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T. COM. LYON, 18 mai 2004

Nature : Décision
Titre : T. COM. LYON, 18 mai 2004
Pays : France
Juridiction : Lyon (TCom)
Demande : 2002/00774
Date : 18/05/2004
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Lamyline
Date de la demande : 25/02/2002
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1109

T. COM. LYON, 18 mai 2004 : RG n° 2002/00774 et 2002/01086

Publication : Lamyline ; Lamy transport

 

Extrait : « Attendu qu'il appartient au Tribunal de rechercher la réalité des conditions dans lesquelles s'est déroulée la relation contractuelle entre la société TND NORD et Monsieur X., plutôt qu'à l'aspect formel du contrat produit ;

Attendu que les pièces produites au débat illustrent sans conteste possible le déséquilibre patent entre les parties audit contrat notamment en termes de possibilité de négociation ;

Attendu qu'il est indifférent que la société TND NORD, usant abusivement de son pouvoir, ait imposé à Monsieur X. des obligations normalement mises à la charge d'un transporteur, à savoir une obligation de garantie quant aux éventuels dommages susceptibles d'affecter les marchandises transportées, outre une obligation de souscription d'une assurance garantissant de tels dommages, alors même que selon les constatations précédentes du Tribunal, les liens liant la société TND NORD et Monsieur X. s'analysent limitativement comme ceux d'une location d'un véhicule avec chauffeur et non pas de transporteur ;

Attendu qu'il convient de stigmatiser l'attitude scandaleuse de la société TND NORD, qui non contente d'essayer de requalifier le contrat qu'elle a elle-même établi, tente de lui donner maintenant une apparence économique qu'à l'évidence il n'a pas ;

Attendu dès lors, que tant la réalité économique dudit contrat, que les conditions dans lesquelles il a été signé écartent toute responsabilité de Monsieur X. en termes de dommages aux marchandises transportées nonobstant les dispositions de l'article 13 dudit contrat ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE LYON

JUGEMENT DU 18 MAI 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2002J00774, 2002J01086.

 

Rôle nº 2002J00774

ENTRE :

- la Compagnie GROUPAMA TRANSPORT Région Rhône Alpes

[adresse]

- la société LAFUMA SA

[adresse]

DEMANDEURS - représenté (s) par Maître RODAMEL Xavier, Avocat

 

ET :

- la société TRANSPORT NORBERT DENTRESSANGLE SAS

[adresse] - DÉFENDEUR - représenté (s) par Maître RAMBAUD Christophe, Avocat

- Monsieur X.

[adresse] - DEFENDEUR - représenté (e) par Maître BERTIN Laurent, Avocat

- la Compagnie HELVETIA société suisse d'assurances

[adresse] - DÉFENDEUR - représenté (e) par Maître BONNARD-VIAL Nathalie, Avocat

 

Rôle nº 2002J1086

ENTRE :

- la société TRANSPORTS NORBERT DENTRESSANGLE SAS

[adresse]

- la société TND NORD

[adresse]

DEMANDEURS, représenté (s) par Maître RAMBAUD Christophe, Avocat

 

ET :

- Monsieur X.

[adresse] - DÉFENDEUR - représenté (e) par Maître BERTIN Laurent, Avocat

- la compagnie HELVETIA

[adresse] - DÉFENDEUR - représenté (e) par Maître BONNARD-VIAL Nathalie, Avocat

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS :

LES FAITS :

La société LAFUMA a confié à la société TRANSPORT NORBERT DENTRESANGLE (ci-après désignée par TND) le soin d'acheminer cinq palettes de vêtements depuis son siège à destination du Royaume Uni, chez son client la société SCOUT SHOPS Ltd. A cet effet, la société TND, commissionnaire de transport, et la société TND NORD, commissionnaire intermédiaire ont retenu les services de Monsieur X., qui en qualité de tractionnaire, a attelé une semi-remorque chargée des palettes en question à son tracteur le 21 mars 2001 à Saint-Priest, en vue de l'acheminement de celle-ci à Calais.

Pendant le transport, une partie des marchandises était dérobée, lors du stationnement de Monsieur X. sur une aire de repos au bord de la RN 67 sur le territoire de la commune [ville].

La compagnie d'assurances GROUPAMA TRANSPORT indemnisait la société LAFUMA du préjudice correspondant, soit la somme de 388.662,80 francs (59.251,26 Euros), déduction faite de la franchise contractuelle de 2.500 francs (381,12 Euros).

La tentative de recouvrement amiable de cette somme auprès de TND étant restée vaine, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA ont été contraintes d'assigner la société TND, Monsieur X. et l'assureur de ce dernier, la compagnie HELVETIA devant la juridiction de céans aux fins de les voir condamner à les indemniser à hauteur de leur préjudice.

En suite de cette assignation, les sociétés TND et TND NORD appelaient en garantie Monsieur X. et son assureur, la compagnie HELVETIA.

C'est en l'état que le présent litige a été soumis à l'appréciation de la juridiction de céans.

 

LA PROCÉDURE :

Par assignations régulièrement signifiées les 25 et 27 février 2002, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA requièrent du Tribunal :

* qu'il dise et juge responsables la société TND et l'entreprise X., sur la base d'une faute lourde, de la perte des marchandises à elles confiées le 20 mars 2001 par la société LAFUMA ;

* qu'il condamne in solidum la société TND, l'entreprise X. et la compagnie HELVETIA à payer les sommes de :

- 59.251,26 Euros (388.662,80 francs) à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT subrogée à hauteur de cette somme

- 381,12 Euros (2.500 francs) à la société LAFUMA au titre de la franchise contractuelle restée à sa charge ;

* qu'il alloue les intérêts de droit sur ces sommes à compter de l'assignation ;

* qu'il ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

* qu'il condamne les mêmes sous la même solidarité à payer à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT la somme de 2.500 Euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

* qu'il ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

* qu'il condamne les mêmes aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du NCPC.

