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5960 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Contrats conjonctifs associant professionnel et consommateur

Nature : Synthèse
Titre : 5960 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats mixtes - Contrats conjonctifs associant professionnel et consommateur
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5960 (12 janvier 2024)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION

PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ

ILLUSTRATIONS - CONTRATS MIXTES - CONTRATS CONJONCTIFS ASSOCIANT DES PARTIES PROFESSIONNELLES ET PRIVÉES

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2024)

 

Présentation. Certains contrats peuvent être conclus par plusieurs contractants, dont l’un agit en rapport avec son activité et l’autre pas (ex. achat d’une voiture par un couple, alors qu’un des membres l’utilisera à des fins professionnelles ; pour la situation inverse, d’un professionnel et d’un consommateur quant à l’application à leur encontre de la protection, V. Cerclab n° 5848). A priori, aucun argument ne justifie d’exclure le contractant consommateur de la protection d’ordre public à laquelle il a droit.

L’article liminaire du Code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole », reprenant le texte de l’article préliminaire introduit par la loi du 17 mars 2014, en y ajoutant l’activité agricole. Dans l’exemple précité, il n’est pas possible de considérer que la profession d’un des membres du couple soit également le cadre de celle de l’autre.

Cette solution ne résout pas tous les problèmes, dès lors que le contractant peut être lié ou intéressé à l’activité professionnelle (V. infra l’arrêt cité pour un conjoint collaborateur), situation qui peut rappeler celle des cautions (Cerclab n° 5853).

Cas particulier de l’art. L. 221-3 C. consom., anciennement art. L. 121-16-1-III (droit postérieur à la loi du 17 mars 2014). S’agissant des dispositions relatives aux ventes à distance ou hors établissement, le problème peut se poser différemment dès lors que certaines dispositions protectrices ont été explicitement étendues à des « petits » professionnels par l’art. L. 221-3 C. consom., reprenant la définition de l’ancien art. L. 121-16-1-III C. consom., dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mars 2014. Or, les contrats conjonctifs concernent souvent ces « petits » professionnels, notamment pour les immeubles ou véhicules à usage mixte, ce qui devrait éviter la plupart des difficultés (sauf à examiner de façon spécifique la situation des collaborateurs). § Pour la jurisprudence prise en application de ce texte, V. Cerclab n° 5889.

Droit antérieur à l’ord. du 14 mars 2016 : admission de la protection. Appréciation séparée de l’application de la protection contre les clauses abusives pour un contrat de location avec option d'achat d'un véhicule utilitaire de type fourgonnette conclu avec un artisan et son épouse. CA Rennes (2e ch.), 16 décembre 2011 : RG n° 10/00650 ; arrêt n° 657 ; Cerclab n° 3521 (exclusion de la protection l’artisan, en raison de l’existence d’un rapport direct, et application de la protection pour l’épouse), sur appel de TGI Brest, 25 novembre 2009 : Dnd. § V. aussi : CA Caen (2e ch. civ. et com.), 8 mars 2018 : RG n° 16/00626 ; Cerclab n° 7518 (prescription ; convention de trésorerie et autorisation de découvert ; titulaire reconnaissant le caractère professionnel du compte dans des courriers ; protection accordée à l’épouse codébitrice solidaire, avec déchéance des intérêts en raison d’une clause abusive de déchéance), sur appel de TI Caen, 26 janvier 2016 : RG n° 11-14-1514 ; Dnd - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 29 mars 2018 : RG n° 16/05072 ; Cerclab n° 7498 (crédit affecté à l’acquisition du véhicule d’un artisan chauffeur de taxi, son épouse étant coempruntrice solidaire ; application des régles de crédit « sous le régime duquel la convention a été conclue et dont relève la coempruntrice non professionnelle »), sur appel de TI Villejuif, 31 décembre 2015 : RG n° 11-13-002223 ; Dnd.

Droit antérieur à l’ord. du 14 mars 2016 : refus de la protection. V. cependant en sens contraire : cassation de l’arrêt estimant qu’un prêt destiné à acquérir un lot de copropriété en l’état futur d’achèvement n’est pas destiné à financer une activité professionnelle et relève de l’ancien art. L. 137-2 C. consom., alors que la cour relevait que le prêt avait été souscrit afin d’acquérir un lot destiné à la location au sein d’une résidence hôtelière et que l’époux était inscrit au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé professionnel, ce dont il résultait que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur. Cass. civ. 1re, 12 octobre 2016 : pourvoi n° 15-19670 ; arrêt n° 1109 ; Cerclab n° 6973 (violation des anciens art. L. 137-2 (218-2] et L. 312-2, 2° [313-2, 2°] C. consom.), cassant sur ce point CA Nîmes (1re ch. A), 9 avril 2015 : RG n° 14/03691 ; Cerclab n° 6975 (action de la banque prescrite par application de la prescription biennale de l’art. L. 137-2 C. consom. ; argument retenun entre autres : seul le mari est inscrit en cette qualité au registre du commerce et des sociétés et qu’ainsi l’argument excluant sa qualité de consommateur n’est pas opposable à l’épouse qui a la qualité de co-emprunteur). § Dans le même sens, encore plus explicite : est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un coemprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti. Cass. civ. 1re, 20 mai 2020 : pourvoi n° 19-13461 ; arrêt n° 347 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8531 (points n° 4 et 6 ; prescription de l’art. L. 137-2, devenu L. 218-2 C. consom.), cassant CA Dijon (1re ch. civ.), 8 janvier 2019 : Dnd. § V. aussi : Cass. civ. 1re, 25 janvier 2017 : pourvoi n° 16-12517 ; arrêt n° 137 ; Cerclab n° 6974 (cassation pour violation de l’ancien art. L. 137-2 [218-2] C. consom. ; la seule mention de la profession de l’épouse est sans effet sur la qualification du prêt), cassant partiellement CA Dijon (1re ch. civ.), 12 janvier 2016 : RG n° 15/00599 ; Cerclab n° 7339, sur appel de TGI Dijon (Jex), 25 mars 2015 : RG n° 13/62 ; Dnd.

