TI SANNOIS, 11 mai 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 143
TI SANNOIS, 11 mai 2000 : RG n° 99/001876
(sur appel CA Versailles, 28 juin 2002 : RG n° 00/5671)
Extrait : « Attendu que les contrats de mandat immobilier conclus suite à un démarchage à domicile doivent répondre au formalisme exigé tant par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 relative aux conditions d'exercice des activités relatives à la vente d'immeuble, que par les articles L. 121-23 du Code de la Consommation, à peine de nullité ; Qu'en cas de nullité du mandat, le mandataire ne peut prétendre à aucune rémunération où dommages et intérêts si l'acte prévu au contrat ne se réalise pas du fait des mandants ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SANNOIS
JUGEMENT DU 11 MAI 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-99-001876. Au nom du Peuple Français. Et à l'audience publique du Tribunal d'Instance de SANNOIS du 11 Mai 2000, sous la présidence de Madame PROUST, Juge du Tribunal d'Instance de SANNOIS, assisté(e) de Madame HUBERT faisant fonction de Greffier. Le jugement suivant a été rendu :
ENTRE :
DEMANDEUR :
SARL SEGEVIMMO
dont le siège est [adresse] pris en la personne de son représentant légal, représenté(e) par Maître STRASS Jean Yves, avocat du barreau de PONTOISE sis [adresse], d'une part
ET :
DÉFENDEUR :
- M. X.
demeurant [adresse],
- Mme Y.
demeurant [adresse],
assistés de Maître RANIERI Victor, avocat au barreau des Hauts de Seine sis [adresse], d'autre part
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte du 23 novembre 1999, la SARL SEGEVIMMO a fait citer Monsieur X. et Madame Y. à comparaître devant ce tribunal aux fins de les voir condamnés, sous exécution provisoire, à lui payer la somme de 40.000 francs à titre de dommages et intérêts, outre celle de 5.000 francs pour résistance abusive et 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle expose que les défendeurs l'avaient chargée de vendre un appartement sis [adresse], qu'elle a trouvé un acquéreur qui a signé une promesse de vente le 22 janvier 1999, mais que les consorts X. Y. ont refusé de ratifier la vente, lui faisant perdre sa commission sur la vente d'un montant de 40.000 francs.
Monsieur X. et Madame Y. s'opposent à l'ensemble des demandes formées contre eux, faisant valoir que le mandat exclusif de vente qu'ils ont conclu avec la SARL SEGEVIMMO serait nul, car d'une part, il aurait été conclu au domicile des défendeurs, et donc soumis à la loi sur le démarchage à domicile dont les dispositions d'ordre public auraient été violées en l'espèce, et d'autre part, il recèlerait une condition potestative, une clause précisant que les biens devront être vendus au prix maximum de 440.000 francs.
Ils soutiennent qu'en outre, la demanderesse n'a pas respecté ses obligations contractuelles, ne leur ayant pas proposé d'offre d'achat avant le 13 janvier 1999, soit près d'un an après la conclusion du mandat de vente, ne leur ayant pas fourni dans les huit jours de la signature de l'acquéreur le reçu prévu au contrat et enfin ayant prévu un dépôt de garantie inférieur à 10 % au prix de vente, qui de plus n'a pas été versé au séquestre.
Ils précisent qu'ils ont refusé l'offre présentée par leur mandataire en janvier 1999, car le prix proposé était de 380.000 francs net vendeur, alors qu'ils désiraient la somme de 400.000 francs net vendeurs, et que s'ils n'ont pas de preuve tangible de cette proposition orale, ils considèrent que le fait que le dépôt de garantie prévu dans la promesse de vente du 22 janvier 1999, d'un montant de 42.000 francs, correspondant à 10 % d'un prix de vente, commission incluse, égal à 420.000 francs établit que le prix de vente était bien de 380.000 francs net vendeurs.
Ils se portent reconventionnellement demandeurs de la condamnation de la SARL SEGEVIMMO à leur payer 30.000 francs à titre de dommages et intérêts pour sa mauvaise foi, outre 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SARL SEGEVIMMO rétorque, premièrement, que la preuve n'est pas rapportée que le contrat a bien été signé au domicile des vendeurs et fait valoir qu'en tout état de cause un formulaire détachable de rétractation figure au bas dudit mandat, et que deuxièmement, il n'y aurait aucune condition potestative, le prix de vente devant être de 440.000 francs minimum et maximum.
Elle considère avoir rempli ses obligations, ayant prévenu rapidement les vendeurs de la signature d'une promesse de vente, et ne leur ayant pas fourni le reçu, celui-ci ne devant être remis qu'à la conclusion de la vente.
