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CASS. CIV. 1re, 10 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 10 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 14-22223
Décision : 15-944
Date : 10/09/2015
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:C100944
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 944
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CERCLAB - DOCUMENT N° 13

CASS. CIV. 1re, 10 septembre 2015 : pourvoi n° 14-22223 ; arrêt n° 944

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extraits : 1/ « En matière de procédure sans représentation obligatoire, les moyens soulevés d’office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, non rapportée en l’espèce, avoir été débattus contradictoirement à l’audience ».

2/ « Vu les articles 1147 du code civil et L. 211-3 du code du tourisme ;

Attendu que, pour accueillir la demande, la juridiction de proximité retient que la société, en qualité de vendeur de billets d’avion, était tenue, comme tout vendeur professionnel, d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de ses clients et qu’il lui revenait, à ce titre, d’informer les époux X. des formalités multiples d’entrée et de séjour de la ville de destination, obligation à laquelle la société a manqué ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que les billets d’avion litigieux avaient été délivrés aux époux X. par un transporteur aérien, de sorte que n’était applicable à la société ni l’obligation d’information incombant au vendeur ni celle, incombant aux opérateurs de la vente de voyages et de séjours, au sens des articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme, relative aux conditions de franchissement des frontières, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 14-22223. Arrêt n° 944.

DEMANDEUR à la cassation : Société Malaysia Airlines Système Berhad

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur et Madame X.

Mme Batut (président), président. SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. et Mme X. et leur fils G. n’ayant pas été autorisés à embarquer, le 22 juin 2012, à bord du vol Paris-Phnom Penh de la Malaysia Airlines, en raison de l’absence de réservation d’un vol retour, d’un défaut de visa de Mme X. et de M. G. X. et de la présentation du passeport non valide de ce dernier, les époux X. ont assigné la société Malaysia Airlines Système Berhad (la société), à qui ils avaient acheté les billets d’avion, en réparation de leur préjudice ;

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société fait grief au jugement d’accueillir la demande, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en relevant d’office le moyen tiré de la prétendue qualité de vendeur professionnel de la société pour mettre à sa charge une obligation d’information et de conseil vis-à-vis de ses clients sur les formalités d’entrée et de séjour dans la ville de destination, et retenir sa responsabilité faute pour elle de justifier avoir rempli cette obligation lors de la vente des billets d’avion, sans inviter les parties à présenter au préalable leurs observations sur ce moyen, le juge de proximité a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, les moyens soulevés d’office par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, non rapportée en l’espèce, avoir été débattus contradictoirement à l’audience ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 1147 du code civil et L. 211-3 du code du tourisme ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour accueillir la demande, la juridiction de proximité retient que la société, en qualité de vendeur de billets d’avion, était tenue, comme tout vendeur professionnel, d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de ses clients et qu’il lui revenait, à ce titre, d’informer les époux X. des formalités multiples d’entrée et de séjour de la ville de destination, obligation à laquelle la société a manqué ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que les billets d’avion litigieux avaient été délivrés aux époux X. par un transporteur aérien, de sorte que n’était applicable à la société ni l’obligation d’information incombant au vendeur ni celle, incombant aux opérateurs de la vente de voyages et de séjours, au sens des articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme, relative aux conditions de franchissement des frontières, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 septembre 2013, entre les parties, par la juridiction de proximité de Paris 3e ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Paris 2e ;

