CA MONTPELLIER (5e ch. sect. A), 7 juin 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1204
CA MONTPELLIER (5e ch. sect. A), 7 juin 2007 : RG n° 06/07645 ; arrêt n° 2554
Publication : Juris-Data n° 343854
Extrait : « Attendu que la clause de déchéance par « contagion » prévue par l’article 10 des conditions générales qui permet à la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de tous les prêts immobiliers, consentis pour un montant total de 500.000 Francs et qui sont régulièrement payés, à l’occasion de la défaillance de l’un des emprunteurs dans le remboursement d’un prêt de moindre importance, en l’occurrence un prêt personnel d’un montant de 23.500 €, revêt un caractère disproportionné et crée un déséquilibre important en aggravant les obligations des emprunteurs, circonstances rendant cette clause abusive ; qu’elle ne doit donc pas être appliquée ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 7 JUIN 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/07645. Arrêt n° A07.5A 2554. Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 OCTOBRE 2006 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 06/168.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL MIDI,
prise en la personne de son directeur en exercice, domicilié ès qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP JOUGLA - JOUGLA, avoués à la Cour assistée de Maître Pierre-Marie GRAPPIN, substitué par Me ADDESOUBRA, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur X.
né le [date] à [lieu] nationalité Française, [adresse], représenté par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour assisté de la SCP DAYNAC-LEGROS-JULIEN, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [lieu] de nationalité Française, [adresse], représentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour assistée de la SCP DAYNAC-LEGROS-JULIEN, avocats au barreau de MONTPELLIER
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 3 MAI 2007, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente, M. Jean-François BRESSON, Conseiller, M. Jean-Marc CROUSIER, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Colette ROBIN
ARRÊT : - contradictoire. - prononcé publiquement par Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente. - signé par Mme France-Marie BRAIZAT, Présidente, et par Mme Christiane DESPERIES, Greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte notarié du 26 juin 1997, les époux X. se sont reconnus débiteur de la Caisse Régionale du Crédit Agricole (CRCAM) du Midi, au titre de deux prêts, un prêt épargne logement de 53.583 Francs et un prêt à la construction de 446.417 Francs.
Le 21 juin 2006, la CRCAM du Midi, après s’être prévalue de la déchéance du terme de ces prêts a, en vertu de l’acte notarié précité, fait signifier aux époux X. un commandement aux fins de saisie immobilière pour avoir paiement de la somme de 53.227 €.
Ce commandement, demeuré infructueux, a été publié le 11 juillet 2006 au 2ème Bureau de Hypothèques de Montpellier.
Par dire déposé le 12 septembre 2006, pour l’audience éventuelle du 18 novembre 2006, les époux X. ont contesté l’exigibilité de la créance de la CRCAM, indiquant qu’ils étaient à jour de leur paiement en ce qui concerne le prêt notarié.
Par jugement du 2 octobre 2006, le Tribunal de Grande Instance de Montpellier, statuant en matière de saisie immobilière, a considéré que la CRCAM ne disposait pas d’une créance exigible et a déclaré nul le commandement aux fins de saisie immobilière.
Vu l’appel interjeté à l’encontre de cette décision par assignation motivée du 24 novembre 2006, aux termes de laquelle la CRCAM du Midi demande à la Cour de réformer la décision déférée, d’ordonner la continuation des poursuites et de fixer la date d’adjudication.
[minute page 3] Vu les conclusions déposées le 24 avril 2007 par les époux X. tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de la CRCAM du Midi au paiement d’une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur l’appel :
Le jugement déféré ayant tranché le moyen de fond tiré de l’exigibilité de la créance de la CRCAM du Midi, l’appel doit être déclaré recevable en application de l’article 731 du code de procédure civile (ancien).
- Au fond :
Attendu que l’acte de prêt notarié du 26 juin 1997 en vertu duquel sont exercées les poursuites, dispose que « l’emprunteur s’oblige à exécuter les clauses des conditions générales qui sont annexées aux présents et en font partie intégrante » ;
Attendu que selon l’article 10 des dites conditions générales, « le prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible en capital, intérêts, accessoires et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire notamment : - en cas de retard dans le remboursement du présent prêt ou de toute autre créance du préteur devenue exigible ».
Attendu que c’est en raison d’incidents de paiement concernant un prêt personnel pour l’achat d’un véhicule consenti à Mr X. d’un montant de 23.500 €, et également compte tenu du solde débiteur du compte de dépôt ouvert au nom de ce dernier et pour lequel il n’est produit aucune justification, que la CRCAM du Midi, par effet de « contagion », a prononcé la déchéance du terme des prêts immobiliers ;
Attendu que les appelants font valoir d’une part que Mme X. est étrangère aux prétendus incidents de paiement invoqués à l’encontre de son mari, d’autre part que Mr X. n’a fait l’objet d’aucune condamnation concernant les incidents en question, de sorte que la créance de la banque, à ce titre, n’est pas exigible et, enfin, qu’ils ont toujours honorés régulièrement les échéances des prêts immobiliers.
Qu’ils invoquent enfin la recommandation n° 04-03 de la commission des clauses abusives relative aux clauses de déchéance du terme par effet de « contagion », et en particulier le passage suivant :
« ces clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors notamment que l’emprunteur n’a pas observé une quelconque obligation, même sérieuse, résultant du contrat de prêt (...) sont de nature [minute page 4] à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où elles tendent à laisser penser que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier ( ..) l’existence d’une inobservation commise par l’emprunteur (..) qu’au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien fondé de cette déchéance, que ces clauses apparaissent significativement déséquilibrées » ;
Attendu que la clause de déchéance par « contagion » prévue par l’article 10 des conditions générales qui permet à la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de tous les prêts immobiliers, consentis pour un montant total de 500.000 Francs et qui sont régulièrement payés, à l’occasion de la défaillance de l’un des emprunteurs dans le remboursement d’un prêt de moindre importance, en l’occurrence un prêt personnel d’un montant de 23.500 €, revêt un caractère disproportionné et crée un déséquilibre important en aggravant les obligations des emprunteurs, circonstances rendant cette clause abusive ; qu’elle ne doit donc pas être appliquée ;
Attendu en conséquence que la créance de la CRCAM du Midi au titre des prêts immobiliers n’étant pas exigible, le commandement aux fins de saisie ne peut qu’être annulé ;
que la décision déféré sera confirmée par substitution de motif ;
Attendu que l’équité ne commande pas qu’il soit fait application en l’espèce des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu l’article 696 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement déféré ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE la CRCAM du Midi aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
FM.B/MD