[minute page 3] Elle ajoute que le dépôt de garantie peut être inférieur à 10 % du prix de vente, ce chiffre n'étant qu'un maximum à ne pas dépasser, et que les défendeurs ne rapportent aucunement la preuve de ce que le prix de vente proposé dans la promesse signée le 22 janvier 1999 était de 380.000 francs net vendeurs, puisque le prix figurant dans cette promesse est de 440.000 francs, commission incluse.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI, LE TRIBUNAL :
Sur la nullité du contrat de mandat :
Attendu que les contrats de mandat immobilier conclus suite à un démarchage à domicile doivent répondre au formalisme exigé tant par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 relative aux conditions d'exercice des activités relatives à la vente d'immeuble, que par les articles L. 121-23 du Code de la Consommation, à peine de nullité ;
Qu'en cas de nullité du mandat, le mandataire ne peut prétendre à aucune rémunération où dommages et intérêts si l'acte prévu au contrat ne se réalise pas du fait des mandants ;
Qu'en l'espèce, Monsieur X. et Madame Y. ont chargé la SARL SEGEVIMMO par contrat du 13 juillet 1998, de vendre un appartement leur appartenant sis [adresse] ;
Que ce contrat est intitulé « contrat exclusif de vente (en cas de démarchage à domicile) » ; qu'y figure au bas de la première page un formulaire détachable de rétraction, et au dos, la reproduction des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la Consommation relatifs au démarchage à domicile ;
Que la simple lecture de ce contrat établit qu'il s'agit d'un contrat de mandat immobilier conclu à la suite d'un démarchage à domicile ;
Attendu que l'article L. 121-23 du Code de la Consommation dispose que le contrat conclu à la suite d'un démarchage à domicile doit comporter le nom du démarcheur, l'adresse du lieu de conclusion du contrat ainsi que les conditions d'exécution du contrat ;
Qu'en l'espèce, le nom du démarcheur n'apparaît pas sur le contrat conclu entre les parties ; que la case relative à la mention de l'adresse de conclusion du contrat est vide ;
Que les conditions d'exécution du contrat sont indéterminées, seul un prix maximum de vente étant indiqué et aucun prix minimum n'étant indiqué ;
Qu'en violant ainsi des dispositions prescrites à peine de nullité, le contrat de mandat de vente conclu entre Monsieur X. et Madame Y. et la SARL SEGEVIMMO le 13 juillet 1998 doit être déclaré nul ;
Qu'en conséquence, la SARL SEGEVIMMO ne pouvant prétendre à aucun dommages et intérêts pour non réalisation de la vente sera déboutée de sa demande principale ;
[minute page 4] Que les autres moyens soulevés par les défendeurs au soutien de leur demande en nullité ou non respect des obligations contractuelles par le mandataire, surabondants, ne seront pas examinés ;
Sur les dommages et intérêts demandés par la SARL SEGEVIMMO :
Attendu que la demanderesse, qui succombe sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts :
Attendu qu'en vertu de l'article 1382 du Code civil, tout responsable d'un dommage sera condamné à le réparer, sous réserve que la victime prouve une faute, un lien de causalité et un préjudice ;
Que le droit d'agir en justice est un droit fondamental ne dégénérant en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ;
Que Monsieur X. et Madame Y. n'établissent pas la mauvaise foi de la SARL SEGEVIMMO, leur allégation selon laquelle le prix fixé dans la promesse de vente signée le 22 janvier 1998 aurait été inférieur au prix initialement fixé ne reposant sur aucune preuve tangible, la somme demandée au titre du dépôt de garantie pouvant être inférieure à 10 % du prix de vente, plafond maximum prévu au contrat ;
Qu'au surplus les défendeurs n'établissent pas la réalité d'un préjudice quelconque causé par l'attitude de la société demanderesse ;
Qu'ils seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts tant pour mauvaise foi que procédure abusive ;
Sur l'exécution provisoire, l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :
Attendu qu'aucune condamnation n'étant prononcée au principal, il n'y a lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;
Que la SARL SEGEVIMMO qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer aux défendeurs la somme de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, son action en justice les ayant contraint à engager des frais irrépétibles et déboutée de sa propre demande sur ce même article ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Déclare nul le contrat de mandat de vente conclu entre Monsieur X. et Madame Y. et la SARL SEGEVIMMO le 13 juillet 1998,
[minute page 5] En conséquence, déboute la SARL SEGEVIMMO de ses demandes en dommages et intérêts,
Déboute Monsieur X. et Madame Y. de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
Condamne la SARL SEGEVIMMO à payer à Monsieur X. et Madame Y. la somme de 3.000 francs (trois mille francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La condamne aux dépens.
Jugement ainsi fait et prononcé le 11 mai 2000.
Et ont signé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT