CA PARIS (8e ch. sect. B), 20 septembre 1991
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1302
CA PARIS (8e ch. sect. B), 20 septembre 1991 : RG n° 90/019932
Publication : Gaz. Pal. 1993. 1. 211, note D. Mazeaud
Extrait « Considérant que les consorts X. soulèvent, en second lieu, le caractère abusif de la clause précédemment citée prévoyant une indemnité en cas de résiliation par le locataire, sans accord du loueur, sur le fondement des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ; qu'ils allèguent que cette clause révèle un abus de puissance économique de la part du garage LUCHARD à qui elle confère un avantage excessif, lequel proviendrait de ce que le véhicule 205 en cause aurait été loué pour 36 mois, moyennant un loyer global final de 117.000 Francs, soit un total bien supérieur à son prix d'acquisition ; Mais considérant que la location avait été conclue pour 3 ans et qu'en résiliant unilatéralement et sans l'accord de son cocontractant qui s'est lui même engagé pour cette durée, M. X. s'exposait à compenser le dommage résultant de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme ; qu'il n'y a rien là qui permette de soutenir juridiquement le caractère abusif de la clause de l'article 9 des conditions générales de location ; qu'en outre, s'il est exact qu'au terme du contrat, M. X. aurait versé à la société LUCHARD AUTOMOBILES la somme de 117.000 Francs, ce prix renfermait toutefois, outre le coût de location pour 81.396 Francs, les prestations de service définies à l'art 6 et comportant l'intégralité de l'entretien du véhicule pour 36 mois évalué à 14.220 Francs ainsi que l'assurance tous risques dudit véhicule pour la même période, soit 21.384 Francs ; que le second moyen tiré de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 n'apparaît pas fondé, le loueur ne retirant aucun avantage économique excessif du contrat en cause, ainsi qu'il a été démontré »
COUR D’APPEL DE PARIS
HUITIÈME CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 1991
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 90/019932. Sur appel d’un jugement du 14 juin 1990 du Tribunal d’Instance du 16ème arrondissement de PARIS. Date de l’ordonnance de clôture : 21 juin 1991.
PARTIES EN CAUSE :
1°/ Madame X.,
demeurant [adresse], Appelante au principal,
2°/ Monsieur X.,
demeurant [adresse], Appelant incident provoqué,
Représentés par Maître BODIN CASALIS, avoué, Assistés de Maître Patrick RENAUD, avocat,
3°/ SA LUCHARD AUTOMOBILES,
ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Intimée, Représentée par la S.A.C. d'AURIAC GUIZARD, avoué, Assistée de la SCP LASSOUX PARLANGE, avocat P 96.
COMPOSITION DE LA COUR, lors du délibéré : Président : Monsieur DORLY, Conseillers : Monsieur PIQUARD et Madame PARENTY.
GREFFIER : Madame ARNABOLDI.
DÉBATS : à l'audience publique du 21 juin 1991, Monsieur DORLY, Magistrat chargé du rapport a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRÊT : contradictoire. Prononcé publiquement par Monsieur DORLY, Président, qui a signé la minute avec Madame ARNABOLDI, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Monsieur X. a pris en location le 16 décembre 1985, auprès de la société LUCHARD AUTOMOBILES un véhicule Peugeot 205 GTI.
Ce contrat de location était prévu pour une durée de 36 mois et un kilométrage total de 60.000 kilomètres.
M. X. adhérait à la police d'assurance du loueur et optait pour une assurance tous risques avec franchise de 2.000 Francs par sinistre.
Il s'engageait, en outre, à verser une redevance de 0,16 Francs hors taxe par kilomètre excédentaire au jour de la restitution du véhicule.
Le loyer principal lors de la location s'élevait à 2.261 Francs TTC.
Avec les prestations de service (entretien et réparations) et l'assurance, l'échéance mensuelle incluant le loyer s'établissait à 3.250 Francs TTC, étant précisé que la TVA sur le loyer principal était au taux de 33,3 % jusqu'au 31 décembre 1987 et à celui de 28 % à compter du 1er janvier 1988.
Le véhicule a été mis à la disposition de M. X. le 10 janvier 1986 et celui-ci devait le restituer le 8 janvier 1989.
Mme X., mère du débiteur, se portait caution solidaire de celui-ci à concurrence de la somme de 117.000 Francs.
