CA NANCY (2e ch. civ.), 22 septembre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1543
CA NANCY (2e ch. civ.), 22 septembre 2005 : RG n° 97/01167 ; arrêt n° 1173/05
Extrait : « Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE SOFINCO a manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son devoir de conseil et de renseignement en ne remettant pas de notice aux époux Y., en ne les conseillant pas dans les démarches à suivre et en n'intervenant pas auprès de l'assureur pour garantir le règlement des échéances du prêt ; Attendu que ces manquements de la part de la BANQUE SOFINCO ont eu pour conséquence de priver les époux Y. du bénéfice de la garantie prévue au contrat de prêt, alors qu'aucun incident de paiement des primes d'assurance n'a été enregistré avant le 15 août 1994 ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 97/01167. Arrêt n° 1173/05.
APPELANTE :
SA BANQUE SOFINCO
au capital de […] dont le siège est [adresse], immatriculée au RCS de PARIS sous le n° [...], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, Suivant déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour d'Appel de NANCY le 21 avril 1997 d'un jugement rendu le 18 décembre 1996 (N° RG 11-95-00491) par le Tribunal d'Instance de LONGWY, Comparant et procédant par le ministère de Maître GRÉTÉRÉ, son avoué constitué, Plaidant par Maître JAQUET, Avocat à la Cour
INTIMÉE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Comparant et procédant par le ministère de la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, ses avoués associés constitués,
[minute page 2]
DÉBATS : Sans opposition des Conseils des parties en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, La cause a été débattue à l'audience publique du 02 mai 2005, devant Monsieur MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, assisté de Madame DEANA, Greffier Divisionnaire, Maître JAQUET, Avocat de l'appelante, assisté de Maître GRETERE, avoué, ayant été entendu, La SCP BONET LEINSTER WISNIEWSKI, Avoués associés, ayant lu ses conclusions et déposé son dossier pour Madame X. épouse Y.,
Le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 30 mai 2005, Monsieur MAGNIN, Conseiller, a fait rapport à ladite Chambre de la Cour composée de lui-même, de Monsieur MERLE, Président et de Monsieur RUFF, Conseiller, Après rapport, il a été délibéré de la cause par les Magistrats susdits.
A l'audience publique du 30 mai 2005, le Président a annoncé que le prononcé de l'arrêt était reporté à l'audience publique du 30 juin 2005, A l'audience publique du 30 juin 2005, le Président a annoncé que le prononcé de l'arrêt était reporté à l'audience publique du 22 septembre 2005, Et, à l'audience publique de ce jour, 22 septembre 2005, la Cour a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
Le 7 juillet 1991, les époux Y. ont accepté l'offre préalable de prêt d'un montant de 100.000 francs (15.244,90 euros) au taux de 14,46% remboursable en 48 mensualités consentie par la BANQUE SOFINCO.
Le 23 janvier 1995, la BANQUE SOFINCO a mis en demeure les époux Y. d'apurer leur passif.
Par exploit du 2 novembre 1995, la BANQUE SOFINCO a fait assigner les époux Y. devant le Tribunal d'Instance de LONGWY en paiement des sommes suivantes :
- 7.095,85 euros au titre du prêt, outre intérêts,
- 533,57 euros à titre de dommages et intérêts,
- 457,35 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Les époux Y. ont formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts en exposant que la BANQUE SOFINCO avait commis des fautes en ne les informant ni des conditions de forme de la déclaration ni du délai de forclusion et en ne transmettant pas la demande de garantie à la compagnie d'assurance.
Par jugement contradictoire du 18 décembre 1996, le Tribunal d'Instance de LONGWY a débouté la BANQUE SOFINCO de ses demandes et a débouté les époux Y. de leur demande reconventionnelle.
La BANQUE SOFINCO a relevé appel de ce jugement.
Le décès de Monsieur Y. étant survenu le 6 mars 1997, l'instance a été interrompue à son égard, l'appel se poursuivant vis-à-vis des autres parties, suivant ordonnance rendue le 27 juin 2000 par le Conseiller de la mise en état.
L'affaire a été clôturée le 6 décembre 2001.
Par arrêt du 24 janvier 2002, la Cour d'Appel de NANCY a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à expliciter leurs écritures respectives en rapport avec le litige faisant l'objet de l'instance enrôlée sous le n° 97001167.
Les parties ont conclu à nouveau et l'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2005.
[minute page 4] Dans ses conclusions déposées et signifiées le 8 juin 2004, la BANQUE SOFINCO formule les demandes suivantes :
- infirmer le jugement déféré,
- dire que le premier juge ne pouvait soulever d'office l'irrégularité de l'offre en application de l'article L. 311-12 du Code de la consommation,
- dire que les emprunteurs étaient forclos à s'en prévaloir,
- condamner Madame Y. à payer à la BANQUE SOFINCO la somme de 7.095,85 euros à titre principal, outre intérêts au taux contractuel à compter de la demande,
- la condamner au paiement de la somme de 457,35 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 600 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- débouter Madame Y. de l'ensemble de ses demandes.
