CA BOURGES (ch. civ.), 21 février 2008
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1227
CA BOURGES (ch. civ.), 21 février 2008 : RG n° 07/00839 ; arrêt n° 106
Publication : Juris-Data n° 368096
Extrait : « Attendu que les conditions générales de vente pratiquées par la SARL ARIANE apparaissent au verso des bons de commande à en-tête FEMINA DIFFUSION ; qu'il y est indiqué que, sauf stipulation particulière figurant au bon de commande l'assortiment de tailles et de couleurs des produits commandés est établi par (les) soins (du vendeur) selon les teintes et tailles de (ses) collections et l'assortiment d'origine de (ses) standards préétablis ; qu'une telle clause n'est pas en soi abusive dans les rapports entre commerçants, même si l'acquéreur ne l'a pas signée et n'en a pas eu le détail au moment de la vente ».
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'Inscription au Répertoire Général : 07/00839. Arrêt n° 106 - 7 pages.
Décision déférée à la Cour : JUGEMENT rendu par le Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 10 avril 2007.
PARTIES EN CAUSE :
I - SARL EXCELDIS venant aux droits de la SARL ARIANE,
représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par Maître Didier TRACOL, avoué à la Cour, assistée de Maître Bruno SAFFAR, avocat au barreau de PARIS, APPELANTE suivant déclaration du 7 juin 2007
II - SAS VIGONDIS enseigne « SUPER U »
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social [adresse], représentée par Maître Hervé RAHON, avoué à la Cour, assistée de Maître Pascal LEGRAND, avocat au barreau D'ORLÉANS, INTIMÉE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 janvier 2008 en audience publique, la Cour étant composée de :
Mme PERRIN : Président de Chambre, entendu en son rapport
Mme LADANT : Conseiller
M. LACHAL : Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 10 avril 2007 par le Tribunal de Commerce de Bourges qui a :
- homologué le rapport d'expertise de M. A. ;
- déclaré la société VIGONDIS recevable et bien fondée en son opposition à ordonnance d'injonction de payer ;
- infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance d'injonction de payer en date du 11 mai 2004 ;
- débouté la société FÉMINA GROUPE ARIANE de l'ensemble de ses demandes comme étant non fondées ;
- annulé purement et simplement la convention signée entre les parties le 18 novembre 2003 ;
- condamné la société FÉMINA GROUPE ARIANE à reprendre à ses frais la marchandise dans les entrepôts de la société VIGONDIS et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois après le jugement ;
- condamné la société FEMINA GROUPE ARIANE à verser à la société VIGONDIS la somme de 3.000 € sur k fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 4 décembre 2007 par la SARL EXCELDIS, venant aux droits de la SARL ARIANE, appelante, tendant à :
- infirmer le jugement déféré en écartant le rapport d'expertise et les conclusions de M. A. et en disant que la société ARIANE s'est acquittée de son obligation de délivrance conforme et n'a pas commis de dol au préjudice de la société VIGONDIS ;
- condamner la société VIGONDIS à payer à la société EXCELDIS le prix des marchandises, soit la somme de 12.321,69 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2004 ;
- débouter la société VIGONDIS de toutes ses demandes ;
- [minute page 4] condamner la société VIGONDIS à payer à la société EXCELDIS la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 31 décembre 2007 par la SAS VIGONDIS, intimée, tendant à confirmer purement et simplement toutes les dispositions du jugement déféré et condamner la société EXCELDIS à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu que le 18 novembre 2003, une déléguée commerciale d'une filiale de la SARL EXCELDIS a obtenu de la responsable des achats textiles de la SAS VIGONDIS, société exploitant un supermarché sous l'enseigne Super U à [ville], la signature d'un bon de commande de vêtements ; que le jour même, cette responsable des achats a tenté d'annuler par fax une partie de la commande ; que les produits ont été livrés le 21 novembre 2003 ; que la SAS VIGONDIS n'ayant pas réglé la facture, la SARL FEMINA GROUPE ARIANE a obtenu à son encontre une ordonnance d'injonction de payer en date du 11 mai 2004 rendue par le président du Tribunal de Commerce de Bourges ; que, sur opposition, le Tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise par jugement en date du 12 avril 2005 ; que suite au dépôt du rapport de l'expert, est intervenu le jugement déféré ;
Attendu que la SARL EXCELDIS, venant aux droits de la SARL ARIANE, considère que les conclusions expertales sont inacceptables, qu'elles manquent d'objectivité et d'exhaustivité, qu'elles portent des appréciations d'ordre juridique et des commentaires inopportuns sur les conditions générales de vente ; qu'elle soutient avoir remis à son cocontractant une chose, sans défaut, conforme à celle-ci qui avait été convenue ; qu'elle précise qu'il n'y avait pas de spécifications de coloris dans la commande et que la livraison des marchandises, à laquelle elle a procédé, s'avère cohérente avec le bon commande, notamment les conditions générales de vente stipulées au verso, bon signé par une [minute page 5] professionnelle de la grande distribution qui ne saurait prétendre que ces dispositions, dépourvues de toute ambiguïté, lui sont inopposables et contreviennent aux articles 1602 et 1129 du Code Civil ; qu'elle ajoute que les coloris des vêtements livrés n'avaient rien d'extravagant et que l'expertise n'a pas incriminé des défauts de vêtements livrés ; qu'elle estime qu'en matière d'habillement, la vente en gros d'un modèle sous forme d'un assortiment de tailles et de couleurs n'est pas contraire aux usages de la grande distribution ; qu'elle indique qu'aucune manœuvre dolosive n'est démontrée ;
