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CA AGEN (1re ch.), 3 octobre 2006

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch.), 3 octobre 2006
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch.
Demande : 05/01484
Date : 3/10/2006
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 923
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1259

CA AGEN (1re ch.), 3 octobre 2006 : RG n° 05/01484 ; arrêt n° 923

Publication : Legifrance ; Lamyline

 

Extrait : « En l’espèce, c’est par une juste application de ces dispositions et une exacte appréciation des circonstances de la cause et en des motifs que la cour adopte, que le tribunal a jugé abusive la clause du contrat aux termes de laquelle : « tout article invendu, non retiré au terme d’un an et un jour, devient la propriété définitive de […] X. ».

En effet, cette clause permet au dépositaire de devenir propriétaire du meuble déposé par le seul effet de l’écoulement du délai précité, sans qu’il ne soit tenu de rappeler au déposant l’issue de ce délai, ni de l’inviter à venir retirer l’objet placé en dépôt vente. Elle organise ainsi un déséquilibre évident entre les droits et les obligations respectives du dépositaire et du non professionnel, au préjudice de ce dernier.

Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, M. X. n’ignorait pas la valeur du meuble déposé lors de la conclusion du contrat, d’une part en sa qualité de professionnel exerçant une activité d’antiquités brocante et d’autre part, en raison de la vente de cet objet consentie en 1997 aux époux Y. pour le prix de 20.000 Francs. Le déséquilibre des droits et obligations des parties est d’autant plus caractérisé au regard de la valeur non négligeable de ce meuble dont M. X. pouvait devenir propriétaire, sans autre obligation que celle de le conserver pendant un an et un jour.

En outre, au moment de la conclusion du contrat, cette clause ne figurait pas dans les conditions générales stipulées au verso du contrat pré-imprimé proposé par M. X., dont le déposant reconnaissait avoir pris connaissance, mais elle était mentionnée dans le cadre réservé à la désignation de l’objet déposé, au prix et à la rétrocession.

Les explications de M. X. pour tenter de justifier cette clause ne peuvent pas être retenues. En effet, si une durée limitée est souvent prévue dans les autres modèles de contrats de dépôt vente, cet usage ne peut pas avoir pour effet d’enlever à la clause litigieuse son caractère abusif. D’autre part, si les contrats de dépôt vente prévoient une durée limitée pour que le dépositaire ne soit pas contraint de stocker des objets oubliés par le déposant, il importe alors qu’à l’expiration du délai convenu, le déposant soit avisé avant que le dépositaire puisse se dessaisir des objets déposés ou en disposer librement. Un exemplaire de contrat de la société « Troc de L’Ile » produit par M. X. montre d’ailleurs que la clause relative à la durée du contrat est différente de la sienne et qu’elle prévoit que lorsque le déposant n’est pas venu retirer un article invendu, un avis lui est adressé.

Le caractère abusif de la clause litigieuse est ainsi bien établi au regard de la nature et de la spécificité du contrat de dépôt-vente. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclarée non écrite. »

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/01484. Prononcé à l’audience publique du trois octobre deux mille six, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assisté de Nicole CUESTA, Greffier,

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère Chambre dans l’affaire,

 

ENTRE :

Monsieur X.

le [date] à [ville], Demeurant [adresse], représenté par la SCP A. L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués, assisté de Maître Nathalie DUPONT-RICARD, avocat, DEMANDEUR sur requête en déféré suite à une ordonnance rendue par le Conseiller de la Mise en Etat de la Cour d’Appel d’AGEN en date du 20 septembre 2005, D’une part,

 

ET :

Monsieur Y.

le [date] à [ville], Demeurant [adresse],

Madame Z. ,épouse Y.

née le [date] à [ville], Demeurant [adresse],

représentés par la SCP Henri TANDONNET, avoués, DÉFENDEURS, D’autre part,

 

a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 5 septembre 2006, devant Jean Marie IMBERT, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Christian COMBES, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. X., antiquaire brocanteur, a vendu en 1997 à M. Y. et à Mme Z., son épouse, un lutrin pour le prix de 20.000 Francs, soit 3.048,98 € TTC.

Par la suite, les époux Y., qui ne souhaitaient pas conserver ce lutrin, se sont adressés à M. X. pour qu’il le vende et par contrat du 26 avril 2001, les parties ont convenu que ce meuble était en dépôt vente dans le commerce de M. X. Il était indiqué au recto du contrat que : « tout article invendu, non retiré au terme d’un an et un jour, devient la propriété définitive de […] X. ».

Ayant appris que M. X. avait vendu le lutrin en avril 2003, les époux Y. lui ont adressé une mise en demeure de leur payer la somme de 3.048,98 €, puis une sommation de payer ou de restituer. M. X. leur a fait répondre qu’en application des stipulations du contrat, le lutrin était devenu sa propriété.

