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CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 septembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 septembre 2006
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 05/02290
Décision : 662/2006
Date : 19/09/2006
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 3/05/2005
Numéro de la décision : 662
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1397

CA COLMAR (1re ch. civ. A), 19 septembre 2006 : RG n° 05/02290 ; arrêt n° 662/2006

Publication : Juris-Data n° 315803

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'il résulte clairement de ces dispositions contractuelles que les parties ont entendu éviter toute interférence entre d'une part les obligations souscrites au titre de la vente du matériel, Madame X., ayant librement choisi le matériel et le fournisseur, et disposant de toutes les voies de recours contre le vendeur par délégation de la société GRENKE LOCATION, et d'autre part les obligations souscrites au titre de la location, la société GRENKE LOCATION se contentant d'intervenir en tant que financier de l'opération ; Attendu en conséquence que l'appelante n'est pas fondée à invoquer une indivisibilité entre les contrats respectifs, laquelle a été écartée par la volonté même des parties ».

2/ « Attendu cependant que, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le contrat de location, qui avait pour objet une borne Internet permettant aux clients du bar de se brancher sur le réseau Internet, ne relève pas de la législation sur les clauses abusives, dans la mesure où l'objet du contrat présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de la défenderesse ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 05/02290. Arrêt n° 662/2006. Décision déférée à la Cour : 28 février 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG

 

APPELANTE :

Madame X. sous l’enseigne [Bar…]

[adresse], Représentée par Maître Claude LEVY, avocat à la Cour, Plaidant : Maître MAS, avocat à TOULON

 

INTIMÉS :

- Maître Jacques MOYRAND ès qualités de liquidateur de la Société CYBER EASY GROUP

[adresse], non représenté, non assigné

- SAS GRENKE LOCATION

[adresse], Représentée par Maître Anne-Marie BOUCON, avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport M. CUENOT, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MUNCH.

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE greffier, auquel la minute de la décision a été [minute page 2] remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 29 janvier 2002, Madame X. exploitant un débit de boissons sous l'enseigne [Bar…], a conclu avec la société GRENKE LOCATION un contrat de location d'une durée de 36 mois, portant sur une borne Internet fournie par la SARL CYBER EASY GROUP, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1.200 Francs HT (182,94 Euros), soit 1.435,20 Francs TTC (218,80 Euros).

Le matériel a été livré par la SARL CYBER EASY GROUP le 29 janvier 2002. Le 4 septembre 2002, cette société a été mise en liquidation judiciaire.

Se plaignant de dysfonctionnements du matériel, Madame X. a informé la société GRENKE LOCATION, par lettre recommandée du 23 janvier 2003, qu’elle cessait le paiement des loyers.

Par lettre recommandée du 24 juin 2003, la société GRENKE LOCATION a prononcé la résiliation anticipée du contrat de location par application de l'article 13 de ses Conditions Générales, a demandé la restitution du matériel loué et le règlement d'une somme de 5.907,52 Euros au titre de l'indemnité de résiliation prévue à l'article 15 des Conditions Générales.

N'ayant pas obtenu satisfaction, par actes d'huissier des 20 et 21 octobre 2003, elle a fait assigner devant le Tribunal de Commerce de TOULON à la fois Maître MOYRAND en qualité de mandataire liquidateur de la SARL CYBER EASY GROUP et la société GRENKE LOCATION, aux fins de voir prononcer d'une part la résolution du contrat de vente intervenue entre cette dernière et la société CYBER EASY GROUPE, d'autre part la résiliation du contrat de location susvisé.

Par jugement du 9 février 2004, le tribunal saisi s'est déclaré incompétent territorialement au profit du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG statuant en matière commerciale.

Par jugement du 28 février 2005, la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG :

- a débouté Madame X. de sa demande visant à voir prononcer la résolution du contrat de vente conclu entre la SARL CYBER EASY GROUP et la société GRENKE LOCATION, et la résiliation corrélative du contrat de location conclu avec la société GRENKE LOCATION ;

- a constaté la résiliation régulière par la société GRENKE LOCATION du contrat de location conclu avec Madame X. ;

- a débouté Madame X. de sa demande visant à voir prononcer la nullité de la clause pénale figurant à l'article 15 des Conditions Générales du contrat de location ;

- a condamné Madame X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 5.907,52 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2003 ;

- a ordonné à Madame X. de restituer à la société GRENKE LOCATION la borne Internet, objet du contrat de location, sous peine d'astreinte de 80 Euros par jour de retard passé un délai de 15 jours après la signification de cette décision ;

- a condamné Madame X. aux dépens et au paiement d'une somme de 1.000 [minute page 3] Euros au profit de la société GRENKE LOCATION.

Selon une déclaration enregistrée au greffe le 3 mai 2005, Madame X. a interjeté appel de cette décision, en intimant à la fois la société GRENKE LOCATION et Maître MOYRAND en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL CYBER EASY GROUP.