Cette instance a été enrôlée au Greffe sous le numéro 02J00774.

 

Par assignations régulièrement signifiées les 15 et 18 mars 2002, les sociétés TND et TND NORD requièrent du Tribunal :

* qu'il donne acte à la société TND NORD de son intervention volontaire ;

* qu'il donne acte aux sociétés TND et TND NORD de ce qu'elles se réservent la possibilité de contester tant la recevabilité que le bien fondé de l'action engagée à la requête de la société LAFUMA et de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT ;

* qu'il déclare recevables et bien fondées les sociétés TND et TND NORD en leur assignation en garantie ;

* y faisant droit, qu'il condamne conjointement, solidairement, in solidum, ou l'un à défaut de l'autre les TRANSPORTS X. et la compagnie HELVETIA à relever et garantir les sociétés TND et TND NORD de toutes les condamnations éventuellement prononcées à leur encontre, en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts et accessoires ;

* qu'il ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

* qu'il ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution.

Cette instance a été enrôlée au Greffe sous le numéro 02J01086.

 

Dans ses écritures du 30 mai 2002, la compagnie HELVETIA demande au Tribunal de :

* constater que Monsieur X. est intervenu au transport dont s'agit en qualité de loueur de véhicule ;

* dire et juger que le loueur de véhicule n'intervient pas au transport en qualité de transporteur présumé responsable des pertes se produisant au cours du transport au sens de l'article 17 de la CMR ;

* dire et juger en conséquence que l'action de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et de la société LAFUMA dirigée à l'encontre de Monsieur X. et de son assureur et fondée sur l'article 17 de la CMR est irrecevable et en tous cas mal fondée ;

* dire et juger que l'appel en garantie des sociétés TND et TND NORD fondée sur une demande principale irrecevable et/ou mal fondée est, a fortiori et par ricochet, également irrecevable et au besoin mal fondée ;

* subsidiairement, dire et juger que Monsieur X. n'a commis aucune faute dans le cadre des opérations de conduite à l'égard de la société TND NORD et/ou de la société TND ;

* en conséquence, déclarer les sociétés TND et TND NORD mal fondées en leurs demandes à l'encontre de Monsieur X. et de son assureur ;

* à titre très subsidiaire, dire et juger que le chauffeur n'a pas commis de faute lourde en l'espèce, et que l'indemnité maximale susceptible d'être allouée aux ayant droits ne saurait excéder la contre-valeur en Euros de 8,33 DTS x 459,77 kg, le cours du DTS à retenir étant celui du jour du jugement à intervenir ;

* en tout état de cause, condamner in solidum la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, la société LAFUMA, les sociétés TND et TND NORD à payer à la compagnie HELVETIA ASSURANCES la somme de 3.800 Euros en remboursement des frais non taxables en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens.

 

Dans leurs écritures en date du 5 Juillet 2002, les sociétés TND et TND NORD requièrent du Tribunal :

* qu'il déclare irrecevables et à tout le moins parfaitement mal fondées la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA en toutes leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter ;

* subsidiairement qu'il condamne Monsieur X. et son assureur, la compagnie HELVETIA à relever et garantir les sociétés TND et TND NORD de toutes les condamnations éventuellement prononcées à leur encontre en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts et accessoires ;

* plus subsidiairement encore, qu'il dise et juge Monsieur X., la compagnie HELVETIA, et/ou les sociétés TND et TND NORD, recevables et fondés à opposer aux demandes formulées par la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA les limitations de responsabilité, telles qu'elles résultent des dispositions de l'article 23 de la CMR ;

* qu'il dise et juge que dans ces conditions, le montant de l'indemnité éventuellement due ne saurait être supérieur à 3.829,88 DTS ;

* qu'il dise et juge qu'en toute hypothèse, la société TND NORD relèvera la société TND de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts et accessoires ;

* qu'il condamne la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, la société LAFUMA et/ou Monsieur X. et son assureur, la compagnie HELVETIA aux entiers dépens, outre au paiement d'une somme de 2.500 Euros par application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

 

Dans ses conclusions déposées à l'audience du 30 Septembre 2002, et réitérées dans ses écritures du 11 Mars 2003, Monsieur X. demande au Tribunal de :

* dire et juger que Monsieur X. est lié avec la société TND NORD par un contrat de location de véhicule avec tracteur lui conférant la qualité de loueur ;

* dire et juger qu'en l'absence d'un contrat de transport, la présomption de responsabilité de l'article 17 de la CMR n'est pas opposable à Monsieur X. ;

* en conséquence, dire et juger irrecevables les actions engagées tant par la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT que par les sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X. sur le fondement de l'article 17 de la CMR ;

* subsidiairement, dire et juger que Monsieur X. n'a commis aucune faute dans le cadre des opérations de conduite à l'égard des sociétés TND et TND NORD ;

* déclarer mal fondées les demandes des sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X. ;

* à titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu'en l'absence de faute lourde, Monsieur X. est recevable et bien fondé à opposer les limites de responsabilité prévues à l'article 23 de la CMR :

* dire et juger que l'indemnité éventuellement due ne saurait être supérieure à 3.829,88 DTS ;

* dire et juger qu'en tout état de cause, la compagnie HELVETIA relèvera Monsieur X. de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts et accessoires ;

* en tout état de cause et à titre reconventionnel, dire et juger Monsieur X. recevable et bien fondé à engager la responsabilité de la société TND NORD au visa de l'article L. 442-6-2º du Code de Commerce ;

* la condamner à lui verser la somme de 100.000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

* condamner la société LAFUMA, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et les sociétés TND et TND NORD aux entiers dépens, outre au paiement de la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du NCPC.

