CA CHAMBÉRY (ch. com.), 23 octobre 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1218
CA CHAMBÉRY (ch. com.), 23 octobre 2007 : RG n° 06/01874 et n° 06/2210
Publication : Juris-Data n° 345879
Extrait : « Qu’il est en l’espèce constant que Madame X. a contracté en qualité de consommateur personne physique et que les contrats litigieux n’ont aucun rapport avec son activité professionnelle ;
Attendu que les contrats prévoient chacun à l’article 12 que la télésurveillance des locaux du domicile de Madame X. sera assurée pour une durée irrévocable de 48 mois, sans envisager aucune possibilité de rupture anticipée par le consommateur, notamment l’hypothèse où il quitterait les lieux faisant l’objet de la télésurveillance ; Qu’il est ensuite stipulé dans ce même article, que le contrat se poursuivra après son terme pour des périodes successives d’un an, à défaut de notification de sa résiliation, trois mois avant son terme, sans prévoir aucune possibilité d’éviter l’automaticité de la reconduction ; Qu’enfin, l’article 22 dispose qu’a défaut de paiement de l’une quelconque des mensualités, le contrat sera résilié huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le solde des mensualités non réglées et restant à courir devenant de plein droit et immédiatement exigible ; Qu’il s’agit d’une clause pénale dont le caractère abusif est manifeste puisqu’il fixe une indemnisation hors de proportion avec le préjudice réel subi, compte tenu de la nature du matériel loué et de la possibilité qu’avait la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de le réutiliser ; Qu’à cet égard, il convient de relever que cette dernière a attendu neuf mois d’impayés avant de délivrer à sa locataire une mise en demeure sans pour autant manifester son intention de récupérer le matériel ;
Attendu qu’en prévoyant de telles clauses, le contrat litigieux a pour effet, sinon pour objet, de créer au détriment du cocontractant de la société de télésurveillance un déséquilibre significatif entre les droits et les devoirs des parties à la convention ; Qu’il s’ensuit que lesdites clauses, dont se prévaut la société ADT FRANCE à l’appui de ses prétentions, doivent être tenues pour non-écrites ».
COUR D’APPEL DE CHAMBERY
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/01874 jointe à la cause n° 06/2210.
LE VINGT TROIS OCTOBRE 2007 LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
opposant :
APPELANT :
M. X., [N.B. conforme à la minute, alors qu’il aurait fallu indiquer Mme, cf. infra]
demeurant [adresse], représenté par la SCP FORQUIN - RÉMONDIN, avoués à la Cour, assisté de Maître Pascale ESCOUBES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS (bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/XX du [date] accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBÉRY)
INTIMÉ :
La SA ADT FRANCE
venant aux droit de la société ADT SURVEILLANCE, anciennement dénommée CIPE FRANCE, venant aux droits de la SA TEP FRANCE, dont le siège social est situé [adresse] représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assistée de Maître Michel TROMBETTA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 24 septembre 2007 avec l’assistance de Madame VIDAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Madame ROBERT, Président de chambre,
- Madame CARRIER, Conseiller,
- Monsieur BETOUS, Conseiller, qui a procédé au rapport
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Vu le jugement réputé contradictoire et assorti de l’exécution provisoire rendu le 16 juin 2005 par le tribunal de grande instance de THONON-LES-BAINS, qui a condamné Madame X. à payer à la SA ADT TÉLÉSURVEILLANCE la somme de 7.927,67 €, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2001, au titre d’un contrat d’abonnement de télésurveillance, outre une indemnité de 800 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l’appel interjeté le 3 août 2006 par Madame X. à l’encontre de ce jugement et l’ordonnance en date du 3 octobre 2006 par laquelle Monsieur le Premier Président de la Cour de ce siège a relevé l’appelante du délai de forclusion de l’appel ;
Vu les dernières conclusions en date du 7 août 2007, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles Madame X. demande à la Cour :
- d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- de dire non-écrites les dispositions des articles 12 et 22 du contrat, en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;
- de dire et juger, en conséquence, qu’elle n’est pas tenue du paiement des prestations de télésurveillance postérieurement à son départ de la maison de [ville A.] à compter du 1er juin 2000 ;
- de dire et juger que le loyer du mois de mai 2000 n’est pas dû dans la mesure où le matériel installé s’est révélé défaillant ;
- de débouter, en conséquence, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de toutes ses demandes ;
- de constater, reconventionnellement, que le détecteur infrarouge installé n’a pas fonctionné, ce qui lui a occasionné la perte d’une chance d’amoindrir les effets dommageables du vol avec effraction dont elle a été victime le 12 avril 2000 à son domicile ;
- de condamner, en conséquence, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, venant aux droits de la société TEP à lui verser la somme de 7.622,45 €, outre intérêts aux taux légal ;
- de lui allouer la somme de 1.800 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile
Vu les conclusions en date du 26 avril 2007, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la société ADT FRANCE, venant aux droits de la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, elle-même aux droits de la société TEP FRANCE par suite de fusions-absorptions, demande à la Cour de débouter Madame X. de l’intégralité de ses demandes, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner l’appelante à lui payer une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu la clôture le 10 septembre 2007 de la mise en état de la procédure ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la recevabilité de l’appel interjeté par Madame X. n’est ni contestée ni contestable ;
[minute page 3] Attendu qu’il résulte effectivement des pièces soumises à la contradiction des parties :
- que pour sécuriser sa maison d’habitation, Madame X. a souscrit le 9 décembre 1999 auprès de la société TEP deux contrats d’abonnement de télésurveillance, prévoyant chacun à l’article 12 une durée « irrévocable et indivisible » de 48 mois, moyennant un loyer mensuel, respectivement, de 115,83 € et 55,16 € ;
- que le matériel objet des contrats a été livré et mis en service le 27 décembre 1999 par la société TEP FRANCE ;
- que le 12 avril 2000, vers 20 heures, un vol avec effraction a été commis au domicile de Madame X. en son absence ;
- que l’enquête de gendarmerie a permis d’établir que pour pénétrer dans les lieux, le ou les cambrioleurs ont fracturé la porte-fenêtre et le volet du salon situé au premier étage de la villa ;
- que par courrier du 11 mai 2000 Madame X. a dénoncé les contrats conclus avec la société TEP en raison de l’inefficacité du procédé de surveillance révélé par le vol du 12 avril 2000 et a cessé de payer les loyers à compter du mois de mai 2000 ;
- que le 31 mai 2000, Madame X. a déménagé de la villa qu’elle louait à [ville A.] pour s’installer près de THONON-LES-BAINS ;
- que par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2001, la société TEP a mis Madame X. en demeure de lui régler la somme de 1.653,72 € restant due au titre des échéances échues impayées ;
* * *
Attendu qu’il résulte de l’article L. 132-1 du Code de la consommation que, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.»
