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CA NANCY (1re ch. civ.), 12 septembre 2006

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 12 septembre 2006
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 03/03360
Décision : 2021/06
Date : 12/09/2006
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 18/12/2003
Décision antérieure : TGI BRIEY, 13 novembre 2003
Numéro de la décision : 2021
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1518

CA NANCY (1re ch. civ.), 12 septembre 2006 : RG n° 03/03360 ; arrêt n° 2021/06

 

Extraits : 1/ « Le notaire qui a reçu l'acte authentique de prêt du 7 août 1991 y a notamment annexé la demande d'adhésion de Monsieur X. à l'assurance de groupe souscrite par le Crédit Agricole pour couvrir les risques de décès, d'invalidité et d'incapacité temporaire totale de l'emprunteur. Cette demande d'adhésion, datée du 4 mai 1991 et signée par Monsieur X. énonce que son signataire certifie que le prêteur lui a remis un exemplaire des conditions générales de l'assurance collective. L'acte précise que l'opération est régie par les conditions générales portant la référence CG ADI 90. En considération de ces éléments, les appelants, qui ne démontrent pas l'inexactitude de la mention susvisée, soutiennent en vain que les conditions générales ADI 90 n'ont pas été remises à Monsieur X. au moment où il a demandé son adhésion à l'assurance groupe ».

2/ « Dans les conditions générales ADI 90 l'invalidité permanente et absolue, le risque d'invalidité totale et définitive n'ayant pas été inclus dans le champ de la garantie, est définie comme étant l'état d'un assuré lorsque sont réunies cumulativement les trois conditions suivantes : - l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, - […], - […].  […]. Par contre, il résulte également de l'expertise que si Monsieur X. était à compter du 14 janvier 1996 inapte à tout travail manuel, son état ne lui interdisait pas de se livrer à des activités n'impliquant pas des manipulations répétitives. Par conséquent, et quelque soient les décisions arrêtées par les organismes de sécurité sociale, non opposables à la CNP, l'état de santé de Monsieur X. ne le plaçait pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ARRÊT N° 2021/06 DU 12 SEPTEMBRE 2006. Numéro d'inscription au répertoire général : 03/03360. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BRIEY, R.G. n° 03/00164, en date du 13 novembre 2003.

 

APPELANTS :

- Monsieur X.

le [date] à [ville], demeurant [adresse]

- Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

représentés par la SCP MILLOT-LOGIER - FONTAINE, avoués à la Cour

 

INTIMÉES :

- CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE

dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour, assistée de Maître LACROIX, avocat au barreau de BRIEY, substitué par Maître LIME, avocat au barreau de NANCY

- CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE ASSURANCES

dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour assistée de Maître LEFEBVRE, avocat au barreau de BRIEY

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, et Madame Pascale TOMASINI, Conseiller, chargés du rapport,

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, en son rapport, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller,

ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 12 SEPTEMBRE 2006, date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur Guy DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB, greffier présent lors du prononcé ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Parallèlement à un emprunt de 250.000 Francs contracté par les époux X. le 7 août 1991 auprès de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Lorraine (le Crédit Agricole), Monsieur X., alors peintre en bâtiment, a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par la banque auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) pour couvrir les risques de décès, d'incapacité totale de travail et d'invalidité permanente et absolue de l'emprunteur. Souffrant d'une épicondylite, Monsieur X. a été mis en arrêt de travail le 29 novembre 1991 puis reconnu en état d'invalidité à compter du 30 juin 1996 par les organismes d'assurance sociale.

Rendus destinataires le 11 décembre 1996 d'un commandement aux fins de saisie immobilière, Monsieur et Madame X., par acte du 11 décembre 1996 ont formé opposition et ont fait assigner le Crédit Agricole devant le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de BRIEY qui, par décision d'incompétence du 24 juillet 1997, a désigné le Tribunal de Grande Instance pour connaître du litige. Entre temps, le 14 janvier 1997, la CNP, estimant que Monsieur X. est redevenu apte à l'exercice d'une activité professionnelle, a fait connaître son refus de garantir le sinistre pour la période postérieure au 6 février 1996. C'est dans ces conditions que par acte du 12 janvier 1998 Monsieur et Madame X. ont fait attraire la CNP dans la procédure d'opposition à commandement pour obtenir la condamnation de l'assureur à prendre en charge les échéances du prêt. Le 22 octobre 1998 le tribunal a ordonné une expertise médicale, et Madame A., l'expert commis, a déposé son rapport le 15 avril 1999.

A la demande du Crédit Agricole, le juge de la mise en état a donné mainlevée du commandement aux fins de saisie immobilière par ordonnance du 15 février 2000. Puis, par jugement du 16 mars 2000, le tribunal, estimant qu'il a été mis fin au litige, a ordonné la radiation de la procédure.