 

Dans leurs écritures en réplique du 7 novembre 2002, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA, reprenant le bénéfice de leur acte introductif d'instance, requièrent en outre du Tribunal qu'il :

* dise et juge que la société TND voit sa responsabilité engagée à titre principal sur le fondement des articles L. 132-5 et L. 132-6 du Code de Commerce, et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 17 de la CMR ;

* dise et juge que Monsieur X. voit sa responsabilité engagée à titre principal sur le fondement de l'article 17 de la CMR, en sa qualité de voiturier et à titre subsidiaire en qualité de loueur, par application des dispositions de l'article 13 du contrat de location le liant avec TND, faisant peser sur lui la conservation des marchandises ;

* qu'il constate que la compagnie HELVETIA ne conteste pas devoir garantie à son assuré, Monsieur X. ;

et en outre requièrent que le taux des intérêts réclamés soit fixé à 5 %.

 

Dans leurs écritures en réplique du 7 janvier 2003, les sociétés TND et TND NORD, reprenant le bénéfice de leurs précédentes conclusions, requièrent en outre du Tribunal qu'il déclare irrecevables et en tout cas mal fondés Monsieur X. et la compagnie HELVETIA en toutes leurs demandes, fins et conclusions.

 

Dans leurs conclusions en réponse et récapitulatives nº 2 du 11 mars 2003, les sociétés TND et TND NORD reprennent le bénéfice de l'ensemble de leurs précédentes écritures et demandent en outre au Tribunal, à titre subsidiaire, de dire et juger que la compagnie HELVETIA sera tenue de garantir son assuré, Monsieur X., au minimum à hauteur de 60 % du montant de l'indemnité éventuellement allouée par le Tribunal.

 

Dans ses conclusions récapitulatives nº 2 déposées à l'audience du 8 avril 2003, la compagnie HELVETIA, reprenant le bénéfice de ses précédentes écritures, requiert du Tribunal qu'il dise et juge que le contrat liant la société TND NORD avec M. X. s'analyse en réalité comme un contrat de travail, de telle sorte que la responsabilité de ce dernier ne peut être recherchée sur le fondement des dispositions légales applicables au droit des transports, et qu'il constate que la compagnie HELVETIA ne garantit pas le sinistre en l'espèce, et la mette en conséquence purement et simplement hors de la cause.

 

Dans leurs conclusions récapitulatives et complémentaires nº 2 du 16 mai 2003, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et la société LAFUMA reprennent le bénéfice de l'ensemble de leurs précédentes écritures, et demandent en outre au Tribunal qu'il déboute la compagnie HELVETIA de sa contestation de garantie à l'égard de son assuré, Monsieur X.

 

LES MOYENS DES PARTIES :

A l'appui de ses prétentions, la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT font valoir :

* que la société LAFUMA est recevable et a qualité à agir, dans la mesure où il n'est pas contesté qu'elle a confié le transport de 76 colis à la société TND, que durant ce transport, 56 colis ont été dérobés, et qu'elle a dûment été indemnisée de la perte correspondante par la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, à l'exception de la franchise contractuelle ;

* que la compagnie GROUPAMA TRANSPORT est également recevable et a qualité à agir par effet de l'Article L. 121-12 du Code des Assurances, dans la mesure où elle justifie de l'indemnisation de la société LAFUMA par le biais d'une quittance subrogative dûment produite aux débats ;

* qu'il n'est pas davantage contesté que la société TND a agi en qualité de commissionnaire de transport pour la société LAFUMA, et qu'en vertu de l'article L. 132-6 du Code de Commerce, elle doit la garantie de bonne fin du transport, et en raison des faits commis par ses substitués ;

* que la responsabilité de Monsieur X. est fondée sur l'article 17 de la CMR, en sa qualité de voiturier affrété par la société TND, et qu'en cas de faute lourde, aucune limite de responsabilité ne peut lui bénéficier ;

* qu'à supposer que le Tribunal retienne la qualification de contrat de location de véhicule avec chauffeur entre la société TND et Monsieur X., l'article 13 dudit contrat met à la charge du loueur la même responsabilité qu'assume un transporteur vis à vis du commissionnaire ;

* que tant la société LAFUMA que la Compagnie GROUPAMA TRANSPORT ont qualité à agir à l'encontre de Monsieur X., d'une part par l'action directe diligentée contre lui, et d'autre part par ricochet, de par les liens contractuels liant la société LAFUMA et TND, et la société TND à Monsieur X. ;

* que la faute lourde des transporteurs est avérée, dès lors que la semi-remorque n'était ni cadenassée ni plombée, et que selon l'Expert commis par la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, le lieu de stationnement où est intervenu le vol n'était pas adapté pour un stationnement de nuit, ce que ne pouvait ignorer Monsieur X., habitué du trajet emprunté ;

* que dès lors, les limitations de la convention CMR ne trouvent pas à s'appliquer, et que la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT ont droit à entière indemnisation du préjudice qu'elles ont subi, outre aux intérêts au taux de 5 %, tels que prévu à la convention CMR ;

* qu'enfin, la compagnie HELVETIA doit être déboutée de sa contestation de garantie à l'égard de Monsieur X., dès lors qu'elle reconnaît elle-même l'absence de faute lourde de Monsieur X., et qu'en outre la décision qu'elle cite n'est pas transposable au cas de l'espèce.

