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CA PARIS (8e ch. sect. A), 20 décembre 2007

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (8e ch. sect. A), 20 décembre 2007
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 8e ch. sect. A
Demande : 06/14700
Date : 20/12/2007
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 4/08/2006
Décision antérieure : TI AULNAY-SOUS-BOIS, 15 juin 2006
Numéro de la décision : 738
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1180

CA PARIS (8e ch. sect. A), 20 décembre 2007 : RG n° 06/14700 ; arrêt n° 738

Publication : Juris-Data n° 351864 ; JCP 2008. IV. 1331

 

Extrait : « Considérant que le dysfonctionnement du système audio vidéo sur les quatre sièges de la famille X. sur la totalité du trajet Paris New York n'est pas contesté ;

Considérant qu'il n'est pas contesté non plus que le dysfonctionnement du système audio vidéo est un élément accessoire du contrat de transport qui est celui par lequel une compagnie s'oblige à amener une personne à sa destination aux dates et heures prévues et qui est régi par des règles internationales ;

Considérant que les dispositions des conditions générales de transport sont à tort invoquées par AIR FRANCE puisqu'elle concerne les prestations annexes au transport lui-même offerte par le biais de tiers, et non des prestations de confort de la classe affaire ;

Considérant qu'en ce qui concerne ces prestations accessoires, elles sont régies par le droit commun, et en particulier l'article 1147 du code civil ;

Considérant sur l'obligation d'information, qu'AIR FRANCE ne fait pas la preuve qu'elle ait avisé les passagers avant l'embarquement du dysfonctionnement ;

Considérant que les documents publicitaires qui figurent en libre accès sur son site Internet font état d'un certain nombre d'engagements : « Equipements en bon état de fonctionnement »,« l'accès aux nouvelles technologies, à bord, dans les espaces première et affaires, répond aux véritables besoins des passagers : vidéo interactive, prise d'alimentation PC, écran vidéo interactif 10,4 pouces, téléphone » ; que, bien que non contractuels, ces éléments ont pu être pris en considération par les clients ;

Considérant qu'en vendant aux consorts X. des billets en classe affaires, la compagnie AIR FRANCE s'est engagée à leur assurer un confort matériel supérieur à celui offert en classe économique dont ils pouvaient attendre notamment la possibilité de jouir pendant le voyage d'un équipement audio vidéo en bon état ;

Considérant que le préjudice est établi, s'agissant de voyageurs qui ont payé un prix plus important que les voyageurs voyageant en classe économique pour justement bénéficier de conditions de confort supplémentaires : que l'une de ces conditions manquant, s'agissant de plus d'une famille avec deux jeunes enfants qu'il est plus facile de distraire pendant de longs trajets aériens en leur procurant un programme audiovisuel, le préjudice est établi ;

Considérant que la compagnie n'établit aucune cause étrangère ayant les caractères de la force majeure qui l'exonérerait de sa responsabilité ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

HUITIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : RG n° 06/14700. Arrêt n° 738 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2006 - Tribunal d'Instance d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 06/000276

 

APPELANTE :

SA AIR FRANCE

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour, assistée de Maître Catherine VISY, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1306

 

INTIMÉS :

Monsieur J.J. X.

le [date] à [ville] de nationalité française,

Madame B. X.

née le [date] à [ville] de nationalité française,

Monsieur J. X.

le [date] à [ville] de nationalité française, représenté par ses administrateurs légaux, Mr et Mme X.

[minute page 2]

Mademoiselle S. X.

née le [date] à [ville] de nationalité française, représentée par ses administrateurs légaux, Mr et Mme X.

demeurant tous quatre [adresse], représentés par Maître Rémi PAMART, avoué à la Cour, assistés de Maître Alice GIRAULT, avocat plaidant pour l'association CAHEN RUIMY CAHEN, avocats au barreau de PARIS, toque : R 217

 

COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral de Madame Catherine BOUSCANT, l'affaire a été débattue le 30 octobre 2007, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente Madame Viviane GRAEVE, conseillère, Madame Catherine BOUSCANT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile. - signé par Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La famille X. a acquis quatre billets classe affaires pour le trajet Paris - New York - Miami - Paris le 2 août 2005 auprès de la compagnie AIR FRANCE pour un prix total de 14.000 €.