Faisant valoir qu'il n'a pas été statué sur leur demande incidente, Monsieur et Madame X., par actes des 17 et 29 janvier 2003 ont fait assigner la CNP pour obtenir sa condamnation, par un jugement à déclarer commun au Crédit Agricole, à prendre en charge l'intégralité des sommes dues au titre du prêt.

[minute page 3] La CNP a opposé la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale et a soutenu à titre subsidiaire que les conditions de la garantie ne sont pas réunies.

Par jugement du 13 novembre 2003 le tribunal a déclaré les époux X. irrecevables en leurs demandes et les a condamnés à payer à la CNP une somme de 800 € au titre des frais non compris dans les dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a énoncé que la radiation prononcée dans le cadre de la première procédure a laissé persister l'instance si bien qu'il appartenait à Monsieur et Madame X. de procéder non pas par voie d'assignation mais par voie de reprise d'instance.

Monsieur et Madame X. ont interjeté appel par déclaration du 18 décembre 2003.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 28 novembre 2005, Monsieur et Madame X. demandent à la Cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de condamner la CNP à prendre en charge toutes les sommes dues au titre du prêt et de déclarer l'arrêt commun au Crédit Agricole. Ils demandent à être indemnisés par la CNP à hauteur de 2.000 € de leurs frais irrépétibles de procédure.

Les appelants font valoir qu'ils ont pu valablement rétablir l'affaire radiée par voie d'assignation dès lors que l'instance, non éteinte, n'a jamais été déclarée périmée. Ils considèrent que le délai de prescription biennale a été interrompu le 15 janvier 1997, date de désignation d'un expert et en déduisent que même en prenant pour point de départ le 11 décembre 1996, comme le soutient à tort la CNP, l'assignation du 12 janvier 1998 a été délivrée avant l'expiration du délai de prescription et continue de produire son effet interruptif dès lors qu'aucune décision n'a mis fin au litige.

Sur le fond, les appelants font grief à l'expert d'avoir considéré Monsieur X. apte à l'exercice d'une activité de gardiennage ou de surveillance tout en relevant que tout travail manuel lui est interdit. Ils maintiennent que les conditions de la garantie invalidité permanente et [minute page 4] absolue sont réunies, précisant que les deux tentatives de reprise de travail se sont soldées par un échec.

Ils ajoutent que la CNP, qui ne produit pas la notice qui est censée avoir été remise à l'emprunteur, n'est pas en droit d'opposer la définition contractuelle de l'état d'invalidité.

Par ses écritures dernières, notifiées et déposées le 11 janvier 2006, la CNP conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement au rejet des demandes des appelants. Elle réclame une somme de 2.000 € en remboursement de ses frais irrépétibles de procédure, tant de première instance que d'appel.

La CNP soutient que le délai de prescription de deux ans a commencé à courir le 11 décembre 1996, date à laquelle le Crédit Agricole a entrepris contre les époux X. une procédure de recouvrement. Elle considère que l'assignation du 12 janvier 1998 a perdu son effet interruptif dès lors que l'instance qu'elle était destinée à introduire doit être considérée comme éteinte par péremption, aucune diligence n'ayant été accomplie postérieurement à la décision de radiation du 16 mars 2000.

Sur le fond, la CNP réplique d'une part que l'expert a caractérisé la capacité de Monsieur X. à se livrer à certaines activités professionnelles et d'autre part que les décisions prises par les organismes de sécurité sociale lui sont inopposables.

Elle ajoute que les garanties sont à présent expirées, Monsieur X. ayant atteint l'âge de 60 ans le 14 mars 2000. Enfin, la CNP réplique qu'en signant le bulletin individuel d'adhésion, Monsieur X. a déclaré avoir pris connaissance des conditions du contrat d'assurance, ajoutant que la remise de la notice incombe au seul souscripteur, qui est l'organisme prêteur.

Par ses dernières conclusions, notifiées le 10 mai 2005 et déposées le 13 mai 2005, le Crédit Agricole indique s'en remettre à prudence de justice.

L'instruction a été déclarée close le 16 mars 2006.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte des productions que l'affaire portée devant le Tribunal de Grande Instance de BRIEY sur décision d'incompétence du juge de l'exécution, affaire qui tendait d'une part et principalement à obtenir la mainlevée du commandement de saisie et d'autre part, incidemment à la mise en oeuvre de l'assurance de groupe, a été radiée par jugement du 16 mars 2000.

Il ressort de façon non équivoque des assignations des 17 et 29 janvier 2003 que par ces actes, Monsieur et Madame X. ont entendu faire rétablir l'affaire au rôle pour faire statuer le tribunal sur la demande qu'ils avaient dirigée contre la CNP. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le fait d'avoir sollicité le rétablissement de l'affaire par le dépôt de nouveaux actes introductifs d'instance n'était pas de nature à rendre leur demande irrecevable et du reste aucune fin de non recevoir fondée sur ce motif n'avait été soulevée par les parties devant le tribunal.

