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TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 25 mars 1998

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 25 mars 1998
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 9e ch. sect. 1
Demande : 97/14214
Date : 25/03/1998
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 17/10/1996
Décision antérieure : CA PARIS (15e ch. sect. A), 23 janvier 2001
Numéro de la décision : 1
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1356

TGI PARIS (9e ch. 1ère sect.), 25 mars 1998 : RG n° 97/14214 ; jugement n° 1

(sur appel Paris (15e ch. A), 23 janvier 2001 : RG n° 1998/12343)

 

Extrait : « Qu'il convient d'observer que Madame X. ne se prévaut d'aucun manquement à ces obligations et que si elle croit pouvoir affirmer que la clause qui lui faisait obligation d'aviser la Banque, dans un délai de trois mois, de l'absence de prélèvement de primes afférentes à l'assurance perte d'emploi qu'elle entendait souscrire, est une clause abusive, il y a lieu de constater que ces dispositions étaient les seules à figurer en caractères gras, très apparents, dans le document signé par Madame X., et qu'elles ne répondent pas à la définition de l'article L. 312-1 [N.B. lire sans doute L. 132-1] du Code de la Consommation en ce qu'elles ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du non-professionnel, Madame X. devant se voir opposer sa propre négligence ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

NEUVIÈME CHAMBRE PREMIERE SECTION

JUGEMENT DU 25 MARS 1998

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 97/14214. Jugement n° 1. Assignation du 17 octobre 1996. Débouté AJ : [date] n° 96/XX

 

DEMANDERESSE :

Madame X.

demeurant : [adresse], représentée par Maître Marie Laure BONALDI-NUT, avocat, M 69 ;

 

DÉFENDERESSE :

BANQUE RÉGIONALE D’ESCOMPTE ET DE DÉPÔTS « BRED »

siège : [adresse], représentée par Maître Sabine DUCROUX-SOUBRY, avocat, C 2775 ;

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Madame GUEGUEN, Vice-Président, Madame BERGER, Juge, Madame NEROT, Juge ;

GREFFIER : Madame BONCHRETIEN

[minute page 2] DÉBATS : A l'audience du 25 février 1998 tenue publiquement devant Madame NEROT, Juge Rapporteur, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile.

JUGEMENT : Prononcé en audience publique. Contradictoire. Susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon acte notarié reçu le 11 juillet 1991, la Société Anonyme la BANQUE RÉGIONALE D'ESCOMPTE ET DE DEPOTS (BRED) a consenti à Madame X. un prêt immobilier d'un montant de 144.000 francs remboursable en 180 mensualités. Madame X. s'est trouvée en situation de chômage, le 30 septembre 1992, et a été amenée à vendre le bien acquis.

Par acte du 17 octobre 1997, Madame X. a assigné la BRED en déchéance de son droit aux intérêts et à l'effet de voir dire qu'elle bénéficie de l'assurance perte d'emploi, déclarer abusive la clause contractuelle y afférente, constater le défaut d'enregistrement de l'assurance invalidité-décès, demandant que la BRED établisse un décompte déduisant les intérêts et les échéances prélevées en période de chômage, et soit condamnée à lui verser une somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts.

En cours de procédure, y ajoutant, elle demande que soit constatée l'absence de contrat original à elle remis et, précisant ses prétentions chiffrées après la perception de la somme de 150.000 francs par la BRED, à la faveur de la vente de son bien, le 17 juin 1997, sollicite le remboursement d'une somme de 58.269,30 francs (soit : 150.000 francs dont à déduire les sommes qu'elle a versées et le principal de 144.000 francs) ; elle réclame, par ailleurs une somme de 41.255,52 francs au titre de son préjudice strictement financier représentant les 24 mensualités qui auraient dû être [minute page 3] prises en charge par l'assurance-chômage, demande se substituant à sa demande de mise en œuvre de l'assurance, et 20.000 francs au titre de son préjudice moral.

Après avoir fait grief à la Banque d'avoir manqué au formalisme informatif imposé par les dispositions de la loi du 13 juillet 1979, l'offre de prêt en sa possession ne comportant ni taux d'intérêt, ni taux effectif global, elle soutient que la Banque ne lui a pas remis un original de l'offre de prêt mais un exemplaire d'une liasse carbonée, alors que dans les contrats synallagmatiques doivent être remis, selon l'article 1325 du Code Civil, autant d'originaux que de parties, la Banque ne pouvant se prévaloir du document en sa possession pour établir la conformité des mentions aux dispositions de la loi de 1979.