Dans ses conclusions déposées et signifiées le 20 octobre 2004, Madame Y. née X. conclut comme suit :
- mettre hors de cause Madame Y.,
- confirmer la décision déférée,
- subsidiairement,
- dire que Madame Y. ne peut être tenue que pour la moitié des sommes dues,
- condamner la BANQUE SOFINCO à lui verser des dommages et intérêts du montant de la condamnation prononcée contre la partie intimée,
- débouter la BANQUE SOFINCO de toutes ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 457,35 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu qu'au soutien de son appel, la BANQUE SOFINCO fait valoir que le premier juge ne pouvait soulever d'office l'irrégularité de l'offre préalable de prêt au regard des dispositions de l'article L 311-12 du Code de la consommation, et qu'en tout état de cause, les emprunteurs étaient forclos pour soulever ce moyen ;
Qu'en outre elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard des emprunteurs et qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information et de conseil ;
* * *
Attendu qu'il y a lieu de relever qu'en première instance les époux Y. [minute page 5] n'ont pas invoqué l'irrégularité de l'offre préalable de prêt mais ont opposé à la BANQUE SOFINCO l'inexécution de ses obligations contractuelles et notamment le non-respect par elle de son obligation d'information et de conseil ;
Que de même, devant la Cour, Madame Y. oppose aux demandes de la BANQUE SOFINCO, non pas l'irrégularité de l'offre préalable de prêt, mais le non-respect par l'organisme de crédit de ses obligations contractuelles et notamment celles d'information et de conseil ;
Qu'il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation tel que soulevé par la BANQUE SOFINCO ;
Qu'il convient en conséquence de rechercher, ainsi que l'a fait le premier juge, si la BANQUE SOFINCO a ou non méconnu ses obligations contractuelles afin d'apprécier le bien fondé de sa demande en paiement dirigée contre Madame Y. ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur et Madame Y. ont accepté et signé le 7 juillet 1991, respectivement en qualité d'emprunteur et de co-emprunteur, l'offre préalable de prêt du 5 juin 1991 faite par la BANQUE SOFINCO d'un montant de 100.000 francs au taux annuel de 14,46% d'une durée de 48 mois ;
Que dans le cadre de cette offre de prêt, Monsieur Y. a demandé à adhérer à l'assurance collective et à l'assistance collective souscrite auprès de l'UAP et de FSIA dont les résumés sont annexés à l'offre ;
Que cette offre de prêt comporte une clause de déchéance du terme en cas d'inexécution par l'emprunteur de l'une des clauses du contrat ;
Qu'ainsi Madame Y. est intervenue à cette offre de fait non pas en qualité de caution mais en qualité de co-emprunteuse aux côtés de son mari, étant précisé de surcroît que cette offre comporte une clause de déchéance du terme dont la mise en oeuvre a été portée à la connaissance de Monsieur et Madame Y. ainsi qu'il ressort des mises en demeure du 23 janvier 1995 et de la sommation de payer du 27 février 1995 ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de mettre hors de cause Madame Y. ;
[minute page 6] Attendu, cela étant, qu'aux termes des dispositions des articles L. 311-12 du Code de la consommation et L. 140-4 du Code des assurances, le souscripteur est tenu de remettre à chaque adhérent une notice d'information détaillée définissant les garanties prévues au contrat et les formalités à accomplir en cas de sinistre ;
Que le souscripteur est tenu envers l'assuré d'une obligation d'information et de conseil ;
Qu'en outre, il lui incombe de rapporter la preuve de la remise de la notice à l'assuré ;
Attendu qu'en l'espèce, il est indiqué dans l'offre préalable de prêt signée par les époux Y. sous le titre « Adhésion à l'assurance facultative » que l'emprunteur (Monsieur Y.) demande à adhérer à l'assurance collective et à l'assistance collective souscrites auprès de l'UAP et de F.S.I.A. « dont les résumés sont annexés à cette offre » ;
Or attendu qu'aucune autre indication ne figure dans l'offre préalable de prêt quant au contenu et à l'étendue de cette annexe ;
Qu'en première instance, les époux Y. avaient fait valoir qu'ils n'avaient reçu ni la notice ni aucun autre document contractuel lors de l'établissement du prêt ;
Qu'il ressort des pièces de la procédure de première instance que le juge du Tribunal d'Instance de Longwy a informé le conseil de chacune des parties, le 19 juillet 1996, que par mention au dossier, il avait demandé aux époux Y. de produire la lettre du 21 juin 1994 de la BANQUE SOFINCO et qu'ils invoquaient dans leurs conclusions la lettre dans laquelle la BANQUE SOFINCO les informait de son refus de prise en charge au titre de l'assurance compte tenu du dépassement du délai de forclusion
Que les époux Y. ont satisfait à cette injonction en versant le document ci-dessus aux débats ;