Faisant valoir qu'ils n'avaient pas pu bénéficier des prestations « multi-vidéo », ils ont saisi le tribunal d'instance d'Aulnay sous Bois d'une demande de dommages et intérêts en application de l'article 1147 du code civil.

[minute page 3] Par jugement du 15 juin 2006, ce tribunal a condamné la société AIR FRANCE à leur payer 500 € chacun à titre de dommages et intérêts outre 1.500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La compagnie AIR FRANCE a relevé appel de cette décision le 4 août 2006.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions des consorts X. en date du 31 mars 2007 tendant à la confirmation du jugement déféré, au débouté de la société AIR FRANCE de l'ensemble de ses demandes, à sa condamnation à leur payer à chacun 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société AIR FRANCE en date du 4 décembre 2006 tendant à ce qu'il soit dit qu'elle avait déposé son dossier devant le tribunal et que son argumentaire devait être pris en considération, à ce que soit écartée l'application de l'article 1147 au profit des conditions générales de transport, à ce qu'il soit dit que la société AIR FRANCE a rempli ses obligations contractuelles, que le défaut concernant la vidéo est dû à une cause étrangère et que la vidéo n'est pas essentielle dans le contrat de transport ; que les intimés n'établissent aucun préjudice autre que le défaut de fonctionnement de la vidéo pour lequel on leur a proposé un dédommagement équitable ; qu'en conséquence, il y a lieu de débouter les consorts de leur demandes et de les condamner à lui payer 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

SUR CE, LA COUR :

Considérant que le premier, juge pour faire droit partiellement aux demandes de la famille X., a retenu que l'absence de prestation audio vidéo n'est pas contestée, que, compte tenu des prestations matérielles supérieures attachées à la classe affaires, la compagnie avait manqué à ses obligations contractuelles, que la compagnie n'établissait aucune cause étrangère l'exonérant de sa responsabilité ;

Considérant qu'à l'appui de son appel, la société AIR FRANCE fait valoir que :

- le premier juge n'a pas pris en compte ses explications alors que son dossier avait été déposé,

- le droit applicable en l'espèce est le contrat de transport (conditions générales de transport d'AIR FRANCE) et non l'article 1147 du code civil,

- ce nouveau système qui venait d'être installé sur la flotte des 777, était entaché d'un défaut de conception du constructeur et a nécessité une modification complète du logiciel d'exploitation et le remplacement de tous les boîtiers sur la totalité de la flotte et a provoqué une rupture des relations avec le fournisseur,

- cette panne n'était en conséquence due ni à un défaut de maintenance ni une négligence mais un fait extérieur,

- [minute page 4] l'objet essentiel du contrat de transport et son unique obligation de résultat est l'acheminement par le transporteur et dans les meilleures conditions de sécurité du passager à destination et les prestations à bord ne constituent pas des éléments essentiels du contrat de transport,

- les affirmations des intimés sur le choix déterminant qu'aurait représenté pour eux la vidéo sont peu crédibles, le même système audio existant en classe économique et en classe affaires,

- les documents produits par les intimés sur les prétendus engagements d'AIR FRANCE sont soit purement informatifs, soit une déclaration unilatérale qui ne fait pas partie du contrat,

- le contrat de transport entre AIR FRANCE et ses passagers ne comporte aucun engagement spécifique sur la vidéo,

- l'incident n'a concerné que le tiers du voyage,

- il a été proposé aux intimés une proposition non négligeable de dédommagement à titre commercial (240 € au total et un crédit total de 24.000 miles sur les quatre comptes « fréquence plus »),

- la procédure est abusive ;

 

Considérant que les intimés quant à eux font valoir que :

- le juge du fond n'a violé aucun principe de loyauté ou du contradictoire puisqu'il a appliqué la règle de l'oralité des débats,

- les éléments accessoires du contrat de transport sont régis par le droit commun des contrats et l'article 1147 du code civil,

- en vendant des billets en classe affaires, la société AIR FRANCE s'engage à assurer un confort matériel supérieur à celui offert en classe économique,

- la société AIR FRANCE, en n'informant pas les intimés du dysfonctionnement du système audio-vidéo, les a empêchés d'exercer tout autre choix (prendre un autre vol, échanger les billets, emporter un lecteur de DVD portable pour les enfants),

- le dysfonctionnement du système audio vidéo constitue un manquement aux obligations de confort à la charge du transporteur, engageant sa responsabilité,