Il n'a cependant pas assigné Maître MOYRAND es qualités. Ce dernier, informé de l'appel, a toutefois informé la Cour que la procédure collective visant la SARL CYBER EASY GROUP avait fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement du 31 décembre 2003 et que ses fonctions avaient dès lors pris fin.

Par ses dernières conclusions déposées le 2 janvier 2006, Madame X. a demandé à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

Vu l'article 1641 du Code Civil, Vu l'article 1184 du Code Civil, Vu l'article 1217 du Code Civil,

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente intervenu entre la SARL CYBER EASY GROUP et la société GRENKE LOCATION,

- prononcer la résiliation du contrat de location intervenu entre la société GRENKE LOCATION et le bar […],

- déclarer nulle la clause figurant à l'article 15 alinéa 1er du contrat de location comme étant abusive,

- donner acte à Madame X. de ce qu'elle s'engage à la restitution du matériel loué à la première demande de la société GRENKE LOCATION,

- débouter la société GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SARL CYBER EASY GROUP et la société GRENKE LOCATION in solidum au paiement de la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner les sociétés défenderesses in solidum aux entiers frais et dépens des deux instances,

Subsidiairement et avant-dire-droit,

- désigner tel expert avec la mission suivante :

+ examiner les vices affectant le matériel vendu à Madame X. et déterminer l'origine des vices constatés,

+ dire si ces vices sont de nature à rendre le matériel impropre à son usage,

+ fournir tous éléments techniques de fait ou de droit de nature à permettre de déterminer avec précision les responsabilités encourues,

+ indiquer les travaux propres à remédier à cette situation préjudiciable et en évaluer le coût et la durée,

+ évaluer le préjudice subi.

[minute page 4] Par ses dernières conclusions déposées le 20 janvier 2006, la société GRENKE LOCATION a demandé à la Cour de :

- déclarer Madame X. irrecevable en tout cas mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

En cas de résolution du contrat de vente et de résiliation du contrat de location,

Vu l'article 6 des Conditions Générales de Location,

- ordonner la restitution du prix, soit la somme de 6.570,42 Euros entre les mains de la société GRENKE LOCATION par la SARL CYBER EASY GROUP ou à défaut de déclaration de créance par Madame X.,

- condamner Madame X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 1.306,38 Euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

En cas de réduction de l'indemnité de résiliation,

- constater que l'indemnité de résiliation ne saurait être inférieure à la somme de 4601,22 Euros,

- condamner Madame X. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 4.601,22 Euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner Madame X. en tous les frais et dépens, et à payer à la société GRENKE LOCATION une indemnité de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;

Attendu que, tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de l'appel, la société GRENKE LOCATION n'expose aucun moyen pour la soutenir ;

Attendu dès lors que, en l'absence de motif d'ordre public susceptible d'être soulevé d'office, il y a lieu de déclarer l'appel recevable ;

 

Attendu qu'au soutien de son appel, Madame X. a d'abord fait valoir qu'elle était fondée à agir contre la SARL CYBER EASY GROUP, vendeur du matériel, en garantie des vices cachés affectant le marchandise vendu, ainsi qu'en résolution du contrat de vente sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil, dans la mesure où le vendeur n'a pas [minute page 5] remédié aux vices ;

Attendu cependant que si la SARL CYBER EASY GROUP avait été attraite dans la procédure en première instance, il apparaît que devant la Cour, bien qu'ayant intimé Maître MOYRAND en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL CYBER EASY GROUP, l'appelante ne l'a pas assigné ; que l'appel doit donc être déclaré irrecevable en tant qu'ayant intimé Maître MOYRAND ès qualités ;

Attendu ensuite que l'absence aux débats du vendeur rend vaine l'argumentation de Madame X. qui voudrait voir la résiliation du contrat de location résulter de l'interdépendance prétendue entre le contrat de vente et le contrat de location ;

Attendu surtout que l'article 1 des Conditions Générales du contrat de location dispose que :

« En vertu d'un mandant [N.B. conforme à la minute : lire sans doute mandat] donné par le bailleur et accepté par le locataire, ce dernier a choisi sous sa seule et entière responsabilité le matériel objet de la présente location de longue durée. Il en a choisi la marque et le type en fonction des propriétés techniques requises, du rendement souhaité et de ses propres besoins, Le locataire a choisi seul le fournisseur du matériel... Le locataire est en conséquence seul responsable de ses choix, le bailleur ne pouvant à quelque titre que ce soit être appelé en responsabilité ou garantie de ces chefs. La responsabilité du bailleur ne saurait pas davantage être recherchée en cas d'une quelconque défaillance du fournisseur, notamment au titre du devoir d'information et de conseil du vendeur.

