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CA FORT-DE-FRANCE (ch. tax.), 20 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA FORT-DE-FRANCE (ch. tax.), 20 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Fort-De-France (CA)
Demande : 23/00001
Décision : 23/18
Date : 20/12/2023
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/01/2023
Numéro de la décision : 18
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.), 6387 (avocat, clauses d’honoraires)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10613

CA FORT-DE-FRANCE (ch. tax.), 20 décembre 2023 : RG n° 23/00001 ; ord. n° 23/18 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La SCI Taupinvest soutient que la convention d'honoraires signée constitue un contrat à distance et sollicite l'application des dispositions de l'article L.221-3 du code de la consommation au motif qu'elle n'avait aucun salarié à la date des faits. Elle sollicite la nullité de la convention d'honoraires au motif que le cabinet Y. a enfreint les dispositions des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code précité.

Il est constant qu'il entre dans les pouvoirs du bâtonnier, et sur recours, du premier président de la cour d'appel, saisis d'une demande de fixation des honoraires, de statuer sur les exceptions relatives à la validité de la convention d’honoraires

L'article L. 221-1 du code de la consommation définit le contrat à distance comme […]. L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Aux termes de l'article L.242-1 du code précité, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, s'il est constant que la convention d'honoraires a été conclue sans la présence physique des parties, il n'est pas établi qu'elle l'ait été par le biais d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance en dépit d'échanges de courriels entre ces mêmes parties. Elle ne peut dès lors constituer un contrat à distance.

La convention d'honoraires litigieuse ne peut être non plus qualifiée de contrat conclu hors établissement, aucun des critères d'établissement de ce type de contrat prévu à l'article L.221-3 précité n'étant réuni.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions du code de la consommation invoquées par la société Taupinvest ne sont pas applicables en l'espèce. Par conséquent, la demande de nullité formulée par la société Taupinvest pour non-respect des dispositions du code de la consommation sera rejetée. »

2/ « Il est de jurisprudence constante que la convention d'honoraires qui prévoit un honoraire de diligence dérisoire par comparaison à l'honoraire de résultat encourt la nullité.

Il appartient ici à la société Taupinvest de caractériser que l'honoraire de diligence est manifestement dérisoire au regard des circonstances alors connues par rapport au montant des honoraires de résultat. Ce caractère manifeste est destiné à établir que l'honoraire fixe n'a été contractuellement prévu que pour contourner artificiellement l'interdiction de la fixation d'honoraires uniquement centrés sur le résultat.

En l'espèce, les honoraires provisionnels de diligence mentionnés par la société Taupinvest correspondent à 6 % des honoraires de résultat sollicités par Maître Y. Il n'apparaît pas que ces honoraires soient dérisoires par comparaison aux honoraires de résultat sollicité par Maître Y. »

 

COUR D’APPEL DE FORT-DE-FRANCE

PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE TAXE DU 20 DÉCEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00001. Ord. n°23/18. N° Portalis DBWA-V-B7H-CLOE.

 

ENTRE :

SCI TAUPINVEST

représentée par Madame X., gérante, [Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître Emmanuelle DESAILLOUD de la SAS SAS ED CONSEILS SBH, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

 

ET :

M. Y.

[Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Laurence HUNEL OZIER-LAFONTAINE, avocat au barreau de MARTINIQUE

 

L'affaire a été débattue à l'audience publique du VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS à la Cour d'Appel DE FORT DE FRANCE par Monsieur Laurent SABATIER, Premier Président assisté de Madame Rose-Colette GERMANY, Greffier présent aux débats, les parties étant avisées que la décision sera rendue par mise à disposition le DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS ; Le délibéré à été prorogé aux QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS et VINGT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par lettre recommandée avec accusé de réception, réceptionnée le 25 mars 2022, Maître Y. a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Martinique et a demandé la taxation de ses honoraires au montant de 58.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2022.

Par ordonnance du 6 juillet 2022, M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Martinique a prorogé le délai prévu à l'alinéa 3 de l'article 175 du décret du 27 novembre 1991 d'une nouvelle durée de quatre mois.

Par décision en date du 9 novembre 2022, M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Martinique a fixé le montant des honoraires dus par la SCI Taupinvest à Maître Y., représentant la SELAS Cabinet Y., à la somme de vingt-trois mille euros (23.000 euros Ttc).