Elle considère que la souscription à une assurance perte d'emploi est rédigée en termes de contrat ferme et définitif et que la Banque ne peut assujettir la validité de ce contrat à l'exécution de formalités de nature à lui révéler ses propres négligences ; qu'elle l'a, d'ailleurs, admis puisqu'elle a accepté de prendre en charge la moitié des échéances pendant près de deux ans ; elle relève que l'offre de prêt proposée par la BRED est libellée sur un contrat à en tête de l'UAP, avec laquelle elle n'a aucune relation, dans le cadre du contrat initial liant l'UAP et auquel elle est étrangère ; elle estime, enfin, avoir payé les primes d'assurance perte d'emploi puisque les sommes prélevées correspondent au montant de 1’« échéance avec assurance » figurant dans l'exemplaire qui lui a été remis.

En réplique, la BRED conclut, dans un premier temps, à l'entier débouté de la demanderesse, réclamant une somme de 3.000 francs pour procédure abusive, et 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, puis, après perception d'une somme de 147.500 francs provenant de la vente du bien, à sa condamnation au paiement de la somme de 16.637,73 francs outre intérêts au taux de 11,20 % à compter du 17 juin 1997.

Elle soutient que Madame X. n'a pas communiqué les originaux dont elle dénonce l'irrégularité et, qu'en tout état de cause, le grief tiré de l'inobservation des exigences de l'article 1325 du Code Civil est inopérant, tant en ce qui concerne le prêt notarié que pour ce qui est de l'offre de prêt ; que le taux d'intérêt et le taux effectif global figurent sur l'offre de prêt qu'elle produit.

[minute page 4] Elle considère que si Madame X. a bien rempli une demande d'adhésion à l'assurance perte d'emploi, le jour où elle acceptait l'offre de prêt, il s'agit d'une convention avec l'assureur à laquelle elle est étrangère et sur laquelle elle n'a aucun pouvoir, et que l'emprunteuse se devait de confirmer son adhésion, comme elle le reconnait elle-même dans son assignation puisqu'elle évoque un oubli de sa part. Elle précise que les primes faisaient l'objet d'un prélèvement distinct, le coût de l'assurance compris dans les échéances correspondant à l'assurance-décès. Sur ce dernier point, elle considère que l'assurance-décès n'est pas en litige. Elle ne s'estime donc tenue ni à une prise en charge, l'UAP n'étant d'ailleurs pas attraite en la cause, ni à restitution.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, sur la régularité de l'offre de prêt, que s'il est constant qu'un document obtenu à l'aide d'un papier carboné constitue une copie, au sens de l'article 1334 du Code Civil, et non un original, il est tout aussi constant que le contrat de prêt, qui n'impose d'obligation qu'à l'emprunteur, n'a pas de caractère synallagmatique et n'implique donc pas qu'il soit établi en autant d'exemplaires que de parties, en sorte que Madame X. n'est pas fondée en son moyen ;

Qu'il ressort de l'offre de prêt du 15 mai 1991 versée en original par la Banque, comportant trois pages sur chacune desquelles Madame X. a apposé une signature qu'elle ne dénie pas, que tant le taux d'intérêt annuel (soit : 11,90 %) que le taux effectif global (soit : 12,0534 %), sont spécifiés en page 2 ; qu'il convient, dans ces conditions, et à supposer, que la demanderesse soit recevable en son action, compte tenu des dispositions de l'article 1304 du Code Civil applicables en présence de dispositions d'ordre public de protection, de considérer que l'offre de ce prêt, entrant dans le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979, répond aux exigences formelles de l'article L. 312-8 du Code de la Consommation ; qu'il ne sera, donc, pas fait droit à la demande de Madame X. tendant à voir appliquer au prêt litigieux la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 312-35 du Code de la Consommation ;

Attendu, sur la garantie perte d'emploi en litige, que s'il ressort, par ailleurs, de cette même offre que les mensualités de remboursement incluaient des primes d'assurance, Madame X. ne peut valablement prétendre [minute page 5] qu'il s'agissait des primes afférentes à l'assurance perte d'emploi, et doit se voir opposer les dispositions des articles 1156 et 1161 du Code Civil relatives à l'interprétation des conventions, puisqu'il résulte de ce document et, plus précisément, des paragraphes IV-B et V, que seule était concernée l'assurance décès invalidité, la souscription à l'assurance perte d'emploi, facultative, ne faisant, quant à elle, l'objet que d'une déclaration d'intention ; qu'au demeurant, le notaire, rédacteur de l'acte de vente du 11 juillet 1991, garant d'une pleine information des cocontractants, n'a fait que reprendre, en page 11, cette déclaration d'intention ;