Qu’il est en l’espèce constant que Madame X. a contracté en qualité de consommateur personne physique et que les contrats litigieux n’ont aucun rapport avec son activité professionnelle ;
Attendu que les contrats prévoient chacun à l’article 12 que la télésurveillance des locaux du domicile de Madame X. sera assurée pour une durée irrévocable de 48 mois, sans envisager aucune possibilité de rupture anticipée par le consommateur, notamment l’hypothèse où il quitterait les lieux faisant l’objet de la télésurveillance ;
Qu’il est ensuite stipulé dans ce même article, que le contrat se poursuivra après son terme pour des périodes successives d’un an, à défaut de notification de sa résiliation, trois mois avant son terme, sans prévoir aucune possibilité d’éviter l’automaticité de la reconduction ;
Qu’enfin, l’article 22 dispose qu’a défaut de paiement de l’une quelconque des mensualités, le contrat sera résilié huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le solde des mensualités non réglées et restant à courir devenant de plein droit et immédiatement exigible ;
Qu’il s’agit d’une clause pénale dont le caractère abusif est manifeste puisqu’il fixe une indemnisation hors de proportion avec le préjudice réel subi, compte tenu de la nature du matériel loué et de la possibilité qu’avait la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de le réutiliser ;
[minute page 4] Qu’à cet égard, il convient de relever que cette dernière a attendu neuf mois d’impayés avant de délivrer à sa locataire une mise en demeure sans pour autant manifester son intention de récupérer le matériel ;
Attendu qu’en prévoyant de telles clauses, le contrat litigieux a pour effet, sinon pour objet, de créer au détriment du cocontractant de la société de télésurveillance un déséquilibre significatif entre les droits et les devoirs des parties à la convention ;
Qu’il s’ensuit que lesdites clauses, dont se prévaut la société ADT FRANCE à l’appui de ses prétentions, doivent être tenues pour non-écrites ;
Que Madame X. justifie avoir quitté les lieux faisant l’objet de la télésurveillance le 31 mai 2000, de sorte que les mensualités futures sont indues ;
Que la demande de la société ADT FRANCE portant sur les mensualités impayées de mai 2000 à janvier 2001 et sur les 37 échéances à échoir jusqu’en février 2004, outre les frais afférents, il y a lieu, en conséquence, de condamner Madame X. à ne payer à la société ADT FRANCE que la somme de 170,99 € au titre des deux mensualités du mois de mai 2000 (115,83 € et 55,16 €) ;
Attendu que Madame X. n’est pas fondée à soulever l’exception d’inexécution, ni à former une demande reconventionnelle en dommages et intérêts à la suite du cambriolage dont elle a été victime, dès lors qu’elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la défectuosité du matériel loué et que sa cocontractante aurait failli à ses obligations ;
Que l’enquête de gendarmerie a en effet permis d’établir que le ou les cambrioleurs ont pénétré dans les lieux par effraction sur une porte-fenêtre située sur le balcon du premier étage et que l’alarme s’est déclenchée lors de la sortie du ou des auteurs du vol par une fenêtre du rez-de-chaussée ;
Qu’il résulte des contrats que les zones à surveiller étaient exclusivement le sous-sol, le bureau et l’entrée du rez-de-chaussée et non les pièces du premier étage ;
Attendu qu’aucune considération d’équité ne commande d’allouer à l’une ou l’autre des parties, une somme sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Madame X. et la société ADT FRANCE succombent chacune partiellement dans leurs prétentions ;
Qu’il convient, en conséquence, d’ordonner un partage des dépens par moitié entre elles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
[minute page 5] La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE recevable l’appel interjeté par Madame X. ;
AU FOND
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
STATUANT A NOUVEAU :
CONDAMNE Madame X. à payer à la société ADT FRANCE, venant aux droits de la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, elle-même aux droits de la société TEP FRANCE, la somme de 170,99 €, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du I0 février 2001
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens qui seront supportés par moitié par Madame X. et la société ADT FRANCE et pour ceux d’appel, autorise, en tant que de besoin, les Sociétés Civiles Professionnelles FORQUIN-RÉMONDIN et BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, titulaires d’un office d’avoué, à en recouvrer le montant aux conditions et formes de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile, sous réserve de l’application des dispositions en vigueur en matière d’aide juridictionnelle
Ainsi prononcé publiquement le 23 octobre 2007 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Madame ROBERT, Président et Madame VIDAL, Greffier.