Par acte du 29 octobre 2004, les époux Y. ont fait assigner M. X. devant le tribunal d’instance de CAHORS pour que soit déclarée abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation la clause précitée insérée dans le contrat de dépôt vente et pour obtenir la condamnation de M. X. à leur restituer le lutrin ou à défaut, à leur payer la somme de 3.098,48 € [N.B. lire 3.098,98 ?], ainsi que des dommages et intérêts.

Par jugement du 15 mars 2005, le tribunal d’instance de CAHORS a déclaré non écrite la clause « tout article invendu, non retiré au terme d’un an et un jour, devient la propriété définitive de […] X. », condamné M. X. à payer aux époux Y. la somme de 3.048,98 € en vertu du contrat de dépôt vente et la somme de 600 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté les époux Y. de leur demande de dommages et intérêts et condamné M. X. aux dépens.

M. X. a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 14 décembre 2005, la cour, infirmant une ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 septembre 2005, a déclaré recevable cet appel.

Les parties ayant conclu au fond, l’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2006.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. X. fait valoir à l’appui de son appel que la clause indiquant que « tout article invendu, non retiré au terme d’un an et un jour, devient la propriété définitive de Nano X. » n’est pas une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et au regard du contrat de dépôt-vente.

Il explique que le contrat de dépôt-vente, qui n’est pas un contrat de vente et qui présente pour le dépositaire le risque de ne pas vendre l’objet déposé, prévoit une durée limitée car il est fréquent que les déposants oublient les meubles déposés. Il précise que c’est en ce sens que la clause litigieuse a été mentionnée en caractères visibles au recto du contrat, qu’il était inutile qu’elle soit reprise au verso dans les conditions générales et que par référence aux autres modèles de contrats de dépôt vente, la clause de durée limitée est systématique.

Rappelant que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui l’entourent et à ses autres clauses, il soutient que le jugement entrepris n’a pas dit en quoi les circonstances de l’espèce étaient exceptionnelles.

Il indique que l’intérêt du commerçant est de vendre le plus rapidement possible tout en percevant sa commission et que les époux Y. avaient toute latitude pour récupérer leur bien avant le délai d’un an et un jour.

Il fait valoir par ailleurs que le tribunal n’a pas tenu compte de sa commission de 25 % prévue au contrat, ni du fait qu’il a vendu le meuble pour un montant TTC et a réglé 19,60 % de TVA au Trésor Public, de sorte que si une condamnation devait être mise à sa charge elle devrait être déduite de 19,60 % sur 3.098,48 € [N.B. lire 3.098,98 ?] et de la commission due sur la somme restante.

Il conclut en conséquence à l’infirmation du jugement entrepris, au débouté des prétentions adverses, à la condamnation des époux Y.au paiement de la somme de 1.000 € pour procédure abusive et de 1.200 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il demande à titre subsidiaire à la cour de dire que le montant de la condamnation à son encontre ne saurait excéder 1.911,99 € déduction faite de la TVA reversée et de son droit à commission.

* * *

M. et Mme Y. font valoir que la clause litigieuse crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment des consommateurs et que la commission des clauses abusives s’est d’ailleurs prononcée en ce sens.

Ils relèvent notamment que cette clause dispense le dépositaire de prévenir de la réalisation de la vente, qu’elle a pour effet de lui permettre après un délai d’un an et un jour, sans information préalable du déposant, de conserver le produit de la vente ou l’objet déposé, alors que la mise en vente dépend justement du dépositaire.

Ils rappellent aussi que l’article L. 133-2 du Code de la consommation impose des clauses claires et compréhensibles, s’interprétant en cas de doute dans le sens favorable au non professionnel.

En ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. X., ils soulignent que celui-ci s’est expressément engagé sur un prix de rétrocession de 20.000 Francs, soit 3.048,98 €, qui a fait l’objet d’une mention écrite de sa main ajoutée sur le contrat qui comprenait des mentions pré-imprimées, qu’il ne peut donc prétendre leur restituer une somme moindre alors qu’en cas de contradiction entre les clauses du contrat, la mention manuscrite doit l’emporter ; ils invoquent à ce titre les règles d’interprétation des contrats résultant des dispositions de l’article L. 133-2 du Code de la consommation et de l’article 1157 du Code civil. Concernant la TVA, ils observent que M. X. ne produit pas de facture de la vente et que la déduction de la TVA n’est pas prévue au contrat.

Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts. Formant appel incident sur ce point, ils soutiennent que le comportement de M. X. leur a causé des tracas et désagréments et demandent sa condamnation à leur payer la somme de 1.000 € en réparation de leur préjudice. Ils réclament enfin le paiement de la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L’article L. 132-1 alinéa 1 du Code de la consommation dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Cet article précise que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat et que les clauses abusives sont réputées non écrites.

En l’espèce, c’est par une juste application de ces dispositions et une exacte appréciation des circonstances de la cause et en des motifs que la cour adopte, que le tribunal a jugé abusive la clause du contrat aux termes de laquelle : « tout article invendu, non retiré au terme d’un an et un jour, devient la propriété définitive de […] X. ».