Il en résulte que l'engagement du bailleur consiste exclusivement, et ce à partir de la conclusion du contrat de location, à se porter acquéreur du matériel en versant le prix au fournisseur et le donner en location au locataire » ;

Attendu que l'article 2-1 ajoute que :

« La livraison, le montage et la mise en marche du matériel loué sont effectués aux frais et risques et sous la responsabilité du locataire. En cas de retard de livraison ou de livraison non conforme ou défectueuse, le bailleur n'engage sa responsabilité que si ce retard, cette non conformité ou cette défectuosité lui sont intégralement imputables.

Le bailleur cède au locataire les droits et actions qu'il détiendrait contre le fournisseur à raison d'un retard, d'une non conformité ou d'une défectuosité, à l'exception cependant de son droit au remboursement du prix d'achat qu'il aurait déjà payé » ;

Attendu enfin que l'article 6-2 précise que « le bailleur n'engage personnellement sa responsabilité au titre de la garantie des vices que s'il en a de manière dolosive caché l'existence » ;

Attendu qu'il résulte clairement de ces dispositions contractuelles que les parties ont entendu éviter toute interférence entre d'une part les obligations souscrites au titre de la vente du matériel, Madame X., ayant librement choisi le matériel et le fournisseur, et disposant de toutes les voies de recours contre le vendeur par délégation de la société [minute page 6] GRENKE LOCATION, et d'autre part les obligations souscrites au titre de la location, la société GRENKE LOCATION se contentant d'intervenir en tant que financier de l'opération

Attendu en conséquence que l'appelante n'est pas fondée à invoquer une indivisibilité entre les contrats respectifs, laquelle a été écartée par la volonté même des parties ;

Attendu ainsi que, si le matériel devait présenter des vices cachés, Madame X. ne pouvait que se retourner contre le fournisseur, la SARL CYBER EASY GROUP ; que cette dernière n'est cependant plus dans la procédure d'appel à travers son mandataire liquidateur ; que Madame X., semble avoir naturellement renoncé à engager des frais de signification, compte tenu de l'insuffisance d'actif relevée dans la liquidation judiciaire ayant affecté la SARL CYBER EASY GROUP ;

Attendu que, Madame X. ayant cessé de payer les loyers contractuellement convenus à partir du mois de janvier 2003, la société GRENKE LOCATION était fondée à faire application de l'article 13 des Conditions Générales et à notifier la résiliation anticipée du contrat de location ;

Attendu que l'article 15-1 des Conditions Générales prévoit dans ce cas le paiement par le locataire d'une « indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat » ;

Attendu que Madame X. a conclu à la nullité de cette clause pénale, l'article L. 132-1 du code de la Consommation déclarant abusives, dans les contrats entre professionnels et non professionnels, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'elle a cité la Recommandation n° 96-02 de la Commission des clauses abusives relative aux locations de véhicules automobiles, recommandant que soient éliminées des contrats de location de véhicule automobile les clauses ayant pour objet de stipuler, en cas de résiliation anticipée du contrat à longue durée par le locataire, le paiement de sommes équivalentes à la totalité des loyers restant à courir quelle que soit la date d'effet de cette résiliation ;

Attendu cependant que, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le contrat de location, qui avait pour objet une borne Internet permettant aux clients du bar de se brancher sur le réseau Internet, ne relève pas de la législation sur les clauses abusives, dans la mesure où l'objet du contrat présente un rapport direct avec l'activité professionnelle de la défenderesse ;

Attendu que l'appelante invoque encore implicitement les dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du Code Civil, qui permettent au juge, même d'office, de modérer une clause pénale manifestement excessive, et fait valoir que la société GRENKE LOCATION n'a subi aucun manque à gagner, puisqu'elle a perçu des loyers et récupère le matériel loué ;

[minute page 7] Attendu cependant qu'en cas de cessation anticipée du contrat de location, le bailleur récupère normalement le bien loué ;

Attendu en l'occurrence que Madame X. ne conteste aucunement n'avoir pas restitué à ce jour le matériel objet du contrat de location, et ce alors que la société GRENKE LOCATION l'avait mise en demeure de le restituer par lettre recommandée du 24 juin 2003 ;

Attendu dans ces conditions qu'elle ne saurait sérieusement invoquer les conséquences excessives qui s'attacheraient, selon elle, au cumul du paiement des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat de location et à la restitution du matériel loué ;

Attendu en conséquence qu'il convient de rejeter l'appel et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Attendu par contre que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans l'instance d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Déclare l'appel régulier en la forme et recevable en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la société GRENKE LOCATION ;

Le déclare irrecevable en tant que dirigé contre Maître MOYRAND en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL CYBER EASY GROUP ;

Au fond :

Le déclare non fondé et confirme le jugement entrepris ;

Condamne Madame X. aux dépens d'appel ;

Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dans l'instance d'appel.

Le greffier :      Le Président :