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CA PARIS (16e ch. sect. A), 20 février 1996

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (16e ch. sect. A), 20 février 1996
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 16e ch. sect. A
Demande : 94/13277
Date : 20/02/1996
Nature de la décision : Infirmation
Décision antérieure : CASS. COM., 30 mars 1999
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1285

CA PARIS (16e ch. sect. A), 20 février 1996 : RG n° 94/13277

(sur pourvoi Cass. com., 30 mars 1999 : pourvoi : 96-14881 ; arrêt n° 729)

 

Extrait : « Qu'il s'ensuit que cette seconde partie de la clause sera déclarée nulle à l'égard de la société de Préfabrication Bourbonnaise car, en tendant à éliminer, ou à tout le moins à réduire, le risque inhérent à une telle convention en cas d'erreur d'appréciation de celui-ci, elle rend le contrat d'affacturage litigieux partiellement dépourvu de cause,

Que ce faisant, la cour ne fait qu'user du pouvoir qu'elle tient de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile en requalifiant en action en nullité pour défaut partiel de cause, l'action introduite par la société de Préfabrication Bourbonnaise en nullité de la clause litigieuse fondée sur l'article 1172 du Code civil (« Toute condition d'une chose impossible... est nulle ») et subsidiairement sur l'article L. 132-1 du Code de la consommation (clause abusive)… »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

SEIZIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/13277. Sur appel d’une décision rendue le 8 mars 2004 par le tribunal de commerce de Paris (2ème ch.). Date de l’ordonnance de clôture : 9 janvier 1996.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) La société de Préfabrication Bourbonnaise (SPB)

dont le siège est [adresse], agissant en la personne de ses représentants légaux, APPELANTE, Représentée par la SCP DAUTHY NABOUDET, avoué, Assistée de Maître GRATTESOL, avocat

ET :

2°) La société d'Affacturage FACTOREM

dont le siège est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux, INTIMÉE, Représentée par la SCP FANET, avoué, Assistée de Maître MARTIN J., avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Monsieur DUCLAUD, Président, Madame GUERIN et Monsieur MOREL Conseillers.

GREFFIER : Mme THUILLIER-CHEVRIER.

DÉBATS : A l'audience publique du 15 janvier 1996.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

[minute page 2] Prononcé publiquement par Monsieur DUCLAUD, Président, lequel a signé la minute, assisté de Madame THUILLIER-CHEVRIER Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La Cour statue sur l'appel interjeté par la société de préfabrication Bourbonnaise du jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 mars 1994 qui l'a débouté de sa demande en paiement de factures remises à la société d'affacturage Factorem et l'a condamnée à payer à celle-ci une somme de 4.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.

La société SPB a conclu le 10 juillet 1991 avec la société d'affacturage FACTOREM au terme duquel celle-ci payait, à la réception d'une facture émise à l'encontre de clients préalablement agréés par elle et de la quittance subrogative y afférente, le montant de cette facture de sorte qu’« elle était garantie du risque de leur insolvabilité dans le limite des approbations préalables », cette approbation se faisant par client et pour une somme globale pour une période donnée.

C'est ainsi que la société SBP a reçu le 7 novembre 1991 « l'approbation » d'un de ses clients, le Comptoir Général des Matériaux pour une somme de 600.000 francs jusqu'au 31 décembre 1991.

Le 21 novembre 1991, la société Factorem est revenue sur son approbation donnée quelques jours plus tôt, le groupe CGM ayant plus tard déposé son bilan.

A la suite de quoi, la société Factorem a refusé de régler à la société SPB six factures d'un montant total de 172.942,28 francs correspondant aux livraisons du 1er au 24 novembre 1991.

La société SBP a alors, par acte du 31 octobre 1992, assigné la société Factorem aux fins de la voir [minute page 3] condamner à lui payer la somme de 157.922,40 francs TTC avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1991, outre celle de 4.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la demande en principal étant portée à 172.942,28 francs par concluions ultérieures et celle afférents à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile l'étant à la somme de 11.860 francs.

Constatant que les factures litigieuses étaient datées du 30 novembre 1991 et qu'elles n'avaient été cédées pour quittances subrogatives le 4 décembre 1992, et ce, alors que l'approbation des factures à C.G.M. avaient été révoquée par la société Factorem le 21 novembre précédent, le tribunal de commerce a, par le jugement déféré, rejeté les demandes de la société de Préfabrication Bourbonnaise.

