CA PAU (1re ch.), 1er octobre 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 636
CA PAU (1re ch.), 1er octobre 1997 : RG n° 94/004576 ; arrêt n° 3551
Extrait : « M. X., comme en atteste sa demande de prêt, est artisan maçon carreleur depuis 1967. Compte tenu d'autre part de la nature du matériel litigieux [N.B. : mini-pelle], dont l'utilisation ne se conçoit qu'à des fins professionnelles, il n'a pu l'acheter qu'en tant que professionnel pour son activité professionnelle. Certes le bon de commande mentionne en son verso : « La vente est réputée parfaite dès signature du bon de commande. Toutefois, le consommateur au sens de la loi du 10 janvier 1978, bénéficie des dispositions légales particulières applicables à l'espèce ». Il ne s'agit que d'un rappel de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, codifiée aux articles L. 311-l et suivants du Code de la Consommation, qui ne peut être interprété comme manifestant la volonté des parties d'étendre contractuellement le champ d'application de cette loi à leurs opérations. Quant à la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, codifiée aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, son article 8 devenu L. 121-23 exclut de son champ d'application les ventes ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 1er OCTOBRE 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 94004576. Arrêt n° 3551.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur SELMES, Président, Madame MASSIEU et Monsieur PETRIAT, Conseillers,
Débats à l'audience publique du 30 juin 1997,
Assistés de Madame BAYLE, Greffier, présente à l'appel des causes
ARRÊT PRONONCÉ PAR Monsieur SELMES, Président, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure civile, Assisté de Madame BAYLE, greffier, à l'audience publique du 1er octobre 1997, date indiquée à l'issue des débats.
ENTRE :
APPELANT :
SOVAC
Ayant son siège [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, APPELANT, ayant pour avoué Maître VERGEZ Michel et pour avocat Maître BENICHOU du barreau de PAU
[minute page 2] d’un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE TARBES en date du 09/08/1994
ET :
INTIMÉS :
- Monsieur X.
Demeurant [adresse], INTIMES, ayant pour Avoué Maître GALINON Paul et pour avocat Maître CLAVERIE du barreau de TARBES
- LE CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS
Demeurant [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, INTIME, ayant pour Avoué SCP LONGIN P. & C. et pour avocat Maître DENIS du barreau de PAU [minute page 3]
- Madame X. née Y.
Demeurant [adresse], INTIMÉE, ayant pour Avoué Maître GALINON Paul et pour avocat Maître CLAVERIE du barreau de TARBES
* * *
Ouï à l'audience publique tenue le 30 juin 1997 :
- en leurs conclusions, Maître VERGEZ, Maître GALINON, la SCP P. & C. LONGIN ;
- en son rapport, Monsieur le Conseiller PETRIAT ;
- en leurs plaidoiries, Maître BENICHOU, Maître CLAVERIE, Maître DENIS ;
En cet état l'affaire a été mise en délibéré conformément à la Loi.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] FAITS ET PROCÉDURE :
M. X. a passé commande au CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS, suivant bon du 25 juin 1992, d'une mini-pelle d'occasion pour le prix de 118.600,00 Francs TTC.
Le même jour, suivant ses écritures, il a signé une demande de prêt à la SOVAC ENTREPRISES, datée du 29 juin 1992, pour un montant de 100.000,00 Francs, couvrant ainsi la totalité du prix hors taxe de l'engin.
Le prix de l'engin figurant sur la demande de prêt produite aux débats est de 136.390,00 Francs TTC.
Mme X. a signé un acte de cautionnement solidaire au profit de la SOVAC pour 100.000,00 Francs plus accessoires, également daté du 29 juin 1992.
Par lettre recommandée expédiée le 23 juillet 1992 au CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS M. X. faisait savoir qu'il ne donnait pas suite à la transaction.
Le 24 juillet 1992 le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS établissait un avis de livraison du jour même qu'il adressait à la SOVAC.
Celle-ci, à la même date, accordait le prêt et versait la somme de 100.000,00 Francs au CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS.
L'acte de prêt avait été préalablement signé de M. X.
La somme prêtée était remboursable en 60 mensualités de 2.710,46 Francs.
L'engin fut livré à M. X. le 28 juillet 1992.
Par lettre du 25 août 1992 le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS adressait à M. X. sa facture, de la même date, lui réclamant le paiement du solde, soit 18.600,00 Francs, sous huitaine.
La mini-pelle fut reprise le 16 octobre 1992 et vendue aux enchères au profit de la SOVAC le 19 décembre 1992 pour 25.000,00 Francs.
