CA NANCY (2e ch. civ.), 15 janvier 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 1475
CA NANCY (2e ch. civ.), 15 janvier 2009 : RG n° 06/00830 ; arrêt n° 137/2009
Extrait : « Le contrat du 18 mai 1995 étant un contrat de crédit utilisable par fractions, il est donc soumis aux dispositions de l'article L. 311-9 et, par suite, aurait dû donner lieu, de la part de la Sedef, à une information des emprunteurs, trois mois avant chaque échéance annuelle, soit le 18 février de chaque année à partir du 18 février 1996, des conditions de sa reconduction, ce qu'elle n'a pas fait. La sanction de ce défaut d'information est, en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en exécution du contrat reconduit.
Cependant, aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque du contrat, « les actions engagées devant [le tribunal d'instance] doivent être formées dans les deux ans de l'événement gui leur a donné naissance à peine de forclusion ». S'agissant d'un délai de forclusion, le délai biennal est applicable non seulement aux actions engagées en exécution du contrat, mais également aux exceptions opposées à ces actions. Il en résulte que le moyen du défaut d'information des conditions de reconduction annuelle du contrat est atteint par la forclusion biennale de l'article L. 311-37, pour les défauts d'information depuis plus de deux ans avant qu'ils aient été relevés.
Par ailleurs, en application de l'article L. 313-16 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 311-9 sont d'ordre public. Il s'agit cependant d'un ordre public de protection, qui ne peut être invoqué que par celui que ces dispositions ont pour objet de protéger. De ce fait, elles ne peuvent être soulevées d'office par le juge. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 15 JANVIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/00830. ARRÊT N° 137/09. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de Verdun, R.G. n° 11-04-000405, en date du 20 février 2006,
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse]
appelants, représentés par la SCP Leinster, Wisniewski & Mouton, avoués à la Cour
INTIMÉE :
SNC Société européenne de développement et de financement (SEDEF)
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sis [adresse], représentée par Maître Grétéré, avoué à la Cour, assistée de Maître BOUVIER, avocat au barreau de Nancy
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 novembre 2008, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Merle, Président, Monsieur Magnin, Conseiller, Monsieur Chopin, Conseiller, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Isabelle Grasser ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 15 janvier 2009 ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 15 janvier 2009, par Monsieur Merle, président, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Merle, Président, et par Madame Grasser, greffier présent lors du prononcé ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant offre du 17 mai 1995 acceptée le 18, M. X. et Mme Y., son épouse, ont contracté auprès de la SNC Société européenne de développement et de financement (la Sedef) un crédit d'un montant de 43.000 francs utilisable par fractions, assorti d'un plafond maximum de 80.000 francs, au taux effectif global de 12,18 %, amortissable en 48 mensualités.
Des échéances n'ayant pas été honorées, la Sedef a notifié aux époux X. la déchéance du terme.
Par acte du 22 septembre 2004, la Sedef a fait assigner les époux X. devant le tribunal d'instance de Verdun, en paiement de la somme de 5.781,77 euros, outre intérêts et accessoires.
Par jugement du 20 février 2006, le tribunal d'instance de Verdun a condamné solidairement les époux X. à payer à la Sedef :
- la somme de 3.163,35 euros, avec intérêts légaux à compter du 17 mai 2004, au titre du crédit,
- la somme de 10 euros, avec intérêts légaux à compter du 22 septembre 2004, au titre de la clause pénale.
Le tribunal a en outre rejeté la demande des époux X. en délais de paiement et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les époux X. ont interjeté appel de ce jugement le 22 mars 2006.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans ses dernières écritures du 24 décembre 2007, les époux X. concluent à l'infirmation du jugement et au rejet des demandes de la Sedef.
Ils font valoir que c'est à tort que le premier juge a estimé que la Sedef avait constaté la déchéance du terme, car ils avaient antérieurement procédé au règlement des arriérés qui leur étaient réclamés, en exécution d'un accord qui avait été conclu.
A titre subsidiaire, ils concluent à la déchéance des intérêts, la Sedef ne justifiant pas les avoir informés annuellement des conditions de renouvellement du crédit. A l'intimée qui leur oppose la forclusion biennale, ils répondent que celle-ci ne peut faire échec à l'examen de la régularité de l'offre préalable et y faire obstacle.
