur notifiant la déchéance du terme le 1er juillet 2009, et un décompte de créance arrêté au 25 juin 2009, indiquant que le montant des échéances impayées s'établit à 2.272,12 euros avant la déchéance du terme, et le capital restant dû à la somme de 188.123,72 euros (pièces n° 1 à 5 de la société CEGC). La somme de 2.272,12 euros correspond au montant de deux mensualités, selon les conditions financières alors en vigueur (qui précisent que le montant de chaque échéance était de 1.136,06 euros, pour le palier alors en cours) ; ces mêmes conditions financières précisent encore que le montant du capital restant dû a été fixé après l'échéance du 25 mai 2009 (pièces n°2 de la société CEGC, 3ème page). Ces éléments, non critiqués par M. et Mme X., laissent apparaître que la première échéance qu'ils ont laissée impayée a été celle d'avril 2008 : les deux échéances arriérées avant la déchéance du terme sont celles d'avril et de mai 2008.

Il en résulte que, à supposer même que la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation soit applicable en la cause, ce que conteste la société CEGC, moins de deux années se sont écoulées entre la date de la première échéance restée impayée, celle d'avril 2008, et l'assignation que la société CEGC a fait délivrer à M. et Mme X., le 18 novembre 2009. La prescription n'est donc pas acquise. Le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir que les appelants soulèvent pour ce motif ; leur demande de production de relevés complets de l'historique de leur compte sera elle aussi rejetée.

 

Sur l'intérêt à agir de la société CEGC :

Ainsi que l'exposent M. et Mme X., il appartient à la CEGC, demanderesse en paiement, de rapporter la preuve de son intérêt à agir. Il n'y a pas lieu en revanche d'exiger cette preuve de la société Money Bank, qui n'est que défenderesse à l'action en garantie exercée par M. et Mme X., et qui ne forme contre eux aucune demande en paiement, sinon sur les frais de procédure.

M. et Mme X. exposent que l'article 19 des Conditions générales des offres de prêt de la société Money Bank prévoient : « le présent prêt est susceptible d'être mobilisé auprès de la caisse de refinancement de l'habitat, ou auprès de tout autre établissement habilité » ; que l'article L. 214-43 alinéa 9 du code monétaire et financier dispose que l'acquisition ou la cession de créances s'effectue par la remise d'un bordereau, et prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise ; que la règle à la CEGC est la titrisation des créances et qu'elle « doit communiquer l'état des créances qu'elle a cédées à un FCC ou FCT [fonds commun de créance et fonds commun de titrisation] et l'état des créances pour lesquelles elle a fait exécuter la garantie de réassurance depuis le mois de décembre 2009 », faute de quoi son action serait irrecevable ; qu'il lui appartient de produire les bordereaux de ses créances cédées, en justifiant que le prêt qui leur a été consenti n'y figure pas, et la convention liant la société CEGC à la société de gestion, dont l'intervention est imposée par l'article L. 214-49-6 du code monétaire et financier.

Cependant et comme le répond la société CEGC, la mention de l'offre préalable du prêt en cause, figurant en son article 19 page 11, selon laquelle « le présent contrat pourra être cédé à un fonds commun de créances », a créé pour la banque prêteuse une simple faculté, et n'implique pas qu'une telle cession a eu lieu ; il ne peut être exigé de la société CEGC la preuve d'un fait négatif, à savoir l'absence d'une cession à un fonds commun de créances. Au surplus et comme l'a retenu le tribunal, l'article L. 214-46 du code monétaire et financier dispose que le recouvrement des créances cédées à un fonds commun de créances continue d'être assuré par l'établissement cédant. Il en résulte que M. et Mme X. ne sont pas ne peuvent se prévaloir d'une hypothétique cession de la créance fondée sur le prêt en cause, alors que la société CEGC justifie, par la production de la quittance subrogative établie le 20 août 2009 par la société prêteuse, de sa qualité de caution exerçant son recours, et donc de son intérêt à agir contre les emprunteurs.

 

Sur la demande de débouté :

M. et Mme X. demandent à la cour, à plusieurs reprises dans le dispositif de leurs conclusions, de débouter la société CEGC et la société Money Bank, ou seulement la première de ces sociétés, de l'ensemble de leurs prétentions ; ils invoquent sur le fond du litige l'article 2308 du code civil, qui dispose que, lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'a point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. M. et Mme X. reprochent à la société CEGC d'avoir payé la société Money Bank sans les en avoir avertis, alors qu'ils avaient eux-mêmes alerté la banque prêteuse sur l'existence de faux dans les actes de prêt, et que la société de cautionnement avait accès à l'ensemble du dossier de prêt, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer les incertitudes affectant la validité de l'ensemble de l'opération (pages 53 à 55 des conclusions de M. et Mme X.).

La déchéance de l'article 2308 ancien du code civil n'est encourue que lorsque la caution a payé sans être poursuivie, et la poursuite au sens de cette article peut résulter d'une mise en demeure, adressée par le créancier à la caution, ou même d'une simple réclamation du créancier (Cass. civ. 1ère, 23 novembre 2022, pourvoi n°18-19.185 ; 11 janvier 2017, pourvoi n°15-28.846). La société CEGC produit la « demande de remboursement SACCEF » que lui a adressée la société Money Bank le 8 juillet 2009 (ou que la banque a adressée à la société SACCEF dans les droits de laquelle la société CEGC se trouve subrogée), demande portant sur les deux échéances restées impayées et sur le capital restant dû, détaillés dans un décompte arrêté au 25 juin 2009 (pièces n° 5 et 9 A de la société CEGC). Cette demande constitue une poursuite au sens de l'article 2308 du code civil ; la perte du recours de la caution prévue par cet article n'est donc pas encourue par la société CEGC.

Au surplus, rien ne permet d'affirmer que la société CEGC ait été informée, à la date du paiement qu'elle a opéré le 30 juillet 2009 (date mentionnée sur la quittance subrogative), que M. et Mme X. estimaient avoir des moyens permettant de faire déclarer leur dette éteinte : dans la deuxième page de sa lettre de réclamation du 8 juillet 2009, la société Money Bank se limitait à informer la société de cautionnement que « le client allègue une situation de surendettement générée par la souscription de plusieurs autres dossiers de défiscalisation auprès d'autres banques, postérieurement à notre crédit », en précisant : « La situation ne nous a été révélée qu'en cours de crédit », information qui n'était nullement de nature à laisser apparaître que M. et Mme X. fussent en mesure de voir déclarer leur dette éteinte. Et rien ne permet de constater que la société de cautionnement ait eu connaissance de tels motifs d'extinction, au moment où elle a payé, sur poursuite de la banque prêteuse. M. et Mme X. ne sont pas fondés à opposer la déchéance de l'article 2308 ancien du code civil.

Les appelants ne sont pas non plus fondés à demander, comme ils le font en pages 56 et 57 de leurs conclusions, le débouté de la société CEGC au motif que celle-ci ne justifie pas d'une cession de créance intervenue, de la banque prêteuse à elle-même avec signification au débiteur du transfert de la créance, selon les modalités de l'article 1690 du code civil : ainsi qu'il a été dit, l'action de la société CEGC repose non pas sur une cession de créance, mais sur la subrogation propre à la caution de l'article 2305 du code civil.

Cette action apparaît bien fondée, au vu des documents contractuels de l'acte de prêt, des mises en demeure faites par la société Money Bank aux emprunteurs, de la quittance subrogative et des décomptes de créance présentés, non critiqués par les appelants ; il convient de faire droit à la principale demande en paiement de la société CEGC, sous réserve de ce qui sera prononcé sur la demande de déchéance des intérêts contractuels, formée par M. et Mme X.

 

Sur les intérêts contractuels :

M. et Mme X. concluent à la déchéance, pour la société Money Bank et par suite la société CEGC, du droit aux intérêts contractuels ; ils invoquent en ce sens : le caractère subrogatoire de l'action de la caution, qui ne lui permet pas d'obtenir, en outre du capital payé, d'autres intérêts que ceux fixés au taux légal ; le non-respect des articles L. 121-24, L. 121-26, L.312-7 et -10 du code de la consommation, régissant les formes et délais applicables aux prêts conclus à la suite d'un démarchage à domicile, et aux prêts immobiliers (pages 58 à 64 des conclusions des appelants) ; et les mentions erronées de l'acte de prêt, qui ne contiennent pas, dans l'énumération des éléments ayant servi au calcul du taux effectif global, le coût de la rémunération de l'intermédiaire, la société Apollonia (pages 69 à 73 des conclusions de M. et Mme X.).

M. et Mme X. soutiennent que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier leur sont applicables, ce que conteste la société CEGC, au motif que le prêt en cause a permis de financer une activité professionnelle de loueur de biens exercée par M. X., cas d'exclusion prévu à l'article L. 312-3 ancien du code de la consommation, alors en vigueur.

L'article L. 121-22 du code de la consommation, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à -28 les ventes et les autres contrats qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

M. et Mme X. font valoir qu'ils n'exercent pas la profession de gestionnaires de biens meublés, que leurs revenus proviennent de l'activité de kinésithérapeute exercée par M. X., que celui-ci a certes demandé son inscription au registre du commerce en qualité de loueur de meublés professionnel, mais que cette inscription n'était pas effective à la date du prêt en cause. Cependant et comme le réplique la société Money Bank, le caractère accessoire de l'activité de loueur de meublés n'exclut pas sa nature d'activité professionnelle, caractérisée par l'achat et de la mise en location de deux ou de plusieurs biens, et par une inscription au registre du commerce, fût-elle postérieure à l'acte considéré (Cass. civ. 1ère, 17 septembre 2018, pourvoi n°17-19.696 ; 9 septembre 2020, pourvoi n°19-13.934). S'agissant de conjoints co-emprunteurs, l'inscription de l'un d'eux seulement au registre du commerce suffit à conférer un caractère professionnel à l'activité, excluant en principe l'application des dispositions du code de la consommation (dernier arrêt cité).

M. et Mme X. reconnaissent qu'ils ont effectué, de juillet 2007 à mai 2008, neuf acquisitions immobilières, sur l'insistance de la société Apollonia précisent-ils, en vue de placements locatifs et de « défiscalisation », et qu'ils ont souscrit à cette fin neuf emprunts immobiliers pour un montant total de 2 044 622 euros (cf. le tableau qu'ils produisent en pièce n°13) ; il apparaît d'autre part que M. X. est inscrit depuis le 19 septembre 2007 auprès de l'INSEE en qualité de loueur de meublés professionnel (pièce n°50/1 de la société Money Bank) ; il s'ensuit que les acquisitions que M. et Mme X. ont été réalisées dès juillet 2007 en vue de placements locatifs et qu'elles se rattachent toutes à une activité professionnelle accessoire, de sorte que les dispositions des anciens articles L. 121-23 à -28 du code de la consommation, fixant à peine de nullité les règles de formes des contrats souscrits après un démarchage, ne sont pas applicables à l'acte de prêt en cause, et que M. et Mme X. ne sont pas fondés à demander, au motif d'une violation de ces articles, la déchéance du droit pour le créancier aux intérêts conventionnels.

Cependant, rien n'interdit aux parties de soumettre volontairement le contrat qu'elles concluent à certaines dispositions du code de la consommation, qui leur sont alors impérativement applicables (Cass. civ. 1ère, 23 mars 1999, pourvoi n° 97-11.525). Tel est le cas du contrat de prêt en cause, conclu à la suite d'une offre qui vise expressément les articles L. 312-7 et -8 du code de la consommation. Il convient de faire application de ces dispositions.

L'article L. 312-7 du code de la consommation oblige le prêteur immobilier à formuler une offre écrite à l'emprunteur, au moyen d'un envoi par la poste ; l'article L. 312-8 énumère les mentions que doit contenir l'offre, et l'article L. 312-10 oblige le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception ; les emprunteurs ne peuvent donner leur accord que par lettre, dix jours après qu'ils l'ont reçue. M. et Mme X. critiquent l'offre qui leur a été présentée, et qui n'était pas datée selon eux ; ils critiquent la date d'acceptation, dont ils disent qu'elle a été ajoutée a posteriori.

Le formulaire d'acceptation produit par la société CEGC mentionne que M. et Mme X. reconnaissaient avoir reçu l'offre le 11 juin 2007, et l'avoir acceptée le 22 juin 2007 ; la société CEGC produit encore une photocopie de l'enveloppe de retour, établie aux noms de M. et Mme X., avec la signature de M. X., et envoyée à l'adresse de la société Money Bank à la date du 20 juillet 2007, attestée par le cachet postal (pièce n°1) ; cette enveloppe Chronopost, authentifiée par la signature de l'un des emprunteurs, constitue la preuve que M. et Mme X. ont envoyé leur acceptation de l'offre de prêt conformément à l'article L. 312-10 du code de la consommation, et il importe peu à cet égard que l'enveloppe porte un cachet d'envoi des Alpes-Maritimes, département où ne résident pas les emprunteurs. Ceux-ci ne sont pas fondés à contester la régularité de la procédure de conclusion du contrat, au regard des articles L. 312-7 à -10 du code de la consommation.

Le fait, d'autre part, que l'acte de prêt ne comporte pas, dans les éléments qui concourent au calcul du taux effectif global et qui figurent en page 4 de l'offre de prêt, la mention des frais de commission payés à la société FRI, intermédiaire en opérations de banque, s'explique par la circonstance, selon la société Money Bank, que ces frais n'ont pas été mis à la charge des emprunteurs. De fait, l'offre de prêt ne mentionne pas de tels frais, et il n'appartient ni à la banque prêteuse ni à la société de cautionnement d'établir la preuve d'un fait négatif : celle de l'absence de frais d'intermédiaire, supportés par les emprunteurs. La société Money Bank reprend le calcul du taux en cause, tel qu'il figure en page 4 de l'offre, avec l'indication des différents frais décomptés, calcul qui aboutit au taux effectif global mentionné : 4,950 %. Il apparaît que ce taux ne comporte aucune erreur ; la demande de déchéance des intérêts contractuels n'est pas non plus fondée pour ce motif.

M. et Mme X. invoquent enfin la perte pour la société CEGC du bénéfice des intérêts contractuels, résultant selon eux de la subrogation de l'article 2306 du code civil ; cependant cette société déclare fonder son action sur l'article 2305 du même code, selon lequel le recours de la caution qui a payé s'exerce tant pour le principal que pour les intérêts et les frais, comme le précise encore la quittance subrogative établie par la société Money Bank le 10 septembre 2009, qui transfère à la société de cautionnement tous les « droits, action et privilèges » résultant du prêt en cause, « notamment les intérêts au taux du prêt ». La société CEGC est donc en droit d'obtenir paiement des intérêts au taux prévu au contrat. Ce taux a été exactement fixé par le tribunal à 6,560 % l'an, conformément à l'article 7 de l'acte de prêt : le dernier taux notifié aux emprunteurs, tel qu'il apparaît sur les « Conditions financières en cours », s'agissant d'un prêt à taux variable (pièce n°2 de la société CEGC).

La société CEGC demande à la cour de réformer le jugement sur le montant de la condamnation principale, en la limitant à la somme de 190.275,54 euros (somme portée sur la quittance subrogative), avec intérêts au taux légal capitalisés ; cette demande apparaît fondée, il convient d'y faire droit, y compris sur la capitalisation des intérêts, conforme à l'article 1343-2 du code civil, le code de la consommation étant inapplicable au prêt en cause, sauf ses articles L. 312-7 et -8.

 

Sur la demande de garantie :

M. et Mme X. demandent à être garantis, par la société Money Bank, de toute condamnation qui serait prononcée contre eux, au profit de la société CEGC. Ils invoquent, outre les infractions aux règles du code de la consommation sur la formation du contrat de prêt, déjà examinées, le caractère frauduleux et dolosif de l'ensemble de l'opération, ayant eu pour but de les empêcher de se rétracter ; ils reprochent à la banque prêteuse d'avoir manqué à ses obligations de contrôler le dossier de demande de prêt qui lui était présenté, alors qu'elle aurait dû faire preuve d'une vigilance accrue dès lors que ce dossier était constitué par un tiers, mandataire des emprunteurs, comme stipulé dans la convention de cautionnement ; ils lui reprochent de ne pas avoir effectué de diligence particulière pour connaître ses clients, aucun contact physique n'ayant eu lieu entre eux-mêmes et la société Money Bank, de ne pas avoir rempli son obligation de mise en garde, et d'avoir enfreint les règles de l'arrêté du 31 mars 2005 et de l'article L. 519-2 du code monétaire et financier, qui l'obligeaient notamment à n'avoir qu'un seul intermédiaire, et à prendre toute mesure appropriée pour remédier à des difficultés graves. Ils ajoutent que le caractère manifestement anormal de l'opération ressortait du nombre très élevé des demandes de prêt traitées par l'intermédiaire de la société FRI, au regard de la norme habituelle pour les intermédiaires en opérations de banque ; ils précisent que les dossiers de demande de prêts, d'ailleurs incomplets (pas d'indication du numéro de téléphone des clients), ont été examinés par la banque de manière précipitée (pages 73 à 82 des conclusions des appelants).

Le banquier dispensateur de crédit est principalement tenu, en application de l'article 1147 du code civil, d'une obligation de vérification et de mise en garde à l'égard des emprunteurs non avertis, sur l'adéquation entre leurs ressources et la charge de l'emprunt, afin que les échéances du prêt soient mesurées à leur capacité de remboursement ; il n'est en principe pas obligé de contrôler la pertinence et la viabilité de l'opération réalisée par l'emprunteur au moyen du prêt consenti ; la banque est en droit de se fier aux éléments figurant sur la fiche signée par les emprunteurs, et lorsque, compte tenu de leur situation financière et patrimoniale, telle qu'elle ressort des éléments qu'ils ont communiqués à la banque, le crédit octroyé n'est pas de nature à constituer pour eux un risque d'endettement, la banque n'est pas tenue à un devoir de mise en garde ; sauf anomalie apparente, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par les emprunteurs (Cass. com. 4 juillet 2019, pourvoi n°17-13.128).

L'article L. 519-2 du code monétaire et financier régit d'autre part l'activité d'intermédiaire en opérations de banque, et dispose que l'activité d'intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut s'exercer qu'entre deux personnes dont l'une au moins est, entre autres, un établissement de crédit ; l'article 19 de l'arrêté du 31 mars 2005, modifiant le règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF), dispose que l'appréciation du risque de crédit doit notamment tenir compte des éléments sur la situation financière du bénéficiaire, en particulier sa capacité de remboursement.

La société Money Bank justifie qu'elle a reçu un dossier complet, comportant entre autres la demande de prêt, des justificatifs d'identité et des revenus, une fiche de réservation et un compromis de vente (pièces n°22/0 à 22/17 de cette société). Rien n'obligeait cette société à avoir un contact physique avec M. et Mme X., qui ne contestent pas qu'ils ont bien signé eux-mêmes la demande de prêt ; le fait que les mentions manuscrites du formulaire de demande aient été écrites par un tiers ne constitue pas en lui-même une anomalie, non plus que le nombre élevé de dossiers apportés par la société FRI : la société Money Bank précise et justifie qu'il n'existait aucune limite d'agrément fixée dans la convention conclue entre elle-même et cette société intermédiaire, mais seulement un seuil d'activité (10 millions d'euros d'affaires apportés sur une période de 12 mois), au-delà duquel la société FRI avait droit à une commission supplémentaire (pièce n°12 de la société Money Bank, page 11).

L'instruction n'a d'ailleurs retenu aucune charge contre la banque ou contre l'un de ses salariés. Il n'apparaît pas que les éléments contenus dans le dossier de demande de prêt aient présenté d'anomalie apparente, de nature à alerter la banque. Celle-ci était en droit de se fier aux déclarations de M. et Mme X., qui faisaient état d'une situation personnelle leur permettant de faire face aux charges de remboursement de l'emprunt demandé (d'un montant compris entre 1.139,66 et 1.136,06 euros pour les trois premiers paliers) : un revenu mensuel du foyer estimé à 8.075 euros (revenus de l'activité libérale de M. X.), sans compter les prestations familiales, et des charges fixes d'environ 2 481 euros, constituées des échéances de divers emprunts, dont deux emprunts immobiliers : l'un pour l'acquisition de leur résidence principale, et l'autre pour celle d'un bien destiné à la location (les échéances mensuelles de ces deux emprunts immobiliers en cours s'élevant à 895 et 669 euros : pièce n°22/0 de la société Money Bank).

Ces déclarations des emprunteurs se révèlent fausses, puisqu'à la date à laquelle ils ont envoyé l'acceptation de l'offre de prêt le 20 juillet 2007, ils avaient déjà souscrit non pas un mais trois emprunts à des fins d'investissement locatif, comme il ressort du tableau qu'ils produisent en pièce n°13 ; la banque n'avait aucun moyen de connaître l'existence des deux emprunts non déclarés, qui étaient de nature à modifier son appréciation sur les capacités financières de M. et Mme X. ; ceux-ci ne sauraient reprocher à la société Money Bank sa décision de leur accorder le prêt, alors que cette décision a été déterminée, au moins pour partie, par une fausse déclaration de leur part sur leurs charges en cours : cette société n'était pas tenue, au vu des éléments présentés par les emprunteurs et en l'absence d'anomalie apparente, de les mettre en garde sur leur demande de prêt.

Il n'apparaît pas, d'autre part, que la société Money Bank ait conclu, dans le cadre de l'opération en cause, de contrat d'intermédiaire en opérations de banque avec d'autre société que la société FRI, conformément à l'article L. 519-2 du code monétaire et financier.