Pour les juges du fond : l’ancien art. L. 132-1 C. consom. n’est pas applicable à la promesse synallagmatique de vente d’immeuble consentie à un couple d’acheteurs, dès lors que le mari exerce la profession d'agent immobilier et qu'il a déjà acquis divers autres biens dans le même ensemble immobilier que celui où se trouve le bien litigieux, situation qui fait apparaître que l'acquisition a été faite dans un cadre professionnel. CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 25 juin 2013 : RG n° 12/15574 ; Cerclab n° 4494, sur appel de TGI Draguignan, 11 avril 2012 : RG n° 10/06750 ; Dnd. § Exclusion de la protection en matière de crédit à la consommation pour un couple de coemprunteurs, tant pour le mari inscrit au registre des loueurs en meublés, que pour son épouse, dès lors qu’elle était coemprunteuse solidaire, ce qui impliquait une stratégie patrimoniale commune et l’application à l’épouse de la qualification professionnelle du prêt. CA Nîmes (1re ch. civ.), 13 juillet 2017 : RG n° 14/04342 ; Cerclab n° 6967 (prêts immobiliers pour l’acquisition de logements destinés à être loués en meublés par un couple de salariés ; exclusion de l’application conventionnelle, les emprunteurs ayant dissimulé la finalité des prêts), sur appel de TGI Carpentras (Jex), 5 août 2014 : RG n° 13/01270 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 8 janvier 2020 : pourvoi n° 17-27073 ; arrêt n° 16 ; Cerclab n° 8317. § Dans le même sens : TGI Nancy (1re ch. civ.), 5 février 2007 : RG n° 05/02815 ; arrêt n° 152 ; Cerclab n° 1439 ; Juris-Data n° 2007-352288 (exclusion de la protection pour un contrat de prêt professionnel accordé à un artisan, alors même que son épouse avait la qualité de coemprunteuse) - CA Rennes (2e ch.), 3 juillet 2020 : RG n° 17/01081 ; arrêt n° 366 ; Cerclab n° 8498 (clauses abusives et crédit ; prêt professionnel ; N.B. exclusion appliquée aussi à l’épouse, apparemment purement coemprunteuse solidaire), sur appel de TGI Saint-Brieuc, 12 décembre 2016 : Dnd - CA Riom (ch. com.), 18 octobre 2023 : RG n° 22/00891 ; arrêt n° 445 ; Cerclab n° 10606 (prêt immobilier, garanti par un cautionnement, pour financer une acquisition immobilière à des fins de défiscalisation, dans l’affaire Appolonia ; le caractère accessoire de l'activité de loueur de meublés n'exclut pas sa nature d'activité professionnelle, caractérisée par l'achat et de la mise en location de deux ou de plusieurs biens, et par une inscription au registre du commerce, fût-elle postérieure à l'acte considéré - Cass. civ. 1ère, 17 septembre 2018, pourvoi n°17-19696 ; 9 septembre 2020, pourvoi n° 19-13934 - s'agissant de conjoints co-emprunteurs, l'inscription de l'un d'eux seulement au registre du commerce suffit à conférer un caractère professionnel à l'activité, excluant en principe l'application des dispositions du code de la consommation - dernier arrêt cité – en l’espèce les anc. art. L. 121-23 s. ; solution applicable à un kinésithérapeute et son épouse, ayant souscrit neuf contrats, le mari étant inscrit sur le registre des loueurs en meublé, placements locatifs qui se rattachent tous à une activité professionnelle accessoire), sur appel de TJ Puy-en-Velay, 22 mars 2022 : RG n° 09/01201 ; Dnd.

V. aussi pour un conjoint collaborateur : exclusion des dispositions du code la consommation et notamment de la protection contre les clauses abusives, lorsqu’un contrat de location avec option d'achat d’une voiture a été conclu par un artisan et son épouse, laquelle avait la qualité de conjoint collaborateur avant la date de conclusion du contrat. CA Angers (ch. A civ.), 3 juin 2014 : RG n° 12/02309 ; Cerclab n° 4807 (action dirigée apparemment uniquement contre l’épouse), sur appel de TI Laval, 20 janvier 2012 : Dnd.