A la suite d'incidents de paiement enregistrés courant 1986 et 1987, Mme X. régularisait la situation de son fils et le montant des loyers ultérieurs fut prélevé sur son compte jusqu'au 21 mars 1988, date à laquelle M. X. déposait le véhicule dans les locaux du Garage LUCHARD pour ne plus le reprendre, confirmant par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 avril 1988 adressée aux Grands Garages de la Défense à PUTEAUX où sont gérés les dossiers de location longue durée de la société LUCHARD AUTOMOBILES qu'il mettait unilatéralement fin au contrat de location.
[minute page 3] Malgré plusieurs démarches amiables pour obtenir règlement des sommes restant dues compte tenu de cette anticipation du terme du contrat sans accord préalable du loueur, aucun règlement n'a été effectué par le locataire non plus que par sa caution.
La société LUCHARD AUTOMOBILES se prévalant d'une créance de 25.097,41 Francs a, dès lors, par exploit des 6 et 8 novembre 1989 fait citer M. X. et sa mère devant le Tribunal d'Instance du 16ème arrondissement de PARIS en paiement de la somme précitée avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre 3.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les défendeurs n'ayant pas comparu, le tribunal, après vérification du compte, a, par jugement du 14 juin 1990, condamné solidairement les consorts X. à payer à la société LUCHARD AUTOMOBILES la somme de 19.745,02 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1988, outre 1.500 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Mme X. a relevé appel de cette décision et conclut tant en son nom qu'au nom de M. X. à son infirmation, demandant à la Cour de :
- déclarer abusive la clause de résiliation prévue au paragraphe 4 de l'article 9 du contrat et, par suite, nulle et de nul effet,
- à titre subsidiaire, dire que cette clause s'analyse en une clause pénale, constater son montant manifestement excessif et réduire celui-ci,
- fixer à 3.849,40 Francs TTC le montant dû au titre des kilométrages excédant le forfait,
- condamner le GARAGE LUCHARD à payer aux consorts X. 3.000 Francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Alléguant que Mme X. n'a pas son domicile réel à l'adresse indiquée dans la déclaration d'appel et que M. X., à défaut d'avoir constitué avoué, n'est ni appelant ni intimé, [minute page 4] la société LUCHARD AUTOMOBILES soulève l'irrecevabilité des conclusions signifiées le 25 août 1990 par Mme X. et prie la Cour de constater que :
1) la décision est devenue exécutoire, l'appelante n'ayant pas utilement conclu dans le délai de 4 mois,
2) le jugement est définitif à l'égard de M. X. ;
Subsidiairement et au fond, le GARAGE LUCHARD reprenant son argumentation de première instance poursuit la confirmation de la décision et additionnellement, sollicite la condamnation des consorts X. à lui verser 3.000 Francs au titre des frais irrépétibles d'appel.
Par écritures du 25 mars 1991, Mme et M. X. ont régularisé la procédure, la première en faisant connaître son adresse actuelle, […], le second en demandant, par la voie d'un appel incident provoqué, que lui soit adjugé le bénéfice des conclusions prises par Mme X..
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Ceci étant exposé, la Cour,
qui se réfère expressément pour la relation des faits au jugement attaqué, pour l'énoncé des moyens et prétentions des parties aux écritures d'appel de celles-ci,
Sur la procédure :
Considérant qu'il y a lieu de donner acte à l'appelante de sa nouvelle adresse et de déclarer, en conséquence, recevables les écritures signifiées par elle le 25 novembre 1990 ; qu'il convient, en outre de recevoir M. X. en ses conclusions d'appel incident provoqué ;
Au fond :
Considérant qu'au soutien de leur appel, les consorts X. font en premier lieu valoir que, s'agissant d'un contrat synallagmatique où la clause résolutoire est sous-entendue, chacune des parties a toujours la possibilité de le résilier et qu'en l'état de ce principe général, le premier juge ne pouvait [minute page 5] imposer la continuité du contrat par le biais du paiement de l’ensemble des loyers restant à courir tout comme s'avéraient, selon eux, inapplicables les dispositions de l'article 9 du contrat de location prévoyant une clause résolutoire impliquant l'accord du loueur en tant que tel ;
Mais considérant que le contrat en cause étant conclu pour une durée déterminée, la possibilité unilatérale de résilier contre indemnité est parfaitement régulière et n'était, d'ailleurs, au cas particulier, pas contestée au débiteur principal :
que le premier moyen opposé est donc inopérant ;
Considérant que les consorts X. soulèvent, en second lieu, le caractère abusif de la clause précédemment citée prévoyant une indemnité en cas de résiliation par le locataire, sans accord du loueur, sur le fondement des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ; qu'ils allèguent que cette clause révèle un abus de puissance économique de la part du garage LUCHARD à qui elle confère un avantage excessif, lequel proviendrait de ce que le véhicule 205 en cause aurait été loué pour 36 mois, moyennant un loyer global final de 117.000 Francs, soit un total bien supérieur à son prix d'acquisition ;