Condamne M. et Mme X. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X. à payer à la société Malaysia Airlines Système Berhad la somme globale de 1.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Malaysia Airlines Système Berhad.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir condamné la société Malaysia Airlines Système Berhad à payer à Mme X. et M. X. les sommes de 1.335 € au titre de la somme retenue sur le prix des billets achetés le 19 mars 2012, ainsi que celle de 480 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 25 juin 2012 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que les billets d’avion délivrés par la société Malaysia Airlines Système Berhad représentent les contrats de transport qui lient directement la compagnie aérienne aux passagers, requérants ; qu’à ce titre la société Malaysia Airlines Système Berhad, revendiquant sa qualité d’entrepreneur « transporteur aérien » décline toutes obligations d’information et de conseil incombant aux agences de voyage ; que Mme, M. X. l’assignent sur le fondement des dispositions du décret n° 94-490 du 15 juin 1994 et de l’article 96 de la loi du 13 juillet 1992 concernant la vente de prestations de voyage, réglementant l’activité des agences de voyage ; que l’émission des billets établit l’existence et l’acceptation des conditions du contrat de « transport aérien » souscrit entre les passagers et le transporteur, dont les noms figurent sur les billets ; que ces derniers, assortis d’informations écrites et orales rendent efficient ledit contrat, dans le cadre du déplacement de personnes ; que ces billets déterminent avant et après le début effectif des prestations les conditions auxquelles seront soumis d’une part les usagers et d’autre part le transporteur pendant la période de leur validité ; que cependant, la société Malaysia Airlines Système Berhad, en qualité de « vendeur » de billets est également immédiatement responsable devant les demandeurs de la bonne exécution des obligations résultant de ce contrat de « vente » et leur unique interlocuteur ; que comme tout vendeur professionnel face à un consommateur, la société Malaysia Airlines Système Berhad est tenue d’une obligation d’information et de conseil vis-à-vis de ses clients, Mme, M. X. ; qu’il entre donc dans ses obligations, en qualité de vendeur professionnel de billets d’avion, d’informer des conditions précises d’utilisation desdits billets et notamment des formalité multiples d’entrée et de séjour à Phnom Penh, ville étrangère de destination ; que cette carence d’informations et de conseils à Mme, M. X. les a exposés à un triple refus d’embarquement ; qu’en effet, la société défenderesse devait initialement vérifier qu’elle remettait effectivement aux acheteurs les réservations du retour prévu le 28 août 2012 et régulièrement prélevés par carte de paiement - réservations d’autant plus importantes qu’en leur absence, tout passager se voit légalement refuser l’embarquement ; que par la suite, un rappel sur la nécessité d’un visa pour entrer et séjourner au Cambodge, ses conditions et délais pour l’obtenir était nécessaire sinon indispensable afin d’effectuer les démarches administratives en temps utile ; qu’en l’espèce, il convient d’observer que les billets ayant été achetés le 19 mars 2012 pour un voyage prévu le 22 juin 2012, force est de constater que la vérification ou l’accomplissement de cette formalité aurait éliminé les motifs de refus d’embarquement évoqués dans la présente instance ; que par ailleurs, la défenderesse, transporteur « aérien », agent de voyages, déclare qu’il « est de la responsabilité du passager de s’assurer préalablement à l’embarquement qu’il dispose des titres requis à l’entrée et au séjour sur le territoire du lieu de destination, ainsi que l’article 14. 1 des conditions générales de vente de notre compagnie, disponible sur notre site, le précise » (courrier du 4 juillet 2012) ; que la société Malaysia Airlines Système Berhad estime donc nécessaire d’insérer une clause particulière « d’information » dans ses conditions générales de vente sur son site ; qu’en revanche, ladite société n’excipe de la production d’aucune condition générale ou clause particulière de vente, ni d’une quelconque communication écrite ou orale desdites dispositions de l’article susvisé, lors de l’achat des billets d’avion, à son agence sise : [adresse] à Paris ; qu’il en résulte que la société Malaysia Airlines Système Berhad a effectivement vendu trois billets d’avion à Mme, M. X. et leur fils, vente à ses guichets, pour laquelle elle ne justifie pas avoir rempli son obligation d’information et de conseil en qualité de vendeur professionnel ; qu’en conséquence la société Malaysia Airlines Système Berhad sera donc condamnée à leur payer la somme de 1.335 € au titre de la somme retenue sur le prix des billets d’avion achetés le 19 mars 2012 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 25 juin 2012 ; que le non-respect de son devoir d’information et de conseil a causé un préjudice matériel à Mme, M. X. et leur fils qui n’ont pu partir que le 11 juillet 2012 avec la Compagnie Thai Airways pour un coût total de 3.120 € ; que les requérants ont exposé des frais supplémentaires et justifient de 480 € au titre du surcoût de billets comparativement à ceux initialement achetés pour une somme de 2.639,20 €, qu’il convient de condamner la société Malaysia Airlines Système Berhad à verser aux demandeurs la somme de 480 € à titre de dommagesintérêts ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS D’UNE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en relevant d’office le moyen tiré de la prétendue qualité de vendeur professionnel de la société Malaysia Airlines pour mettre à sa charge une obligation d’information et de conseil vis-à-vis de ses clients sur les formalités d’entrée et de séjour dans la ville de destination, et retenir sa responsabilité faute pour elle de justifier avoir rempli cette obligation lors de la vente des billets d’avion, sans inviter les parties à présenter au préalable leurs observations sur ce moyen, le Juge de proximité a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le contrat par lequel une compagnie d’aviation s’engage à transporter des personnes d’un point à un autre est un contrat de transport aérien, formalisé sur la délivrance d’un billet, titre de transport et non un contrat de vente ; que le transporteur aérien, prestataire de service, lors d’un transport international a pour seule obligation de vérifier, à l’embarquement, que les passagers sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues ; qu’en faisant peser sur le transporteur aérien, les obligations légales qui incombent au vendeur professionnel, dont la loi l’exonère expressément, le Juge de proximité a violé l’article L. 211-3 du code du tourisme, ensemble l’article 6421-1 du code des transports ;