En effet, cette clause permet au dépositaire de devenir propriétaire du meuble déposé par le seul effet de l’écoulement du délai précité, sans qu’il ne soit tenu de rappeler au déposant l’issue de ce délai, ni de l’inviter à venir retirer l’objet placé en dépôt vente. Elle organise ainsi un déséquilibre évident entre les droits et les obligations respectives du dépositaire et du non professionnel, au préjudice de ce dernier.

Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, M. X. n’ignorait pas la valeur du meuble déposé lors de la conclusion du contrat, d’une part en sa qualité de professionnel exerçant une activité d’antiquités brocante et d’autre part, en raison de la vente de cet objet consentie en 1997 aux époux Y. pour le prix de 20.000 Francs. Le déséquilibre des droits et obligations des parties est d’autant plus caractérisé au regard de la valeur non négligeable de ce meuble dont M. X. pouvait devenir propriétaire, sans autre obligation que celle de le conserver pendant un an et un jour.

En outre, au moment de la conclusion du contrat, cette clause ne figurait pas dans les conditions générales stipulées au verso du contrat pré-imprimé proposé par M. X., dont le déposant reconnaissait avoir pris connaissance, mais elle était mentionnée dans le cadre réservé à la désignation de l’objet déposé, au prix et à la rétrocession.

Les explications de M. X. pour tenter de justifier cette clause ne peuvent pas être retenues. En effet, si une durée limitée est souvent prévue dans les autres modèles de contrats de dépôt vente, cet usage ne peut pas avoir pour effet d’enlever à la clause litigieuse son caractère abusif. D’autre part, si les contrats de dépôt vente prévoient une durée limitée pour que le dépositaire ne soit pas contraint de stocker des objets oubliés par le déposant, il importe alors qu’à l’expiration du délai convenu, le déposant soit avisé avant que le dépositaire puisse se dessaisir des objets déposés ou en disposer librement. Un exemplaire de contrat de la société « Troc de L’Ile » produit par M. X. montre d’ailleurs que la clause relative à la durée du contrat est différente de la sienne et qu’elle prévoit que lorsque le déposant n’est pas venu retirer un article invendu, un avis lui est adressé.

Le caractère abusif de la clause litigieuse est ainsi bien établi au regard de la nature et de la spécificité du contrat de dépôt-vente. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclarée non écrite.

Il est établi, par la copie d’un chèque, un relevé bancaire et les comptes de l’appelant, que M. X. a vendu le lutrin au mois de mars 2003 pour le prix de 3.500 €. Les époux Y. devaient en conséquence recevoir la somme qui leur était due en application des stipulations contractuelles relatives au règlement.

Le contrat du 26 avril 2001 comporte, dans le cadre intitulé « rétrocession », la mention manuscrite de la somme de 20.000 Francs. En revanche, les cadres intitulés « prix de vente » et « commission » ne sont pas renseignés.

Mais, le contrat mentionne par ailleurs les taux de commission hors taxe applicables sur le prix de vente par article, soit notamment, au delà de 5.000 Francs : 25 %.

En outre, l’article 4 des conditions générales du contrat précise que M. X. s’engage à régler au déposant « le montant lui revenant sur le produit de la vente de ses articles (soit prix de vente-commission) ».

Le droit du dépositaire à une commission calculée en fonction du prix de vente et déduite de ce prix, est donc expressément prévu par le contrat.

Les mentions du contrat relatives à la rétrocession et à la commission ne sont pas contradictoires et il n’y a donc pas lieu à interprétation sur ce point.

En revanche, le contrat ne prévoyait pas que la TVA serait déduite du prix de vente et que le taux de commission serait appliqué sur la somme restante après déduction de la TVA. En outre, M. X. ne produit pas de facture. Ses prétentions concernant la déduction de la TVA seront rejetées.

M. X. peut ainsi prétendre à une commission de 25 % sur le prix de 3.500 €, soit 875 € et le montant revenant aux époux X. s’élève à  3. 500 € - 875 € = 2.625 €.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. X. qui est réduite à la somme de 2.625 €.

C’est à juste titre que le tribunal a débouté les époux Y.de leur demande de dommages et intérêts qui n’est pas justifiée par un préjudice particulier et qu’il leur a alloué la somme de 600 € en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. X. qui succombe dans son appel, sera condamné aux dépens et n’a pas droit au bénéfice de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il sera en outre condamné, en application de ce texte, à payer la somme de 1.000 € aux époux Y.au titre des frais exposé en cause d’appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 15 mars 2005 par le Tribunal d’instance de CAHORS, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l’encontre de M. X. en vertu du contrat de dépôt vente,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. X. à payer à M et Mme Y. la somme de 2.625 € au titre du contrat de dépôt-vente, après déduction de la commission,

Déboute chacune des parties de leur demande contraire ou plus ample,

Condamne M. X. à payer à M et Mme Y. la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier       Le Président