Que si Madame X. croit pouvoir affirmer que la demande d'adhésion à l'assurance perte d'emploi qu'elle a signée le 27 mai 1991 et qu'elle verse aux débats, constitue un contrat ferme et définitif, accepté par la BRED et l'emprunteur, c'est au mépris des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 212-2 du Code des assurances, aux termes duquel « la proposition d'assurance n'engage ni l'assuré ni l'assurance », et des obligations spécifiques mises à la charge de l'établissement de crédit, souscripteur de l'assurance-groupe ; qu'à cet égard, il convient d'observer qu'en l'espèce, l'adhésion de l'emprunteur à l'assurance perte d'emploi était facultative, et de rappeler que les seules obligations de la Banque, sur ce point, consistent, selon l'article L. 312-9 du Code de la Consommation, à remettre à l'emprunteur une notice indiquant l'étendue des garanties, les modalités de leur entrée en vigueur et les formalités à accomplir en cas de sinistre, et de se conformer à un devoir d'information et de conseil, se définissant comme l'obligation de ne pas induire en erreur et d'assister l'emprunteur aux différents stades de l'opération d'assurance ;

Qu'il convient d'observer que Madame X. ne se prévaut d'aucun manquement à ces obligations et que si elle croit pouvoir affirmer que la clause qui lui faisait obligation d'aviser la Banque, dans un délai de trois mois, de l'absence de prélèvement de primes afférentes à l'assurance perte d'emploi qu'elle entendait souscrire, est une clause abusive, il y a lieu de constater que ces dispositions étaient les seules à figurer en caractères gras, très apparents, dans le document signé par Madame X., et qu'elles ne répondent pas à la définition de l'article L. 312-1 [N.B. lire sans doute L. 132-1] du Code de la Consommation en ce qu'elles ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du non-professionnel, Madame X. devant se voir opposer sa propre négligence ;

[minute page 6] Qu'elle devra donc être déboutée de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre du souscripteur, au titre de l'assurance perte d'emploi, et ce tant en ce qui concerne son préjudice économique que son préjudice moral ;

Qu'il convient, par ailleurs, de relever que si elle évoque les difficultés que pourrait rencontrer la mise en œuvre de l'assurance décès-invalidité, elle ne formule aucune prétention de ce chef, ce que le Tribunal ne peut que constater ;

Attendu, sur le compte entre les parties, que Madame X. doit être déclarée tenue au paiement du principal et des intérêts conventionnels, compte tenu des termes du jugement rendu par le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS, le 5 décembre 1996, la déclarant irrecevable à solliciter le bénéficie d'un plan de redressement, dont à déduire les mensualités acquittées et le prix de vente net de l'immeuble (soit : 147.500 francs) perçu par la BRED le 17 juin 1997 ; qu'il convient, dans ces conditions, d'accueillir la demande reconventionnelle de la BRED, en principal et intérêts, déduisant le montant de l'assurance-vie, soit : 0,70 %, dont le décompte arrêté au 11 mai 1997, est conforme aux stipulations contractuelles, en considérant, toutefois, que disposant d'un titre exécutoire, au sens de l'article 3 (4°) de la loi du 9 juillet 1991, elle ne peut prétendre qu'à un constat du montant de sa créance ;

Attendu, sur la demande en paiement de dommages-intérêts, que la BRED ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui né du retard dans le traitement, déjà indemnisé par les intérêts auxquels elle peut prétendre, en sorte qu'elle sera déboutée de ce chef ;

Attendu que l'exécution provisoire sollicitée, compatible avec la nature de l'affaire, apparaît nécessaire ;

Attendu, en revanche, que les considérations de l'espèce ne justifient pas l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Déboute Madame X. de l'ensemble de ses prétentions ;

Constate que la créance de Madame X. à l'encontre de la Société Anonyme la BANQUE RÉGIONALE D'ESCOMPTE ET DE CREDITS [N.B. conforme à la minute] s'établit à la somme de 16.637,73 francs assortie des intérêts au taux de 11,20 % à compter du 17 juin 1997 ;

Déboute la défenderesse de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Dit n'y avoir Dieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la demanderesse aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Fait et jugé à PARIS, le 25 MARS 1998

LE GREFFIER                                   LE PRESIDENT

Odile BONCHRETIEN                      Dominique GUEGUEN