Il résulte des articles 387 et 388 du Nouveau Code de Procédure Civile que si la péremption d'instance est de droit, encore faut-il qu'elle soit demandée ou opposée par voie d'exception avant tout autre moyen. Or en première instance, la CNP, dans ses écritures du 10 juin 2003, a conclu en premier lieu sur la prescription biennale. Sur ce point, c'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas constaté la péremption d'instance, laquelle ne peut être opposée pour la première fois en appel.

En matière d'assurance de groupe souscrite par un établissement de crédit et à laquelle adhère un emprunteur pour la couverture de risques pouvant avoir une incidence sur le remboursement de l'emprunt, la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur, telle qu'elle est édictée par l'article L 114-1 alinéa 1er du Code des Assurances, ne commence à courir qu'à compter du premier des deux événements suivants soit le refus de garantie de l'assureur, soit la demande en paiement de l'établissement de crédit.

En l'espèce, le premier de ces événements qui s'est trouvé réalisé est la procédure d'exécution forcée initiée par le Crédit Agricole par la délivrance le 11 décembre 1996 du commandement aux fins de saisie immobilière.

[minute page 6] L'intervention forcée de la CNP a été formée le 12 janvier 1998, avant l'expiration de la prescription biennale. Cette citation en justice a interrompu la prescription et son effet interruptif a persisté jusqu'à la délivrance de l'assignation du 17 janvier 2003, dès lors que d'une part le litige n'avait pas été tranché, et que d'autre part l'instance n'avait pas été déclarée périmée. La fin de non recevoir tirée de la prescription biennale doit donc être écartée.

Le notaire qui a reçu l'acte authentique de prêt du 7 août 1991 y a notamment annexé la demande d'adhésion de Monsieur X. à l'assurance de groupe souscrite par le Crédit Agricole pour couvrir les risques de décès, d'invalidité et d'incapacité temporaire totale de l'emprunteur. Cette demande d'adhésion, datée du 4 mai 1991 et signée par Monsieur X. énonce que son signataire certifie que le prêteur lui a remis un exemplaire des conditions générales de l'assurance collective. L'acte précise que l'opération est régie par les conditions générales portant la référence CG ADI 90. En considération de ces éléments, les appelants, qui ne démontrent pas l'inexactitude de la mention susvisée, soutiennent en vain que les conditions générales ADI 90 n'ont pas été remises à Monsieur X. au moment où il a demandé son adhésion à l'assurance groupe.

Cette demande, qui a été acceptée, concernait les risques de décès, d'invalidité permanente et absolue et d'incapacité temporaire totale. Étant rappelé que la CNP, au titre de la garantie incapacité temporaire totale, a pris en charge le paiement de certaines des échéances de remboursement, force est de constater qu'à présent Monsieur et Madame X., pour obtenir que le prêt soit soldé par l'assureur, invoquent la réalisation du risque invalidité absolue. Dans les conditions générales ADI 90 l'invalidité permanente et absolue, le risque d'invalidité totale et définitive n'ayant pas été inclus dans le champ de la garantie, est définie comme étant l'état d'un assuré lorsque sont réunies cumulativement les trois conditions suivantes :

- l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,

- elle le met définitivement dans l'obligation de recourir de façon constante à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie,

- la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite de couverture stipulé aux conditions particulières (60 ans).

[minute page 7] La CNP ne fait porter sa contestation que sur la première et la troisième condition, qu'elle considère non réunies. La condition d'âge est certes remplie. Il ressort en effet de l'expertise que la consolidation de l'état de Monsieur X. remonte au 14 janvier 1996. L'état d'invalidité invoqué par l'assuré, né le 14 mars 1940, existait donc avant qu'il ait atteint l'âge de 60 ans.

Par contre, il résulte également de l'expertise que si Monsieur X. était à compter du 14 janvier 1996 inapte à tout travail manuel, son état ne lui interdisait pas de se livrer à des activités n'impliquant pas des manipulations répétitives. Par conséquent, et quelque soient les décisions arrêtées par les organismes de sécurité sociale, non opposables à la CNP, l'état de santé de Monsieur X. ne le plaçait pas dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée. Les appelants seront donc déboutés de leurs prétentions. Même s'ils doivent supporter les dépens, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau :

Déclare les demandes de Monsieur et Madame X. recevables ;

Les déboute de leurs prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Déclare l'arrêt commun à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine ;

Condamne Monsieur et Madame X. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués associés à la Cour, un droit de recouvrement direct

[minute page 8] dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé : L. CHOUIEB.-            Signé : G. DORY.

Minute en huit pages.