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6072 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Qualification du contrat

Nature : Synthèse
Titre : 6072 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Qualification du contrat
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6072 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

 QUALIFICATION DU CONTRAT

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Principe : contrôle de la qualification par le juge. Une fois le contrat interprété (sur les clauses relatives à l’interprétation du contrat, V. Cerclab n° 6073), il convient de déterminer sa nature juridique, c’est à dire le qualifier, afin de déterminer le régime juridique dont il relève.

Aux termes de l’art. 12 CPC, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. » Le texte consacre une jurisprudence ancienne et constante selon laquelle le juge qualifie le contrat en fonction des obligations que les parties ont réellement stipulées et non de la qualification qu’ils ont adoptée si celle-ci n’est pas conforme à cette réalité.

La solution supprime donc nécessairement toute marge de manœuvre au professionnel sur ce point et une clause qui imposerait une qualification en désaccord avec les obligations stipulées serait en tout état de cause inefficace, quand bien même elle pourrait être au surplus qualifiée d’abusive (V. ci-dessous).

La protection pourrait toutefois garder un intérêt pour l’application de l’alinéa 3 de l’art. 12 CPC. La portée de cette disposition est incertaine, notamment sur le point de savoir si elle autorise un accord anticipé des parties ou si cette disposition est réservée à des accords judiciaires, en cours d’instance. Dans le premier cas, l’admission du caractère abusif pourrait conserver un intérêt, si elle crée un déséquilibre par asymétrie d’information, même si la possibilité d’utiliser ce texte semble marginale, dès lors que la plupart des dispositions protégeant le consommateur sont d’ordre public et ne sont donc pas des droits dont les parties « ont la libre disposition ». Dans le second, la clause risque de porter sur l’objet principal de l’accord et la seule protection envisageable semble celle des vices du consentement (erreur de droit d’un consommateur non assisté, hypothèse qui semble peu probable).

Clauses imposant au contrat une qualification contre nature. L'appréciation de la nature et du fonctionnement d'un compte bancaire ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat. CA Angers (ch. com.), 24 février 2009 : RG n° 07/02296 ; arrêt n° 49 ; site CCA ; Cerclab n° 2884 (clause abusive donnant à un compte de dépôt la nature d’un compte courant). § Comp. Recomm. n° 2014-02/14° : Cerclab n° 5002 (réseau social présenté trompeusement comme gratuit ; sous l’angle de l’ancien art. L. 132-1, al. 7 [212-1 al. 3] C. consom., la Commission estime que le contrôle est possible puisque l’ambiguïté de la clause ne la rend pas « claire et compréhensible »).