Par courriers du 11 janvier 1993 la SOVAC mit les époux X., le mari comme emprunteur, la femme comme caution, en demeure de lui régler la somme de 88.009,40 Francs.
Les époux X. ont assigné devant le Tribunal de grande Instance de TARBES la SOVAC et le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS les 09 et 15 février 1993 en annulation de la vente, du prêt et du cautionnement.
Parallèlement, la SOVAC a obtenu du juge de l'exécution de TARBES une ordonnance du 17 mai 1993 l'autorisant à inscrire une [minute page 5] hypothèque provisoire sur la maison des époux X. à [ville et département].
Le 18 juin 1993 elle a signifié l'ordonnance aux intéressés et les a assignés en paiement de la somme de 88.009,40 Francs.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 16 novembre 1993, et, par jugement du 09 août 1994, le Tribunal a :
- annulé la vente et le prêt,
- rejeté toute autre demande,
- condamné in solidum la SOVAC et le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS aux dépens.
La SOVAC a interjeté appel le 28 septembre 1994 dans des conditions qui n'apparaissent pas contestables.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SOVAC soutient que :
- les lois des 10 janvier 1978 et 22 décembre 1972 ne sont pas applicables s'agissant d'un bien nécessaire aux besoins d'une activité professionnelle,
- M. X. était parfaitement informé des conditions du prêt,
- M. X. s'est rendu complice du fournisseur en signant le contrat de prêt sur lequel figurait le prix de vente de 136.990,00 Francs, faisant croire à un apport personnel au détriment du prêteur,
- l'article 3 du contrat de prêt impose à M. X. d'assurer le paiement des échéances en dépit de toute contestation avec le vendeur,
Et elle demande à la Cour :
- de débouter les époux X. de leurs demandes,
- de les condamner solidairement à lui payer :
* 88.009,40 Francs avec intérêts au taux contractuel de 18,20 % à compter du 21 janvier 1993,
* 10.000,00 Francs de dommages-intérêts,
* 5.000,00 Francs pour frais irrépétibles de première instance, [minute page 6]
* 8.000,00 Francs pour frais irrépétibles d'appel,
- subsidiairement, de condamner le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS à lui payer la somme de 100.000,00 F déduction faite de celle de 23.517,50 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 1992.
Le COMPTOIR AGRICOLE BÉARNAIS expose que :
- le jugement du 9 août 1994 est dépourvu de soutien juridique,
- les époux X. ne démontrent aucune irrégularité de la vente,
- M. X. ne pouvait pas résilier unilatéralement la vente, qui était parfaite dès la signature du bon de commande, et n'était soumise à aucune condition suspensive,
- si le contrat prévoit les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 c'est par erreur,
- la résolution de la vente est impossible car l'engin a été vendu par la SOVAC,
- en cas de confirmation du jugement, la SOVAC doit le garantir, en gardant, par compensation, sa créance à sa charge, augmentée de 18.600,00 Francs et des intérêts depuis la date de la facture.
Et il demande à la Cour :
- de rejeter les prétentions des époux X.,
- de condamner les époux X. à lui payer 18.600,00 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1992,
- subsidiairement, en cas de confirmation, de dire que la SOVAC devra conserver à sa charge la somme de 100.000,00 Francs et lui payer 18.600,00 Francs avec intérêts depuis la date de la facture,
- de condamner la partie qui succombera à lui payer 10.000,00 Francs pour frais irrépétibles.
Les époux X. soutiennent que :
- M. X., dont le niveau d'instruction est limité, ne pouvait avoir une parfaite connaissance des conditions de vente préalablement à son acceptation, puisque la mention « lu et approuvé », bon pour commande attestant qu'il avait bien pris connaissance des dites conditions n'a pas été retranscrite de sa main, alors qu'il résulte des stipulations du bon de commande qu'elle devait l'être pour précéder la signature,
- [minute page 7] le vendeur du CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS, qui a fait signer le contrat de prêt à M. X. à son domicile en même temps que le bon de commande, ne lui a pas remis un double de ce contrat,
- la différence de prix de vente entre le bon de commande et le contrat de prêt est due à une surcharge de la demande de prêt opérée avec du blanc correcteur, et était destinée à induire la SOVAC en erreur,
- le premier juge a souligné que, sans les manœuvres du vendeur, M. X. n'aurait jamais contracté,
- la SOVAC est en faute :
- pour ne s'être pas assurée du prix de vente réel,
- pour n'avoir pas vérifié si M. X. avait signé un bon de livraison,
- le prix convenu était exagéré l'engin a été évalué 50.000,00 Francs HT, et a été revendu pour 23.517,50 Francs,
Et ils demandent à la Cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la vente et le prêt,
- d'annuler le cautionnement,
- de condamner in solidum la SOVAC et le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS à leur payer :
* 10.000,00 Francs de dommages-intérêts,
* 5.000,00 Francs pour frais irrépétibles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
M. X., comme en atteste sa demande de prêt, est artisan maçon carreleur depuis 1967.
Compte tenu d'autre part de la nature du matériel litigieux, dont l'utilisation ne se conçoit qu'à des fins professionnelles, il n'a pu l'acheter qu'en tant que professionnel pour son activité professionnelle.