Mais considérant que la location avait été conclue pour 3 ans et qu'en résiliant unilatéralement et sans l'accord de son cocontractant qui s'est lui même engagé pour cette durée, M. X. s'exposait à compenser le dommage résultant de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme ; qu'il n'y a rien là qui permette de soutenir juridiquement le caractère abusif de la clause de l'article 9 des conditions générales de location ;
qu'en outre, s'il est exact qu'au terme du contrat, M. X. aurait versé à la société LUCHARD AUTOMOBILES la somme de 117.000 Francs, ce prix renfermait toutefois, outre le coût de location pour 81.396 Francs, les prestations de service définies à l'art 6 et comportant l'intégralité de l'entretien du véhicule pour 36 mois évalué à 14.220 Francs ainsi que l'assurance tous risques dudit véhicule pour la même période, soit 21.384 Francs ;
[minute page 6] que le second moyen tiré de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 n'apparaît pas fondé, le loueur ne retirant aucun avantage économique excessif du contrat en cause, ainsi qu'il a été démontré ;
Considérant que les consorts X. prétendent, de troisième part, que le calcul d'indemnité pour kilométrage excédentaire n'a pas été réalisé conformément aux stipulations contractuelles ;
Considérant que le contrat stipule que M. X. pourra parcourir 60.000 kilomètres sur 36 mois, qu'il devra par kilomètre excédentaire 0,16 Francs HT et qu'en cas d'interruption du contrat avant son terme, le kilométrage autorisé sera réduit au prorata de la durée écoulée du contrat ;
Or, considérant qu'il est constant que M. X. a restitué la voiture louée après 26,4 mois avec un kilométrage de 79.247 km. ;
qu'il apparaît, dès lors, que ni la durée, ni le kilométrage contractuels n'ont été, en l'occurrence, respectés ;
qu'en effet, le kilométrage contractuel prévu sur 36 mois étant de 60.000 km, celui mensuel s'établit à 60.000 : 36 = 1.666,66 km. ; que l'excédent sur la période de location effectuée est donc de : 79.247 - (26,4 x 1 6666,66) = 37.247 km, comme l'a retenu à juste titre le premier juge et non de 43.500 km comme mentionné par erreur les écritures de l'intimée ; que le coût du kilométrage excédentaire s'établit en définitive à : 37.247 x 0,16 + TVA 28 % = 7.218,58 Francs TTC chiffre retenu par le Tribunal dont le montant ne peut qu'être confirmé, le mode de calcul auquel se réfèrent les appelants devant nécessairement être rejeté en ce qu'il omet de rapporter l'excédent du kilométrage parcouru à la durée du contrat interrompu, comme pourtant la clause susénoncée insérée à l'article 4 des conditions générales de location l'exige ;
Considérant que les consorts X. demandent enfin qu'il leur soit fait application des dispositions de l'article 1231 du Code Civil relatives à la modération de la clause pénale ;
[minute page 7] Mais considérant que la société intimée oppose avec raison que l'indemnité réclamée en application de la formule rigoureusement étudiée insérée à l'article 8 du contrat tient justement compte de 1'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier et ne correspond pas au montant des loyers à échoir en principal et accessoires ;
qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'accueillir la demande en modération de la clause pénale, celle-ci n'étant en l'espèce aucunement justifiée ;
Considérant que les consorts X. dont tous les moyens d'appel sont rejetés, seront en définitive déboutés de toutes leurs demandes et le jugement confirmé en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à la société LUCHARD AUTOMOBILES 19.745,02 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1989 ;
Considérant qu'il sera équitablement alloué à l'intimée 2.000 Francs au titre des frais irrépétibles d'appel en complément de l'indemnité de 1.500 Francs accordée en première instance sur le même fondement et dont le montant sera lui même confirmé ;
Considérant que les consorts X. qui succombent, ne peuvent prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Donne acte à Mme X. de ce qu'elle déclare être actuellement domiciliée [adresse] ;
Déclare, en conséquence, recevables les écritures signifiées par elle le 25 novembre 1990 ;
Reçoit M. X. en ses conclusions d'appel incident provoqué ;
Dit les consorts X. mal fondés en leurs appels ; les déboute de toutes leurs demandes ;
[minute page 8] CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE solidairement les consorts X. à payer à la société LUCHARD AUTOMOBILES 2.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens d'appel ;
Admet la SCP d'AURIAC GUIZARD, avoués associés,
au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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