- les intimés avaient choisi de voyager en classe affaires notamment pour que les enfants bénéficient de la prestation audio vidéo haut de gamme et interactive qui n'existe pas en classe économique,

- la société appelante ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère irrésistible qui pourrait exonérer de sa responsabilité puisque les dysfonctionnements techniques étaient connus du personnel de bord dès le 31 juillet 2005 et que le problème technique ne revêtait pas les caractères de la force majeure ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] Considérant que la procédure devant le tribunal d'instance est orale ; qu'il n'est pas contesté que l'affaire avait déjà fait l'objet d'un renvoi à la demande de la société AIR FRANCE et que celle-ci a avisé le premier juge en cours d'audience de ce que son conseil ne pourrait être présent et avait déposé ses conclusions et son dossier ; qu'en application de l'article 843 du nouveau code de procédure civile, ne sont pas recevables les conclusions adressées au juge par une partie qui ne comparait pas ou qui n'est pas représentée ; que, dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a statué en application de l'article 472 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que le dysfonctionnement du système audio vidéo sur les quatre sièges de la famille X. sur la totalité du trajet Paris New York n'est pas contesté ;

Considérant qu'il n'est pas contesté non plus que le dysfonctionnement du système audio vidéo est un élément accessoire du contrat de transport qui est celui par lequel une compagnie s'oblige à amener une personne à sa destination aux dates et heures prévues et qui est régi par des règles internationales ;

Considérant que les dispositions des conditions générales de transport sont à tort invoquées par AIR FRANCE puisqu'elle concerne les prestations annexes au transport lui-même offerte par le biais de tiers, et non des prestations de confort de la classe affaire ;

Considérant qu'en ce qui concerne ces prestations accessoires, elles sont régies par le droit commun, et en particulier l'article 1147 du code civil ;

Considérant sur l'obligation d'information, qu'AIR FRANCE ne fait pas la preuve qu'elle ait avisé les passagers avant l'embarquement du dysfonctionnement ;

Considérant que les documents publicitaires qui figurent en libre accès sur son site Internet font état d'un certain nombre d'engagements : « Equipements en bon état de fonctionnement »,« l'accès aux nouvelles technologies, à bord, dans les espaces première et affaires, répond aux véritables besoins des passagers : vidéo interactive, prise d'alimentation PC, écran vidéo interactif 10,4 pouces, téléphone » ; que, bien que non contractuels, ces éléments ont pu être pris en considération par les clients ;

Considérant qu'en vendant aux consorts X. des billets en classe affaires, la compagnie AIR FRANCE s'est engagée à leur assurer un confort matériel supérieur à celui offert en classe économique dont ils pouvaient attendre notamment la possibilité de jouir pendant le voyage d'un équipement audio vidéo en bon état ;

Considérant que le préjudice est établi, s'agissant de voyageurs qui ont payé un prix plus important que les voyageurs voyageant en classe économique pour justement bénéficier de conditions de confort supplémentaires : que l'une de ces conditions manquant, s'agissant de plus d'une famille avec deux jeunes enfants qu'il est plus facile de distraire pendant de longs trajets aériens en leur procurant un programme audiovisuel, le préjudice est établi ;

[minute page 6] Considérant que la compagnie n'établit aucune cause étrangère ayant les caractères de la force majeure qui l'exonérerait de sa responsabilité ;

Considérant que dans ces conditions, la compagnie doit aux consorts X. réparation de leur préjudice ; que l'offre commerciale qui consiste à leur payer 240 € au total et à leur allouer un crédit total de 24.000 miles sur les quatre comptes « fréquence plus » n'est pas satisfactoire ; que le premier juge a fait en conséquence une juste appréciation du préjudice subi, que la cour reprend à son compte ;

Considérant que l'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable ; que ces exigences ne sont pas satisfaites en l'espèce ; que la demande de ce chef sera rejetée ;

 

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que la compagnie AIR FRANCE qui succombe en son appel ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'elle supportera les dépens de première instance et d'appel

Considérant que l'équité justifie qu'il soit fait application de l'article 700 au bénéfice des consorts X. ; que le jugement sera confirmé de ce chef et qu'il leur sera alloué en cause d'appel une somme de 2.000 € pour l'ensemble de la famille ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Reçoit la société AIR FRANCE en son appel ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Condamne en outre la société AIR FRANCE à payer à aux consorts X. la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la société AIR FRANCE aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE,        LA PRÉSIDENTE,