Certes le bon de commande mentionne en son verso : La vente est réputée parfaite dès signature du bon de commande.
[minute page 8] Toutefois, le consommateur au sens de la loi du 10 janvier 1978, bénéficie des dispositions légales particulières applicables à l'espèce.
Il ne s'agit que d'un rappel de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, codifiée aux articles L. 311-l et suivants du Code de la Consommation, qui ne peut être interprété comme manifestant la volonté des parties d'étendre contractuellement le champ d'application de cette loi à leurs opérations.
Quant à la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, codifiée aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, son article 8 devenu L. 121-23 exclut de son champ d'application les ventes ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation artisanale.
Il est donc sans pertinence qu'aucun exemplaire du contrat de prêt n'ait été laissé à M. X. lors de sa souscription.
Sur le bon de commande, au dessus de l'emplacement réservé à la signature du client, figure la mention imprimée suivante :
Faire précéder la signature de la mention « Lu et approuvé » ; bon pour commande.
Le fait que M. X. ait apposé sa signature sans avoir recopié cette mention de sa main n'implique pas qu'il ait méconnu les termes de la commande, d'autant qu'il ne conteste nullement avoir voulu acquérir le matériel dont s'agit au prix de 118.600,00 Francs TTC.
Aucune manœuvre du CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS n'est démontrée pour tromper M. X. sur la valeur réelle de l'engin.
La vente n'apparaît ainsi entachée d'aucune irrégularité et doit recevoir exécution.
Il convient donc de condamner M. X. à payer au CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS la somme de 18.600,00 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 août 1992, date de la lettre de mise en demeure.
Quant aux conditions du prêt, elles sont très clairement exprimées : sur la demande de prêt, le nombre d'échéances est précisé, ainsi que le montant de chaque mensualité.
Le taux lui-même, de 15,5 %, est précisé sur le prêt signé par M. X.
S'agissant de la surcharge de la demande de prêt faisant apparaître un prix de vente supérieur au prix convenu, à supposer qu'elle soit l'œuvre du CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS, elle n'a pu en rien vicier le consentement de l'emprunteur, car elle ne [minute page 9] modifiait pas la portée de ses obligations, mais était seulement susceptible d'induire en erreur la SOVAC en lui faisant croire à un apport personnel de l'emprunteur, et donc à une meilleure solvabilité de celui-ci.
Seule la SOVAC serait en droit d'invoquer cette erreur, ce qu'elle ne fait pas.
Rien n'obligeait non plus la SOVAC à s'assurer elle-même de la valeur de l'engin, ou à exiger un bon de livraison signé de l'emprunteur, tous éléments sans incidence sur la régularité des engagements pris par M. X. à son égard.
Il s'ensuit que le contrat de prêt, lui non plus, n'est entaché d'aucune irrégularité à l'égard de M. X., et que celui-ci reste tenu de rembourser la SOVAC.
Le contrat de prêt ayant été valablement contracté, Mme X., en tant que caution, doit aussi satisfaire à ses engagements.
Il convient en conséquence de condamner solidairement les époux X. à payer à la SOVAC 88.009,40 Francs avec intérêts au taux contractuel de 15,5 % à compter du 21 janvier 1993.
La SOVAC ne démontre pas que, par leur retard à payer, les époux X. lui aient causé, de mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, et il y a lieu de rejeter sa demande de dommages-intérêts.
Enfin, il n'apparaît pas inéquitable que la SOVAC et le CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS gardent à leur charge leurs frais d'instance non compris dans leurs dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit l'appel en la forme,
Au fond, réformant le jugement attaqué,
Condamne à payer :
- M. X. au CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS 18.600,00 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 25 août 1992,
- [minute page 10] les époux X. solidairement à la SOVAC 88.009,40 Francs avec intérêts au taux conventionnel de 15,50 % à compter du 21 janvier 1993,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. X. aux dépens du CENTRE AGRICOLE BÉARNAIS,
Condamne solidairement les époux X. aux dépens de la SOVAC,
Autorise la SCP LONGIN et Maître VERGEZ à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
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