Ils poursuivent en soutenant que la réduction de la clause pénale à laquelle a procédé le premier juge est justifiée par le caractère manifestement excessif de la somme réclamée par la Sedef.
Enfin, ils demandent des délais de paiement en raison de leur situation financière, ainsi que la condamnation de la Sedef à leur payer la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
****
Dans ses dernières écritures du 24 mai 2008, la SNC Société européenne de développement et de financement conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation solidaire des époux X. au paiement de la somme de 5.781,77 euros, avec intérêts conventionnels de 12,70 % à compter du 19 avril 2004, au titre du solde du crédit. Elle demande [minute page 3] également le rejet des demandes des époux X. et leur condamnation au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 (sic), ainsi qu'en tous les dépens, lesquels comprendront le coût de la sommation de payer, le coût du procès-verbal du 25 mai 2004, le coût de la signification en banque du 28 mai 2004 et le coût de la requête en injonction de payer.
Elle soutient n'avoir pas renoncé au bénéfice de la déchéance du terme et, d'ailleurs, les époux X. sont incapables de rapporter la preuve des prétendus accords dont ils se prévalent.
Elle prétend ensuite que le premier juge ne pouvait pas soulever d'office le moyen tiré du défaut d'information annuelle du renouvellement de l'offre de crédit, pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, soutenant que, de surcroît, les époux X. étaient forclos pour le faire. Les intérêts sont donc bien dus, de même que la clause pénale.
Enfin, il ne saurait être question s'allouer aux époux X. de quelconques délais de paiement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la déchéance du terme :
Selon les stipulations du contrat du 18 mai 1995, toute inexécution de l'une des clauses, et notamment le non-paiement d'une échéance, entraîne la déchéance du bénéfice du terme, si bon semble au prêteur, huit jours après la constatation de l'inexécution.
Ayant constaté que les époux X. n'honoraient plus leurs échéances, la Sedef les a informés, le 19 avril 2004, qu'elle appliquait la clause d'exigibilité prévue au contrat et les mettait en demeure de régler la totalité de la somme représentant le solde du prêt.
Les époux X. font état d'un accord, mais l'accord qui a été conclu le 25 mai 2004 ne contient pas renonciation par la Sedef au bénéfice de la déchéance du terme prononcée le 19 avril 2004, et comporte au contraire la reconnaissance par les époux X. qu'ils restent devoir la somme de 7.123,24 euros, l'engagement par eux de la régler par mensualités de 400 euros et une autorisation de prélèvement sur leur compte bancaire.
La Sedef est donc fondée à poursuivre le paiement de la totalité du solde du crédit.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
Aux termes de l'article L. 311-9 du code de la consommation, « lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'offre préalable précise que la durée du contrat est limitée à un an renouvelable et que le prêteur devra indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat [...] ».
Le contrat du 18 mai 1995 étant un contrat de crédit utilisable par fractions, il est donc soumis aux dispositions de l'article L. 311-9 et, par suite, aurait dû donner lieu, de la part de la Sedef, à une information des emprunteurs, trois mois avant chaque échéance annuelle, soit le 18 février de chaque année à partir du 18 février 1996, des conditions de sa reconduction, ce qu'elle n'a pas fait. La sanction de ce défaut d'information est, en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées en exécution du contrat reconduit.
[minute page 4] Cependant, aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'époque du contrat, « les actions engagées devant [le tribunal d'instance] doivent être formées dans les deux ans de l'événement gui leur a donné naissance à peine de forclusion ». S'agissant d'un délai de forclusion, le délai biennal est applicable non seulement aux actions engagées en exécution du contrat, mais également aux exceptions opposées à ces actions.
Il en résulte que le moyen du défaut d'information des conditions de reconduction annuelle du contrat est atteint par la forclusion biennale de l'article L. 311-37, pour les défauts d'information depuis plus de deux ans avant qu'ils aient été relevés.
Par ailleurs, en application de l'article L. 313-16 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 311-9 sont d'ordre public. Il s'agit cependant d'un ordre public de protection, qui ne peut être invoqué que par celui que ces dispositions ont pour objet de protéger. De ce fait, elles ne peuvent être soulevées d'office par le juge.