Par courrier recommandé expédié le 6 janvier 2023 et réceptionné au greffe le 10 janvier 2023, la SCI Taupinvest a saisi le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France à fin de réformer la décision de taxation d'honoraires du 9 novembre 2022.

[*]

Dans ses dernières conclusions, réceptionnées le 3 août 2023, elle demande à titre principal de déclarer nulle et de nulle effet la convention d'honoraires litigieuse et de débouter, en conséquence, la Selas Cabinet Y. en ses demandes. A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la réduction, dans des proportions conséquentes, l'honoraire de résultat et de condamner la SELAS Cabinet Y. aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle sollicite notamment la nullité de la convention d'honoraires conclue avec le Cabinet Y. Selas pour violation des dispositions des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation, vice de son consentement et atteinte au caractère complémentaire de l'honoraire de résultat. A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction du montant de l'honoraire de résultat prévu, lequel est excessif au regard du service rendu.

[*]

En réplique, Maître Y. demande au premier président de :

- supprimer du mémoire les phrases, paragraphes et propos visés dans le mémoire en défense signalées pages 03, 04 et 05 du présent mémoire ;

- débouter la SCI Taupinvest de son recours pour violation du principe du contradictoire ;

- subsidiairement, juger que la relation contractuelle entre la SCI Taupinvest et le Cabinet Y. ne constitue pas un contrat à distance, ni un contrat hors établissement ;

- débouter la SCI Taupinvest de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance querellé en ce qu'elle a débouté la SCI Taupinvest de sa demande de nullité de la convention de mission et d'honoraires qui la lie au Cabinet Y. ;

- l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- juger qu'à titre de conciliation, le Cabinet Y. Selas, consent que la base de calcul de l'honoraire pour service rendu, au titre de la démolition de l'immeuble, soit réduite à 1/5ème de la valeur de l'immeuble, dont la démolition a été évitée ;

- fixer le montant des honoraires pour service rendu, à la somme de 34.719,54 euros, soit (31.999,58 euros + 2.719,96 euros [Tva au taux de 8,5 %]), avec intérêts au taux légal à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 janvier 2022, reçue le 08 février 2022 ;

- condamner la SCI Taupinvest à payer au Cabinet Y. la somme de 34.719,54 euros avec intérêts au taux légal à compter du 08 février 2022, au titre de la note d'honoraires pour service rendu en date du 31 janvier 2022 ;

- condamner la SCI Taupinvest à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Taupinvest aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Maître Y. sollicite la suppression de certains propos figurant dans les écritures prises par la SCI Taupinvest, en ce qu'ils manquent des caractères de modération, délicatesse et courtoisie qu'imposent le serment de la profession d'avocat. Il sollicite également le rejet du recours formé par la SCI Taupinvest pour violation du principe de contradictoire en ce qu'elle n'a pas communiqué les pièces visées dans son mémoire introductif d'instance devant le premier président.

A titre subsidiaire, il conteste la nullité de la convention de mission pour violation des dispositions du code de la consommation en ce que la relation contractuelle entre le Cabinet Y. et la SCI Taupinvest ne s'apparente pas à un contrat à distance et n'a pas été conclue hors établissement. Il soutient que la SCI Taupinvest n'apporte pas la preuve du vice de consentement dont elle allègue l'existence.

Au surplus, il consent à réduire la base de calcul de l'honoraire de résultat s'agissant de la partie relative à la valeur de la démolition encourue.

[*]

Appelée à l'audience du 19 avril 2023, les parties ont été représentées et s'en sont rapportées à leurs écritures.

Par ordonnance du 7 juillet 2023, le premier président a invité Maître Y. à produire la lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé par laquelle il a saisi M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Martinique ainsi que la lettre par laquelle ce dernier a accusé réception de sa réclamation. Il a également invité la SCI Taupinvest à produire l'accusé de réception de la décision rendue par M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Martinique du 9 novembre 2022.

L'affaire a été de nouveau appelée à l'audience du 20 septembre 2023 en la seule présence du conseil de Maître Y.

Les débats clos la présente décision a été mise en délibéré au 18 octobre 2023 et a été prorogée au 15 novembre 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité du recours :

Il résulte de l'article 175 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 que le bâtonnier, saisi d'une réclamation, en accuse réception et informe le requérant que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d'appel dans le délai d'un mois.

Ce délai peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Aux termes de l'article 176 de ce même décret, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, dans un délai d'un mois.

En l'espèce, M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Martinique a rendu son ordonnance le 9 novembre 2022 après une prorogation du délai prévu à l'alinéa 3 de l'article 175 du décret du 27 novembre 1991 par ordonnance du 6 juillet 2022.

L'ordonnance du 9 novembre 2022 a été réceptionnée par la SCI Taupinvest le 27 décembre 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2023 et réceptionnée par la greffe de la cour d'appel le 10 janvier 2023, la SCI Taupinvest a saisi la présente juridiction.

Son recours formé dans le délai requis, soit celui d'un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, est par conséquent recevable.

 

Sur la suppression des passages outranciers :

L'article 24 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.

Il est de jurisprudence constante que les dispositions précitées ne peuvent fonder une demande de suppression de certains passages des conclusions d'une partie.

Seul l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 est applicable aux discours prononcés et aux écrits produits devant les tribunaux.

L'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 dispose ainsi que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

L'article 29 précise que toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.

Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.

En l'espèce, les passages dont Maître Y. sollicite la suppression sont les suivants :

En page 8 :

« la SCI Taupinvest reconnaît volontiers, que la réglementation de l'arbitrage des honoraires des avocats, place le Bâtonnier dans une situation difficile vis-à-vis de son confrère, demandeur à l'arbitrage, à plus forte, lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un Bâtonnier qui est concerné par cette demande, les relations d'amitié, voire fraternelles, pouvant faire douter d'une parfaite impartialité » ;

En page 9 :

« le vice du consentement ressort :

- de la contrainte exercée par Maître Y. sur le libre arbitre de la gérante de la SCI Taupinvest »

En page 10 :

« la gérante de la SCI Taupinvest est en droit d'invoquer cette faute, contraire aux règles de la profession d'avocat, afin d'expliquer comment elle s'est trouvée contrainte de donner son accord à la convention litigieuse »

« craignant qu'en raison de ce retard, la préservation des droits de la société Taupinvest soit compromise, la gérante s'est crue contrainte d'accepter les conditions de rémunération imposées par le Cabinet Y., qui a manifestement tiré profit de cette négligence de sa cliente, pour se soustraire aux règles déontologiques et aux usages de sa profession en matière de fixation de l'honoraire qui imposent à l'avocat de faire preuve de modération et de délicatesse »

En page 12 :

« le cabinet Y. a profité de ce que la société Taupinvest se croyait en défaut, pour lui imposer la signature d'une convention d'honoraires de résultats »

« Le sachant pertinemment, le cabinet Y. a tenté de se prémunir, par application de ce reproche, en faisant ajouter à sa cliente, la mention « librement accepté par moi ! »

En page 19 :

« Connaissant la réputation de Monsieur le […] Y., ne serait-ce qu'à travers les diverses notes de jurisprudence qu'il publie fréquemment dans les ouvrages spécialisés, tout laisse à penser qu'il a laissé la charge de ce dossier à un collaborateur peu expérimenté de son cabinet »

En page 20 :

« Après un tel concert de fautes de procédure, on aurait pu légitimement s'attendre à un peu plus d'humilité de la part de ce cabinet, car, au final, si l'arrêt du 30 mars 2021 a provisoirement écarté la menace que l'action de M. Z. faisait peser sur la société Taupinvest, on ne le doit guère aux exploits du cabinet Y., mais avant tout, à la faiblesse de la défense qui lui a été opposée, conjuguée à une décision quelque peu obsolète de la cour d'appel, au vu de la décision de principe rendue sur le sujet, un an auparavant, par la Cour de cassation ».

Il est constaté que les passages ci-dessus figurant aux pages 9, 10, 12 et 19 renferment l'imputation de faits dont la société Taupinvest s'estime avoir été victime et ne peuvent être par conséquent qualifiés d'injures.

S'agissant des passages figurant aux pages 8 et 20, il est relevé que pour vif que soit le ton employé par le conseil de la société Taupinvest, les propos concernés s'inscrivent dans le soucis légitime de rétablir la vérité.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la suppression des propos tenus dans les conclusions dès lors qu'ils ne contiennent aucune allégation véritablement injurieuse ou offensante mais sont simplement la manifestation de l'indignation éprouvée par la société Taupinvest.

La demande de suppression formulée par Maître Y. sera par conséquent rejetée.

 

Sur la demande de nullité de la convention d'honoraires pour non-respect des dispositions du code de la consommation :

La SCI Taupinvest soutient que la convention d'honoraires signée constitue un contrat à distance et sollicite l'application des dispositions de l'article L.221-3 du code de la consommation au motif qu'elle n'avait aucun salarié à la date des faits. Elle sollicite la nullité de la convention d'honoraires au motif que le cabinet Y. a enfreint les dispositions des articles L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code précité.

Il est constant qu'il entre dans les pouvoirs du bâtonnier, et sur recours, du premier président de la cour d'appel, saisis d'une demande de fixation des honoraires, de statuer sur les exceptions relatives à la validité de la convention d’honoraires

L'article L. 221-1 du code de la consommation définit le contrat à distance comme étant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat.

Le même article définit le contrat conclu hors établissement comme étant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

c) ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Aux termes de l'article L.242-1 du code précité, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, s'il est constant que la convention d'honoraires a été conclue sans la présence physique des parties, il n'est pas établi qu'elle l'ait été par le biais d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance en dépit d'échanges de courriels entre ces mêmes parties. Elle ne peut dès lors constituer un contrat à distance.

La convention d'honoraires litigieuse ne peut être non plus qualifiée de contrat conclu hors établissement, aucun des critères d'établissement de ce type de contrat prévu à l'article L.221-3 précité n'étant réuni.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions du code de la consommation invoquées par la société Taupinvest ne sont pas applicables en l'espèce.

Par conséquent, la demande de nullité formulée par la société Taupinvest pour non-respect des dispositions du code de la consommation sera rejetée.

 

Sur le vice du consentement :

A titre subsidiaire, la société Taupinvest sollicite la nullité de la convention d'honoraires pour vice du consentement en raison de la contrainte exercée par Maître Y. sur le libre arbitre de la gérante de la société Taupinvest, de l'imprécision de la convention d'honoraires quant à la nature du résultat recherché et de l'imprécision des modalités de calcul de cet honoraire.

L'article 1130 du code civil dispose que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1142 de ce code, la violence est une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

Aux termes de l'article 1143, il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

Il est rappelé que la violence invoquée doit avoir déterminée la société Taupinvest à signer la convention d'honoraires.

S'agissant de la contrainte exercée par Maître Y. sur le libre arbitre de la gérante de la société Taupinvest, il est constant que les parties ont conclu une convention d'honoraires non datée portant sur la procédure pendante devant la cour d'appel de Fort-de-France opposant la société Taupinvest à M. Z.

Aux termes de ladite convention, il était notamment prévu un honoraire de résultat à la section « honoraires pour service rendu », qu'un « honoraire complémentaire pour service rendu, sera payé par le client. il est égal à 10 % de la valeur des biens obtenus, des sommes obtenues, du profit réalisé, ou des pertes évitées, HT, la Tva au taux applicable en sus ».

Le troisième paragraphe de la même clause stipulait que « l'économie réalisée est constituée par la différence entre le montant des sommes réclamées et les condamnations prononcées ».

Il apparaît à la lecture des pièces produites que Mme X., gérante de la société Taupinvest, a reçu le 4 juillet 2017 un courriel de Maître Y. lui enjoignant de lui retourner une convention de mission signée par ses soins.

Mme X. lui a retourné le 6 juillet 2017 la convention signée et l'a informé de la réalisation à venir de deux règlements par virements à savoir un premier de 2.000 euros après le 12 juillet et un second de 1.350 euros après le 12 août.

Il peut en être déduit que durant ce laps de temps de deux jours, Mme X. a pu lire ladite convention, en comprendre l'économie et consentir librement, hors de toute pression de la part de son co-contractant, à sa signature.

La circonstance que la société Taupinvest n'ait été mise au courant que tardivement de l'appel interjeté par M. Z., ce qui a généré selon elle une situation d'urgence et une saisine tardive de Maître Y., ne permet pas d'établir que son consentement a été extorqué par violence par celui-ci.

S'agissant de l'imprécision de la convention d'honoraires, alléguée par la société Taupinvest, quant à la nature du résultat recherché, il est constaté que le préambule de ladite convention indique que « l'avocat s'engage à effectuer toutes les diligences, mettre en œuvre tous les moyens de droit et de procédure, pour assurer la défense jusqu'à l'obtention d'une décision définitive dans l'affaire qui lui est confiée ».

Il apparaît ainsi que le résultat recherché de la convention d'honoraires était d'assurer la défense de la société Taupinvest jusqu'à l'obtention d'une décision définitive dans la procédure d'appel confiée à Maître Y., ce qui fut réalisé par l'arrêt prononcé le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Fort-de-France lequel n'a pas fait l'objet d'une voie de recours.

S'agissant de l'imprécision des modalités de calcul de l'honoraire de résultat, la société Taupinvest soutient que la convention d'honoraires vise exclusivement, comme assiette de calcul de la perte évitée, la différence entre les sommes sollicitées par le demandeur et les sommes moindres allouées par la juridiction.

Toutefois, les affirmations de la société Taupinvest sont contredites par la lecture de la convention d'honoraires, laquelle indique que la différence entre le montant des sommes réclamées et les condamnations prononcées constitue l'économie réalisée et non les pertes évitées.

Il résulte de ce qui précède que l'existence d'un vice du consentement au moment de la signature de la convention d'honoraires par la gérante de la société Taupinvest n'est pas rapportée. Il y a donc lieu de rejeter sa demande de nullité de la convention d'honoraires pour vice du consentement.

 

Sur l'atteinte au caractère complémentaire de l'honoraire de résultat :

La société Taupinvest sollicite la nullité de la convention d'honoraires conclue avec Maître Y. au motif que l'honoraire de diligence, fixé à titre provisionnel à la somme de 3.550 euros, est dérisoire par rapport aux 58.000 euros d'honoraires de résultat sollicités.

Il est de jurisprudence constante que la convention d'honoraires qui prévoit un honoraire de diligence dérisoire par comparaison à l'honoraire de résultat encourt la nullité.

Il appartient ici à la société Taupinvest de caractériser que l'honoraire de diligence est manifestement dérisoire au regard des circonstances alors connues par rapport au montant des honoraires de résultat. Ce caractère manifeste est destiné à établir que l'honoraire fixe n'a été contractuellement prévu que pour contourner artificiellement l'interdiction de la fixation d'honoraires uniquement centrés sur le résultat.

En l'espèce, les honoraires provisionnels de diligence mentionnés par la société Taupinvest correspondent à 6 % des honoraires de résultat sollicités par Maître Y.

Il n'apparaît pas que ces honoraires soient dérisoires par comparaison aux honoraires de résultat sollicité par Maître Y.

La demande de nullité de la société Taupinvest à cet égard sera rejeté.

 

Sur la réduction de l'honoraire de résultat :

La société Taupinvest sollicite la réduction de l'honoraire de résultat, indiquant qu'il est exagéré au regard du service rendu. Elle soutient que Maître Y. a multiplié les erreurs de procédure et a oublié de conclure dans les délais requis, ses conclusions au fond ayant été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 juillet 2020.

Elle indique que la valeur de l'immeuble n'a pas été chiffrée dans la convention, étant inconnue de Maître Y. et que sa valeur de construction est insusceptible de définir l'éventuelle perte évitée, la surface de l'immeuble visée par la demande de démolition ne représentant que le cinquième de celui-ci.

Maître Y. a sollicité le paiement de ses honoraires de résultat à hauteur de 10 % des condamnations évitées, des condamnations obtenues et du préjudice matériel évité.

Il soutient que le préjudice matériel évité s'élève à 449.979,77 euros, soit la valeur de l'immeuble, dont la démolition a été refusée, qui lui a été communiquée par Mme X. par courriel du 10 mai 2021. Il accepte que la base de calcul du préjudice matériel évitée soit calculée sur le cinquième de la valeur de l'immeuble, soit un montant de 89.995,80 euros.

Il est de jurisprudence constante que l'honoraire complémentaire de résultat convenu entre l'avocat et son client peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu.