Pour des décisions déclarant abusives ou/et illicites, les clauses assimilant les comptes de dépôt à un compte courant. Cass. civ. 1re, 8 janvier 2009 : pourvoi n° 06-17630 ; Cerclab n° 2833 ; Contr. conc. consom. 2009, n° 85, note G. Raymond (l'assimilation du compte de dépôt au compte courant n’est pas conforme à la réalité du fonctionnement du premier, normalement mouvementé uniquement par des versements ou des retraits dans la limite du disponible et permet à la banque d'éluder les obligations posées par l'art. L. 312-1 CMF), cassant CA Lyon (1re ch. civ.), 11 mai 2006 : RG n° 05/00699 ; Cerclab n° 2934, confirmant TGI Lyon (4e ch.), 3 janvier 2005 : RG n° 03/14001 ; Cerclab n° 3068. § Dans le même sens : CA Paris (15e ch. B), 3 avril 2008 : RG n° 06/18279 ; Cerclab n° 2602 ; Juris-Data n° 2008-365292 (clause illicite en ce qu’elle ne met pas à la disposition de l'ensemble de sa clientèle la possibilité d'ouvrir un compte de dépôt et ne lui propose que l'ouverture d'un compte courant, alors que l'ouverture d'un compte de dépôt n'est pas limitée au service bancaire de base), sur appel TGI Paris (9e ch. 2e sect.), 13 septembre 2006 : RG n° 05/1493 ; Cerclab n° 3184 (clause abusive ; il ressort des art. L. 312-1 et L. 312-1-1 CMF qu'il existe un droit pour tout client de disposer d'un compte de dépôt ; la banque est dès lors tenue d'offrir le service d'un compte de dépôt à sa clientèle, alors que ses conditions générales ne font état que d'un compte courant et que ces deux formes de comptes ne sont pas identiques dans leurs effets, notamment en ce qui concerne l'effet novatoire, l'indivisibilité et les intérêts ; clause induisant le client en erreur sur son droit à un simple compte de dépôt) - CA Angers (ch. com.), 24 février 2009 : RG n° 07/02296 ; arrêt n° 49 ; site CCA ; Cerclab n° 2884 (même motifs que l’arrêt de cassation), sur appel de TGI Laval, 22 octobre 2007 : RG n° 06/00173 ; jugt n° 07/755 ; Cerclab n° 4181 (clause illicite dès lors qu’il ressort des art. L. 312-1 CMF et L. 132-1-1 CMF qu'il existe un droit à l'ouverture d'un compte de dépôt qui implique que la banque se trouve tenue d'offrir le service d'un simple compte de dépôt à sa clientèle, solution interdite par la clause qui assimile systématiquement un compte de dépôt à un compte courant, alors que ce dernier se distingue par le mécanisme selon lequel les créances et dettes se confondent en un solde unique et par les effets de son mode de fonctionnement, notamment l'effet novatoire, l'indivisibilité et les intérêts applicables - TGI Grenoble (4e ch.), 8 juillet 2009 : RG n° 05/2253 ; jugt n° 164 ; Cerclab n° 4166 (clause illicite ; motifs similaires à ceux de l’arrêt de cassation).

V. aussi pour un contrat professionnel : absence d’application des clauses d’un contrat de traction, qualifié de location de véhicule avec chauffeur, mais faisant peser sur le bailleur des obligations d’un transporteur. T. com. Lyon, 18 mai 2004 : RG n° 2002/00774 et n° 2002/01086 ; Cerclab n° 1109 (jugement faisant état de l’inégalité des parties dans la négociation : il est indifférent que la société, usant abusivement de son pouvoir, ait des obligations normalement mises à la charge d'un transporteur, à savoir une obligation de garantie quant aux éventuels dommages susceptibles d'affecter les marchandises transportées, outre une obligation de souscription d'une assurance garantissant de tels dommages, alors même qu’il est établi que les liens liant entre les parties s'analysent limitativement comme ceux d'une location d'un véhicule avec chauffeur et non pas de transporteur ; jugement ajoutant qu’il convient « de stigmatiser l'attitude scandaleuse de la société », qui non contente d'essayer de requalifier le contrat qu'elle a elle-même établi, tente de lui donner maintenant une apparence économique qu'à l'évidence il n'a pas).

Transformation unilatérale de la qualification du contrat. La modification de la nature juridique du contrat peut s’apparenter à une modification portant sur un élément essentiel, qui est interdite si elle procède de la volonté unilatérale du professionnel (V. Cerclab n° 6105). § Rappr. : si le contrat de garde-meubles, à durée indéterminée, prévoit la possibilité de modification du montant du prix mensuel, sous réserve d'un délai de prévenance d'un mois, une telle clause ne permet cependant pas de modifier la nature même du contrat, et de fixer un prix, alors que la prestation était prévue pour être effectuée gratuitement, sans l'accord exprès du client ; il en est de même pour la modification du coût de l'assurance, qui ne peut être considéré comme des frais accessoires visés par le contrat de garde meubles qui les énumère strictement. CA Rennes (2e ch.), 12 février 2016 : RG n° 12/06947 ; arrêt n° 78 ; Cerclab n° 5506 (si la durée du stockage du mobilier faisant suite à un déménagement s’est prolongée bien au-delà de ce qui était envisagé, en raison du comportement désinvolte et négligent du client, et a excédé la courte durée initialement convenue, il incombait aussi au dépositaire de s’en inquiéter), sur appel de TGI Quimper, 5 juin 2012 : Dnd -

Obligation d’information. Si le professionnel ne peut modifier la qualification qui sera retenue par le juge, la qualification erronée du contrat peut conduire à déclarer la stipulation qui la contient abusive, puisqu’elle trompe le consommateur sur ces droits (sur ce raisonnement, V. plus généralement Cerclab n° 6026).