 

En ce qui les concernent, les sociétés TND et TND NORD exposent :

* que la société TND est intervenue en qualité de commissionnaire de transport, et a affrété la société TND NORD, laquelle est intervenue en qualité de commissionnaire intermédiaire, et s'est substituée Monsieur X. pour l'exécution d'une partie du transport ;

* que dès lors, si certes la société TND doit, au visa des articles L. 132-5 et L. 132-6 du Code de Commerce, indemniser les sociétés requérantes, parallèlement, Monsieur X., en sa qualité de transporteur, doit intégralement relever les sociétés TND et TND NORD de toutes condamnations éventuelles ;

* que si le contrat liant la société TND NORD à Monsieur X. porte l'intitulé « contrat de location de véhicule avec conducteur », il est dans les attributions du Tribunal de requalifier ledit contrat en « contrat de transport », et qu'à tout le moins, les articles 13 à 20 de ce contrat sont de nature à démontrer que la convention en question s'analyse en un contrat de transport ;

* qu'en tout état de cause, ce contrat ne saurait s'analyser en contrat de travail, ainsi que voudrait le faire accroire la compagnie HELVETIA, dès lors que les critères de nature à déterminer l'existence d'un contrat de travail ne sont pas réunis ;

* qu'en outre, quelle que soit la qualification que retiendra le Tribunal du contrat produit, il pesait sur Monsieur X. le respect des obligations contractuelles qu'il avait souscrites, et notamment le respect des stipulations de l'article 13 dudit contrat, qui faisaient peser sur lui la responsabilité de tous les dommages concernant la marchandise transportée dans le véhicule du locataire ;

* que la décision citée du Tribunal de Commerce de Paris du 21 janvier 2002 n'est pas transposable au cas de l'espèce, dans la mesure où les circonstances sont différentes, et surtout de par l'absence de tout écrit entre les parties ;

* que dès lors, c'est à bon droit que les sociétés TND et TND NORD sollicitent la condamnation de Monsieur X. et de son assureur, la compagnie HELVETIA à les relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;

* qu'en outre, la maîtrise des opérations de conduite reposait intégralement sur Monsieur X., et qu'il est démontré qu'il n'a pas agi dans des conditions normales de vigilance, de sorte que sa responsabilité est incontestablement engagée et la garantie de son assureur totalement acquise ;

* que si le Tribunal devait retenir l'hypothèse inverse, alors les circonstances du vol ne seraient pas constitutives de faute lourde, et partant, les sociétés TND et TND NORD seraient fondées à opposer à la société LAFUMA et à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT les limitations de responsabilité résultant des dispositions de l'article 23 de la CMR ;

* que la compagnie HELVETIA doit la garantie à son assuré, Monsieur X., dans la mesure où la clause « vol » de la police en cause ne subordonne pas la garantie de l'assureur à l'équipement d'un dispositif antivol sur la semi-remorque utilisée, mais à la seule mise en œuvre des dispositifs existants, ce qui semble être le cas, puisque les voleurs ont déchiré la bâche pour commettre leur délit ;

* qu'en tout état de cause, à supposer que les instructions de prévention prévues par la police n'aient pas été respectées, la garantie de la compagnie HELVETIA reste néanmoins acquise à hauteur de 60 % du montant des dommages arrêtés par le Tribunal ;

* que la demande reconventionnelle de Monsieur X. au visa de l'article L. 442-6 du Code de Commerce est irrecevable, infondée, injustifiée et abusive, d'une part, en raison de l'absence de preuve des contraintes qu'il allègue, d'autre part, compte tenu de l'ancienneté des relations entre les deux parties, en outre, en regard de la durée de chacun des contrats, et enfin, de par sa renonciation expresse à tout recours contre le locataire.

 

De son côté, Monsieur X. fait valoir :

* qu'il n'existe pas de contrat de transport entre lui-même et la société TND NORD, mais un contrat de location de véhicule avec chauffeur, excluant dès lors toute possibilité d'action de la société LAFUMA et de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT à son endroit fondée sur l'article 17 de la CMR, outre toute possibilité d'action en garantie à son endroit des sociétés TND et TND NORD sur le même fondement ;

* que la demande de requalification du contrat en question par les sociétés TND et TND NORD devra être rejetée, dès lors tout d'abord, que cet intitulé a été choisi par la société TND NORD elle-même et résulte de la commune intention des parties, qu'ensuite, le mode de rémunération retenu concerne celui d'une location de véhicule avec tracteur, qu'enfin, le nom de Monsieur X. ne figure sur aucun des documents du transport en question ;

* que compte tenu de la qualification retenue dudit contrat en contrat de location de véhicule avec chauffeur, la clause d'endossement de responsabilité, telle que stipulée à l'article 13 du contrat devra être écartée, par application de la jurisprudence du Tribunal de Commerce de Paris précitée ;

* que de plus, il ne saurait être reproché de faute à Monsieur X., et a fortiori de faute lourde, dès lors que tout d'abord, la semi-remorque qu'il a tractée était dépourvue de plombage et de cadenas et était seulement bâchée, qu'ensuite, eu égard aux impératifs de livraison fixés par la société LAFUMA, la société TND NORD ne pouvait ignorer que le transport imposerait un arrêt de nuit, que de plus, la société TND NORD s'est abstenue de donner toutes indications à Monsieur X. sur le contenu de la marchandise, ou toutes instructions sur le choix d'une aire de repos ;

* qu'en tout état de cause, si sa responsabilité devait être recherchée, elle serait limitée par l'article 23 de la CMR ;

* que l'exclusion de garantie de la compagnie HELVETIA devra être rejetée car tardive et injustifiée ; qu'en effet la clause d'exclusion de garantie sur laquelle s'appuie la compagnie HELVETIA impose seulement la mise en œuvre du ou des dispositifs antivol existants, mais ne subordonne pas la garantie de l'assureur à l'équipement d'un dispositif antivol par l'assuré ; qu'en l'espèce, tout laisse à penser que le dispositif antivol existant a été mis en œuvre, dès lors que les voleurs ont été contraints de déchirer la bâche pour perpétrer le vol ;

* qu'à tout le moins, la compagnie HELVETIA devra garantir à hauteur de 60 % du montant des dommages et intérêts alloués par le Tribunal, en application de l'article 4 de la clause vol ;

* que sa demande reconventionnelle est parfaitement justifiée, dès lors qu'il est établi :

* que Monsieur X. est un transporteur indépendant, propriétaire d'un seul véhicule, dont il est le chauffeur ;

* que par le biais du contrat de location susvisé, il met son véhicule ainsi que lui-même en qualité de personnel de conduite à la disposition exclusive de la société TND NORD, et se trouve de fait dans une position de dépendance économique ;

* qu'il est inséré dans son contrat de location de véhicule avec chauffeur, lui imposant donc des obligations normales de conduites, un transfert de responsabilité des marchandises l'obligeant à souscrire une assurance en responsabilité civile pour les couvrir, introduisant de fait des obligations de transport ;

* que ce faisant, la société TND NORD intervient dans l'exécution de prestations de transport sans le moindre investissement et sans que sa responsabilité puisse être engagée ;

* que la société TND ou ses prédécesseurs en droit n'imposaient pas de tels transferts de responsabilité lors des contrats antérieurs.

 

Enfin, la compagnie HELVETIA expose :

* que l'action engagée par la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT à l'encontre de Monsieur X. et de son assureur est irrecevable et mal fondée, car reposant sur l'article 17 de la CMR, qui ne vise que la responsabilité du transporteur, alors même que Monsieur X. n'est intervenu dans le cadre du transport en question qu'en qualité de loueur, ainsi qu'en atteste le contrat de location de véhicule avec chauffeur entre Monsieur X. et la société TND NORD produit aux débats ;

* qu'en outre, la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT n'ont pas engagé d'action à l'encontre du commissionnaire intermédiaire, la société TND NORD, et surtout ne sont pas parties au contrat de location précité, de sorte qu'elles n'ont pas qualité à agir à l'encontre de Monsieur X. et donc de son assureur, la compagnie HELVETIA ;

* que l'appel en garantie initié par les sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X. ne saurait davantage prospérer, dès lors qu'il est fondé sur l'article 17 de la CMR, qui ne vise que la responsabilité du transporteur, qualité que n'avait pas Monsieur X. ;

* que la tentative de requalification du contrat liant la société TND NORD et Monsieur X. est aussi vaine que scandaleuse, dès lors, que le contrat a été rédigé par la société TND NORD, qu'en outre cette dernière a réitéré ce contrat postérieurement au litige en question, en lui conservant le même intitulé, et qu'enfin, les mêmes arguments que ceux développés par Monsieur X. doivent être repris ;

* qu'au surplus, les relations contractuelles entre Monsieur X. et la société TND NORD montrent un lien de subordination juridique permanent, de sorte que le contrat en question s'apparente à un contrat de travail ;

* que les sociétés TND et TND NORD ne sauraient mettre en cause la responsabilité de Monsieur X. au titre des opérations de conduite, dont il avait la maîtrise, dès lors, tout d'abord, que la semi-remorque était dépourvue de tout plombage ou de tout cadenas, qu'ensuite, aucune instruction de route n'avait été fournie à Monsieur X. par la société TND NORD, malgré sa qualité de locataire et donc de responsable des opérations de transport ;

* qu'elle dénie sa garantie à Monsieur X., non pas en raison d'une quelconque faute de celui-ci, mais en raison du fait que la semi-remorque en question était dépourvue de tout système antivol, exigé par les règles de prévention ;

* qu'en tout état de cause, la garantie est limitée par l'application de l'article 23 de la CMR ;

* enfin, qu'il est faux de prétendre qu'elle aurait consenti sa garantie tout au long de la procédure, dès lors qu'elle n'avait pas manqué d'indiquer au courtier de Monsieur X., à la réception de l'assignation dont ce dernier avait fait l'objet, que les règles de prévention de la clause vol n'avaient pas été respectées, de sorte que la garantie de la compagnie HELVETIA n'était pas acquise.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II – DISCUSSION :

Attendu qu'il sera fait masse des pièces versées aux débats, que le Tribunal y fera référence en tant que de besoin et y renverra les Parties ;

Attendu que le Tribunal donnera acte à la société TND NORD de son intervention volontaire, outre de ce qu'elle relèvera garantie la société TND de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;

Attendu que vu les circonstances de la cause, il convient d'ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros 02J00774 et 02J01086 ;

Attendu que la solution du litige passe tout d'abord par la détermination de la nature des liens entre la société TND NORD et Monsieur X., puis par la recherche d'une éventuelle faute des sociétés TND et TND NORD, puis de l'appel en garantie dirigé par les sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X., et enfin de la demande reconventionnelle dirigée par Monsieur X. à l'encontre des sociétés TND et TND NORD ;

Attendu que le Tribunal examinera donc successivement ces différents aspects du litige ;

 

Sur la nature des liens entre la société TND NORD et Monsieur X. :

Attendu qu'il ne peut être sérieusement contesté que Monsieur X. est intervenu en qualité de loueur de véhicule avec chauffeur dans le cadre du transport des marchandises ayant été dérobées ;

Attendu en effet, que le Tribunal observera en préambule, que le contrat du 1er octobre 2000 produit aux débats a pour intitulé « contrat de location de véhicule avec conducteur » ;

Attendu que le Tribunal dira d'ores et déjà tout particulièrement malvenues les sociétés TND et TND NORD dans leur tentative de requalification de ce contrat, dès lors qu'il est patent que celui-ci a été établi par la société TND NORD, le Tribunal en voulant pour preuve le papier à en-tête portant le logo « NORBERT DENTRESANGLE », outre la modification manuscrite de l'adresse de Monsieur X., laissant suggérer a fortiori que ledit contrat a été rédigé sinon par la société TND NORD, à tout le moins par son conseil ;

Attendu, toujours sur le plan formel, que le Tribunal relèvera :

- que les termes de « loueur » et de « locataire », désignant les cocontractants apparaissent tout au long dudit contrat et sont repris dans ses avenants ;

- que le nouveau contrat signé le 1er janvier 2002, soit postérieurement au vol litigieux, est intitulé de la même manière, et construit selon la même structure ;

Attendu sur le fond, que le Tribunal observera que le contrat en question porte sur un véhicule bien défini, qu'il prévoit une rémunération fixe au kilomètre parcouru et indépendante de la nature des transports, que ladite rémunération est assortie d'un forfait mensuel garanti outre d'une recette minimale annuelle, et qu'enfin Monsieur X. travaille de manière exclusive pour la société TND NORD ;

Attendu qu'indépendamment des critères de forme, ces caractéristiques sont de nature à conférer audit contrat la qualification d'un contrat de location d'un véhicule avec chauffeur et non celle d'un contrat entre un commissionnaire de transport et un transporteur ;

Attendu au surplus que le Tribunal observera que le nom de Monsieur X. ne figure sur aucun des documents du transport en litige ;

Attendu dès lors que le Tribunal dira que Monsieur X. n'est intervenu dans le transport en question qu'en seule qualité de loueur, à l'exclusion de celle de transporteur ;

Attendu en conséquence, que les actions engagées à l'encontre de Monsieur X. sur le fondement de l'article 17 de la CMR seront déclarées recevables mais mal fondées ;

Attendu en conséquence que la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORTS seront déboutées de leur demande de ce chef à l'encontre de Monsieur X. ;

Attendu que les sociétés TND et TND NORD seront également déboutées de leur appel en garantie dirigé à l'encontre de Monsieur X. et basé sur ce même fondement ;

 

Sur l'action principale initiée par la société LAFUMA et la compagnie GROUPAMA TRANSPORT :

Attendu qu'il est constant que la société LAFUMA s'est adressée à la société TND en qualité de commissionnaire de transport aux fins de transporter un certain nombre de colis entre Saint Rambert d'Albon et le Royaume Uni, et que la société TND a requis la société TND NORD en qualité de commissionnaire intermédiaire ;

Attendu que les constatations précédentes ont établi que la société TND NORD a requis les services de Monsieur X. en qualité de loueur de véhicule avec chauffeur, aux fins d'assurer le transport desdits colis entre Saint Priest et Calais ;

Attendu que le transport dont s'agit est soumis à la convention CMR ;

Attendu que si la CMR prévoit une limitation de la garantie éventuellement due du fait du vol de la marchandise transportée, celle-ci n'est plus applicable dès lors qu'une faute lourde peut être reprochée au transporteur ;

Attendu dès lors qu'il convient de rechercher si les circonstances du vol de la marchandise sont imputables au transporteur, et en l'espèce aux sociétés TND et TND NORD, ainsi qu'à leur préposé, Monsieur X. ;

Attendu qu'il est patent, que la semi-remorque prise en charge par Monsieur X., était dépourvue de tout plombage et de tout cadenas, alors même que les sociétés TND et TND NORD connaissaient la nature de la cargaison, et que d'ores et déjà, le Tribunal ne pourra voir dans ce seul fait qu'une négligence coupable des sociétés TND et TND NORD ;

Attendu à titre surabondant, que les sociétés TND et TND NORD, compte tenu du délai de livraison qui leur avait été imparti par la société LAFUMA, et qu'elles avaient donc exigé de Monsieur X., ne peuvent sérieusement soutenir, qu'elles ignoraient la nécessité pour Monsieur X. d'interrompre son trajet, ne serait-ce que pour respecter la législation en vigueur ;

Attendu que les sociétés TND et TND NORD ne rapportent pas la preuve d'une quelconque instruction communiquée à Monsieur X. quant à la nature de la marchandise ou aux risques encourus ;

Attendu dès lors, que ces différentes négligences, confinant à l'incurie, apparaissent d'une extrême gravité, dénotant à l'évidence l'inaptitude du transporteur, les sociétés TND et TND NORD, maîtresses de leur action dans l'accomplissement de la mission contractuelle qu'elles avaient librement acceptée ;

Attendu dès lors, que la faute lourde des sociétés TND et TND NORD est avérée, et qu'il convient donc d'accueillir favorablement la demande de la société LAFUMA et de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT en indemnisation du préjudice qu'elles ont effectivement subi ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites aux débats qu'au titre du vol en litige, la compagnie GROUPAMA TRANSPORT a indemnisé la société LAFUMA à hauteur de la somme de 388.662,80 francs (59.251,26 Euros), qu'elle est subrogée dans les droits de celle-ci, et qu'il convient donc de condamner in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT la somme de 59.251,26 Euros ;