L'appréciation de la proportionnalité entre le service rendu et l'honoraire de résultat doit être réalisée en l'état des éléments concrets du litige entre l'avocat et son client comme des circonstances particulières de l'espèce.

Il est rappelé que le premier président, dans le cadre de la présente procédure, n'a pas le pouvoir de connaître de la responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client en raison de ses fautes ou d'un manquement à son devoir de conseil et d'information et ne peut réduire pour de tels motifs les honoraires réclamés.

En l'espèce, s'agissant des condamnations évitées et obtenues, il n'est pas contesté par la société Taupinvest que la demande de M. Z. portait sur la condamnation in solidum des sociétés Le Gaoule, LM Invest, Taupinière et Taupinvest à lui payer la somme totale de 906.000 euros, soit la somme de 226.500 euros pour la seule société Taupinvest, et qu'il a été condamné à lui payer la somme de 3.500 euros.

Toutefois, s'agissant du préjudice matériel évité, son montant n'apparaît pas fondé, le bâtonnier l'estimant notamment à bon droit en raison du coût de l'éventuelle démolition, de son éventuel caractère définitif ainsi que de sa prise en charge par une police d'assurance.

En l'absence de tout élément permettant de déterminer le montant réel du préjudice matériel évité, il y a lieu de réduire l'honoraire de résultat en retirant de sa base de calcul le montant de 449.979,77 euros.

S'agissant de la contribution de Maître Y. au résultat obtenu, il est rappelé que les diligences effectuées lors de la procédure de première instance sont sans objet en l'espèce, la convention d'honoraires n'ayant été conclue que pour la défense de la société Taupinvest dans la procédure d'appel.

Il n'est pas contesté par Maître Y. l'absence de dépôt de conclusions au fond dans les délais impartis tel qu'allégué par la société Taupinvest.

Il est constaté à la lecture de ses conclusions écrites qu'il indique que la cour d'appel de Fort-de-France a retenu l'argumentation du jugement de première instance, lequel avait retenu sa propre argumentation.

La société Taupinvest verse aux débats un document intitulé « Exécution & rémunération de la mission de défense » produit par Maître Y. en date du 31 janvier 2022, aux termes duquel celui-ci produit un état détaillé des diligences facturables, lequel indique sans plus de précision quant au temps consacré ou aux diligences réellement effectuées, pour la procédure d'appel, le montant total des prestations effectuées Ht, le montant total des honoraires Ht, frais et débours appelés ainsi que le montant des honoraires non appelés Ht, le total s'élevant à un montant de 28.991,95 euros.

Il est par ailleurs constaté que Maître Y. déclare un montant total des diligences facturables pour la procédure d'appel similaire à celui de la procédure de première instance, qui s'élève à 25.302,67 euros.

Il est également constaté que Maître Y. ne verse aux débats aucune facture ni aucun détail des diligences accomplies.

Il résulte de ce qui précède que l'honoraire complémentaire pour service rendu égal tel que fixé par la convention d'honoraires apparaît excessif au regard des diligences effectuées par Maître Y.

Au regard de ces éléments, il convient d'infirmer l'ordonnance rendue par M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Martinique, et de réduire l'honoraire de résultat à 5 % de la valeur des biens obtenus, des sommes obtenues, du profit réalisé ou des perte évitées Ht.

L'honoraire de résultat sera donc fixé à la somme de 11.500 euros Ttc.

Succombant, Maître Y. sera condamné au paiement des dépens de la procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le premier président, statuant en matière de contestation d'honoraires, contradictoirement et par mise à disposition :

Déclare recevable le recours formé par la SCI Taupinvest ;

Rejette la demande de suppression de passages des conclusions de la SCI Taupinvest formulée par Maître Y. ;

Rejette les demandes de nullité présentées par la SCI Taupinvest ;

Infirme l'ordonnance du 9 novembre 2022 rendue par M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Martinique ;

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 11.500 euros Ttc l'honoraire de résultat dû par la SCI Taupinvest à Maître Y. ;

Condamne la SCI Taupinvest à payer à Maître Y. la somme de 11.500 euros Ttc ;

Condamne Maître Y. aux dépens de l'instance.

Le Greffier                                                   Le Premier Président