Que par notes adressées aux conseils des parties le 30 octobre 1996, le juge du Tribunal d'Instance de Longwy ayant relevé qu'il manquait d'informations pour donner une solution au litige, a invité la BANQUE SOFINCO à répondre à diverses questions, notamment sur la remise de la notice d'assurance et autres documents relatifs à l'assurance, et ce, avant le 21 novembre 1996 ;
[minute page 7] Que dans son jugement du 18 décembre 1996, le tribunal a relevé que la BANQUE SOFINCO n'avait pas produit cette notice et n'avait pas répondu aux questions posées par le tribunal en cours de délibéré ;
Qu'à hauteur d'appel, et dans le cadre de l'instance similaire n° 97001166, la BANQUE SOFINCO a versé aux débats un exemplaire vierge d'offre préalable de prêt mentionnant l'adhésion à l'assurance collective et à l'assistance collective souscrite auprès de l'UAP et de la F.S.I.A. ;
Que pour autant, la BANQUE SOFINCO n'apparaît pas davantage en mesure de verser aux débats la notice d'information relative à l'assurance souscrite lors de la signature de l'offre de prêt le 7 juillet 1991 ;
Que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a relevé que la BANQUE SOFINCO ne rapportait pas la preuve de la remise de cette notice ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la BANQUE SOFINCO, celle-ci a été dûment informée de l'état de santé de Monsieur Y. dans les délais prescrits ;
Qu'il a justifié en son temps s'être trouvé en arrêt de travail, situation qu'il a notifiée à l'ensemble des organismes bancaires auprès desquels il avait souscrit un emprunt ;
Qu'ainsi qu'il en est justifié, l'ensemble des autres prêts souscrits par les époux Y. ont été pris en charge par les assurances (notamment G.A.N., U.A.P., ...) au titre de la garantie incapacité de travail ;
Attendu, s'agissant de la forclusion invoquée par la BANQUE SOFINCO dans son courrier du 21 juin 1994, qu'il n'est nullement justifié par l'organisme de crédit que le délai de 180 jours qu'elle invoque ait été porté à la connaissance des emprunteurs ;
Que de surcroît, ce délai expirait en avril 1994 alors que l'assuré a adressé son certificat médical avant cette date ;
Qu'au demeurant, la BANQUE SOFINCO ne justifie pas avoir transmis la demande de Monsieur Y. à l'assureur, pas plus qu'elle ne justifie s'être vu opposer un refus de prise en charge par ce dernier ;
Qu'à bon droit le premier juge a retenu que si aucune notice rappelant le délai de forclusion n'avait été remise aux époux Y., il appartenait à la BANQUE SOFINCO d'agir contre l'assureur afin que celui-ci garantisse le remboursement du prêt ;
[minute page 8] Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE SOFINCO a manqué à ses obligations contractuelles et notamment à son devoir de conseil et de renseignement en ne remettant pas de notice aux époux Y., en ne les conseillant pas dans les démarches à suivre et en n'intervenant pas auprès de l'assureur pour garantir le règlement des échéances du prêt ;
Attendu que ces manquements de la part de la BANQUE SOFINCO ont eu pour conséquence de priver les époux Y. du bénéfice de la garantie prévue au contrat de prêt, alors qu'aucun incident de paiement des primes d'assurance n'a été enregistré avant le 15 août 1994 ;
Qu'il ne peut être sérieusement discuté que si l'assurance souscrite par Monsieur Y. avait été mise en oeuvre, les échéances du prêt auraient été régulièrement couvertes et qu'à ce jour, il ne serait rien réclamé à Madame Y. ;
Que si cette dernière n'a certes pas souscrit une assurance, il n'est pas justifié par l'organisme de crédit qu'elle ait été informée des risques qu'elle pouvait alors encourir à ne pas souscrire elle-même de contrat d'assurance, pas plus d'ailleurs qu'il n'est justifié que Madame Y. aurait renoncé à souscrire une assurance ;
Attendu dans ces conditions que c'est à bon droit que le premier juge a décidé que la BANQUE SOFINCO devait prendre en charge la garantie que les époux Y. n'ont pu faire jouer par sa faute, et ce, à titre de réparation de leur préjudice, et l'a débouté de toutes ses demandes ;
Attendu en outre que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a débouté les époux Y. de leur demande reconventionnelle ;
Attendu qu'il y a donc lieu de débouter la BANQUE SOFINCO de son appel et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'équité ne commande nullement qu'il soit fait en la cause application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Attendu que la BANQUE SOFINCO succombant en son appel en supportera les entiers dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,
[minute page 9] Déclare recevable mais mal fondé l'appel de la SA BANQUE SOFINCO ;
L'en déboute ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la SA BANQUE SOFINCO aux entiers dépens d'appel et autorise la société civile professionnelle d'avoués BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI à faire application de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du vingt deux septembre deux mil cinq, par Monsieur MAGNIN, Conseiller faisant fonction de Président, en application des dispositions de l'article 452 du nouveau code de procédure civile, assisté de Madame DEANA, Greffier divisionnaire.
Et, Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.