M. X. n'a fait valoir le moyen tiré du défaut d'information des conditions de reconduction annuelle du contrat que par ses conclusions devant la cour du 11 juillet 2006. Par suite, la déchéance du terme ayant été acquise le 19 avril 2004, soit plus de deux ans avant les conclusions du 11 juillet 2006, tous les défauts d'information annuelle sont couverts par la forclusion de deux ans de l'article L. 311-37.
Il s'ensuit que la déchéance du droit aux intérêts de l'article L. 311-33 n'est pas encourue.
Sur le montant de la créance :
Dans l'accord du 25 mai 2004, les époux X. ont reconnu devoir la somme de 7.123,24 euros, qu'ils se sont engagés à payer par mensualités de 400 euros. Ils ne contestent pas que, par suite des règlements effectués, la somme restant due s'élève à la somme de 5.781,77 euros, actuellement réclamée par la Sedef.
Les intérêts dus sont ceux au taux conventionnel de 12,70 % pour la somme restant due au titre du prêt, et au taux légal pour l'indemnité de 8 % due à titre de clause pénale, laquelle s'élève, selon le décompte au jour de la déchéance du terme du 19 avril 2004, à la somme de 480,14 euros, qui n'est pas manifestement excessive. Les intérêts au taux conventionnels sont donc dus sur la somme de 5.781,77 - 480,14 = 5.301,63 euros. Ces intérêts sont dus à compter de la mise en demeure du 19 avril 2004.
Sur les délais de paiement :
Aux termes de l'article 1244-1 du Code civil, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ».
Les époux X. affirment percevoir un revenu mensuel de 2.600 euros et devoir payer, outre leurs dépenses quotidiennes de nourriture, d'habillement, etc., un loyer de 600 euros, des impôts de 130 et 140 euros, la somme de 600 euros à Maître C., huissier de justice, un prélèvement de 112 euros au profit de Franfinance et « rembourser d'autres créanciers », sans plus de précision.
Cependant, ils ne justifient pas de leurs revenus réels, ni d'ailleurs d'aucune de leurs prétendues charges, si ce n'est par la copie d'une requête en surendettement dont ils sont eux-mêmes les rédacteurs. Autant dire qu'ils ne justifient d'aucune de leurs affirmations.
[minute page 5] Par ailleurs, force est de constater qu'ils n'ont effectué auprès de la Sedef aucun règlement depuis l'assignation du 22 septembre 2004, soit depuis plus de quatre ans, alors qu'ils s'étaient engagés le 25 mai 2004 à des règlements mensuels de 400 euros.
Il n'y a donc pas lieu de leur accorder des délais de paiement qu'ils se sont eux-mêmes déjà octroyés.
Sur les frais et dépens :
Les époux X., qui succombent à l'instance, devront en supporter les dépens et indemniser la Sedef de ses frais de procédure. Il convient donc d'allouer à cette dernière la somme de 1.000 euros à ce titre.
Pour le même motif, les époux X. seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, qui ne comprendront, outre les frais de l'instance proprement dite, que le coût de la sommation de payer du 17 mai 2004 et le coût du procès-verbal du 25 mai 2004. Le coût de la signification en banque du 28 mai 2004 ne saurait entrer dans les dépens, ayant été faite à la diligence des époux X., et aucune procédure d'injonction de payer n'a été diligentée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION DE LA COUR :
En conséquence, la cour d'appel de Nancy (deuxième chambre civile), Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du 20 février 2006 ;
Condamne solidairement les époux X. à payer à la SNC Sedef :
- la somme de 5.301,63 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 12,70 % à compter du 19 avril 2004, en remboursement du crédit consenti en exécution du contrat du 18 mai 1995,
- la somme de 480,14 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2004, à titre de clause pénale ;
Déboute les époux X. de leur demande en délais de paiement ;
Condamne les époux X. à payer à la SNC Sedef la somme de 1.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les époux X. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les époux X. aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront le coût de la sommation de payer du 17 mai 2004 et le coût du procès verbal du 25 mai 2004, et ce avec possibilité de recouvrement direct par Maître Thierry Grétéré, avoué, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'arrêt a été prononcé à l'audience du quinze janvier deux mille neuf par Monsieur Merle, président de la deuxième chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile, assisté de Madame Grasser, greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.
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