Prêts accordés par l’employeur à son salarié et son conjoint. Les prêts accordés par l’employeur au salarié sont en général soumis à la protection contre les clauses abusives, même si le particularisme de la situation peut justifier certaines clauses spécifiques (V. Cerclab n° 6640). Cette situation a justifié une question préjudicielle. Pour le rappel chronologique de cette affaire :

* Arrêt d’appel. Pour l’arrêt ayant justifié la question préjudicielle, déjà discutable à l’époque : les dispositions de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. ne sont pas applicables au prêt consenti par un employeur à un salarié en raison du contrat de travail, dès lors que c’est en sa seule qualité d'employeur qu’EDF a consenti ce prêt, même s’il existe en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, qu’EDF n'est pas un professionnel au sens de ce texte et que les époux, qui en ont bénéficié en qualité de salarié, n'ont pas la qualité de consommateur au sens de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. CA Saint-Denis de la Réunion (ch. civ.), 12 septembre 2014 : RG n° 13/00928 ; arrêt n° 14/781 : Cerclab n° 4905 (clause de résiliation de plein droit en cas de départ de l’entreprise ; N.B. la solution semble d’autant plus discutable en l’espèce, que le prêt a été accordé à un couple, alors que seul le mari était salarié d’EDF), sur appel de TGI Saint-Pierre de la Réunion, 29 mars 2013 : RG n° 12/01036 ; Dnd.

* Demande de question préjudicielle. La Cour de cassation a estimé que cette question était nouvelle : il résulte de l’arrêt du 30 mai 2013 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 30 mai 2013, Asbeek Brusse : C-397-11 et C-488/11), que c’est par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs définit les contrats auxquels elle s’applique, que ce critère correspond à l’idée sur laquelle repose le système de protection mis en œuvre par la directive, à savoir que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci. Cass. civ. 1re, 4 octobre 2017 : pourvoi n° 16-12519 ; arrêt n° 1027 ; Cerclab n° 7088. § La Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur l’applicabilité de l’ancien art. L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation à un contrat de prêt conclu entre EDF et un couple d’emprunteurs composé d’un de ses salariés et de son épouse, coemprunteur solidaire, en vue de l’acquisition de leur habitation principale. Il y a dès lors lieu de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour de justice se soit prononcée sur quatre questions préjudicielles afin de savoir si, dans cette hypothèse, EDF agit en tant que professionnel vis-à-vis de son salarié (1°) ou de son épouse (2°) et si, de leur côté, le salarié (3°) et son épouse (4°) peuvent être considérées comme des consommateurs. Même arrêt. § N.B. La formulation de la question doit sans doute être interprétée à la lumière de l’article liminaire. Si la réponse à la quatrième ne fait pas de doute (l’épouse qui emprunte pour l’acquisition de son habitation principale est une consommatrice, sauf à imposer la nature éventuellement professionnelle du prêt en raison de la qualité de son mari, V. ci-dessus), la troisième peut mettre en jeu la définition du consommateur et les deux premières celle du professionnel (il pourrait être soutenu qu’EDF n’agit pas à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale et industrielle). Par ailleurs, si la Cour n’a pas examiné la question dans le cadre des clauses abusives, elle l’a déjà fait pour la prescription de l’ancien art. L. 137-2 C. consom.

* Réponse de la CJUE. L’art. 2, sous b), de la directive 93/13/CEE doit être interprété en ce sens que le salarié d’une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des « consommateurs », au sens de cette disposition. CJUE (3e ch.), 21 mars 2019 : Aff. n° C-590/17 ; Cerclab n° 8078. § Pour la qualité de professionnel : l’art. 2, sous c), de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une entreprise qui octroie un crédit, réservé, à titre principal, aux membres de son personnel, doit être considérée comme un « professionnel », au sens de cette disposition, lorsqu’elle conclut un tel contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale. Même arrêt.

* Arrêt final de la Cour de cassation. Cassation, pour violation de l’anc. art. L. 132-1 C. consom., et de l’article 2, sous b) et sous c), de la directive 93/13/CEE de l’arrêt qui, pour dire que la résiliation de plein droit du contrat est intervenue le 1er janvier 2002 et condamner les emprunteurs à payer à la société EDF une certaine somme, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l’an à compter de cette date, sauf à déduire les sommes postérieurement versées, ainsi qu’une somme au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date, retient que c’est en sa seule qualité d’employeur et au regard de l’existence d’un contrat de travail le liant à l’emprunteur que la société EDF lui a octroyé, ainsi qu’à son épouse, un contrat de prêt immobilier, que cette société n’est pas un professionnel au sens de l’art. L. 132-1 C. consom., quand bien même il existerait en son sein un département particulier gérant les avances au personnel, et que les emprunteurs n’ont pas la qualité de consommateurs au sens de ce texte. Cass. civ. 1re, 5 juin 2019 : pourvoi n° 16-12519 ; arrêt n° 526 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8005.