Attendu corollairement que la société LAFUMA a du acquitter au profit de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT une franchise en relation avec ce litige à hauteur de 2.500 francs (381,12 Euros), et qu'il convient donc de condamner in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la société LAFUMA la somme de 381,12 Euros ;

Attendu que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 27 février 2002, et que les sociétés TND et TND NORD seront condamnées in solidum à payer ces intérêts à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT et à la société LAFUMA ;

Attendu que le Tribunal dira que ces intérêts donneront lieu à capitalisation, au visa de l'article 1154 du Code Civil ;

 

Sur l'appel en garantie des sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X. :

Attendu que le Tribunal a d'ores et déjà rejeté toute action des sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X., fondée sur l'article 17 de la CMR, dans la mesure où la qualité de transporteur n'a pas été reconnue à Monsieur X. ;

Attendu dès lors qu'il convient de rechercher si, dans le cadre du contrat du 1er octobre 2000, Monsieur X. a respecté ses obligations contractuelles ;

 

1  - Sur l'opposabilité de l'article 13 du contrat du 1er octobre 2000 :

Attendu que nonobstant la demande des sociétés TND et TND NORD, le Tribunal a retenu l'exacte qualification du contrat du 1er octobre 2000 en contrat de location de véhicule avec chauffeur ;

Attendu qu'il appartient au Tribunal de rechercher la réalité des conditions dans lesquelles s'est déroulée la relation contractuelle entre la société TND NORD et Monsieur X., plutôt qu'à l'aspect formel du contrat produit ;

Attendu que les pièces produites au débat illustrent sans conteste possible le déséquilibre patent entre les parties audit contrat notamment en termes de possibilité de négociation ;

Attendu qu'il est indifférent que la société TND NORD, usant abusivement de son pouvoir, ait imposé à Monsieur X. des obligations normalement mises à la charge d'un transporteur, à savoir une obligation de garantie quant aux éventuels dommages susceptibles d'affecter les marchandises transportées, outre une obligation de souscription d'une assurance garantissant de tels dommages, alors même que selon les constatations précédentes du Tribunal, les liens liant la société TND NORD et Monsieur X. s'analysent limitativement comme ceux d'une location d'un véhicule avec chauffeur et non pas de transporteur ;

Attendu qu'il convient de stigmatiser l'attitude scandaleuse de la société TND NORD, qui non contente d'essayer de requalifier le contrat qu'elle a elle-même établi, tente de lui donner maintenant une apparence économique qu'à l'évidence il n'a pas ;

Attendu dès lors, que tant la réalité économique dudit contrat, que les conditions dans lesquelles il a été signé écartent toute responsabilité de Monsieur X. en termes de dommages aux marchandises transportées nonobstant les dispositions de l'article 13 dudit contrat ;

 

2 - Sur les éventuelles fautes de Monsieur X. lors du transport :

Considérant la qualification retenue aux relations contractuelles liant la société TND NORD à Monsieur X., il convient de rappeler que la seule responsabilité qui pesait alors sur Monsieur X. était celle relative aux opérations de conduite ;

Attendu que celles-ci se limitent, selon les dispositions même de l'article 2 du contrat du 1er octobre 2000 :

* à la conduite proprement dite du véhicule,

* à sa protection contre le vol dans les conditions normales de vigilance, par la mise en œuvre des moyens de prévention équipant le véhicule,

* à respecter les instructions données par le locataire,

* et à vérifier avant le départ le chargement, le calage et l'arrimage de la marchandise ;

Attendu que le Tribunal observera l'absence de toute instruction donnée par la société TND NORD à Monsieur X. quant à ces opérations de conduite, et notamment quant au choix d'un quelconque itinéraire, ou de la sélection d'une quelconque aire de repos, à l'exception de la date limite de remise de la marchandise ;

Attendu qu'il est constant que Monsieur X. s'est strictement conformé aux instructions reçues de la société TND NORD, en prenant en charge une semi-remorque déjà chargée des marchandises en question ;

Attendu qu'il est tout aussi constant que la semi-remorque en question était dépourvue de tout système de plombage ou de cadenas, et qu'en l'absence de tels systèmes antivol, il ne saurait être sérieusement reproché à Monsieur X. une quelconque défaillance quant à la mise en œuvre de moyens de prévention du vol inexistants ;

Attendu qu'il ne saurait être mis à la charge de Monsieur X. l'équipement de la semi-remorque de moyens de protection contre le vol, mais seulement leur mise en œuvre lorsque celle-ci en est équipée ;

Attendu que le Tribunal faisant sien le principe général en droit selon lequel nul ne peut alléguer sa propre turpitude, stigmatisera une fois encore l'attitude des plus scandaleuses de la société TND NORD, qui n'ignorant en rien la nature de la marchandise transportée, outre de l'itinéraire susceptible d'être emprunté et des aires de repos au niveau desquelles Monsieur X. était amené à s'arrêter, n'a pour autant pas jugé utile de munir la semi-remorque en question de moyens de protection contre le vol, mais plus grave encore, prétend faire grief à Monsieur X. d'une soi-disant conduite blâmable et en tout cas fautive ;

Attendu que la société TND ou la société TND NORD ne rapportent pas la preuve que l'aire de stationnement choisie par Monsieur X. était particulièrement exposée aux risques de vol ;