Aucune faute n'apparaît donc prouvée à l'encontre de la banque.

Au surplus, la demande de garantie de M. et Mme X. ne pourrait prospérer que s'ils rapportaient la preuve non seulement d'une faute de la banque prêteuse, mais aussi du préjudice que cette faute leur a causé ; or ils ne justifient d'aucun préjudice, résultant de la décision de la société Money Bank de leur accorder le prêt : ils ne présentent aucune preuve que l'opération d'investissement qu'ils ont réalisée à [Localité 7] se soit révélée contraire à leurs intérêts, puisqu'ils s'abstiennent de produire leurs déclarations de revenus fonciers depuis l'année 2007, ou toute autre pièce qui établirait que l'investissement en cause ne leur a pas rapport à des revenus au moins équivalents aux charges qui en résultent, notamment le paiement des échéances du prêt. Par ce motif encore, leur demande de garantie contre la société Money Bank se révèle dépourvue de fondement.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme X. :

M. et Mme X., outre leurs griefs déjà énoncés contre la banque prêteuse, reprochent à la société CEGC d'avoir négligé de recueillir auprès de la société Money Bank les informations prises par celle-ci sur l'opération, et d'avoir omis de prendre une hypothèque sur le bien financé, alors que cette hypothèque était prévue par la convention de cautionnement qui la liait à la banque prêteuse ; ils invoquent l'article 1131 ancien du code civil, selon lequel l'obligation fondée sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet, et l'article 2289 du même code, qui dispose que le cautionnement ne peut reposer que sur une obligation valable, et que tel n'est pas le cas du cautionnement en litige, qui résulte comme les prêts de manœuvres frauduleuses de la société Apollonia ; ils exposent que la société CEGC, de même que la banque prêteuse en accordant le prêt, a commis une faute en accordant son cautionnement sans davantage vérifier le dossier, et sans faire de rapprochement entre les différentes demandes de cautionnement qui lui étaient présentées par la société Money Bank dans l'espace de quelques mois (pages 64 à 69 des conclusions de M. et Mme X.).

Comme déjà énoncé, aucune faute n'est établie contre la société Money Bank, et rien ne permet d'affirmer que le prêt en cause ait reposé sur une cause illicite ; la société CEGC, en sa qualité de caution professionnelle, n'était tenue pour sa part d'aucune obligation de conseil envers les emprunteurs ; elle n'était pas tenue de prendre l'hypothèque prévue dans la conventionnement conclue entre elle et la banque prêteuse, la prise de cette garantie ne constituant pour elle qu'une simple faculté, prévue dans le seul intérêt de la caution. La société CEGC n'avait d'ailleurs, pas plus que la banque prêteuse qui lui avait communiqué les éléments d'information qu'elle détenait, de motif de craindre, au vu de ces mêmes éléments et faute d'anomalie apparente, de difficulté particulière dans le remboursement du prêt en cause. Et, ainsi que l'a justement énoncé le tribunal, la société CEGC n'avait aucun moyen de s'apercevoir d'une augmentation prétendument anormale du nombre de prêts consentis par la société Money Bank à la suite d'apports de la société FRI : une telle augmentation ne pouvait être décelée au regard de la masse des contrats que traitait annuellement la société de cautionnement, et de la faible proportion de ceux apportés par la société FRI.

Il est rappelé enfin que M. et Mme X. ne rapportent aucune preuve du préjudice que leur aurait causé la décision de la banque de leur accorder le prêt en cause, et celle de la société CEGC de leur accorder son cautionnement, accessoirement à ce prêt. Le jugement sera confirmé, en ce qu'il a rejeté leurs demandes de dommages et intérêts.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré, en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société CEGC une somme de 203.594, euros, au titre de la quittance subrogative émise par la société GE My Money Bank, outre intérêts au taux conventionnel de 6,56 % à compter du 18 novembre 2009, et avec capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne solidairement M. et Mme X. à payer à la société CEGC une somme de 190.275,54 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2009, et avec capitalisation des intérêts, s'ils sont décomptés par années entières ;

Confirme le jugement dans toutes ses autres dispositions

Condamne solidairement M. et Mme X. à payer à chacune des sociétés CEGC et My Money Bank une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel ; accorde à Me Roussel-Simonin et à Me Rahon, Avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

Le Greffier                                                   La Présidente