Attendu qu'en réponse, la SAS VIGONDIS explique que la représentante de la société FÉMINA s'était présentée comme appartenant à une entreprise référencée par la centrale Système U et avait joué ainsi sur une homonymie pour obtenir un rendez-vous et une commande ; qu'elle signale que les vêtements ont été présentés sous les seuls coloris noir et blanc ; qu'elle souligne qu'elle n'aurait jamais acheté de coloris invendables et que de nombreux vêtements présentaient des défauts ; qu'elle mentionne qu'elle n'a pas signé les conditions générales de vente situées au dos de la commande ; qu'elle considère avoir été victime de manœuvres dolosives et que le tribunal a objectivement pu constater que les pièces justificatives versées aux débats prouvaient les manquements de l'appelante dans la conclusion du contrat, la livraison ne correspondant absolument pas à la commande passée, sans parler des défauts de certains articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1116 du Code Civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que les faits allégués comme constitutifs du dol doivent avoir été la cause déterminante du contrat ; qu'il s'en déduit que les manœuvres dolosives ne peuvent être qu'antérieures à la passation du contrat ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme Y., manager de caisse de la SAS VIGONDIS, atteste qu'au téléphone la société FÉMINA s'est présentée comme référencée par la centrale Système U et que, lors de la présentation de la collection le 18 novembre 2003 à la responsable des achats et à elle-même, seuls des vêtements de fête ont été montrés, sans nuancier ni catalogue ; que de tels agissements, même pour certains mensongers, pratiqués entre commerçants, ne sont pas d'une gravité telle qu'ils puissent être qualifiés de manœuvres dolosives ;
[minute page 6] Attendu que les conditions générales de vente pratiquées par la SARL ARIANE apparaissent au verso des bons de commande à en-tête FEMINA DIFFUSION ; qu'il y est indiqué que, sauf stipulation particulière figurant au bon de commande l'assortiment de tailles et de couleurs des produits commandés est établi par (les) soins (du vendeur) selon les teintes et tailles de (ses) collections et l'assortiment d'origine de (ses) standards préétablis ; qu'une telle clause n'est pas en soi abusive dans les rapports entre commerçants, même si l'acquéreur ne l'a pas signée et n'en a pas eu le détail au moment de la vente ;
Attendu que cependant, la SAS VIGONDIS maintient qu'elle a reçu une marchandise non conforme aux spécifications du contrat ;
Attendu que la délivrance d'une chose différente de celle convenue, si minime soit la différence, constitue un manquement à l'obligation de délivrance édictée par les articles 1603 et 1604 du Code civil ; que de plus, la commande d'une chose neuve s'entend d'une chose sans défaut ; que la délivrance non conforme ouvre droit à une action en résolution de la vente ;
Attendu que, dès la réception des marchandises le 21 novembre 2003, la SAS VIGONDIS a immédiatement demandé l'annulation de la commande en indiquant que les coloris n'étaient pas conformes à ceux présentés, que des produits étaient défectueux et qu'il existait des manquants ; que l'appelante ne peut soutenir que la commande ne portait pas essentiellement sur des vêtements de fête ; qu'en effet, sur le bon de livraison, 6 références sur 27 portent comme seule désignation du produit « fête » ; que par ailleurs, le 25 novembre 2003, Maître C., huissier de justice associé à Bourges, a constaté, premièrement que les ensembles jupes et tops références FT 22 et FT 35 étaient de couleurs totalement différentes, le top de couleur prune et la jupe de couleur rouge ou le top de couleur beige et la jupe de couleur jaune or, deuxièmement que sur plusieurs tops référence E 617 apparaissaient de petites taches et que des hauts référence E 700 avaient des coutures mal faites totalement inesthétiques en biais à certains endroits, troisièmement que les pantalons daim B 604 sont tous d'une taille démesurée variant du 46 au 56, quatrièmement qu'il n'y a pas de col fourré sur les trois-quarts des gilets référence FT 24 ; que si le vendeur, aux termes des conditions générales de vente, se réservait le droit de [minute page 7] livrer un assortiment de tailles et de couleurs en fonction des teintes et des tailles de ses collections et de son standard préétabli, il n'en demeure pas moins que le vendeur ne peut soutenir que son standard était pour certains pantalons un standard de femmes fortes et que ses collections présentaient des ensembles « tops et jupes » de couleurs dépareillées ; qu'enfin, le constat dressé par huissier révèle de réels défauts sur des produits neufs ; qu'en conséquence, la livraison n'était pas conforme à la commande ;
Attendu que dans ces conditions, le premier juge en a parfaitement déduit que l'acquéreur devait rendre la marchandise et le vendeur restituer le prix ; que le jugement sera alors confirmé
Attendu qu'aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la SAS VIGONDIS la charge des frais exposés par elle non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner la SARL EXCELDIS à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré
Condamne la SARL EXCELDIS aux dépens et à payer à la SAS VIGONDIS la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Accorde à Maître RAHON le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile
L'arrêt a été signé par Mme PERRIN, Président de Chambre et par Mme MINOIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. MINOIS C. PERRIN.