Attendu par ailleurs, que le Bulletin des Transports produit aux débats ne mentionne l'existence d'aucun parking gardé au voisinage de l'aire choisie par Monsieur X., ce qui n'est pas démenti par les sociétés TND et TND NORD ;

Attendu au surplus qu'il n'est pas démenti que Monsieur X. a dormi dans la cabine du tracteur, auquel était attelée la semi-remorque en question ;

Attendu dès lors qu'aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur X., et qu'en conséquence, l'appel en garantie engagé à son encontre, et partant à l'encontre de son assureur la compagnie HELVETIA, sera déclaré non fondé ;

Attendu ce faisant que les sociétés TND et TND NORD seront donc déboutées de toute demande à l'encontre de Monsieur X. et de la compagnie HELVETIA ;

 

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur X. :

Attendu qu'il ressort des précédentes constatations du Tribunal, que les relations contractuelles entre la société TND NORD et ses prédécesseurs en droit d'une part, et Monsieur X. d'autre part, étaient fortement déséquilibrées, au point de pouvoir imposer à ce dernier des clauses abusives, du type de celle traduite par les dispositions de l'article 13 du contrat du 1er octobre 2000, alors même qu'une telle clause ne peut concerner qu'un transporteur, et nullement un loueur de véhicule avec chauffeur ;

Attendu qu'il ressort en outre des autres pièces produites aux débats, que l'état de dépendance économique de Monsieur X. avec la société TND NORD est avéré, dès lors que :

* Monsieur X. réalise 100 % de son chiffre d'affaires avec la société TND ;

* qu'il ne dispose que d'un seul véhicule, et a une obligation d'exclusivité au profit de la société TND (article 1er du contrat) ;

* que la périodicité des contrats était tout particulièrement limitée dans le temps ;

* que les contrats ne pouvaient en outre ne pas être renouvelés à la discrétion de la société TND ;

Attendu qu'il résulte de ces différentes constatations que la société TND NORD a abusivement exploité l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait Monsieur X. pour transférer à sa charge des obligations incombant normalement à un transporteur, alors même que Monsieur X. n'avait, dans ses relations avec la société TND NORD, que la qualité de loueur de véhicule ;

Attendu au surplus, que le Tribunal observera que ce transfert de responsabilité n'est intervenu qu'après plusieurs années de collaboration, laissant présumer que ledit transfert a résulté du placement insidieux et malicieux de Monsieur X. par la société TND NORD ou son prédécesseur en droit dans l'état de dépendance économique ;

Attendu en synthèse qu'en adoptant une telle attitude, et en profitant de l'état de dépendance économique de Monsieur X. pour opérer à son détriment un transfert de responsabilité ne lui incombant pas au regard de sa qualité, la société TND NORD a engagé sa responsabilité, et qu'il convient donc de réparer ces pratiques abusives par l'allocation de dommages et intérêts au bénéfice de Monsieur X., justement déterminés à la somme de 75.000 Euros ;

 

Sur le surplus :

Attendu qu'il paraît équitable au Tribunal d'allouer à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, à Monsieur X. et à la compagnie HELVETIA une indemnité justement déterminée respectivement à la somme de 2.500 Euros, 3.000 Euros et 3.800 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, auxquelles seront condamnées in solidum les sociétés TND et TND NORD ;

Attendu que les circonstances de la cause justifient l'assortiment du présent jugement de l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution ;

Attendu que le Tribunal rejettera comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des Parties ;

Attendu que les dépens seront à la charge des sociétés TND et TND NORD, qui succombent ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL STATUANT PUBLIQUEMENT EN PREMIER RESSORT PAR DÉCISION CONTRADICTOIRE

ORDONNE la jonction des instances enrôlées au greffe sous les numéros 02J00774 et 02J01086 ;

DONNE acte à la société TND NORD de son intervention volontaire ;

DIT recevable mais mal fondée l'action de la société LAFUMA et de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT à l'encontre de Monsieur X., et par conséquent les en déboute ;

DIT recevable mais mal fondée l'action des sociétés TND et TND NORD à l'encontre de Monsieur X., et par conséquent les en déboute ;

DIT recevable et bien fondée l'action de la société LAFUMA et de la compagnie GROUPAMA TRANSPORT à l'encontre de la société TND ;

En conséquence :

CONDAMNE in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT la somme de somme de 59.251,26 Euros, outre intérêts au taux légal à compter du 27 février 2002 ;

CONDAMNE in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la société LAFUMA la somme de 381,12 Euros, outre intérêts au taux légal à compter du 27 février 2002 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ainsi prononcés ;

DEBOUTE les sociétés TND et TND NORD de leur appel en garantie dirigé à l'encontre de Monsieur X. et de son assureur la compagnie HELVETIA ;

CONDAMNE la société TND NORD au paiement de la somme de 75.000 Euros à Monsieur X. au titre de dommages et intérêts pour abus de position dominante ;

CONDAMNE in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la compagnie GROUPAMA TRANSPORT, la somme de 2.500 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à Monsieur X., la somme de 3.000Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE in solidum les sociétés TND et TND NORD à payer à la compagnie HELVETIA, la somme de 3.800 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;

DONNE acte à la société TND NORD de ce qu'elle relèvera garantie la société TND de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière ;

REJETTE comme non fondées tous autres moyens, fins et conclusions contraires des Parties ;

CONDAMNE la société TND NORD aux entiers dépens de l'instance,

Les dépens visés à l'article 701 du Nouveau Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 115.47 Euros (69.45 + 46.02).

Monsieur POULAIN, Monsieur VUILLERMOZ, Juges, Monsieur PLANCHE, Président.