Rappr. : la Commission des clauses abusives recommande, dans les contrats de mandat de soutien scolaire, l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire au non-professionnel ou au consommateur qu’il est nécessairement l’employeur de l’enseignant et de lui faire supporter les obligations d’un contrat de travail, lorsque les éléments constitutifs d’un tel contrat ne sont pas réunis. Recomm. n° 10-01/II-17° : Cerclab n° 2208 (soutien scolaire). § V. aussi : Recom. n° 13-01/1° : Boccrf 13 sept. 2013 ; Cerclab n° 4999 (location en meublé non saisonnière ; considérant n° 1 ; caractère abusif des clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire au locataire d'un logement meublé qui constitue son habitation principale, qu’il ne bénéfice pas des dispositions des articles L. 632-1 CCH).

Professionnel présentant le contrat comme gratuit. La Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet d’affirmer que les services de réseautage social sont gratuits. Recomm. n° 2014-02/14° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 14 ; selon la Commission, l’affirmation de la gratuité est trompeuse, puisque, si le service ne comporte pas de contrepartie monétaire, les données, informations et contenus déposés, consciemment ou non, à l’occasion de l’utilisation du réseau social, constituent une contrepartie qui s’analyse en une rémunération ou un prix, potentiellement valorisable par le professionnel ; sous l’angle de l’ancien art. L. 132-1, al. 7 [212-1 al. 3] C. consom., la Commission estime que le contrôle est possible puisque l’ambiguïté de la clause ne la rend pas « claire et compréhensible »). § V. dans le même sens : Recomm. n° 17-02/1° : Cerclab n° 7456 (plate-forme de téléchargement, notamment de VOD ; caractère abusif des clauses laissant croire au fait que le contrat n’est pas onéreux, alors que, si le versement d’une contrepartie monétaire est exclue, l’adresse de messagerie électronique déposée à l’occasion de l’utilisation du service constitue un avantage en retour, potentiellement valorisable par le professionnel).

Professionnel présentant une partie de son intervention comme gracieuse. La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de présenter comme gracieuse, après remise d’une liste initiale, la remise de listes postérieures pendant la durée prévue au contrat. Recomm. n° 2002-01/B-11 : Cerclab n° 2197 (considérant B-11 ; arg. 1/ clauses détournant l’obligation légale de fixer une durée au contrat, ou autorisant le professionnel à ne pas fournir de prestation sur la durée du temps prévue ; arg. 2/ : clause laissant croire au consommateur à une libéralité). § Dans le même sens : est abusive la clause stipulant que l’obligation du professionnel est remplie par la présentation de la liste initiale et que son éventuelle actualisation n’est réalisée qu’à titre gracieux, dès lors qu’elle laisse croire au consommateur qu’il bénéficie d’une libéralité de la part du vendeur et qu’elle est en outre de nature à détourner l’obligation légale de fixer une durée au contrat. TGI Bourges, 19 mars 2009 : RG n° 07/01892 ; jugt n° 09/139 ; site CCA ; Cerclab n° 4083 (vente de listes ; solution « au demeurant » consacrée par la Commission ; N.B. lors de l’examen d’une autre clause, le tribunal analyse les dispositions du contrat attestant de son caractère successif et non instantané).

Rappr. : la Commission des clauses abusives recommande, dans les contrats de transport routier occasionnel, l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure en termes généraux toute responsabilité du transporteur pour toute avarie ou destruction causée aux bagages à main, sans réserver l’hypothèse d’une faute de celui-ci. Recomm. n° 08-03/C-14 : Cerclab n° 2207 (transport routier occasionnel de voyageurs ; contrats stipulant parfois que les bagages à main sont transportés à « titre gratuit »).