Appelante, la société de Préfabrication Bourbonnaise demande à la Cour d'infirmer cette décision, de dire que la procédure prévue par l'article 2-3 paragraphe 6 du contrat constitue une obligation impossible et que la société Factorem doit être tenue au paiement des créances couvertes par son approbation, et, en conséquence, de condamner celle-ci au paiement de la somme de 172.942,48 francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 1991.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant que le présent litige a pour origine l'application de la clause suivante du contrat d'affacturage :

« Article 2.6 Approbations.

Nous pourrons, à tout moment et sans préavis, modifier les termes de ces approbations en les réduisant ou en les supprimant. Elles perdront, dès leur révocation, leur caractère « revolving » tel que défini ci-dessus. Ces réductions ou suppressions seront sans effet sur les créances qui étaient couvertes par nos approbations avant la notification de réduction ou de suppression et dont les factures correspondantes auront faits l'objet d'une quittance subrogative à une date antérieure à celle de la suppression ou de la réduction de l'approbation » ;

Considérant que cette clause, dans sa première phrase, consacre la liberté pour la société d'affacturage Factorem de supprimer à tout moment « son approbation », donc [minute page 4] de limiter l'aléa qu'elle encourt pour l'avenir, ce qui n'est pas critiquable ;

Que cependant, à raison de l'économie du contrat d'affacturage, l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, ne peut être exercé légitimement par la société Factorem qu'à la condition de ne pas éteindre rétroactivement son engagement en cause ;

Que ne répond pas à cette exigence la seconde partie de la clause précitée dès lors qu'au lieu d'attacher ses effets à la seule exécution des prestations facturées de laquelle la quittance subrogative tire sa cause, elle les subordonne à la production d'une quittance subrogative établie à une date antérieure à celle de la suppression ou de la réduction de « l'approbation » ; que cette condition revient à fixer rétroactivement le point de départ dans l'exécution des engagements de paiement de factures par la société Factorem, et ce, de manière subreptice grâce à une rédaction fort habile de la clause litigieuse dont la portée n'a pu qu' échapper, lors de la signature du contrat d'affacturage, à son cocontractant, la société de préfabrication Bourbonnaise, qui est une PME dépourvue de service juridique ;

Qu'il s'ensuit que cette seconde partie de la clause sera déclarée nulle à l'égard de la société de Préfabrication Bourbonnaise car, en tendant à éliminer, ou à tout le moins de réduire, le risque inhérent à une telle convention en cas d'erreur d'appréciation de celui-ci, elle rend le contrat d'affacturage litigieux partiellement dépourvu de cause ;

Que ce faisant, la Cour ne fait qu'user du pouvoir qu'elle tient de l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile en requalifiant en action en nullité pour défaut partiel de cause, l'action introduite par la société de Préfabrication Bourbonnaise en nullité de la clause litigieuse fondée sur l'article 1172 du Code Civil (« Toute condition d'une chose impossible... est nulle ») et subsidiairement sur l'article L. 132-1 du Code de la Consommation (clause abusive) ;

Considérant qu'il s'ensuit que la société Factorem sera condamnée à payer à la société de Préfabrication Bourbonnaise la somme de 172.942,28 francs avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 1992, date d'assignation, montant total de six factures dont [minute page 5] les prestations ont été exécutées avant le 25 novembre 1991, date à laquelle la société de Préfabrication Bourbonnaise a reçu la lettre recommandée lui notifiant la décision d'arrêter « l'approbation » (la lettre elle-même étant datée du 21 novembre 1991) ;

Considérant que l'équité ne commande pas au Tribunal d'allouer à la société Factorem une somme de 4.000 francs en paiement de ses frais irrépétibles de première instance ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point ;

Que par ailleurs, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non taxables en cause d'appel ;

Considérant enfin que la société de Préfabrication Bourbonnaise ne démontre pas le caractère abusif de la résistance de la société Factorem ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Vu l'absence partielle de cause de la clause dite « article 2-6 Approbations » du contrat d'affacturage liant la société Factorem à la société de préfabrication Bourbonnaise,

Condamne la société Factorem à payer à la société de Préfabrication Bourbonnaise la somme de 172.942,28 francs avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 1992,

Y ajoutant,

Déboute la société de Préfabrication Bourbonnaise de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Déboute les parties de leur demande réciproque fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 6] Condamne la société Factorem aux dépens de première instance et d'appel ;

Autorise la SCP Dauthy-Naboudet, avoué, à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.