ALORS ENSUITE QUE toute action en responsabilité, à quelque titre que ce soit, à l’encontre du transporteur aérien de personnes ne peut être exercée que dans les conditions et limites de la Convention de Varsovie, laquelle ne prévoit pas la responsabilité du transporteur aérien pour manquement à une éventuelle obligation d’information ou de conseil envers le passager ; qu’en conséquence, la juridiction de proximité ne pouvait retenir la responsabilité de la société Malaysia Airlines Système pour un prétendu manquement à l’obligation d’information sans violer outre l’article L. 6421-4 du code des transports, la Convention de Varsovie ;

ALORS ENFIN et en toute hypothèse QUE l’obligation d’information ne s’étend pas aux données de fait qui sont connues ; que le refus d’embarquement opposé aux Consorts X., établi par les éléments du dossier et invoqué à l’appui de leur demande indemnitaire, a pour seule cause l’absence de détention par G. X. d’un passeport valable au moment de l’embarquement ; que la société Malaysia Airlines Système Berhad faisait à cet égard valoir que tout bon père de famille (et a priori un avocat, comme l’est M. X.), est réputé savoir qu’il faut un passeport valide pour sortir du territoire européen et qu’un passeport expiré n’est pas valide ; qu’en retenant la responsabilité de la société Malaysia Airlines, faute pour elle de justifier avoir rempli son obligation d’information et de conseil sans s’expliquer sur la connaissance évidente et nécessaire qu’avaient les consorts X. de la nécessité d’un passeport en cours de validité, le Juge de proximité a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1147 du code civil.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 25 juin 2012 la somme de 480 e que la société Malaysia Airlines Système Berhad a été condamnée à payer à Mme X. et M. X. à titre de dommages-intérêts ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que le non-respect de son devoir d’information et de conseil a causé un préjudice matériel à Mme, M. X. et leur fils qui n’ont pu partir que le 11 juillet 2012 avec la Compagnie Thai Airways pour un coût total de 3.120 € ; que les requérants ont exposés des frais supplémentaires et justifient de 480 € au titre du surcoût de billets comparativement à ceux initialement achetés pour une somme de 2.639,20 €, qu’il convient de condamner la société Malaysia Airlines Système Berhad à verser aux demandeurs la somme de 480 € à titre de dommages-intérêts ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE les intérêts dus sur une créance indemnitaire ne peuvent courir à compter d’une date antérieure à la naissance du préjudice qu’elle a pour objet de réparer ; qu’il résulte de l’assignation délivrée par M. et Mme X. à la société Malaysia Airlines Système Berhad que les billets achetés auprès de la société Thai Airways pour un coût total de 3.120 € l’ont été le 7 juillet 2012 (cf. p. 6, § 2) ; que ce n’est qu’à cette date du 7 juillet 2012 qu’est né le préjudice résultant du surcoût des billets de sorte qu’en fixant le point de départ des intérêts au taux légal sur la créance indemnitaire de 480 € des Consorts X. à la date du 25 juin 2012, antérieure à la naissance du préjudice que cette créance a vocation à réparer, le Juge de proximité a violé l’article 1153-1 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.